C'était sans doute la première fois que l'anniversaire de Billius était si joyeux. La famille Smith, pour qui cet évènement avait visiblement de l'importance, avait tout fait pour accomplir un repas pour le moins réussi... Le MacAllister, ému de tant d'attention, avait à peine pu se contenir... Heureusement, Leah l'aidait toujours à ne pas tomber dans un sentimentalisme ridicule, en lui servant de parfaites occasions pour nuancer les remerciements de façon personnalisée.
Du temps où il soufflait les bougies chez ses parents biologiques, la tradition se voulait très austère. Il avait le droit à un gâteau, à des dizaines de compliments, mais au double de remontrances sur sa future conduite, ses devoirs de sang pur. Les cadeaux étaient toujours des plus luxueux : toujours plus pour montrer aux autres la prospérité de son nom, que pour lui faire plaisir. Ainsi, il avait eu des bijoux extravaguant et horriblement lourds, valant une petite fortune, plutôt que le Nimbus dont il rêvait, et autres déceptions du même genre... Finalement, ces signes distinctifs lui avaient servis, le jour où il s'était enfuis, pour se payer sa liberté - comme quoi, il n'y attachait pas grande valeur sentimentale.

Après un repas plus que conséquent dans sa nouvelle maison, donc, les adolescents furent invités à aller se détendre dans leur chambre, histoire de terminer la soirée tranquillement, sur des jeux de bons enfants... Mais Billius n'était pas décidé à clore l'arrivée de sa majorité par une dégustation tranquille de patacitrouilles, même s'il s'y prêta volontiers dans un premier temps, blaguant avec la fine équipe que constituaient ses amis. Même la compagnie de la sœur de Dylan lui sembla plus supportable qu'à l'accoutumée, surement parce qu'elle avait été briefée pour faire des efforts en ce jour de fête. Ils discuteront ainsi jusqu'à ce que le couvre-feu soit largement dépassé pour leur âge, et que le 25 mars ait laissé place au 26, sous un ciel étoilé.
Quand les filles furent couchées - Siobhan était venue passer cet évènement avec eux, et dormais dans la chambre de Leah pour l'occasion - l'adolescent se tourna vers son compère de toujours, qui venait de se glisser sous les draps en pyjama, obéissant aux souhaits de bonne nuit de son oncle.

- Hey Dylan ? Demanda l'ancien Serdaigle, en n'atteignant pas la lumière d'un coup de baguette, comme à son habitude, les yeux grands ouverts et plein d'excitation. Si on sortait ?

C'était une idée un peu folle, légèrement risquée sans doute, également. Mais Vilnius n'avait pas sommeil. Il s'assit dans son lit, pour observer son compagnon, avec plus d'intensité. Son regard avait pris la teinte bleue pétillante qui présageait les ennuis... Dylan avait surement appris à la reconnaître, depuis le temps maintenant qu'ils se côtoyaient.

- Tu t'rappelles l'endroit dont nous a parlé James l'autre fois, en cours de Potions ? La Boite de Pandore, sur le port ? Demanda-t-il, sur un ton qui se voulait totalement rhétorique. On y va.

Cette fois-ci, il ne prenait même plus la peine de feindre d'attendre une approbation. C'était un fait, et il l'appuya en se remettant debout, bien décidé. Ils partaient. Il n'y avait plus qu'à enfiler des tenues appropriées. Il sourit à son meilleur ami, mi-moqueur mi-rassurant. Billius pouvait sentir venir les contre-arguments du jeune Smith, probablement apeuré par la perspective. Il ne lui laissa pas le temps de protester.

- Allez, James a dit qu'il y avait plein de filles là-bas ! Si on rentre discrètement par la fenêtre dans quelques heures, personne ne saura qu'on est parti... Même pas Siobhan et Leah. Il était évident qu'ils devraient garder ça pour eux, ou la gente féminine de leur fine équipe en ferait des gorges chaudes. Mais après tout, il fallait bien parfois qu'ils se fassent des trucs entre mecs. Dépêche-toi, sinon je dis à June Miller que t'en pinces pour elle...

Et oui, parfois, Billius aimait taquiner son ami, et il n'avait aucun scrupules - surement une facette de son caractère qui lui était resté après avoir passé tant de temps à sévir avec les héritiers. June était surement la fille de l'institut qui avait les manies les plus étranges. La plupart du temps, sa coiffure ressemblait à la coupe qu'une explosion de pimentine avait provoqué sur le crâne de Rodolf Sherwood, et elle ponctuait ses phrases d'incantations étranges et sans aucun sens. Billius la trouvait très drôle, même si les étudiants la trouvaient effrayante, pour la plupart. Et il se plaisait déjà à imaginer la tête de Dylan, si elle venait lui avouer que ses sentiments fictifs étaient partagés.

Billius connaissait bien son ami, et il s'amusait plus qu'autre chose de ses craintes, persuadé qu'il avait plus peur de réellement s'amuser que d'autre chose. Comment prendre au sérieux les doutes de quelqu'un qui s'enfuit même devant le salut d'une fille aux bonnes intentions ? Ainsi, le MacAllister souriait de toutes ses dents, avançant d'autant plus vite que Dylan geignait à ses côtés. Les théories du poufsouffle n'étaient pas dénuées de logique... Mais Billius les considérait comme un risque qui valait de coup d'être tenté.
Il avait dix-sept ans, des rêves plein la tête, enrobés d'une malicieuse envie de débordement, et il lui semblait que rien ne pouvait plus l'arrêter. L'adolescence ne dictait pas les mêmes comportements à tous les sorciers : certains se sentait pousser des ailes, et une envie d'indépendance à toutes épreuves de force, tandis que d'autres, mal à l'aise dans leur corps grandissant, tentait désespérément de se raccrocher à des schémas connus et rassurants de l'enfance.

- Parce que tu crois p't'être que ton oncle a jamais fait le mur quand il était plus jeune ? Ce n'était pas vraiment une question. Même si imaginer Zacharias dans cette position était plutôt drôle, il ne faisait aucun doute, en y réfléchissant, que l'homme avait du faire quelques folies de ce genre dans sa jeunesse. J'aurais du emmener Leah, elle aurait moins râlé que toi ! Ajouta-t-il, pour se moquer de son acolyte.

C'était une insulte cuisante, car Leah passait son temps à se plaindre en permanence, et le MacAllister ne l'avait jamais connu autrement. Mais il savait, néanmoins, qu'elle avait sans doute plus de courage que son jumeau, et qu'elle n'hésitait pas à prendre des mesures drastiques, pour avoir ce qu'elle voulait. Bien sur, par contre, elle n'aurait jamais accepté de sortir avec celui qu'elle considérait comme une plaie au quotidien, et qu'elle ne pouvait déjà pas supporter dans sa maison, même en y étant forcée. Évidemment, Dylan ne pouvait pas croire une seconde que son ami aurait pu préférer son double féminin à lui.
Néanmoins, Dylan soulevait une question intéressante : le Serdaigle ne savait pas du tout où il se dirigeait, ses informations n'allant pas plus loin que la direction des quais. Cela ne l'inquiétait pas finalement, pas plus que de se faire aborder par un type aux allures bizarre en pleine milieu de la nuit. Complètement inconscient, Billius se sentit d'humeur à écarter dans son esprit toute idée de menace, et l'accueillir avec un sourire enthousiaste.

- On cherche la Boite de Pandore, confirma le MacAllister, sans hésitation. Son assurance sembla plaire à l'ivrogne, qui commença à pouffer, avant que son rire ne se transforme en toux rugueuse. Vous connaissez ?
- Pour sur ! Répliqua l'homme, en jetant soudain des regards alentours, comme pour vérifier qu'il n'avait pas de témoin.

La scène aurait pu paraître effrayante, et Billius pouvait facilement imaginer l'expression de son camarade, qui s'obstinait à se coller à lui... Mais il était trop déterminé pour partager son appréhension. Pour avoir trainer quelques temps dans la rue avant que Dylan ne lui vienne en aide, il avait développé une sorte de sixième sens, pour percevoir les mauvaises intentions. Celui-là, au pire, songeait surement à essayer de les arnaquer, en le refourguant une substance louche et illicite - ce que Billius n'était pas prêt de croire.
L'alcool n'était pas très bon conseillé, et encore moins un booster de neurones, il fallut quelques secondes pour que le sorcier se décide à aller plus loin dans sa réflexion.

- Au bout d'la rue, à gauche, grogna-t-il, en haussant les épaules. Il venait de remarquer, semblait-il, une ombre qui lui paraissait plus importante, dans l'autre direction. Et comme les gens qui n'ont plus toute leur tête le font souvent, il oublia jusqu'à leur présence pour partir dans cette nouvelle quête qui le fascinait, sans demander son reste, ni même un remerciement.
- Tu vois, c'est pas si compliqué ! Déclara Billius à son ami, d'un air triomphant. On va pouvoir mettre le feu à la piste ! Ajouta-t-il comme s'il n'avait rien écouté des protestations de Dylan jusque là, juste pour le titiller.

Au pire, le Smith aurait bien été capable de suivre ce programme à la lettre, en enflamment littéralement l'endroit d'un sort mal placé... Sa maladresse n'était plus à prouver. Billius, en vérité, n'était guère plus doué naturellement pour le dancefloor, mais il se moquait d'avoir l'air ridicule, et son assurance compensait ses piètres talents de danseur, qu'il n'avait que peu expérimenté à Poudlard.
Bientôt, des lettres scintillantes leur indiquèrent l'entrée de la boite, lumière mouvante dans la nuit : enchantements ou créatures volantes, qui s'animaient à leur passage ? Le jeune homme n'aurait su le dire, mais il les suivit, ne prenant plus la peine de vérifier même que Dylan le suivait en se retournant... D'une part ils étaient allés trop loin pour que le Smith décide de faire demi-tour seul à présent, et d'autre part, il l'entendait encore ronchonner près de lui, comme une discrète musique d'ambiance mal choisie.
Restait un obstacle avant la soirée de leur vie : les videurs.

Le regard déjà rivé sur ce qu'il entrapercevait à l'intérieur, derrière le videur, Billius n'écouta qu'à demi l'argumentation de son camarade avec ce dernier. Il entendait la musique, sourde, il voyait les lumières s'agiter... Ils allaient passer une excellente soirée, sans nul doute ! Il sortit ses papiers d'identité sous la demande, comme s'il ne s'attendait à rien de plus naturel, faisant fi des difficultés que rencontrait Dylan à convaincre son interlocuteur de les laisser entrer. Ils allaient passer de toute façon : ils étaient majeurs, et la curiosité du MacAllister aurait été jusqu'à le pousser à rentrer à la dérobée, s'il l'avait fallu.

- Philéus, ok ok, répondit-il d'un air absent, tandis qu'il se glissait dans le passage dégagé. Il oublia instantanément l'information, pour profiter de l'atmosphère dans laquelle ils s'immisçaient maintenant. Adulte, adulte. La fierté seule de pouvoir profiter désormais de cette reconnaissance suffisait presque à rendre cette nuit incroyablement belle à ses yeux. Merci Dylan.... Allez suis-moi !

Il n'était pas certain que son ami puisse l'entendre avec le volume sonore, mais ses gestes étaient assez explicites pour que le poufsouffle ne s'y trompe pas.... Et le Smith allait surement le suivre comme son ombre, de peur de se perdre, de toute manière. La boite de Pandore était bien plus grande à l'intérieur qu'elle ne le paraissait à l'extérieur... Un peu comme ces tentes magiques, que l'on pouvait se procurer rue de Traverse, et qui contenait plus de 6 pièces, sous un simple tipi moldu.
Le jeune homme n'était pas déçu du voyage... Après avoir tant entendu parler des soirées de ses connaissances plus âgées, il pouvait enfin participer, faire partie entièrement de ce monde libre auquel il avait aspiré - du moins, avec toute l'innocence et l'utopie de ses rêves d'adolescent.

- REGARDE ! Y'A DES SEPTIEMES ANNEES, LA BAS ! Hurla-t-il dans les tympans de son meilleur pote, en se penchant suffisamment pour être certain d'être écouté. Il désigna d'un mouvement de Menton les trois filles qui se déhanchaient sur la piste, faussement ignorante des regards qui s'attardaient sur elle. ON VA LEUR PARLER ?

Ce n'était pas vraiment une demande, à vrai dire, car il n'espérait pas de réponse positive de la part d'un timide comme Dylan, qui aurait feint de ne pas les remarquer, s'il ne lui avait pas mis l'évidence de leur présence sous le nez. A force de les regarder, il fallait bien avouer que Billius lui-même se sentait un peu bête. Elles étaient plus vieilles, belles, et leur assurance transpirait clairement sur leur mini-jupes de sorcières. En gros, ils n'avaient probablement aucune chance de retenir leur attention, encore moins d'obtenir une danse... Au mieux, elles les salueraient peut-être quand elles les croiseraient à l'institut, après les avoir vu dans un lieu branché... Ca suffisait à valoir le coup, non ?
Alors qu'il prenait son courage d'une main, et le poignet de Dylan de l'autre, pour se diriger vers les demoiselles, quelqu'un l'arrêta en lui attrapant l'épaule. Billius se retourna, surpris, pour se trouver face à un compagnon qui l'avait hébergé, non sans compensation financière, lorsqu'il s'était retrouvé à la rue, après la bataille de Poudlard.

- Tiens, MacAllister ! Ca fait un moment qu'on a pas croisé dans l'allée des Embrumes ! Annonça d'emblée l'inopportun, que l'ancien Serdaigle dévisagea avec méfiance. Bien sur, il l'avait aidé, mais jamais sans contrepartie, finalement. Avec les Smith, il avait réellement compris cette évidence, qu'il croyait auparavant normale. Tu t'es fait d'nouveaux potes, à c'que j'vois...

Il observa Dylan, de la tête au pieds, avec une moue légèrement méprisante. Billius baissé la tête, une fraction de seconde, comme si les reproches sous entendus le faisait se sentir vraiment coupable... Mais il releva presque immédiatement le menton, réalisant qu'il valait désormais bien mieux que ces affaires louches auxquelles il s'était plié, par nécessité.

- Ouais, on est venu fêter mon anniversaire... Hé ! Commença-t-il, avant de se faire bousculer par un danseur qui ne tenait visiblement pas très bien sur ses jambes. Il l'écarta, avec peut-être plus de forces qu'il n'en fallait pour le renvoyer au centre de la piste.
- Ton anniv ? Répéta son ancien partenaire de galère, avec une mine réellement surprise, qu'il chassa bien vite pour retrouver son air plus mystérieux. T'aurais pu m'prévenir... Laisse-moi vous payer un verre alors ! A ta nouvelle vie !

Billius questionna Dylan du regard... C'était bien difficile de refuser. Pouvait-il faire confiance à Joey Turner ? Après tout, ce n'était pas pour rien qu'il avait été soulagé de la proposition de Dylan de venir loger chez lui. Le foyer que lui avait offert son ainé de Serdaigle était tombé à point quand il en avait eu besoin, mais il ne s'était pas révélé d'une convivialité idéale.
Mais bon, ce n'était qu'un coup à boire, qu'avait-il à craindre de ça ?