Teagan, est-ce que vous pourriez jeter un coup d’œil au patient de la chambre d’à côté, je pense qu’il a besoin de … Teagan, pourriez-vous aller me chercher des… Teagan, le Médicomage Pastern a demandé après vous, il est … Teagan, il faut que vous alliez … Teagan par-ci, Teagan par-là, Kaprice n’en finissait plus de courir d’un bout à l’autre de Sainte Mangouste. Le crayon qu’elle avait mis dans ses cheveux pour les retenir ne cessait de glisser, l’obligeant souvent à débouler en plein milieu d’un couloir, les cheveux au vent, ou plutôt emmêlés et dans tous les sens, un crayon entre les dents en train de courir après une feuille, une potion, une personne qui s’était échappée de sa chambre, ce genre de choses. Loin de tenter de lutter ou de résister pour rester à flots, elle se laissait porter par ce tourbillon infini de demandes, d’interventions qui rythmaient sa journée à une cadence effrénée. Ce qui était pour le mieux étant donné que cela l’empêchait de trop réfléchir à ce qui se passait. Ses pauses étaient écourtées, de sorte qu’elle évitait les questions de camarades « au courant ». Cependant, ne pas prendre le temps de respirer n’était pas nécessairement une bonne idée quand vous passiez vos journées à vous occuper de la santé des autres. D’abord, parce que vous ne donniez pas le bon exemple, ce dont elle se fichait éperdument à l’heure actuelle, certes. Mai surtout parce que cela diminuait votre efficacité ainsi que votre capacité à tout encaisser sans broncher. Comme par exemple : C’est bon, Kaprice, tu peux retourner aider Thrumps qui … Vous voilà, Nott… TEAGAN !

La voix de la jeune femme avait retenti dans le couloir, faisant se figer toutes les personnes s’y trouvant. Le vieux Médicomage lui faisant face leva un sourcil poli en considérant la brunette, le souffle court, qui lui lançait un regard noir, incapable de se contrôler. Elle ouvrait la bouche pour l’incendier quand une de ses camarades s’avança pour lui poser la main sur le bras. Elle allait se dégager quand elle capta le message implicite que celle-ci essayait de lui faire passer : ce n’était pas une bonne idée. A cheval sur les bonnes manières et les traditions, ce vieux bougre n’en était pas moins extrêmement respecté et il était dangereux de se le mettre à dos. L’ex-Gryffondor ravala la salve d’insultes qui lui brûlait les lèvres et baissa les yeux : J’arrive, monsieur. Elle lui emboîta le pas sans plus de commentaires, consciente que tout le monde l’observait. Elle n’avait pas pu s’en empêcher. Le temps que tout le monde se souvenait de son patronyme officiel, tout allait bien, mais dès que quelqu’un dérapait, on la ramenait brutalement sur Terre et à la dure réalité et cela ne se passait pas bien du tout. D’ailleurs, elle fut lamentable avec le dernier patient et on lui dit qu’elle ferait mieux de rentrer chez elle. Loin de protester, la jeune femme raccrocha sa blouse rapidement et la troqua contre une veste légère avant de quitter l’établissement.

Elle eut la surprise de constater que la nuit était tombée depuis quelques temps. En ce milieu d’été, cela signifiait donc qu’elle avait dépassé de beaucoup le quota d’heures qu’elle était censée effectuer. Ses mains tremblaient et elle dut les caler dans les poches de son pantalon et s’enjoindre de respirer calmement. Rentrer chez elle … Le nez sur les pavés londoniens, elle se rendit compte qu’elle n’en avait pas vraiment envie. Sa folle de colocataire serait sans doute en « charmante » compagnie et elle préférait franchement éviter de supporter les sons émanant de sa chambre toute la nuit. Elle pourrait aller chez Aoden … non. Non, franchement, elle n’en avait pas envie. Elle savait qu’il risquait de ramener ses parents sur le tapis et elle n’était pas encore prête à leur faire face. Vivre dans le déni n’était pas une bonne chose mais elle le préférait pour l’instant amplement au reste. Elle avait trop de choses à digérer, la liste s’allongeait de jour en jour et, le temps qu’elle n’avait pas trouvé comment s’en sortir, elle ne voulait pas en rajouter. Un léger soupir s’échappa de ses lèvres. Elle allait simplement traîner jusqu’à ce qu’elle soit trop fatigué et décide que son lit serait la meilleure option, puisqu’elle s’endormirait dès que sa tête aurait touché l’oreiller.

Ses pas la menèrent hors de la partie sorcière de Londres. Faire une rencontre inattendue ne la tentait pas vraiment. Débrancher son cerveau ne fut qu’une formalité et elle se contenta d’avancer. Longtemps sans le moindre doute. Puisque lorsqu’elle refit surface, elle se trouvait devant la Tamise. Le port. Bien. Elle était loin de la maison, au moins, et de tout ce qui pourrait la faire penser à … au reste. Jetant un coup d’œil alentour, elle constata qu’elle n’était pas seule : une forme bougeait, un peu plus loin. Fronçant les sourcils, elle allait s’en approcher quand la douce voix éraillée de la personne l’informa qu’il s’agissait sans le moindre doute d’un vieillard un peu alcoolisé. Voire beaucoup. Elle tourna prestement les talons pour longer les hangars désaffectés et s’éloigner du charmant personnage. La nuit était de plus en plus sombre. Peut-être allait-elle finir par l’avaler ?

Well tonight out on the streets I'm gonna follow you
And tell you all about a scene that you would kill for
You're gonna love what's burning right in front of you
But you won't see it by the light of the sun


« Mais qu’est-ce qu’elle fiche à la fin ? » souffla Nicodem en la voyant tourner les talons une fois de plus.

Il avait passé de longues heures à l’attendre dans le froid de cette soirée humide, dans un recoin sombre qui jouxtait Sainte-Mangouste. Et en la voyant enfin sortir de là et marcher droit devant, il s’était tout naturellement figuré qu’elle rentrerait chez elle. Il avait l’adresse. Rapidement pourtant, force lui avait été de constater que la direction empruntée par la brunette n’était pas celle de son appartement. Peut-être quelque chose à faire, quelqu’un à voir ? Au départ il ne s’était pas trop posé de questions, plutôt accaparé par l’idée qu’il n’aimait pas cet imprévu et que c’était agaçant que cela ne se déroule pas du tout comme il l’avait minutieusement planifié. D’abord elle sortait de l’hôpital en retard, maintenant, de toute évidence elle marchait dans les rues au hasard, et lui qui s’était cassé les puffapods à organiser une sortie discrète et le moins compromettante possible se retrouvait à zoner dans les rues bizarres de Londres comme un pervers.

D’abord, il lui en avait un peu voulu de contrarier ses plans alors qu’il se mettait délibérément en danger pour la voir. Puis simplement, il avait réalisé qu’en somme, sang-pure ou pas, elle n’avait pas changée d’un pouce et qu’il aurait du s’en douter. Elle était restée cette petite Gryffondor imprévisible, impossible à cadrer et aux motivations floues. Mais avec des seins beaucoup plus gros et une démarche dont il était difficile de se lasser. Ca, c’était nouveau par contre. Lui, ses souvenirs lui dépeignaient une petite peste de 14 ans. C’était comme ça qu’elle était à l’époque où ils s’étaient vraiment connus, et lorsqu’il avait entendu prononcer son nom au hasard il y a deux ou trois semaines, c’est cette image adolescente qui avait automatiquement popée dans son crâne. Mais son souvenir d’elle n’était plus guère qu’un souvenir, et il ne perdait pas non plus de vue que beaucoup d’années les séparaient de cette époque, et les séparaient tous les deux. Elle était restée cette petite Gryffondor imprévisible, et il était resté cet idiot-intelligent de Serdaigle. Et en même temps, tout avait changé. Tout. Surtout eux.

Qui était-elle aujourd’hui ? Il avait connu les fondements, mais de quelle manière s’était-elle élevée depuis ? Quel chemin avait-elle prit ? Qu’est-ce qui se passait dans sa tête ?
Il s’était surpris à espérer qu’il s’y passe les mêmes choses que dans la sienne.

A Poudlard déjà, il avait trouvé avec elle un terrain d’entente qu’il n’avait jamais réussi à trouver avec qui que ce soit d’autre. C’était juste arrivé, un peu comme ça. Pourquoi elle ? Aucune idée. Ils n’avaient rien en commun. Du moins l’avait cru durant des années. Depuis trois semaines environ, il commençait à se demander si en réalité, cette connivence entre eux n’était pas née d’une similitude qu’ils ignoraient encore à l’époque, mais qu’ils avaient pressentie d’une manière ou d’une autre.

C’était forcément ça car la coïncidence était trop énorme pour ne posséder aucun sens caché. L’unique personne avec qui il s’était plus ou moins bien entendu durant ses études se révélait être une bâtarde de sang-pur, et par le père en plus, exactement comme lui. C’était un sujet pas mal prisé ces temps-ci, chez les glousseuses amatrices de potins juteux. C’est en écoutant quelques bonnes femmes discuter devant lui dans la file pour le ravitaillement qu’il l’avait entendu. Du coup il s’était mit à discuter avec elles pour en savoir plus. A part essayer de se faire inviter dans un Pub, elles ne lui avaient rien appris d’intéressant. Du moins, pas ce qu’il souhaitait réellement savoir. Et il voulait en savoir des choses. Depuis combien de temps savait-elle ? Pourquoi rester du côté Phénix si elle n’appartenait finalement pas à leur monde ? Peut-être aurait-elle des réponses que lui n’avait pas.
Voilà pourquoi il avait tant tergiversé à l’idée de sortir du cocon rassurant de Pré-au-Lard pour venir la voir. La curiosité l’avait pourtant fait céder, comme toujours. Voilà pourquoi il en était réduit à suivre les jeunes filles dans les rues citadines, drapé de noir et dans l’anonymat qui convenait à tout fugitif qui se respect.

Il avait initialement prévu de l’aborder à un endroit bien précis et tranquille entre l’hôpital et son appartement,  mais comme elle avait prit une route totalement différente, il hésitait un peu sur la manière de s’y prendre. Il redoutait surtout sa réaction. Si elle gobait les histoires Phénix, elle pouvait tout aussi bien sortir sa baguette et essayer de l’arrêter pour le livrer aux Aurors…

Du coup, c’est baguette en main, dissimulée dans sa manche qu’il se décida enfin. Comme il la suivait et qu’elle venait de rebrousser chemin, c’est face à elle qu’il décida de sortir de l’ombre. Il la laissa marcher vers lui quelques instants, le temps qu’elle s’aperçoive qu’il y avait quelqu’un devant elle aussi, et une fois qu’il la vit sursauter, il ôta son capuchon pour révéler son identité et lever une main devant elle pour l’enjoindre de ne pas se sauver ou quelque chose de stupide dans ce goût.

« Attend ! C’est moi. Hem Nicodem » précisa-t-il, au cas où « M’attaque pas d’accord ? »  

S’était-elle assez perdue ? Pas encore suffisamment à son goût. C’était pourtant une question qu’on était en droit de se poser, considérant qu’elle se trouvait ni plus ni mois sur les quais peu accueillants du port de Londres, en compagnie d’un charmant ivrogne qui lui poussait la sérénade, bien loin de son lit douillet qui aurait pourtant été ravi de l’accueillir à bras ouverts. Ce n’était pas assez. Ce nom ne cessait de résonner en elle, autour d’elle, remplissant l’espace, se frayant un chemin jusqu’à ses oreilles et s’y glissant presque amoureusement pour venir tourner en boucle dans son crâne. Nott. Non … Qu’ils aillent au diable ! Nott, c’était cette peste arrogante dont Heath s’était entiché pendant qu’ils étaient à Poudlard. Une espèce de blonde à la chevelure impeccable cascadant sur ses épaules. Non seulement, cette déclaration faisait toujours d’elle quelqu’un qui lui était inférieur mais en plus, une tache de boue sur ses jolies chaussures de créateur. Cela aurait pu la ravir, au fond. Pourquoi ne pas, après tout, débarquer en chantant dans un repas de famille Nott, s’asseoir à la table et réclamer sa part du gâteau ? Un léger rire s’échappa de ses lèvres. Elle devenait complètement folle. D’ailleurs, que faisait-elle là, perdue à l’autre bout de Londres, avec son poivrot de prince charmant qui … ne chantait plus.

Fronçant les sourcils, la demoiselle finit par chasser la rengaine étouffante de la voix du Médicomage pour se concentrer sur des bruits de pas, juste derrière elle. L’ancêtre avait arrêté de chanter. La suivait-il ? Son cœur accéléra soudain alors qu’elle se traitait mentalement de toutes sortes de noms d’oiseaux. Quelle imbécile. Se promener au hasard dans Londres, morte de fatigue et aller traîner dans des endroits isolés et peu fréquentés, voilà qui était une idée lumineuse. Sa baguette. Sa baguette. Et ne pas tourner le dos, bon sang. Elle se retourna d’un coup, reprenant sa marche sans marquer la moindre hésitation. Elle ne voyait rien, mais il devait être là, pas loin, et il était vieux, il était saoul, il était … vêtu d’une grande cape noire qui lui dissimulait le visage. Le cri de panique s’étouffa dans la gorge de Kaprice. Ses doigts s’étaient figés à quelques centimètres de sa baguette. Paralysée, elle le fixait, s’étant arrêtée net. Ce n’était pas le vieil ivrogne. C’était … un Américain qui avait décidé de lui tirer les vers du nez à sa manière ? Un Mangemort mandaté pour retirer la trace de boue entachant un nom réputé ? Un … Attend ! C’est moi. Hem Nicodem … vieil ami qu’elle ne s’attendait pas à voir ici. Le visage révélé lui était effectivement familier, même s’il lui aurait fallu quelques secondes de plus pour parvenir à l’identifier. La dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés face à face, en même temps, ils n’étaient que deux adolescents. Ce n’était pas si loin que cela, et pourtant, il lui semblait que cela faisait une éternité. Ou était-ce deux qu’il fallait compter ? Une depuis l’école, la seconde depuis la victoire des Phénix et l’exil des Mangemorts à Pré-au-Lard. Trop d’informations à la fois. Et son cœur qui ne voulait pas ralentir sa course ne l’aidait pas vraiment à prêter une oreille attentive à chaque pensée pour la remettre en place après.

M’attaque pas d’accord ? Ce n’était pas au programme, du moins pas dans l‘immédiat. Non, articula-t-elle, d’une fois redue rauque à la fois par la fatigue et pas l’émotion. S’il avait voulu l’attaquer, il n’aurait eu qu’à le faire dans son dos, en somme. Ses doigts se refermèrent cependant sur le manche en bois de sa baguette, contribuant au ralentissement de son palpitant. Bonsoir Nim. Nim. Depuis combien de temps n’avait-elle pas prononcé ce surnom ? Je vous renvoie aux éternités et à leurs cousines, les lurettes, autres unités de temps qui seront invoquées à plusieurs reprises dans cette scène. Ce n’était cependant pas la question la plus importante. Tout comme les « alors, qu’est-ce que tu deviens ? La famille, les amis, une copine ? » qui pourraient attendre plus tard. La question était plutôt : Que me vaut le plaisir de ta présence ? Elle doutait qu’il soit tombé sur elle par hasard. Il n’était pas censé se promener librement, déjà. Ce qui, par ailleurs, lui fit se faire la réflexion qu’elle n’était pas censée non plus, de son côté, lui parler de façon courtoise, qu’elle devrait plutôt dégainer la baguette qu’elle tenait et le faire prisonnier pour l’amener aux Phénix. En gage de bonne foi. La belle affaire. Non. Nicodem était un ami, au même titre qu’un autre Mangemort qu’elle avait hébergé sans rien en dire il y avait peu. Et qu’on la juge pour traîtrise pour ces actions : au moins, cela aurait une certaine légitimité. Et, il fallait bien le dire, sa curiosité était piquée au vif. C’était un très vilain défaut, on le lui avait appris, mais elle avait préféré ne pas retenir la leçon. Tant pis. Et ne me dis pas que tu passais dans le coin, j’aurais du mal à te croire, ajouta-t-elle, l’ombre d’un sourire provocateur au coin des lèvres. L’ombre de ce qu’ils avaient été, deux adolescents associés pour le meilleur et surtout pour le pire dans l’amour des ragots et autres rumeurs piquantes. Mais Poudlard était si loin … Ne restait que le fantôme de ce passé, matérialisé par cette esquisse.

L’adjectif ‘raisonnable’ n’avait jamais eut une place de choix dans son vocabulaire lorsqu’il s’était agit de qualifier la jeune Gryffondor qui lui faisait désormais face. Fort heureusement, c’était pourtant le terme qu’il trouvait le plus adéquat dans l’instant. ‘Raisonnable’, voilà comment lui apparaissait sa réaction. Un sacré soulagement d’ailleurs.

C’est qu’en parfait angoissé névrotique, il s’en était fait des films avant de venir ! Son esprit analytique le poussait à se projeter tous les scénarios possibles et imaginables dans le seul but de l’anticipation. En anticipant tous les scénarios, l’on avait moins de chance de se faire surprendre de la manière la plus désagréable qui soit. Oui enfin, du moins, dans le principe, vu qu’il avait été trop crétin pour anticiper que Kaprice emprunte une route différente de d’habitude. Pour sa défense, n’était pas agent secret qui veut ! Lui à la base, il était chercheur en astronomie. On n’pouvait pas avoir tous les talents.

De toute façon, apparemment, il s’était fait une montagne de rien, comme souvent. Il se retrouvait même un peu déconcerté par le naturel de sa réaction et sa manière de l’accueillir. Peut-être n’était-elle pas pleinement consciente des risques ? Il aurait volontiers pensé qu’elle était en fait simplement contente de le revoir, mais en grand pessimiste, ce genre d’explication venait en dernier. A la place, une petite voix paniquée lui soufflait que, peut-être, c’était un piège. Elle l’avait attiré ici exprès pour le coincer, maintenant elle allait lui servir un discours de serpent et boum ! Avant qu’il ait le temps de comprendre quoi que ce soit, elle le prendrait en fourbe, ou une bande d’Auror en colère débouleraient d’on ne sait où pour le capturer.

Comme il était aux aguets, il eut tôt fait de remarquer qu’elle restait sur ses gardes elle aussi malgré son calme. Mais lui aussi entendait garder une main crispée sur sa baguette, alors c’était de bonne guerre. Il avait vu pire qu’une petite médicomage avec une bouche sexy après tout. Il avait survécu à Assapor, ça concluait le débat.

Comme les seconds degrés n’étaient toujours pas son fort par contre, d’un foncement de sourcils incertain, il se lança dans une réponse :

« Ce serait un peu idiot de ma part que d’essayer de te faire croire que je passais simplement dans Londres en pleine nuit tu ne crois pas ? Les chances que l’on se croise tous les deux ici par hasard sont infinitésimales. Je ne suis pas benêt à ce point, et tu dois le savoir que je suis confiné à Pré-au-Lard comme les autres… Enfin… je suppose ! Tu le sais que je n’ai pas le droit d’être ici n’est-ce pas ? Si moi j’ai réussi à apprendre que ton père est un Nott, tu dois forcément savoir que je suis avec les Mangemorts. Qu’est-ce que tu fiche ici de toute façon ? Pourquoi tu n’as pas pris le chemin habituel ? C’est un peu téméraire de se promener sur le port la nuit toute seule comme cela si tu veux mon avis. C’est plein de moldus sans maison qui trainent et qui sont fous »

N’importe qui aurait songé après coup que ce n’était peut-être pas une entrée en matière très adroite, mais ce genre de considération avait la fâcheuse tendance de lui échapper complètement. Comme il avait ressasser mille fois cette future conversation avec elle, cela lui semblait une évidence pure qu’il était là pour ça. L’affaire de bâtardise. Quoi d’autre ? Et si c’était logique pour lui, c’était logique pour toute la planète. Et pour Kap.

Quant au reste, il avait aussi la fâcheuse tendance de ne pas aimer l’imprévu et surtout, de ne pas aimer que les choses ne se déroulent pas comme il les avait prévues – surtout quand sa liberté voir sa vie étaient en jeu. A peine l’entrée en matière que Kap fichait déjà le bazar pourtant. D’un côté ça lui donnait tout simplement envie de râler. D’un autre côté, c’est exactement ce qu’il aimait chez elle.

Rien de tout cela n’avait vraiment de sens et, nul doute que si la jeune fille avait pris le temps de considérer la situation dans son ensemble, de l’extérieur, elle en aurait ri. De quoi avaient-ils l’air, dans un coin malfamé et malodorant de Londres, à jouer une scène de retrouvailles des années après, par les temps qui couraient ? Les événements et leurs entourages respectifs avaient fait d’eux des ennemis et ils n’avaient pas à se tenir face à face comme ils le faisaient, sans s’attaquer. C’était ridicule. Et pourtant, Kaprice s’efforçait de ne pas y penser. A force de prendre la vie trop au sérieux, on se provoquait des ulcères et elle avait assez eu de soucis comme ça pour en rajouter. Alors qu’on la laisser deux secondes avec l’illusion de seulement retrouver son partenaire de potins et mauvaises actions en tous genres pendant quelques temps, loin des considérations politiques. Qu’elle était mignonne, n’est-ce pas ? Un brin naïve, malgré tout ce qui avait pu se produire par le passé, et cela était peut-être au final son drame. Penser qu’on allait juste la laisser en paix, maintenant que le démon était sorti de sa boîte … mais bien sûr. Rêve encore deux secondes, Kaprice, avant qu’on ne te ramène à la réalité.

Ce fut malheureusement rapide. Caressant nerveusement le bois de sa baguette, elle détourna le regard aux premiers mots de Nicodem. Bien évidemment, il ne se trouvait pas là par hasard, cela allait de soi. Il l‘avait donc suivi, et ce n’était certainement pas pour une simple visite de courtoisie. D’ailleurs, le fin mot de l’histoire, sous la forme d’un seul patronyme, vint assez rapidement. Nott. Un léger rire glacé s’échappa des lèvres de la jeune fille alors que son visage se fermait. Il était donc là pour ça. Peut-être avait-elle raison de pencher précédemment pour un Mangemort qu’on aurait chargé de l’éliminer. Après tout, commet faire plus efficace ? Il n’y avait qu’à lui envoyer un ancien ami, dont elle ne se méfierait que moyennement et espérer qu’au moment où il voudrait lui porter le coup fatal, elle se laisse attendrir et lui simplifie la tâche. Était-elle si simple à déchiffrer, la jeune lionne blessée ? Apparemment. Elle le laissa finir sans émettre le moindre son. Sa baguette était sortie de sa poche quand elle avait croisé les bras dans un geste défensif. Elle ne l’attaquerait pas, non. Pas pour l’instant.

Et d’anciens camarades d’un autre bord que le vôtre. Les rues ne sont pas sûres, effectivement. Ses prunelles quittèrent le sol pour venir chercher de nouveau celles de Nim. Elle ne savait pas si elle devait être en colère ou attristée. En réalité, elle était plutôt résignée. Il faut croire que je devrais t’écouter et rentrer directement chez moi, la prochaine fois. J’avais besoin de m’isoler un peu, de me couper de tout ça. Mais visiblement, il y a des choses auxquelles on ne peut pas échapper. Elle secoua la tête, ravalant de nouveau un éclat nerveux qui manqua de lui échapper. Elle tapotait régulièrement son coude de sa baguette et reprit : Alors c’est pour ça que tu es là ? Tu as entendu la grande nouvelle … La belle affaire. Ses doigts firent tourner l’objet avant qu’elle ne quitte sa position de statue. Pas un mot pendant des mois et maintenant qu’on m’attribue un patronyme connu, tu m’honores d’une visite. C’en serait presque vexant. Ou alarmant. Elle finit par bouger, elle ne pouvait pas rester en place. Elle fit quelques pas vers la Tamise, l’écho de ses pas résonnant dans le silence nocturne. Juteux, ce potin, n’est-ce pas ? Alors, pourquoi es-tu venu ? Ce n’est pas une visite de courtoisie étant donné qu’effectivement, tu ne devrais pas être là. On t’a demandé d’enquêter ? Ou … de venir me liquider ? Elle avait fait volte-face pour le fixer de nouveau. Elle n’y allait pas par quatre chemins mais en même temps, pour l’aurait-elle fait ? Pas de manières entre eux.

Il ne semblait pas disposé à en venir droit au but, et cela contrariait fortement la jeune fille. S’attendait-il à ce qu’elle devine ce qu’il lui voulait ? Tout ce qu’elle savait actuellement était qu’un ancien ami sorti d’un passé pas si lointain et en même temps brumeux s’était échappé pour venir lui parler lorsqu’il avait appris sa nature de bâtarde de sang pur. Fantastique. Et avec ça, elle faisait quoi, des confettis ? Ce n’était pas comme si elle était en état de jouer aux devinettes. Pâle, avec de superbes cernes sous les yeux, elle n’était pas franchement l’image du dynamisme et de la joie de vivre, alors de l’esprit et de la réactivité, encore moins. Aussi se rembrunit-elle quand il souligna la stupidité de ses propos. Évidemment, c’était plus que mérité, mais il la prenait légèrement au dépourvu, dans un endroit où la seule chose qui était en éveil était son instinct de survie (d’ailleurs, où était passé cet alcoolique ? Il fallait espérer que ce n’était qu’un sans-abri moldu et pas quelqu’un surveillant, par exemple, l’ancien QG des Mangemorts qui ne devait pas être très loi, maintenant qu’elle y pensait). Elle pinça donc les lèvres, dans une moue ostensiblement vexée. Elle pouvait toujours être cette grande gamine qu’elle était déjà à l’époque quand elle le voulait, et à vrai dire, elle avait surtout envie de bouder, actuellement. Ou de lui tirer la langue.

Ok, elle devait bien avouer que, basiquement, elle mettait tous les Mangemorts dans le même panier et que leurs dissensions internes, elle n’en avait absolument pas connaissance. Manque de curiosité impardonnable de sa part, sans le moindre doute. Non, rectifions quelque peu cette affirmation. Elle savait qu’il existait deux factions, mais elle ne s’était jamais demandé qui pouvait se rallier à qui, et encore moins Nicodem. C’était comme Bérénice. Elle s’était toujours refusée à imaginer ce que ses amis étaient devenus après la scission. Et elle ne savait rien des Nott, comment pouvait-elle savoir s’ils étaient du même bord ou non ? Par contre, il n’avait pas tort sur le dernier point ce qui finit par la faire soupirer : Ouais, c’est vrai. Désolée. Elle haussa les épaules : Mais t’es pas non plus obligé d’être désagréable, c’est toi qui m’as suivi avant de me surprendre dans un coin sombre, pas l’inverse, j’ai quelques difficultés à aligner deux pensées cohérentes, si tu vois ce que je veux dire. Elle secoua la tête en levant les yeux au ciel. Il n’était pas non plus obligé de monter sur ses grands chevaux. A quoi s’attendait-i ? Évidemment qu’elle était heureuse de le revoir. Mais on ne pouvait pas dire que les circonstances étaient idéales, ce n’était pas comme s’ils allaient pouvoir échanger les derniers potins et comploter pour faire tomber tel ou tel Sang Pur. D’ailleurs, comment pouvait-il seulement vivre avec eux à l’heure actuelle ? Pas mal de questions. Mais pouvait-elle les exprimer à voix haute ?

Explique-moi, alors, Nim. Pourquoi est-ce que tu as pris le risque de venir, de ton propre chef, en risquant la fureur des tiens et des Phénix ? Moment de flottement pour la jeune fille. Elle n’avait pas dit « des miens ». Cela s’expliquait sans doute assez aisément par la manière dont ils la traitaient actuellement. Remettant la question à plus tard, elle e corrigea rien (ce n’était vraiment pas la peine d’en rajouter) et poursuivit : Tu viens me donner des conseils sur comment mieux vivre sa bâtardise ? Je prends, je prends tout si c’est le cas. Ou si tu as une solution pour juste oublier cet état de fait, je prends aussi. Elle s’était de nouveau animée et finit par quitter sa station fermée pour s’agiter, commençant à marcher. En fait je ne sais même pas si je veux en parler, Nim, tu perds sans doute ton temps. Y a rien à dire. Je n‘avais aucune envie de savoir. On a fait ça dans mon dos et maintenant … Elle s’arrêta, se passant une main dans les cheveux. De profil par rapport à lui (elle avait commencé à faire les cent pas), elle ferma les yeux deux secondes avant de se forcer à inspirer, expirer, deux fois deux suite, lentement. En fait, non, elle n’avait pas spécialement envie d’en parler. Elle aurait voulu qu’on lui foute la paix, c’était pour ça qu’elle était venue là. Et elle l’avait trouvé. Enfin, il l’avait trouvé. Que pouvait-on en déduire ? Elle rouvrit les yeux pour se tourner vers lui et lâcha finalement, dans un sourire pitoyable : Y a pas moyen, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu es là … Et merde. Elle n’était pas sûre de vouloir entendre ça. Et pourtant … Elle écarta les mains, en signe de reddition, sans lâcher sa baguette cependant. Allez, vas-y. Je t’en prie. Ce n’était pas exactement ça, mais l’intention y était …

Un éclat de rire secoua Kaprice. Ce ne fut pas agréable, plutôt douloureux tant elle était tendue, mais la mine qu’avait fait Nim quand elle lui avait parlé de coin sombre et sa protestation … c’était tout lui. Tout lui d’avant. L’espace d’un instant, elle se crut dans un des cachots de Poudlard, où il lui avait donné rendez-vous pour lui faire partager un potin particulièrement croustillant. Si seulement. Malheureusement, ce n’était pas le cas. Ils se trouvaient sur le port malodorant de Londres, à parler bâtardise, avec ce mur invisible qu’elle sentait pourtant bien présent entre eux, tissé par leurs deux camps pour eux. Pourtant, elle n’avait pas la moindre envie de lui faire du mal, pas plus qu’elle ne voulait le livrer aux « siens ». Pouvaient-ils convenir d’une trêve, de décréter que cet endroit serait neutre et se retrouver comme avant, ou aussi proche de ce qu’ils étaient que faire se pouvait ? Ils pouvaient en tous cas essayer. Il n’était pas venu pour se battre, en tous cas, ce qui fit redescendre la pression de plusieurs crans. Ce n’était pas comme si elle avait la force de se battre, de toutes manières.

Il avait cependant toute son attention. Elle frissonna quand il parla de l’énormité effective de ce point commun qu’ils avaient maintenant. Peut-être, mais que voulait-il en tirer ? Ils étaient semblables sur bien des plans, ils ne se seraient autrement pas entendus comme ils l’avaient fait à l’époque, mais … et quoi ? Et maintenant ? Elle était ravie de le voir et elle voulait entendre ce qu’il avait à dire, qu’il lui parle de la manière dont il gérait sa condition, leur condition en réalité. Pourquoi est-ce que tout était si compliqué ? Un soupir lui échappa et elle avait baissé sa baguette, s’apprêtant à la ranger pour pouvoir discuter en paix quand un bruit la fit sursauter. Apparemment, son amant alcoolique avait perdu une de ses compagnes. Cela avait suffit à briser le moment (ainsi que la bouteille, mais ce n’était pas franchement son problème actuellement). Soudain paniquée, elle pensait qu’il allait simplement se volatiliser, mais ils le firent finalement à deux, laissant le vieux moldu seul, marmonnant qu’il devait y avoir des sirènes dans le coin.

Réapparaissant, Kaprice tituba, le souffle coupé. Le transplanage forcé n’avait rien d’agréable, néanmoins elle n’admonesta pas Nicodem, hochant la tête avant de pouvoir articuler : Tout à fait. Est-ce que ça veut dire que j’aurai le droit de te jeter un sort ou de t’en mettre une pour rendre mon évasion crédible ? Un nouvel accès d’hilarité la secoua, se finissant en quinte de toux incontrôlable. Ele fit quelques pas, rangeant sa baguette et essayant de retrouver son sérieux avant d’aller se percher sur l’une des balançoires. Elle était dans une cour d’école. Pour le reste, elle n’en savait rien. Et … tant pis. Peut-être était-elle stupide, mais il l’avait convaincue. Elle haussa les épaules, comme pour elle-même et prit son élan pour se balancer : D’accord. Mais quitte ta tête d’enterrement. On … fait la paix pour la soirée. Je m’e fous, je ne te ferais jamais de mal Et c’était vrai. Kaprice ne pensait pas être capable de lever la main sur un de ses anciens amis si elle se trouvait face à eux en mission. Traîtresse, dirait-on sans doute. Mais c’était comme ça. C’était suffisamment douloureux comme ça. Peut-être aurait-elle dû se défier de lui, mais elle n’en avait pas envie. Elle laissa ses jambes pendre et le considéra quelques instants en silence. Une sacrée coïncidence, oui. Si on m’avait dit ça à Poudlard … Elle n’y aurait pas cru, sans l’ombre d’un doute. Elle ralentissait doucement et finit par poser de nouveau les pieds au sol. Donc tu as entendu que j’étais une bâtarde, comme toi. Et tu as décidé, sans savoir exactement pourquoi, de te mettre en danger en sortant et en venant me voir. Ouah. Énoncé comme ça, c’était effectivement terrible. De la pointe de sa chaussure, elle commença à gratter le sol. Alors, du coup, c’est quoi le plan ? On écrit une prophétie à deux ? ça peut être intéressant. C’était du grand art. Une information de plus à digérer. Ça ne faisait jamais qu’une de plus, ce n’était pas très grave. Elle était dans un état second, la fatigue physique la rattrapait et pourtant, son esprit était on ne pouvait plus clair. Qu’est-ce que ça donnerait ? Après tout, c’est toi, e maître des astres, nota-t-elle non sans humour. Badiner. C’était encore ce qui se faisait de mieux en des temps troublés. Ce qui ne voulait pas dire qu’elle n’espérait pas des réponses. Après tout, s’il était venu jusqu’ici, ce n’était sans doute pas juste pour lui dire qu’ils étaient bâtards tous les deux et … voilà. Si ?

L’idée de se prendre un sort ou une droite ne le faisait pas spécialement rire d’habitude, mais Nicodem ébaucha tout de même un sourire pour accompagner l’hilarité de la jeune femme. Plus que la blague elle-même, c’était surtout le fait de la voir rire qui était plaisant. Il était content de ne pas la sentir trop réfractaire, de ne pas la voir se lancer dans l’un ou l’autre discours pro-phénix, et de ne pas se mettre à paniquer bêtement parce qu’ils avaient changés d’endroit sans son consentement préalable. Doucement, à mesure que les minutes passaient et que la discussion perdurait, il lui semblait maintenant retrouver un peu de ce qu’il avait connu autrefois. Au premier abord c’était surtout les différences qui lui avaient sautées aux yeux. Maintenant que la première confrontation était passée, il commençait à entrevoir lentement tout ce qui n’avait pas changé, entre eux comme chez elle. C’était encourageant.

L’observant s’approprier la balançoire, il haussa une épaule en perdant son demi-sourire.

« Allons donc. Je suis né le 1er Novembre, je fais toujours une tête d'enterrement, c'est ma tête normale » rappela-t-il sans dépeindre de son habituel sérieux.

Et non, il n’avait rien d’autre à répondre que ça, alors même que la brunette venait de lui dire quelque chose d’incroyablement gentil. Justement. Niveau expérience, dans ce domaine il n’était nulle part. Il ne savait jamais quoi répondre aux démonstrations d’affections ou d’amitié, et quand on lui faisait un compliment sincère c’était pire encore. Il avait passé le plus clair de sa vie à s’armer et se concentrer sur les reproches, les doigts tendus et les moqueries, le reste était nébuleux et inquiétant et il n’aimait pas s’y aventurer. Il était trop maladroit dans ce genre de situations sociales rapprochées et un manque de contrôle pareil le mettait toujours très mal à l’aise.

Ca ne l’empêchait pas d’avoir entendu et imprimé qu’elle ne lui ferait jamais de mal, et d’être prit au dépourvu par l’espèce de tendresse qui se cachait là derrière. Une part de lui aurait aimé trouver le moyen de lui signaler que c’était réciproque (comme par exemple, lui répondre très simplement que c’était réciproque), une autre part de lui était horrifiée par l’idée qu’elle sache que c’était réciproque. C’aurait impliqué qu’elle sache qu’il avait des sentiments parfois, et ça, c’était inacceptable. Autant se balader tout nu alors.

Enfin bref. La jeune femme ne s’en était pas arrêtée là et tout en méditant, Nicodem lui prêtait une oreille tout aussi attentive. La dernière remarque d’ailleurs le ramena totalement à la discussion et lui tira un petit rictus tout neuf pour remplacer le précédent.

« En réalité, les prophéties ne sont pas faites en fonction des astres, c’est un don de vision qui tient de la divination seule » se sentit-il obligé de rectifier, tout en ayant très bien conscience qu’on s’en foutait totalement « Oui enfin, cela étant dit, je te cède volontiers que mes motivations restent floues… même pour moi-même, mais cela ne veut pas dire pour autant que je ne sais pas pourquoi je suis là » fit-il très justement remarquer en croisant distraitement les mains dans son dos bien droit comme souvent « Je ne pratique pas les coups de tête » lui rappela-t-il avec un brin de malice « Mais par contre, je me pose beaucoup de questions sur ton compte. Un peu trop pour les laisser sans réponses maintenant que je sais de quelle qualité est réellement ton sang » il ébaucha une grimace incrédule et légèrement condescendante pour la suite : « C’est tout de même la preuve que tu n’as strictement rien à faire ici, non ? »

Evidence, évidence. A en oublier que ce qui était évident pour lui ne l’était pas forcément pour tout le monde. L’incompréhension et l’égoïsme des sentiments étaient bien souvent le lot des solitaires dans son genre, et il était un cas d’école pour ainsi dire. N’empêche que l’on parlait beaucoup de ses motivations à lui qui l’avaient poussé à quitter son nid pour s’aventurer dans le vaste monde, mais il n’était pas venu pour se faire interroger. C’était lui qui était venu poser les questions et lui qui entendaient bien repartir satisfait.

Un dernier éclat de rire s’échappa des lèvres de la jeune fille à la remarque de Nicodem, qui s’éteignit rapidement quand elle vit qu’il ne souriait plus. Certes, ça n’avait jamais été le boute-en-train de service, mais elle aurait au moins aimé quelque chose, un signe que cela lui faisait plaisir de la revoir, et pas seulement parce que, d’un coup, ils étaient dans le même bateau qui prenait la flotte. Une galère, c’était le mot. Mais ce n’était pas auprès de lui qu’elle trouverait quoi que ce soit de doux ou de rassurant. Ça avait toujours été le cas, n’allez pas lui faire dire ce qu’elle n’avait pas dit, mais à l’époque elle était beaucoup plus en forme, elle n’avait pas une furieuse envie de dormir ou de pleurer, selon les moments et elle n’était pas en mesure de simplement réfléchir correctement, même si c’était ce qu’il allait falloir faire. Il n’était pas là pour des effusions, il n’avait pas pris tous ces risques parce que ça lui faisait plaisir de la revoir, ils allaient donc forcément parler « business » à un moment ou à un autre et à ce moment-là, il faudrait qu’elle soit extrêmement réactive. En attendant, elle se contentait de se balancer en douceur. Un long regard servit de réponse à Nim alors qu’il dissertait sur les prophéties, la divination et ce genre de choses. Ce n’était pas ce qu’elle voulait dire et ils le savaient l’un comme l’autre. Ce qu’elle voulait savoir, c’était ce qu’il faisait là exactement, ce qu’il attendait d’elle, d’eux, de leur entrevue. Il ne s’était pas déplacé pour rien. Alors, à lui d’annoncer la couleur.

La phrase suivante par contre et lui fit lever un sourcil. Pour le coup, ce n’était vraiment, mais alors vraiment pas clair. Il ne savait pas pourquoi … mais en fait, si ? Ils n’étaient pas sortis de l’auberge. Kaprice étouffa un bâillement, pas qu’il l’ennuyait, mais il fallait qu’elle se remue un peu si elle voulait survivre à cette entrevue. D’une poussée, elle commença à se balancer, espérant qu’un peu d’air lui fouettant le visage lui redonnerait du punch. Mais elle fut rapidement stoppée en plein vol. Elle suivait attentivement les paroles de son ami, se concentrant pour ne pas en perdre une miette et … Je ne vois pas le rapport. Il était en train de dire quoi ? Comment comme tout à coup, quelqu’un avait décidé que son sang était pur, elle devait rejoindre les Mangemorts ? Mais pourquoi ? En vertu de quoi ? Ses deux pieds se plaquèrent au sol quand elle repassa à proximité et s’y ancrèrent, en même temps que ses yeux sur le visage du jeune homme. Sourcils froncés, elle se leva. Elle avait besoin de marcher. Ou … elle ne savait pas, en fait. Qu’est-ce que ça change, de quelles cellules, de quels appareils génitaux je suis issue ? Que j’ai du sang « pur », appuya-t-elle en mimant les guillemets avec ses doigts, ce qui est parfaitement hypocrite étant donné que je suis née hors-mariage, hors tout en réalité, donc je ne suis même pas vue comme telle. Mais je ne t’apprends rien, poursuivit-elle en haussant les épaules. S’il voulait la stopper, c’était trop tard. Tout sortait, dans le désordre. Mais ce n’est même pas le sujet ! Ca ne change rien à ce que je pense. Je ne me sens absolument pas supérieure à qui que ce soit, et je ne vois pas en vertu de quoi je pourrais décréter qui doit vivre ou mourir, qui je dois soigner ou non. Pour elle, c’était surtout ça qui l’avait choquée. Ses débuts à Sainte-Mangouste avaient bouleversé la jeune femme et l’avaient poussée chez les Phénix. Elle faisait les cent pas, frénétiquement. Elle ne pouvait pas s’en empêcher. À quoi jouait-il ? Elle finit par faire volte-face. Explique-moi. Explique-moi en quoi je devrais venir avec toi, chez vous. Elle écarta les mains. Ces gens n’en ont jamais rien eu à faire de moi. Et d’un coup, en un claquement de doigts, ils voudraient que je les rejoigne. Pourquoi Nim ? Pourquoi ? Pourquoi eux voudraient d’elle ? Ils ne savaient rien d’elle. Les Phénix eux … savaient tout d’elle. Et pourtant … Non. Il ne fallait pas qu’elle pense comme ça. Il y avait des soupçons, infondés, mais ça passerait … ça ne voulait pas dire qu’ils a rejetaient. Ses lèvres se pincèrent alors qu’elle pâlissait et détournait le regard. Était-ce là où il voulait en venir ? Ou ailleurs ?

"My God, are we gonna be like our parents?"
"Not me...ever.

"It's unavoidable, it just happens." .
"What happens?"
"When you grow up, your heart dies."
"Who cares?"
"I care." »

Arriver à donner un sens à tout ça était un combat de chaque instant, et Nicodem venait de réduire ses efforts des derniers jours à néant. Il ne l’avait sans doute pas fait sciemment, mais le résultat était là. L’ex-Gryffondor se prenait tous ses doutes en pleine figure et cela n’aidait pas, mais alors pas du tout. Depuis qu’elle avait appris la vérité, elle avait refusé tout contact avec ses parents, malgré les encouragements d’Aoden dans ce sens. Elle n’était pas prête à entendre leurs explications. Elle aimait croire qu’elle faisait preuve de courage, continuant d’affronter le quotidien comme si rien ne s’était passé, mais elle savait bien, au fond d’elle-même, que c’était de la lâcheté et cela la dégoûtait. Fallait-il vraiment qu’un ami surgi d’outre-tombe ou en tous cas de ses environs vienne tout lui envoyer en pleine face pour qu’elle se décide enfin à penser ce qui la terrifiait depuis qu’elle savait : « était-elle finalement des leurs ? » ? En fait, l’interrogation était beaucoup plus simple que ça : « qui était-elle ? ». Même commencer par les choses les plus simples étaient impossibles. Quel était son nom ? Normalement, elle allait bel et bien avoir vingt-deux ans. Mais le reste ? Nim lui fournit la réponse sans le vouloir, au travers de toutes ses paroles qui la perdaient complètement : apprentie Médicomage. S’il y avait une chose dont elle était certaine, c’était bien celle-ci : elle voulait aider les autres, sauver des vies. Comprendre le fonctionnement de l’être humain ? Sans le moindre doute, même si ce n’était pas sa motivation première. Elle recula, lentement, essayant de digérer tout ce qui lui disait. Ses dires trouvaient un écho dérangeant en elle, soulevant cependant quelques problèmes de taille. Elle secoua la tête, finalement, et, posant sa baguette sur le côté de sa main, elle murmura : Diffindo. Un morceau de peau se détacha, ne lui arrachant même pas un gémissement, tant elle était tendue. Levant la main, elle fixa le liquide rouge qui lui coulait le long du poignet avant de dire : Voilà. Mon sang. C’est le même que j’ai toujours eu. Si j’en perds trop, je meurs. C’est tout ce que je sais, de façon arrêtée.

Un frisson la secoua et elle baissa le bras pour fixer Nicodem. Je ne comprends pas. Je l’avoue, d’accord ? Qu’était-ce ? Un sanglot ou un rire ? Un peu des deux. Je n’en sais rien, Nim, bordel. Tu me dis qu’être bâtard ne change rien, que e mariage n'est qu'une idée, je suis d'accord ! Mais comment te traitaient-ils à Poudlard ? Comment te traitent-ils maintenant ? Je veux bien être de Sang Pur, admettons. Qu’est-ce que ça change ? J’ai des ancêtres illustres. Peut-être. Illustres pour quoi ? Pour qui ? Nouveau tremblement de tous ses membres, aspergeant le sol de petites gouttes de sang. J’ai été abandonnée par mon père, à ce que j’ai cru comprendre. Et pourtant il s’est donné la peine de me trouver une famille. Qu’est-ce que ça signifie ? Est-ce que je comptais ? Est-ce que je compte ? Balancer tous ses doutes à voix haute n’aidait personne, elle s’en rendait bien compte, mais ça soulageait, au moins un peu. Et il avait raison, au final : si quelqu’un pouvait la comprendre, c’était lui, et l’inverse était aussi vrai. Si je veux en savoir plus ? Évidemment. Et l’avouer la dégoûtait, mais c’était vrai. Elle ne pouvait pas vivre infiniment dans le déni et, malgré toutes ses protestations sur le fait qu’elle ne voulait rien avoir à faire avec « ces gens-là », elle avait besoin de mettre un visage sur un nom, d’avoir des explications pour continuer sa vie comme avant ou en changer, qu’en savait-elle ? Avec horreur, elle se rendait compte que jamais elle n’aurait la force d’aller jusqu’au bout de cette discussion, qui commençait à franchement la paniquer. Mais je ne peux pas. Pour un tas de raisons que tu trouveras sans doute mauvaises. Parce que ça la rendait suspecte aux yeux des Phénix, parce que si elle commençait à se conduire comme si cela l’affectait, il y aurait d’autres questions, d’autres interrogatoires, d’autres fioles de Veritaserum glissées dans son café à Sainte-Mangouste et qu’elle ne le désirait pas. C’est tout ma vie que ça remet en cause. On doute de moi, JE doute de moi. Ses yeux se baissèrent sur sa main, qui n’était pas très belle à voir. La douleur montait lentement, mais elle n’était rien à côté de ce qu’elle pouvait éprouver. Comment suis-je censée faire ? Commet fais-tu, Nim ? Avait-il quelque chose à proposer ? Ou était-il venu aussi démuni qu’elle, au final, malgré ses convictions ?

Il revint vers elle à ce moment-là et Kaprice se demanda s’il allait finir par la frapper. Il n’y avait aucune raison valable pour que ça arrive et Nicodem n’était pas du genre violent, enfin, dans ses souvenirs. Mais elle ne s’attendait pas plus à ce qu’il sorte un mouchoir et s’occupe de sa main. Agréablement surprise, elle le laissa faire, étouffant un léger rire quand il pesta. Qu’il laisse tomber ses airs d’insensible était évidemment hors de question, ce n’était pas comme si c’était son genre. Mais elle appréciait, malgré tout. Au moins, le fait qu’il « tenait » à elle d’une certaine façon été avéré et elle n’en demanderait pas plus. Il n’y avait rien qui soit réellement clair, alors le fait de savoir qu’un de ses anciens amis l’était toujours, à sa façon plus ou moins surprenante, était déjà un bon début. Début. Elle était tout au début, justement, et s’en rendait compte en suivant le flot de paroles de Nicodem, retraçant son propre parcours. Comment voulait-il qu’elle parvienne à réfléchir posément alors qu’il disait lui-même que quelques années auparavant, il n’avait pas les idées claires ? C’était bien beau, cette histoire qu’il lui racontait, mais c’était tout ce que c’était pour elle : une histoire. Quelque chose qu’il avait eu le temps d’élaborer. Elle ne disait pas qu’il mentait, bien au contraire, simplement il avait eu le temps de faire son propre chemin, ses propres erreurs, ses propres choix. Elle, pour l’instant, était simplement piégée avec la certitude que plus rien ne serait jamais comme avant. Ce qui la dérangeait par contre, c’était la fin. Elle lui enleva sa main en douceur, mais fermement, finissant par se faire un bandage de fortune avec le mouchoir de Nim. Merci. Que voulait-il qu’elle réponde : C’est facile, de me dire que je ne suis pas dans le bon camp : tu es de l’autre côté. Mais que me feraient-ils si je débarquais ? Je n’ai pas ton recul, je n’ai pas ton expérience et je ne partage pas toutes tes convictions. Ils t’acceptent parce que tu es des leurs depuis toujours, malgré… malgré notre condition commune.

Bien sûr que ça faisait rêver, ce qu’il lui racontait. Un monde où elle n’aurait pas à se justifier sans cesse … Sauf qu’elle le devrait. Bien sûr qu’elle le devrait. C’est frais pour tout le monde et l’information tombe du ciel. Je ne sais pas ce que me réserve l’avenir. Personne ne m’a demandé d’arrêter mes études de Médicomagie. C’est juste … Les regards, les rumeurs et le reste. Elle secoua la tête, ramenant sa main contre elle, comme pour la protéger. Elle avait rangé sa baguette, qui ne lui serait sans doute par très utile. Je suis contente pour toi. Savoir que tout s’est arrangé et que tu as foi en l’avenir. Tant mieux, tu le mérites. Elle évita de dire qu’elle n’avait pas tellement envie qu’ils reprennent le Ministère, ce qui contrecarrait une partie de ses plans pour le futur. Apparemment, mieux valait ne pas mentionner trop le fait qu’elle était bel et bien Phénix, même si elle maudissait de temps en temps ses supérieurs. Mais c’était surtout après les Américains qu’elle en avait, pas tellement le reste. Je … te remercie, pour tout. Mais je ne suis pas en mesure ou même juste en état de te dire … je ne sais même pas quoi, en fait. Qu’est-ce que tu veux, Nim ? Elle secoua la tête en douceur : Ne te méprends pas, je suis contente de te voir, et j’entends ce que tu me dis, et ça fait du bien de parler à quelqu’un qui est … comme moi. Qui a vécu ce que je vis. Mais … mais quoi ? Tu veux que je vienne avec toi ? On transplane, tu me présentes à tout le monde là-bas et on va m’accueillir à bras ouverts parce que je suis juste une brebis égarée ? L’idée même lui arracha un rire peu convaincu : Ils vont m’attraper, me jeter dans une cellule et m’interroger en me torturant ou me torturer en m’interrogeant, c’est selon. Et je ne sais même pas qu’ils m’accepteront un jour. Ils me tueront peut-être, à défaut d’utilité, étant donné que je ne sais pas grand-chose. Elle ferma les yeux. Ou est-ce tout autre chose ? Je suis perdue. Qu’il lui dise. Qu’elle comprenne, avant de s’effondrer de fatigue dans un coin.

Kaprice ne savait plus comment se comporter. Que voulait-il, à la fin ? Lasse, elle l’était et cette discussion politique sous couvert du reste l’agaçait légèrement. Il y avait trop de choses qui se passaient, il y avait eu trop d’événements douloureux, trop de combats pour qu’elle réponde simplement à Nicodem « oui, tu as raison, je viens avec toi, ça va être génial ». Il lui fallait du temps pour réfléchir, pour méditer sur tout ce que ça impliquait et ce qu’elle voulait faire de son avenir. Mais les raisons pour lesquelles elle avait rejoint les Phénix, elle les vivait au quotidien et il lui était difficile de faire comme si de rien n’était. Malgré tout ce qu’il pourrait lui dire, rien ne pourrait la persuader que les gens devaient vivre ou mourir à cause du sang qui coulait dans leurs veines. Alors peut-être que tout cela ne menait à rien, s’il restait bloqué là-dessus. Ils s’étaient revus et cela lui avait fait vraiment plaisir, mais elle ne comptait pas retourner sa veste comme ça, juste pour lui faire plaisir, ce qui semblait le mettre … pas en rogne ni hors de lui … elle n’aurait pas su dire, en réalité. Enfin, pour tout dire, ce n’était pas son problème, elle voulait juste rentrer chez elle et s’écrouler sur son matelas pour récupérer quelques heures … jusqu’à ce qu’il prononce le mot de trop.

Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent et elle le laissa finir, avant de lui retourner une gifle. Elle retentit dans le silence de la cour de l’école. Le bandage avait sauté, laissant une belle marque rouge sang (celui de Kaprice sur la joue de Nicodem). Et ça, c’est assez virulent pour toi, ça va ? Mymy, le jeune homme l’avait réveillé en deux secondes, ce qui n’était pas une bonne idée. On pouvait dire que malgré tout, il la connaissait encore suffisamment bien pour savoir exactement comme la faire réagir. Fatiguée ou pas, l’ex-Gryffondor ne supportait pas qu’on la prenne pour une faible femme, et ça avait toujours été le cas. En un seul mot, il venait de lui faire reprendre du poil de la bête, pour un temps limité, certes, mais suffisamment pour conduire à une superbe explosion dont elle avait le secret. Ses yeux étincelaient de colère et elle jetait ses dernières forces dans la bataille. J’aimerais t’y voir, tiens ! Apprendre que toute ta vie n’a été qu’un mensonge, de retrouver soupçonner de trahir ton propre camp pour lequel tu as pris tous les risques plusieurs fois, perdu un être cher dans la bataille … pour au final, quoi ? Des interrogatoires, du veritaserum et des rumeurs ! On verrait, si toi tu ne pleurnicherais pas après une nouvelle journée épuisante, à ne pas compter tes heures pour tenter de te faire bien voir, alors que tu n’as strictement rien à te reprocher ! De sa main ensanglantée, elle remit une mèche sombre en place, se mettant encore un peu de pourpre sur le front. Nicodem était venu pour voir la Kaprice qu’il connaissait ? Il en avait sans doute un très bon aperçu.

Alors oui, désolée d’avoir l’air déprimé et épuisé, de ne pas sauter partout en faisant des plans pour l’avenir parce que je viens de découvrir que mon passé était un mensonge. Tu as eu des années pour faire le travail sur toi-même que tu aimerais me voir faire en deux secondes, je ne pense pas que ça fasse de moi une « pleurnicheuse », Nim. Elle avait levé l’index vers son visage, véritablement furieuse avant de lui lancer un regard exaspéré et se rendre compte … … C’était ça que tu voulais ? L’avait-il vraiment insultée pour qu’elle parte au quart de tour ? Elle haussa les épaules et finit par lui tourner le dos, retournant vers la balançoire. Quel abruti. Et quelle abrutie, accessoirement, de marcher aussi rapidement. Enfin, on ne l’avait pas mise à Gryffondor pour rien. T’es con, tu sais ? La prochaine fois, enlève-moi avant le travail si tu veux que je sois réactive. Tu me verrais hurler sur les Médicomages qui osent m’appeler Nott … Un léger rire la secoua avant qu’elle ne se laisse choir sur le jeu, considérant sa main blessée et saignait de nouveau abondamment. Sans le regarder, elle demanda : C’est bon, tu es content, je ne suis pas devenue une chouineuse sans personnalité ? On peut remettre le deuxième round à la prochaine fois ? Tu sais, histoire que j’ai le temps de réfléchir à ce que tu m’as dit et que je ne t’en colle pas une autre parce que tu auras pensé que m’insulter était le seul moyen de me faire bouger ? Ce qui n’était pas idiot, mais risquait de compliquer leurs échanges. Ce qu’il fallait retenir de ce qu’elle venait dire ? Qu’elle n’était pas fermée au dialogue. Elle aurait tout aussi bien pu l’envoyer se faire foutre profondément. Mais … elle avait besoin de discuter avec lui. Pas là, ce ne serait pas constructif. Plus tard, quand elle aurait dormi et pris du recul. Parce que là, c’était bien trop frais.

La réponse de Nim à sa gifle fit hausser les épaules à Kaprice : Pourtant, tu as gardé ta tête à claques, fit-elle remarquer, non sans humour. C’était tellement étrange, de se retrouver là, face à lui. Il avait tant à partager avec elle, à cause de leur schéma familial similaire et en même temps, elle sentait bien que leurs factions avaient creusé un fossé entre eux. Malgré tout, malgré les paroles du jeune homme et bien qu’il déplorât le fait qu’ils ne soient pas dans le même camp, Kap’ ne pouvait pas s’imaginer de l’autre côté. Pas encore, dirait-il si elle lui avait fait part de ses réflexions, jamais, hurlait la partie Phénix de Kaprice. La vérité était qu’elle n’en savait rien. Pas encore. Dans quelques mois, elle hurlerait sans doute à la simple idée de passer de l’autre côté de la barrière. Mais l’interrogation était légitime. Ce n’était pas une affaire d’avoir misé sur le mauvais cheval, simplement sa lassitude qui parlait, celle qui n’en pouvait plus de voir sa loyauté remise en cause par le biais d’un simple test de parenté. Ce qui ne serait pas vraiment différent ailleurs, il valait mieux être clair sur ce point. Mais … merde, en fait, elle voulait juste dormir. Il y avait toutefois certaines choses à mettre au point. Elle n’avait pas relevé le fait que le jeune homme avait avoué être soulagé de la retrouver, sachant pertinemment qu’il se rétracterait immédiatement sinon. Autant garder le positif. Mais certaines choses, elle ne les laissait pas passer : Les Phénix ne sont pas les Américains, je sais où va ma loyauté. Je ne les porte pas vraiment dans mon cœur. Et pour cause. Cette tyrannie qui se mettait en place, soi-disant parce qu’il fallait bien ça après le gouvernement Mangemort ne lui plaisait pas du tout. Pour des raisons personnelles, pour l’instant, mais cela risquait de changer rapidement.

Pour ce qui était de la fin de l‘avertissement de Nim … elle prit le temps de le regarder avant de répondre. Elle aurait du commencer par « dans tes rêves mon vieux », mais ils n’étaient plus à l’époque de Poudlard (où ils avaient effectivement fait une bonne équipe). Ils n’étaient plus deux gamins et ce qui se disait était grave. Le Ministère ne devait en aucun cas retomber dans les mains des Mangemorts, c’était une certitude pour la jeune fille. Revenir en arrière aurait un goût amer et insupportable, d’abord parce qu’elle n’avait aucune envie de recommencer à soigner ses patients par rang de sang et ensuite parce que cela signifierait que tous ceux qui avaient laissé leur vie pour défendre cette cause seraient morts en vain. Cependant, ses paroles l’interpelèrent. Il était facile de claironner qu’ils ne la prendraient pas vivante et qu’elle se battrait jusqu’au bout. Mais à vingt-trois ans, pense-t-on réellement à sa mort avec légèreté ? Ce qu’ils lui feraient endurer serait sans doute monstrueux. Mais la question se posait. Et il attendait une réponse qu’elle finit par lui livrer : Promis, je considèrerai cette option. C’était tout ce qu’elle pouvait faire. S’il était sérieux quand il disait qu’il tenterait de la sauver, elle n’en savait rien, mais il n‘était pas homme à ouvrir la bouche pour dire des choses qu’il ne pensait pas. Alors sans doute. Mais ils n’en arriveraient pas là. Et si se montrer coopérative incluait trahir des Phénix… il était peu probable qu’elle le soit. Se calmer. Pour l’instant, la balance penchait du bon côté.

Sa proposition la fit sourire et elle quitta son perchoir pour revenir vers lui en secouant la tête : Je crois que tu as assez pris de risque pour aujourd’hui, si on te voit près de chez moi, ça risque d’assez mal se passer. Mais c’est gentil d’avoir proposé. Elle le considéra un moment avec un pincement au cœur. Il lui semblait que c’était trois siècles auparavant qu’ils répandaient rumeur sur rumeur, tous les deux et qu’il s’arrachait les cheveux à lui faire comprendre l’astronomie. Le pauvre. Mais ce temps était révolu et c’était une des choses qu’elle regrettait le plus : l’éloignement de certains. Cependant, il fallait rester réaliste. La configuration actuelle des choses ne permettait absolument pas la continuité de certains liens affectifs, elle connaissait assez de personnes dans ce cas, dont les familles étaient déchirées à cause de cette guerre. Nicodem et elle se connaissaient toujours assez bien pour prévoir les réactions de l’autre, mais ils étaient ennemis, dans la logique. Nouveau soupir las. Il valait mieux en rester là. La prochaine fois, si elle avait lieu, risquait de mal se passer si elle était en meilleur état et qu’il recommençait à parler de droit du sang et autres joyeusetés du genre. Mais pourquoi s’en inquiéter maintenant ? Ca m’a fait plaisir de te revoir, malgré tout, finit-elle par dire, avant de sortir de nouveau sa baguette. J’espère que la prochaine fois que nous nous verrons, ce ne sera pas sur un champ de bataille. De quelque nature qu’il soit. Bonne nuit, Nim’. Elle fit un pas en arrière et transplana d’un mouvement fluide.