Re: Nous étions deux et n’avions qu’un cœur
ce message a été posté Ven 3 Oct 2014 - 9:11
Lundi 05 septembre 2022, dans les environs de 20h.Gustav était parti il y a un peu plus d'une demi-heure. Pour la première fois depuis qu'il avait commencé à travailler à la boutique en juillet, il avait fait une journée complète. Même s'il ne s'occupait pas des bijoux en eux-mêmes, il était très organisé et efficace. Aujourd'hui, il avait passé en revu tous mes stocks et avait commencé à commander une partie de ce qu'il manquait. Il avait géré pas mal de paperasses aussi, ce qui m'avait permis d'avancer plus rapidement dans la confection des bijoux ou la taille des pierres.
Ce n'était par contre pas la première fois qu'il faisait plus d'heures que son contrat ne le stipulait. Bizarrement, ça avait commencé quand je lui avais parlé du départ de Zak pour plusieurs mois. Est-ce qu'il faisait ça intentionnellement pour me permettre de passer plus de temps avec lui ? Se doutait-il de quelque chose ? Ou simplement s'était-il dit que je voudrais passer plus de temps avec mon « ami » – puisqu'il savait au moins que nous étions proches ? Je n'en avais aucune idée, à vrai dire, mais ça m'arrangeait bien – et puis il était payé en conséquence, bien entendu.
Mon ventre se tordit d'appréhension à la pensée du départ de plus en plus proche de mon amant. Quatre mois ou plus, c'était long. Surtout que nous n'aurions quasiment aucun moyen de communication, puisque je n'aurais aucune idée de sa localisation à mesure des semaines... Il n'était pas encore parti mais je sentais déjà que le manque allait être immense et douloureux. Sans parler des risques. Impossible de ne pas m'inquiéter et la perspective de cette peur au ventre constante ne me réjouissait pas non plus.
Je me passai une main sur le visage en soupirant et relevai la tête de la pierre que j'étais en train de tailler. Mes yeux se posèrent naturellement sur la tatouage à mon poignet, en cours de cicatrisation. C'était la seule chose qui me permettait de ne pas lui dire : « N'y va pas. Reste ici. Je t'en supplie. » Ça et le fait que je savais pertinemment que si la situation avait été inversée, j'aurais sans doute accepté aussi. C'était notre devoir. C'était la faction. Ça expliquait tout, malgré l'angoisse qui grandissait chaque jour un peu plus dans ma poitrine.
Je me passai une main dans les cheveux pour chasser ces pensées ô combien improductives.
J'avais besoin de combien de pierres pour ce collier, déjà ? Cinq ? Peut-être Sept ? Pris d'un doute, je me relevai et entreprit de faire craquer mon dos en m'étirant à moitié en chemin. Je poussai du pied la porte qui menait à l'avant-salle, présentement dans la pénombre puisque la boutique était fermée depuis bien quarante-cinq minutes. Je sortis ma baguette et lançai un
Lumos pour éclairer mon chemin jusqu'au comptoir. Je farfouillai un instant dans les tiroirs pour trouver le bon de commande qui répondrait à ma question et....
« AH. Trouvé. » Un sourire satisfait aux lèvres, je relevai le parchemin plus haut et lus les spécificités à la lueur de la baguette.
Soudain, mes yeux furent attirés par quelque chose, plus en arrière dans mon champ de vision, par un léger mouvement à l'extérieur de ma boutique. Je fronçai les sourcils pour tenter de distinguer à quoi ressemblait la personne à travers la grille que j'avais descendue peu après le départ de Gustav. Je me figeai quand je reconnus Loïs Lang. Que faisait-elle là à cette heure tardive ? Surtout depuis le temps que je ne l'avais plus croisée...
La dernière fois que j'avais été en contact avec elle datait de lorsqu'elle m'avait réglé les alliances par hibou, sans jamais venir les récupérer. Je lui avais envoyé un autre courrier pour l'inciter à venir les chercher, mais je n'avais jamais eu de réponse. Je l'avais croisée quelques fois depuis mais elle avait toujours fini par m'éviter. J'avais donc enfermé les deux bijoux dans mon coffre-fort, en attendant... je ne savais quoi.
Il semblait que ce « je ne savais quoi » était venu.
Sans attendre, je posai le parchemin sur le comptoir, refermai le tiroir et passai de l'autre côté. Tout en me dirigeant vers la porte, je murmurai un
Nox qui éteignit la lueur. Je déverrouillai ensuite la porte rapidement, et, à l'aide d'un sort, je fis remonter la grille. Elle grinça pendant quelque instant. Quelque instant qui me permirent de réfléchir à comment réagir. Qui lui permettraient sûrement de rassembler son courage. Car j'imaginais facilement que ce devait être une épreuve pour elle, même plus d'un an après
cette tragédie.
Un petit sourire aimable aux lèvres, je dis d'un voix douce, pour ne pas la brusquer :
« Bonsoir Miss Lang. » Je n'étais pas certain de ce qu'il convenait de faire dans cette situation, vu que je la connaissais peu et que le contexte était particulier, mais j'osais tout de même un :
« Vous voulez entrer ? » en m'écartant légèrement pour lui montrer qu'elle était la bienvenue malgré la fermeture de la boutique. Il me suffirait de lancer une ou deux boules de lumière au plafond pour éclairer les lieux.