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❝ curiosity and boldness [ Pv : Lena ] ❞
 :: Londres :: Commerces et zones de loisirs sorciers
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curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Dim 24 Fév 2013 - 16:20


Lena & Aoden

❝ I just want to serve ❞
© Freedom.thief


Lena Steevens. Voilà un des noms qui me revient le plus quand j’évoque les termes de trahison, soupçon ou encore perfidie. Consciemment ou non les gens dénoncent toujours ceux qu’ils suspectent, même les plus discrets, les plus indulgents. Les rumeurs s’échappent d’entre leurs lèvres, sous l’assaut de quelques verres ou d’une lassitude trop prenante, les avis et opinions s’expriment sans même que l’on s’en rende compte et en moins de deux semaines voici que j’ai une dizaine de noms inscrits sur un bout de papier.
Je ferais mieux de les apprendre plutôt que de les noter, ce pourrait être dangereux. Une partie d’entre eux, peut être même tous, sont de réels dangers pour l’Ordre du Phénix. Oui mais voilà je n’ai jamais été très doué pour apprendre les choses par cœur et alors les prénoms : c’est me demander un effort impossible ;
Replaçant le papier dans ma veste, contre mon torse à l’abri dans la poche secrète, je pousse la porte du Chaudron Baveur d’une main éreintée.
Il n’est pas tard mais mes journées sont longues lorsqu’elles commencent en pleine nuit…

« Bonsoir ; la même chose que monsieur s’il vous plait. Merci. » Dis-je en récupérant la boisson fraiche et pétillante, une sorte de bière bien brune faite d'une céréale autre que l'orge, je ne saurais dire quoi d’ailleurs. Je m’éloigne du bar pour trouver une table libre et me laisse lamentablement tomber sur la chaise. C'est là que mon regard se pose sur la femme installée plus loin. « …Hum. »

Je n’ai jamais été particulièrement chanceux, je suis le genre pessimiste qui radote ses jurons quand tout ne lui tombe pas dans les bras en un claquement de doigt. Pourtant, alors que la longue journée touche à sa fin, mes yeux s’amusent à me provoquer. A moins que la chance se présente. Pour une fois !
Pour ne pas me faire avoir par une simple hallucination je reste immobile une poignée de secondes puis je porte le verre à mes lèvres. Le frisson provoqué par la fraicheur de la boisson et l’amertume de l’alcool ne me permet pas d’avoir les idées plus claires. Cette personne ressemble trop fortement à la femme que je recherche depuis des jours : Lena Steevens.
Ça parait trop facile, mais je ne vais pas laisser passer ça. M’armant d’un brin de courage, j’emporte ma bière avec moi pour m’approcher de la table ou elle est paisiblement installée ;
Si je me fais jeter, je ne pourrais que comprendre.

« …Miss Steevens ? Je ; pardonnez-moi cette indiscrétion mais ; Aoden Teagan, je travaille pour la Gazette du sorcier. »

Oh c’est difficile d’être bien vu – quel que soit le contexte politique en cours – quand on appartient au milieu des médias. Surtout aux yeux de quelqu’un soupçonné de part et d’autre d’avoir fricoté avec l’ennemi. Entendez ici collaboration, trahison ;
Je m’obstine pourtant et reprends avant que la jolie Lena ne m’interrompt. Il faut que je sois clair, précis, et à défaut d’être discret : rapide.

« Les raisons qui me poussent à vouloir vous interroger ne sont pas nécessairement agréables pour vous mais permettez que je vous donne mon but. Les dernières condamnations ont soulevé masse d’interrogations quand à la réelle culpabilité des accusés et je voudrais éclairer davantage les gens sur les erreurs que même l’Ordre du Phénix peut commettre… J’ai eu vent d’une histoire de coopération entre vous et l’ancien ministre et ; je n’y crois pas. »

Reprenant mon souffle, je la laisse assimiler ces informations. Mon regard assure comme il peut nos arrières en observant à plusieurs reprises les tables alentours ; lorsque j’estime avoir perdu assez de temps ainsi debout face à elle, je reprends.

« Acceptez-vous de m’accorder un entretien ? Ici ou ; plus tard. Évidemment. C’est selon vous… »

Autant prendre des pinces et passer pour le plus aimables des journalistes ; si ceci n’est pas trop vous demander de croire en ma sympathie.
J’esquisse un sourire, ce rictus sur mon visage m’a sauvé plus d’une fois j’en suis certain, puis je prends mon mal en patience. Une main solidement accrochée autour du verre, la seconde désormais appuyée sur la chaise libre disposée devant la table, j’attends.
Ce soir la chance est peut être avec moi.
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Re: curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Dim 24 Fév 2013 - 21:37

"[...] sur ce je vous prie d'agréer, monsieur l'abruti du département de" Merde ! J'avais pas écrit ça ? Nom d'un loup-garou décrépis, je venais de réduire en miettes deux heures d'application optimale pour une énième saleté de lettre d'excuses ! La pleine lune ne datait pas de beaucoup, et il y avait eu quelques dégâts chez un sorcier qui avait retrouvé une partie de sa propriété dévastée. Il était venu se plaindre, et bien entendu, on avait arrangé l'affaire en lui assurant que cela ne se reproduirait plus, mais que ce n'était la faute de personne et que par conséquent, on n'allait pas le dédommager. Il avait au moins réclamé des excuses en bonne et due forme, écrites à la main, et comme il se faisait vraiment insistant, on avait, enfin que dis-je, ils avaient fini par accepter. Et dans la brigade, on avait voté pour savoir à qui reviendrait l'immense honneur de rédiger cette saleté. Et c'était tombé à l'unanimité. Sur moi. Evidemment, voyons, qui d'autre ? Depuis que Kark était mort, et que l'Ordre avait enfin repris sa juste place au pouvoir, j'étais mal vue, très mal vue par mes nouveaux collègues. Par les nouveaux employés du ministère. Par tout le monde en fait. Après tout, j'étais "la traîtresse". Celle qui avait "collaboré". C'était de "ma faute si nombre de loups-garous avaient rejoint les Ombres". Pfff. Il avait s'agit de quelques repérages. Je n'avais fait que leur donner des noms, pour garder mon travail ! Ce n'était pas du tout par idéologie que j'avait aidé Kark ... Mais les gens refusent de comprendre. Refusent d'écouter. Ils n'essaient même pas. J'ai aidé, je suis leur ennemie, point. Et on ne me tolère que parce que l'enquête menée à mon sujet n'a pas encore mené à l'issue qu'ils attendent tous.

De ce fait, on me regardait de travers dans les couloirs, on me montrait parfois du doigt, j'entendais souvent des chuchotements sur mon passage, des commérages dans mon dos ... Toute ma section, ou plutôt mon étage au ministère était au courant de ce que j'avais fait. J'avais honte, oui, mais je savais pourquoi je l'avais fait. Je ne pouvais pas savoir que l'Ordre allait reprendre le pouvoir. Si j'avais su, je serais partie, et j'aurais récupéré mon travail après la mort de Kark. Mais je n'avais pas su, et aujourd'hui j'en suis là. Où je préfère venir remplir de la paperasse au chaudron baveur, que de sentir ces regards braqués sur moi, ces coups de têtes plus ou moins discrets en direction de mon bureau quand j'y étais enfermée. J'étais tellement exaspérée par tout cela que j'en perdais ma concentration. Et j'en venais à pester contre mes collègues en rédigeant une lettre, ce qui m'amenait à écrire des joyeusetés sur le papier. Dire qu'une simple plume enchantée aurait écrit ça en trente secondes. C'était à devenir fou.

Je lâchai ma plume -non magique, pour mon plus grand malheur- et posai mon front contre ma paume, le coude appuyé contre la table. Ca commençait à bien faire cette histoire ! Si ça continuait comme ça j'allait bel et bien enchanter quelque chose pour rédiger ce truc. Après tout je devais bien être assez douée en sortilège pour que l'autre idiot ne se rende compte de rien, non ? Mais si au contraire il s'en apercevait, ça allait encore jaser au ministère, et ce serait pire que tout.

C'est alors que je m'imaginais les merveilleuses conséquences qu'auraient ma supercherie si jamais elle était découverte, que j'entendis prononcé mon nom. Je relevais la tête, la mine étonnée, et acquiesçai légèrement pour signifier que j'étais bien la dénommée Steevens. Je n'avais pas spécialement l'habitude qu'on m'adresse la parole en dehors de mon cadre de travail. Et on ne peut pas dire que le chaudron baveur soit l'endroit où on s'attend à trouver une employée du ministère.

« …Miss Steevens ? Je ; pardonnez-moi cette indiscrétion mais ; Aoden Teagan, je travaille pour la Gazette du sorcier. »

La Gazette ? Je fronçai les sourcils, et adoptai une posture fière en me redressant sur ma chaise. Qu'est-ce qu'il voulait ce journaliste ? Les rumeurs à mon sujet n'avaient tout de même pas atteint les médias ?! Il cherchait des potins à mettre dans son article ou bien ?! Malgré ses bonnes manières et ses paroles aimables, il ne me disait rien qui vaille. Je peinais déjà assez à faire taire les ragots au sein d'un étage du ministère, je ne voulais pas que l'affaire s'étende à plus loin que ça ! J'eus donc l'air de snober ledit Aoden, en attendant la suite en silence, les lèvres légèrement pincées.

Le journaliste poursuivit, et mon visage se ferma clairement lorsqu'il parla de raisons qui ne me seraient pas tout à fait agréables. Il ne pouvait s'agir que de ce que je redoutais. J'avais très franchement envie de le couper et de l'envoyer voir ailleurs. Pourtant je ne le fis pas. J'observais ses traits en écoutant la suite, trouvant malgré tout à son visage des airs qui ne me parurent pas malsains ou malintentionnés. Il utilisait quelques précautions -ponctuées, il fallait le dire, de maladresses quelque peu charmantes- qui me valurent de lui accorder une chance en écoutant au moins jusqu'au bout ce qu'il avait à raconter. Pour autant, mon regard ne s'adoucit pas, et c'est masquée de mon éternel air froid que je l'écoutai, semblant le jauger du regard, déterminer si, oui ou non, j'allais lui accorder ma confiance.

Il fit une pause, et je laissai malgré moi l'ombre d'une hésitation passer dans mon regard. Une hésitation voilée de soulagement. Il n'y croyait pas. Du moins était-ce ce qu'il prétendait. N'essayait-il pas simplement de me faire entrer dans son jeu pour que je réponde sincèrement à ses questions ? Parce que c'est ce qu'il prévoyait, non ? De m'interroger ?

« Acceptez-vous de m’accorder un entretien ? Ici ou ; plus tard. Évidemment. C’est selon vous… » Tout juste.

J'eus honte de ma faiblesse, et de la facilité avec laquelle cet homme m'avait donné envie d'accepter. Ou plutôt, avec laquelle ce qu'il avait dit m'avait donné envie d'accepter. Il n'y croyait pas. Il ne croyait pas que j'avais collaboré. Ca voulait dire que certaines personnes, qui avaient entendu parler de ce que j'avais fait, ne me croyait ni traîtresse, ni Ombre ou que sais-je encore. Et lui, peut-être, même si rien ne me certifiait qu'il disait vrai, faisait potentiellement partie de ces personnes. J'avais envie d'y croire. De croire que je n'étais pas étiquetée mangemorte par tout le monde, du moins pas encore. Peut-être qu'il pouvait m'aider. Du moins était-ce qu'il prétendait ... Je posai ma main sur le dossier de ma chaise et la reculai légèrement afin de pouvoir me lever pour faire face une bonne fois pour toutes au journaliste. Et puis je lui tendis ma main.

« Asseyez-vous, je vous en prie. »

Pas de sourire, ni de ton spécialement aimable. J'étais toujours très froide, mais je ne l'envoyais pas balader, il pouvait voir ça comme un bon point. Je n'étais pas facile à avoir, je restais méfiante. Mieux valait l'être, en ces temps troublés. Surtout quand il s'agissait d'une affaire comme ça et qu'on était face à un journaliste de la gazette, soit le journal le plus lu de Grande Bretagne. Un faux pas, ou un faux mot, et c'en était fini de ce qu'il me restait de réputation. Alors il allait falloir qu'il bataille encore un peu pour avoir ma confiance. Il m'avait donné envie d'accepter cet entretien, maintenant il allait falloir qu'il convainque ma raison, parce qu'elle, elle avait plutôt tendance à me pousser à la prudence pure et dure. Soit l'envoyer balader une bonne fois pour toute.

« C'est curieux que vous n'y croyiez pas ... Les gens qui ont entendu parler de ça ont plutôt tendance à le croire, au contraire. Pardonnez-moi de remettre votre parole en doute, mister, mais un nombre trop important de personnes seraient ravi d'obtenir ces informations pour me faire renvoyer une bonne fois pour toute, je me dois d'être prudente. »

Je jetai un regard un peu amer aux mots écrits par maladresse sur ma lettre d'excuse, songeant au collègue à qui ils étaient destinés. Lui, entre autre, ne serait que trop heureux de pouvoir donner des informations sur mon compte à la gazette. Mes lèvres se pincèrent à nouveau légèrement à cette pensée, et je redirigeai mes yeux vers ceux du journaliste, avant de demander d'un ton quelque peu abrupte.

« Qu'est-ce qui vous fait croire que ces accusations sont fausses ? »
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Re: curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Dim 24 Fév 2013 - 22:49
Elle a le choix. Après ce que j’ai dit, ce que je révèle implicitement, ce que mon regard ne peut qu’explicitement exprimer, après ces quelques phrases machinalement articulées ; elle a le choix. Et ce choix, elle le prend sans grandes hésitations. Avec beaucoup plus d’assurance et de charisme que ce à quoi je m’attendais ;
Pour une personne soupçonnée par tous, je trouve Lena très sûre d’elle. Dans ses gestes, dans le ton de sa voix, dans sa poignée de main. Ça ne me déplait pas au contraire. Vouloir défendre quelqu’un et clamer son innocence n’a pas grand intérêt si ce quelqu’un se laisse faire ; non ?
Sans afficher trop clairement mon sourire de satisfaction, je relâche sa main avec délicatesse et prends place face à elle.

« Merci beaucoup. »

C’est la moindre des choses que de la remercier. J’aurai pu attendre la fin de l’entretien, la fin d’une prise de notes ou d’une réelle conversation, mais je la remercie déjà. Car cette acceptation – ce premier pas vers l’accord disons – est à mes yeux plus important que ce qu’elle peut m’annoncer désormais.
Ce que je suis venu chercher, je le sais déjà. En fait. La jeune femme aurait soufflé des informations à l’ennemi – alors qu’il était au pouvoir je le rappelle – et aujourd’hui elle est pointée du doigt par tous ; bien. Et après ? Ce ne sont pas les faits que je suis venu quémander. Je ne veux pas sa version, je ne veux pas des aveux. Je lui ai dit et je maintiens : je ne crois pas les rumeurs la concernant ;
Si je suis le journaliste, c’est elle qui prend la parole la première une fois que je me suis installé. Je l’écoute, de plus en plus curieux, passionné, et réponds avec plaisir.

« Votre méfiance à mon égard est légitime…après tout je suis journaliste. Plus sérieusement, je n’ai pas d’explications à vous donner. Rien de concret, de tangible. Je n’ai que mon impression, mon opinion personnelle. Peut être que j’en ai marre de voir les gens accuser leurs collègues. J’en ai marre d’entendre les uns et les autres crier au traitre. Et s’ils se cachaient derrière l’accusation d’un autre ? Et s’ils n’agissaient que par peur ? Par stupidité ? Le travail de l’Ordre du Phénix a certes comporté quelques failles et je suis certain que des coupables – des vrais – sont encore paisiblement installés chez eux. » Je marque une pause, fais un signe à la serveuse et replace immédiatement mes yeux bleus dans les sombres de la miss Steevens. « Ce n’est pas votre cas. Car je ne me contente pas de fouiller les récents évènements pour en déduire mes hypothèses. Je suis allé le plus loin possible – tout en restant respectueux sur votre vie, promis – et je ne vois qu’une disciplinée et impliquée travailleuse. Si vous avez rendu un service à un pro Ombre, si vous avez aidé un actuel ennemi…c’était à l’époque un supérieur, un collègue ou un homme libre et à qui il ne valait mieux pas chercher des ennuis. J’ai moi-même été contraint de fréquenter ces gens que je déteste, avions-nous seulement le choix ? Vous ne serez pas jugée pour une subtile défense Lena. Et c’est en me basant sur votre histoire, que je veux soutenir des dizaines de personnes. »

Avec un peu de chance, je suis convaincant. Bien entendu rien dans ma voix ne laisse penser que je doute, que je crains mes propres paroles. Rien dans mon regard ne suppose l’hypocrisie ou la sournoiserie et dans mes gestes il n’y a que ma sincère nature.
Mais cette femme ne me connait pas. Il se pourrait qu’elle interprète tout de la mauvaise façon. Pour se protéger, pour s’éviter les ennuis. Il se pourrait que ma discrétion quand à mes propos soit vue comme de la ruse, de la tromperie, et je perdrais ainsi toutes les chances que j’avais mises dans une rencontre avec elle ;

La serveuse s’avance vers nous au moment exact ou je termine ma phrase et, dans un sourire sympathique, je laisse Lena faire savoir ce qu’elle désire ou non. J’accompagne la demoiselle si elle veut boire, répète ma première commande si je suis seul, puis je joins les mains sur la table. Pensif et sérieux.
On peut bien avoir un entretien professionnel et conséquent tout en adoptant une attitude aimable.
Face à Lena Steevens que je rencontre ce soir, je ne saurai faire autrement croyez-moi…

« J’ai simplement besoin de votre accord pour mettre en lumière une injustice de la société. »
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Re: curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Lun 25 Fév 2013 - 13:58
L'oeil vif, je notai le sourire satisfait qu'Aoden tenta de dissimuler, avec quelque chose qui pourrait s'apparenter à de l'amusement. Ou plutôt, qui se serait apparenté à de l'amusement si je n'étais pas dans un état d'esprit aussi froid compte tenu de la situation dans laquelle m'avait plongée l'arrivée au pouvoir de .. Ma faction. Quel paradoxe. En tout cas ce journaliste me plaisait de plus en plus, même si je ne savais, au fond, pas trop comment je devais interpréter ce sourire. J'espèrais que mon impression positive était la bonne, sinon je regretterais amèrement de lui avoir permis de s'asseoir à cette table.

« Merci beaucoup. »

Et c'est qu'il était aimable en plus. Allons bon. Maudite soit ma naïveté si jamais il me mentait, mais j'étais bien partie pour répondre effectivement à ses questions. Enfin sans compter ma raison qui continuait de me souffler -ou de me crier- de n'en rien faire. J'attendais, en silence, le visage toujours fermé, qu'il réponde à mon interrogation. Je voulais pouvoir me faire un avis réel sur ses motivations avant de me décider à être, ou pas, honnête de mon côté aussi. Je m'étais néanmoins plutôt attendue à ce qu'il me remercie à la fin de notre entretien, si entretien il y avait. Pourtant, je crus comprendre ce qu'il avait derrière la tête. Le pourquoi du comment. Et ça me plaisait. Il était loin d'être idiot, sa subtilité était fascinante.

La voix que prit Aoden lorsqu'il parla me surprit quelque peu. La sincérité que j'y lus, et la simplicité dont il faisait preuve me convainquirent presque instantanément. Presque. Ma raison gardait toujours sa place, et en digne serdaigle que je fus, ladite place était très, parfois trop importante. Je resterais méfiante, quoi qu'il dise, et même si je le croyais sincère. Même lorsque j'accepterais de répondre à ses questions -parce que je le savais, j'étais conquise, j'accepterais- je resterais sur mes gardes. Les seules personnes avec lesquelles je baissais ma garde étaient très, très peu nombreuse, et un journaliste rencontré il y avait environs trois minutes ne ferait très certainement pas parti de ces personnes. Du moins pas pour l'instant, et pas au cours de l'entretien. La prudence resterait de mise, quoi qu'il arrive. Et ma raison pouvait être rassurée, je n'avais pas l'intention de lui déballer tout ça comme ça.

Néanmoins, je notais avec intérêt les gestes qu'il faisait avec ses mains en parlant, remarquais les intonations de sa voix, fixais ses yeux sans les lâcher une seule seconde, à l'affût du moindre indice qui pourrait discréditer son a priori sincérité. Et je n'en trouvai pas. J'étais pourtant très perspicace. Trop, presque, ça m'avait déjà joué des tours. Ca faisait mal parfois, de déceler le mensonge dans la voix d'un être cher. De percevoir de la culpabilité dans les yeux d'une personne aimée, alors qu'elle vous affirmait que ce dont vous l'accusiez était faux ... Dans ces cas là, pour se protéger, autant limiter le nombre de personnes aimées. C'est bien plus prudent. Et ça marche. Technique Lena.
Quoi qu'il en soit, cet homme me paraissait digne de confiance. Trop, me soufflait ma raison, mais faisons-la taire, un peu. Il avait l'air de croire réellement ce qu'il disait. Si on avait dû schématiser cela, on aurait pu lui dessiner une flamme dans la gorge, ou une flamme qui sortait d'entre ses lèvres lorsqu'il parlait. Ces mots semblaient presque sortir d'eux mêmes, vifs, passionnés, et pourtant toujours posés. C'était la flamme de la passion qu'on aurait pu représenter ici. La même que l'on aurait pu dessiner chez moi lorsque j'exerçais mon travail. C'était pour ça, pour cette passion, pour conserver cette flamme, que j'avais aidé l'ennemi. Parce que j'aimais ce que je faisais, vraiment, et que je ne voulais pas perdre ce à quoi j'avais consacré dix ans d'études, dix ans de ma vie. Pour pouvoir exercer ma passion, tout simplement. Et les gens qui ne pouvaient pas comprendre cela, c'est qu'ils ne le vivaient pas. Qu'ils n'avaient jamais pris plaisir à exercer leur travail et qu'ils pouvaient en changer en claquant des doigts. Ce n'était pas mon cas.

Et ce n'étais vraisemblablement pas celui d'Aoden non plus. Il prétendait avoir été confronté à une situation similaire à la mienne. Et étonnamment, je ne remis pas en doute cette affirmation. Sans doute trouvais-je cela logique. C'est parce qu'il l'avait vécu, qu'il comprenait. Il exerçait son travail avec la même flamme que moi, et ainsi, il avait voulu le conserver aux dépends de la politique. Ca expliquait son discours passionné.

Un premier sourire, léger, presque inconscient -ou plutôt indépendant de ma volonté- apparut au coin de mes lèvres alors qu'il concluait son discours. Au moment où la serveuse s'approchait, me tirant de mes réflexions. Et me faisant prendre conscience de ce fichu sourire apparu au mauvais moment. Je l'effaçai en vitesse et me tournai vers la jeune femme, après que Aoden m'eut invité à commencer.

« Un whisky pur feu. S'il vous plait. »

J'accompagnai ma commande d'un sourire de circonstance, celui-ci, bien prévu et contrôlé, puis profitai que le journaliste soit occupé pour réfléchir à ce qu'il avait dit. Il avait prétendu avoir cherché des informations sur mon compte. Ou c'était l'idée. Je ne doutai pas un instant qu'il ait effectivement été respectueux sur ma vie .. Puisque de toute façon, il n'y avait rien à dire. Ma vie, c'était mon boulot. Et c'est par rapport à ce boulot qu'il menait son enquête, alors ... Il aurait eu du mal à empiéter sur le domaine du privé, même si ça avait dû être son intention. Le dernier évènement privé notable fut certainement la mort de ma mère, tuée par les agents du Lord, alors que j'avais 5 ans. Il aurait dû remonter loin. La pseudo description qu'il fit de moi m'apprit au moins qu'il ne me racontait pas de sornettes. En effet, une disciplinée et impliquée travailleuse. C'était ce qu'on pouvait dire de mieux à mon propos quand on ne me connaissait pas personnellement.

Après tout ce qu'il m'avait dit, je n'eus pas besoin de beaucoup de temps pour prendre ma décision, si tant était qu'elle n'était pas déjà prise. Je le regardai à nouveau -et notai au passage qu'il avait commandé la même chose que moi- et laissai mes traits se détendre légèrement, me donnant presque l'air aimable. Disons que je ne semblais plus avoir envie de le mordre et de l'envoyer voir plus loin. Je m'apprêtais à répondre, lorsqu'il enchaîna.

« J’ai simplement besoin de votre accord pour mettre en lumière une injustice de la société. »

Je pris encore quelques secondes, mes yeux scrutant ceux de mon vis à vis ; puis j'avisai à nouveau la lettre
abandonnée devant moi. Juste une seconde. Avant de fixer à nouveau le journaliste, et d'acquiescer, lentement, calmement. Sans un mot. Je rassemblai les divers documents -vestiges de lettres elles aussi victimes de ma concentration, plaintes, états des lieux, rapports, et autres- étalés sur la table en une pile propre et ordonnée, posai ma plume dessus, et croisai les bras sur la table.

« Vous aurez mon aide, Aoden. Je vais répondre à vos questions. » Dis-je simplement, d'un ton égal.
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Re: curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Lun 25 Fév 2013 - 20:32
C’est toujours aussi palpitant, fascinant et captivant de rencontrer quelqu’un. Découvrir une personnalité, deviner les premières courbes physiques et psychologiques de l’inconnu – inconnue en l’occurrence – estimer la couleur de ses idées et supposer ses opinions, leur intensité, le gout de ses passions et le timbre de voix…j’ai toujours adoré ça.
Lena Steevens est ma découverte de la journée – n’y voyez là rien de péjoratif ou de rabaissant au contraire – et je l’ai senti dès que nos regards se sont croisés : la jeune femme est réellement intéressante. La finesse de ses yeux me perturberait si je n’étais pas si professionnel, si concentré, la particulière froideur qu’elle dégage par méfiance et par sécurité me touche, ce semblant de point commun qui nous unit mais que je n’ai pas encore découvert, cette ambiance. En fait. L’atmosphère doucereuse, subtilement tendue et aguichante me plait beaucoup.
Je n’oublie pas que les ressentis de ladite Lena peuvent être extrêmement différents des miens et que, en général, je suis très maladroit face à une femme que je ne connais pas.

« Excellent. Je vais dans ce cas vous poser les premières questions pour un premier jet et, si besoin et selon vos disponibilités, nous nous reverrons peut être. »

Hum, ça, c’est osé. Culoté même. Ma foi c’est dit désormais et si je détourne un instant le regard pour faire mine de me concentrer sur le bout de papier que j’ai dans l’intérieur de mon blouson, je retrouve ma concentration assez rapidement. Autant que faire se peut.
Je reste appuyé sur la table, plus ou moins de la même façon qu’elle, et entame alors – sans aucun support papier, celui dans la veste ne servait que de bête diversion et est resté à sa place sagement.

« Tout d’abord, j’imagine qu’il est difficile de travailler avec des collègues suspicieux. Comment vivez-vous le regard des autres, notamment de ceux que vous pensiez connaitre et à qui vous pensiez inspirer confiance dans le monde du travail ? »

Je n’aime pas balancer mes questions à flot sans laisser l’occasion à mon tête-à-tête de répondre. Je ne suis pas avocat, je ne cherche pas à déstabiliser le destinataire comme un vulgaire paparazzi. J’ai besoin d’informations de sa part, d’éléments donnés avec sincérité et calme. C’est beaucoup plus crédible et utile pour ce que j’ai envie d’en faire ;
Et plus respectueux. Reconnaissons-le.

« Il faudrait aussi que vous m’expliquiez comment vous avez changé vos habitudes pour votre quotidien. Vivre ici aujourd’hui devrait être rassurant, beaucoup plus reposant qu’il y a quelques semaines à peine mais dans votre cas, lorsque l’on est soupçonné, comment s’arrange-t-on pour éviter les faux pas ? Pour esquiver les ennuis ? »

Mes lèvres se tordent dans une moue désolée. Je n’aime pas forcément entrer ainsi dans la vie privée, comme dit plus tôt. Eh si, c’est indiscret de demander à une jeune femme comment elle vit les problèmes du nouveau gouvernement, comment elle anticipe les prises de risques et comment elle se protège au milieu de gens méfiants tout en continuant d’exercer sa profession…!
Je m’arrête ici. Ces deux premières questions peuvent amener des réponses qui se croisent et correspondent, je ne veux pas manquer une miette ou la perdre avec davantage de paroles.

Si je n’ai plus rien à dire dans l’immédiat mais au contraire à écouter, je m’arme d’une plume et sors – enfin – le bout de papier plié dans ma poche. J’utilise son verso pour préciser la date de notre rendez-vous improvisé en cette soirée ; puis je relève le visage avec un sourire sympathique. Voilà, je peux l’écouter et noter ce qu’elle veut bien me dire.
La plume que j’utilise n’est pas magique. Enfin si, mais pas tricheuse. Elle n’écrira pas pour moi, elle a simplement assez d’encre pour me servir jusqu’à la fin de ma carrière, ce qui est très pratique croyez-le. Quand j’y pense, pauvres moldus ;
Mais je m’éloigne du sujet principal et replace mes yeux sur elle avec un plaisir mal dissimulé.

Tout aurait pu se dérouler à merveille. Je commençais à en être sûr. La chance m’est venue peu de temps après mon entrée dans les lieux, la demoiselle recherchée s’est vite montrée agréable – relativement indulgente et patiente en tout cas – et l’interview aurait pu commencer.
Mais voilà qui me rappelle que j’attire la malchance, que je suis porteur de poisse ou un truc comme ça car au milieu de la phrase de Lena, la serveuse nous apporte nos commandes. Bah, rien d’extraordinaire là dedans, sauf qu’elle décide de se faire plus maladroite encore que moi et me balance la moitié du verre à la figure…
Quelqu’un à décidé que mon projet professionnel était maudit. Je ne vois que ça.

Je ne l’avais pas vu arriver, trop absorbé par le début de prise de parole de la belle assise face à moi, mais quand le liquide très frais traverse l’épaisseur de mon vêtement et atteint mon torse, autant dire que je réagis instinctivement ; rapidement.
Je me retrouve debout quand la chaise claque contre le sol à la fin de sa chute. Il me faut environ une seconde pour me ressaisir. Ce n’est pas bien grave…je crois. Je tends alors la main vers la serveuse confuse pour lui assurer que ce n’est rien ;
Fichtre. C’est quand même super emmerdant ce genre d’incident. Aussitôt mon regard retourne à la miss Steevens et je soupire.

« J’suis désolé ! Je crois qu'il va falloir recommencer. »

Et nous avons attirés, l’espace d’un instant, absolument l’attention de toute l’assemblée. La moitié nous oublie vite pour reprendre ses discussions mais une partie s’amuse encore de notre embarras lisible ; dans mes yeux surtout.
Et maintenant ? Je retourne à ma chaise dans cet accoutrement ?... pas bien le choix. Je ne manquerais pas cette entrevue.


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Re: curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Mar 26 Fév 2013 - 1:07
Je haussai un sourcil lorsqu'Aoden affirma le plus naturellement du monde que nous nous reverrions si besoin était. Vraiment ? Hé bien, voilà qui ne manquait pas de toupet. Cela me surprit presque de la part de cet homme qui s'était montré si prudent et qui avait jusqu'à présent employé tous les efforts du monde à ne pas me froisser. Oh je ne l'étais pas, loin de là. J'étais simplement surprise. Il n'avait pas dit cela en insistant sur certains mots, n'avait pas semblé me fixer plus profondément en disant cette phrase .. Au contraire, il venait même de détourner les yeux pour vérifier quelque chose, comme s'il se rendait compte trop tard du sous-entendu que l'on aurait pu déceler dans cette phrase. C'était venu naturellement, oui .. Il ne pouvait pas s'agir là d'une tentative de séduction, du moins cela m'étonnerait-il. L'ambiance assez inhabituelle s'y prêterait presque, néanmoins, je n'y croyais pas trop. Non, il avait simplement énoncé quelque chose qui allait de soi si jamais nous ne pouvions pas finir ce soir. C'était strictement professionnel. En d'autres circonstances cette fois encore, j'en aurais sans doute souri. Mais pas là. Pas aujourd'hui. J'acquiesçai simplement, et lâchai un « Cela va de soi » des plus neutres.

J'attendis donc ces questions. La première ne tarda pas.

« Tout d’abord, j’imagine qu'il est difficile de travailler avec des collègues suspicieux. Comment vivez-vous le regard des autres, notamment de ceux que vous pensiez connaitre et à qui vous pensiez inspirer confiance dans le monde du travail ? »

Je commençai aussitôt à réfléchir à cette question. Comment je vivais le regard des autres ... C'était une question intéressante, je pouvais au moins lui reconnaître cela. Mes yeux plongés dans les siens ne les lâchèrent à aucun moment, et je me rappelai progressivement le regard qu'avaient pour moi mes anciens collègues. Ceux d'avant Kark. Du temps où le simple fait de venir au ministère me donnait envie de sourire et où je n'avais pas encore à me méfier de mes collègues. Parce que oui, il faut le préciser .. Du temps de Kark, j'étais tolérée parce que j'étais utile au ministre. Mes collègues étaient des Ombres. Ils n'avaient pour moi que du mépris. Du mépris et de la sacrée jalousie, parce que j'étais bien meilleure qu'eux sur le terrain et que je leur sauvais la vie assez régulièrement. Etant donné que je travaillais ici depuis plus longtemps qu'eux, j'aurais dû être leur supérieure, j'étais plus compétente. Mais non, j'étais une basique, de rang 1 de surcroît. Alors je n'étais plus que ça. La basique. La phénix qui bossait pour eux en échange de son poste. Ils n'avaient pas confiance en moi, et moi pas en eux. De ce point de vue là, la chute de Kark n'avait pas changé grand chose.
Je réfléchissais, je repensais à tout cela à toute vitesse, et mes yeux se perdaient progressivement dans ceux de mon interlocuteur pendant que, moi, je me perdais dans mes pensées. Je fis un bond plus loin. J'oubliai les Ombres et Kark, et je revis mon travail, avant l'épuration du ministère. J'ai travaillé trois ans et quelques mois avant qu'il ne prenne le pouvoir. Trois en tant que stagiaire, et le reste, sur le terrain. J'ai tellement appris au cours de ces quelques mois. Ce furent les plus beaux que je connus dans le monde de mon travail. Parce qu'il n'y avait pas que le terrain, la nuit, la lune, qui me permettaient de me sentir réellement vivante. Il y avait aussi la bonne ambiance, au travail, avec les collègues qui ne me jugeaient pas. Le plaisir que je prenais à franchir chaque jour la porte de mon bureau, à sourire simplement aux gens que je croisais, au lieu de braquer mon regard en avant pour ignorer leurs commentaires sur mes actes passés. Bien sûr, depuis mes années Poudlard, je n'étais plus vraiment chaleureuse avec les gens que je ne connaissais pas... Mais il y avait un pas entre le manque de chaleur et l'irrespect. Mes collègues de travail avaient été, pour la plupart, de vrais amis pour moi. Ceux qui me connaissaient vraiment. Quand j'ai décidé de me battre pour garder mon travail, notre travail, quitte à devoir aider l'ennemi ... Ils ont coupé les ponts. Pour eux, la Cause était plus importante que leur job. J'étais moins impliquée qu'eux dans la Cause, je l'étais davantage dans mon travail. Il ne l'ont pas compris. Ils ne m'ont pas comprise. Alors tant pis.

« Il faudrait aussi que vous m’expliquiez comment vous avez changé vos habitudes pour votre quotidien. Vivre ici aujourd’hui devrait être rassurant, beaucoup plus reposant qu’il y a quelques semaines à peine mais dans votre cas, lorsque l’on est soupçonné, comment s’arrange-t-on pour éviter les faux pas ? Pour esquiver les ennuis ? »

La reprise de parole d'Aoden m'arracha à mes pensées, et je réintégrai la réalité. Je me retins de secouer la tête pour reprendre mes esprits. Fiou, ces retours dans le passé ne me réussissaient pas. Je me rendis compte que j'avais entrouvert les lèvres en réfléchissant, comme si j'avais décroché du monde réel. Et me croyant toute entière dans mes souvenirs, j'avais laissé la nostalgie prendre le dessus. Je devinai mes yeux légèrement brillants. Fichtre. Je clignai plusieurs fois des paupières afin de faire disparaître les larmes qu'un observateur attentif aurait pu deviner, et me reconcentrai sur les questions du journaliste. Que disait-il ? Ah, oui ... Vivre aujourd'hui, rassurant, soupçonné .. ça me revenait. Je baissai un instant les yeux, pour réfléchir à ce que j'allais lui répondre. Dans le mouvement que fit mon regard en descendant, j'aperçus la légère grimace d'Aoden. Qu'était-ce ? De l'excuse ? Je fronçai légèrement les sourcils .. Pourquoi de l'excuse ? .. Il ne faisait que son boulot .. Si c'était par rapport à la gêne que pouvaient occasionner chez moi ces questions, je trouvai l'attention charmante. Enfin, si on pouvait parler d'attention. Il était vraiment très respectueux, difficile de ne pas lui reconnaître cela. Je ne réagis pas à sa dernière remarque autrement, et le regardai en silence s'équiper de plume et support pour prendre en note ma réponse.

Lorsqu'il fut prêt, je le regardai, toujours en silence, et répondis faiblement à son sourire. Hum, ce que je détestais me sentir vulnérable comme ça, c'était affolant ! Je pris encore juste quelques secondes pour réfléchir, puis me lançai, le ton un peu moins assuré que jusqu'à présent, la voix quelque peu vacillante.

« Travailler avec des collègues suspicieux est difficile en effet.. Supporter des regards méfiants, parfois même des .. des remarques, des chuchotements, tout ce que vous voulez ... Lorsque vous êtes suspecté d'avoir collaboré avec l'ennemi, alors que rien n'est encore prouvé, c'est comme si vous étiez déjà jugé coupable par l'opinion de votre entourage. Si on ne vous connait pas personnellement, on ne se pose pas de question, on n'essaie pas de se dire que, peut-être, les accusations sont fausses, que, peut-être, vous ne méritez pas d'être traité de la sorte. Comme un ennemi, un traître. C'est ... »

C'est ... le moment que choisit la serveuse pour trébucher et donner une bonne douche à mon journaliste préféré. Je les observai l'un après l'autre, la première, l'air catastrophé, confuse et un peu paumé, et l'autre, dégoulinant, debout et sur ses gardes. Oula. Je devais bien avouer ne rien avoir vu venir non plus. Et cette fois, le sourire, ce fichu sourire amusé qui avait voulu apparaître au coin de mes lèvres à plusieurs reprises, il m'échappa, totalement, et mon visage s'éclaira. La scène passa vite et bientôt, la serveuse s'éloigna en se répandant en excuses et en affirmant qu'elle allait chercher un autre whisky sur le champ, tendis que mon journaliste dégoulinant se rasseyait face à moi.

« J’suis désolé ! Je crois qu'il va falloir recommencer. »

Mon sourire s'élargit et c'est d'une voix somme toute naturelle et légère que je lui répondis, la plaisanterie se ressentant clairement dans mon ton.

« C'est rien, ce n'est quand même pas de votre faute si la serveuse est adepte du parfum au whisky pur feu .. Elle devait penser que la sobriété ne vous réussissait pas, peut-être. »

Je jetai un regard alentours, et remarquai les quelques regards moqueurs ou simplement curieux qui ne se détournaient pas. La gêne d'Aoden était facilement perceptible; Le pauvre, il devait se sentir affreusement ridicule. Étrangement, cela ne m'étonna pas de lui. Il avait tout l'air d'être le malchanceux de service qui était toujours au mauvais endroit au mauvais moment.

Je retrouvai mon sérieux, alors que le journaliste se faisait apporter un nouveau whisky, dans un verre, cette fois, et pas en vrac. J'attendis qu'il soit à nouveau prêt, et je repris.

« Donc je .. Qu'est-ce que je disais déjà ? .. Ah oui .. Je venais de vous dire que les gens ne se demandent même pas si une erreur, un malentendu ou n'importe quoi d'autre, ne se serait pas glissé dans l'affaire. Si on vous suspecte, c'est que vous êtes un ennemi, et ça ne va pas plus loin. On n'essaie pas de vous comprendre, et c'est principalement ça qui est difficile à supporter. Et de fait, le comportement, le regard de mes collègues n'est, pardonnez-moi d'être si abrupte, pas différent de celui qu'avaient les Ombres à mon égard alors que j'étais leur ennemie, et par leur alliée, comme c'est le cas pour les Phénix. Ils se comportent de la même façon. La même suspicion, le même mépris, voire le même dégoût, parfois.

Alors dans ces cas là, on se fait discret, on veille à ne pas commettre la moindre faute, pour ne pas montrer le flanc à des gens qui ne cherchent qu'une occasion de vous attaquer, de vous blesser, de vous rabaisser. On évite leur compagnie, on recherche la solitude, le calme, un endroit où on n'a à supporter ni les regards dégoûtés, ni les remarques acerbes, ni, simplement, cette impression oppressante d'être surveillée, calculée dans chacun de nos geste, chacune de nos actions.

Je n'en attendais pas moins de la part des Ombres. Mais pour ce qui est de mes alliés, je m'attendais à ce qu'ils se demandent pourquoi j'avais voulu conserver mon travail, et qu'ils essaient de voir ce que j'avais fait exactement, avant de m'accuser et de me juger sans rien savoir, sans rien comprendre. Comme vous l'avez dit, la vie aurait dû être plus reposante après la chute de Kark. Mais en réalité je suis désolée, il n'y a pas la moindre différence pour les gens suspectés d'avoir collaboré.
»

J'avais prononcé cette dernière phrase avec une hargne qui me surprit moi-même. En réalité, et je ne m'en rendais compte que maintenant, le sentiment qui dominait sur les autres était la déception. J'avais cru moi aussi que l'arrivée au pouvoir de l'Ordre ramènerait la justice en Angleterre, peut-être pas immédiatement, mais petit à petit, en commençant par le coeur de tout cela : Le ministère. J'avais eu tort. Mes yeux se détachèrent de ceux d'Aoden pour se balader lentement sur le bois de la table.

Je m'aperçus alors que .. J'avais parlé sincèrement à ce journaliste. Plus sincèrement que je ne le comptais. Je m'étais un peu trop livrée, me souffla ma raison. Ca m'avait fait du bien, malgré tout. Mais je ne pouvais pas me contenter de ça, et pour le coup, je me devais de l'écouter, cette fichue raison qui me cassait les pieds. Tu me poses des questions pour ton article, et ça se finit en thérapie ? Non, ce n'est pas comme ça que ça marche. Pas avec moi. Je ne me livre pas aux inconnus, c'est comme ça. Je ne me livre pas tout court. Je suis grande, mince alors, j'ai pas besoin de ça ! Je n'ai fait que répondre à ses questions, et rien de plus. Du moins était-ce que j'aurais dû faire. Je lâchai un soupir et levai à nouveau les yeux vers l'homme assis en face de moi.

« Excusez-moi, je ... Ce n'est pas .. Je n'aurais peut-être pas dû .. Vous en dire autant, j'ai ... »

Hrrm ... Un léger mal de tête me vrilla soudain les tempes, et je m'interrompis. Pour ce que j'étais en train de débiter de toute façon, ce n'était pas bien grave. Je remontai l'une de mes main jusqu'à mon visage, et me massai furtivement les arcades sourcilières en soupirant à nouveau, avant de regarder à nouveau Aoden.

« Désolée ... Oubliez ça, s'il vous plait .. Vous avez d'autres questions ? ... »

Je tentai sans grand succès de retrouver mon air froid de tout à l'heure, que j'avais petit à petit perdu en répondant aux questions du journaliste. Je savais ce qu'il s'était passé .. J'avais perdu ma carapace l'espace de ces quelques secondes, et du coup, tout ce qu'elle avait maintenu à distance jusqu'à présent -la fatigue, la solitude, la déception, toutes ces joyeusetés là- me retombait dessus. Et ça ne faisait pas du bien. J'avais honte de ma faiblesse, et je n'espérais qu'une chose : qu'Aoden fasse comme je lui disais. Qu'il fasse comme s'il n'avait pas vu cette brèche dans ma protection -bien qu'il ne puisse pas vraiment savoir qu'il était question de brèche et de protection- et oublie la vulnérabilité de celle qui jusqu'à présent lui été apparue comme battante, sure d'elle et fière.
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ce message a été posté Mar 26 Fév 2013 - 12:06
Jugée sans preuves / Pas la moindre clémence, pas de place au doute / Accusation facile / Aucune prise de risques. / Dénonciation gratuite.
Voilà ce que j’ai eu le temps de noter avant que le whisky n’atteigne ma peau par surprise. C’était un début d’idée, je ne marque jamais ce que l’on me dit mot à mot. Ce serait plus respectueux, plus véridique et plus sincère vous dites ? Je ne vois pas les choses ainsi. J’aime entendre les gens vider leur cœur, déverser leur sac de sentiments mais c’est à moi de remanier l’idée qui s’en détache. De repenser le nœud de leurs maux.
Chacun ses méthodes. J’ai pu sauver le bout de papier avec ce qui était écrit et c’est l’essentiel je devrais pouvoir me remettre dedans dès ma relecture. Le souci est tout autre : je ne veux pas paraitre à côté de la plaque tandis que Lena me parle. Je veux suivre tout le déroulement de ses explications, toutes les informations qu’elle peut me donner, dans l’ordre et dans sa logique. Car si c’est à moi de retranscrire les troubles, ils doivent toujours appartenir à leur propriétaire après rédaction ;

Je l’ai deviné. Je l’ai peut être tant désiré qu’il m’est apparu, mais je suis certain de ne pas l'avoir rêvé : la jolie jeune femme a esquissé un sourire. Il était moqueur c’est sûr, après tout ma démonstration d’embarras et de perplexité était clairement amusante. Et puis, le sourire lui va si bien ;
Ceci dit si elle a pu se divertir devant mon impulsivité, cette idée amplifie nettement ma gêne et je secoue la tête non sans un léger rictus au coin des lèvres. Tant pis, j’aurai été relativement parfait à ses yeux le temps d’une fraction de seconde. Le temps que j’approche sa table et que j’articule que je suis journaliste ;
Depuis, c’est bourdes sur idioties. Eh, n’est ce pas tout ce qui fait mon charme ?
Me rassurant comme je peux, je m’assois en m’efforçant de décoller le vêtement de ma peau – le plus discrètement possible – alors qu’elle accepte gentiment de reprendre.

Bientôt, il n’y a plus aucune trace de l’incident whisky. Certes mon habit en est couvert et ma peau voudrait frissonner, bien sûr la serveuse est sur le qui-vive et prête à exhausser nos souhaits de consommateurs pour se rattraper, évidement nous sommes toujours installés à cette table, face à face, mes yeux bleus dans ses ensorcelantes pupilles.
Mais tout est loin. Tandis qu’elle pose des mots sur des douleurs que j’ai l’impression de connaitre, que j’ai déjà traversé, qui m’ont effleurés plusieurs fois ces derniers temps. Sans affirmer que je comprends son malaise, j’arrive à en ébaucher mentalement le relief et cette peine qui soudain s’exprime est réellement bouleversante.
Professionnel jusqu’au bout, autant qu’il est possible d’être, je ne parviens pas à écrire quoique ce soit sur le petit bout de papier et quand sa voix s’interrompt, c’est comme si sa souffrance m’était jetée en plein visage ;
Nouvel incident. Bien plus percutant.

« Non c’est,…ne vous excusez pas Lena, c’était une réponse très complète et, poignante. »

Elle me demande d’oublier ? D’oublier quoi ? Tout ce qu’elle vient de me dire ? Tout ce qu’elle a accepté de livrer en quelques minutes, avec tant d’honnêteté ?
Ou est-ce simplement cette minuscule et quasi imperceptible fissure, cette rainure sur sa si admirable personne. Comme un défaut qui rend la chose plus unique et rare encore, estimable, précieuse.
Ce sont ses yeux qui me l’ont soufflé, même sa voix n’a pas laissé un seul sanglot accompagner les larmes naissantes et rien dans ses gestes ne pouvait me faire penser que ces propos lui coûtaient. Juste son regard, ses beaux yeux ;
J’ai toujours essayé de comprendre les expressions tacites de la plus fabuleuse partie du visage.

« Euh ; je ne pense pas avoir d’autres questions dans l’immédiat non. Vous avez été très complète comme je le disais… » J’essaye de détacher mon attention de sa personne pour relire ce que j’ai noté, mais rien depuis qu’elle a reprit la parole ne s’est inscrit sous mes yeux. « Vous affirmez qu’il est aussi difficile de vivre depuis la victoire de l’Ordre. C’est bien ça ? Il y avait avant cela une constante méfiance des ennemis car ils étaient au pouvoir et ils pouvaient nous briser dès qu’ils le souhaitaient, mais depuis qu’ils ont été chassés, même nos alliés nous reprochent d’avoir coopéré avec eux pour nous protéger. C'est aussi complexe, voire davantage ? »

Nous ? Qui est nous ? Nous sommes les membres de l’Ordre, les partisans de leur opinion. Mais pourquoi me suis-je permis de placer ce pronom ici dans une phrase sensée résumer les idées de la jolie miss Steevens ?
Je vis à peu près les mêmes choses. Mon travail est, je pense, moins risqué que le sien d’un point de vue technique. Mais d’un point de vue relationnel je crois que l’on peut se comprendre. C’est en fait le lot de tous ceux qui – pour une raison ou une autre – ont aidé ou fait semblant d’aider des pros Ombre à l’époque ou ils dominaient la société. Juste pour s’en sortir. Juste pour survivre ou défendre une idée qu’ils pensaient juste ; qui aujourd’hui leur retombe dessus.
Je me suis moi-même fais volontairement passer pour un ami de ces enfoirés uniquement dans l’espoir d’avoir des données à balancer aux membres de l’Ordre. Pour aider. Juste pour aider. Je pensais payer le prix de cette prise de risques durant les années de galère mais en réalité, c’est aujourd’hui que cette pseudo trahison me coute le plus cher ;

« Je pense sincèrement avoir beaucoup à dire avec ces premières réponses. Je dois d’abord trier tout ça et ; ce serait peut être bien si je vous montre ce que j’écris ? J’ai toujours montré la progression de mes chroniques aux intéressés. De plus, après avoir détaillé le premier entretien j’aime bien approfondir mon boulot. Ce serait sympa, de se revoir. Si vous êtes disponible évidemment et… Lena, est-ce que tout va bien ? »

Je balaye ce que je viens de raconter sur mes méthodes de travail d’un revers de manche et d’une stupide question, mais ce fut plus fort que moi. Elle a vraiment l’air ébranlée par notre conversation et je refuse de quitter les lieux en laissant derrière moi une femme seule avec ses démons ;
Je vous entends d’ici me dire que c’est parce qu’elle est tout ce qu’il y a de fascinant chez une femme que je désire rester. Je ne vous contredirais pas. Après tout. Chacun ses faiblesses, celle-ci appartient à tous les Hommes alors pourquoi aurais-je honte ?
Je veux être certain que tout va bien pour elle. Ce soir.

« Si j’peux faire quoique ce soit… » Elle m’a demandé d’oublier. De ne pas tenir compte de son instant de faiblesse. Mais je ne sais pas faire ça, je ne sais fermer les yeux. Trop curieux et malhabile, sûrement, mais après tout elle a encore la possibilité de me jeter. « …n’hésitez pas. »

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ce message a été posté Mer 27 Fév 2013 - 0:35
Je remarquai en parlant qu'Aoden ne prenait pas mot pour mot ce que je disais, et ce détail me surprit quelque peu. En général, les journalistes écrivaient à toute vitesse sur leur support pour ne manquer aucune miette de ce que l'interviewé disait. Ou en tout cas, pour que le papier contienne toutes les informations nécessaires à la rédaction d'un article. Lui, semblait plutôt vouloir se concentrer sur la manière dont je lui donnais ces informations, sur mon ressenti plutôt que sur mes mots. Cette fois encore, la situation aurait pu me faire sourire. Mais ne le fit pas. Cet homme était plein de surprises, et je ne le connaissais que depuis une dizaine de minutes. Ca me plaisait. Il ne ressemblait pas aux autres. Les personnes intéressantes que l'on croisait au cours de notre vie étaient rares. J'avais la conviction profonde d'avoir l'une de ses personnes en face de moi, en ce moment même.

Mais le fait que je le trouve intéressant n'était absolument pas une raison pour lui déballer comme ça, d'une traite -ou de deux, plutôt, faute à la serveuse et à sa maladresse déplorable- tout ce que je ressentais et m'appliquais à garder pour moi depuis quelques semaines. Ou même, en allant plus loin, quelques années. Même les personnes qui étaient mes amis depuis très longtemps, même les gens qui m'étaient les plus proches ne savaient rien de la difficulté de la situation dans laquelle je me trouvais depuis tout ce temps. Bien sûr, ils savaient comment j'étais considérée, les conditions dans lesquelles je vivais. Mais ce qu'ils ne savaient pas, c'était que ce qu'ils voyaient, la Lena qu'ils voyaient, la Lena forte, la Lena insensible, la Lena normale qui allait bien malgré tout, pour eux, hé bien, en fait, elle était pas forte, elle était pas insensible, elle allait pas bien, et elle avait mal. Et tout ça, tout ce qu'ils ne savaient pas .. Ce journaliste, cet inconnu, ce fascinant inconnu qui éveillait en moi tant de curiosité et d'intérêt, cet homme que je ne connaissais pas il y avait de cela vingt minutes .. Il le savait. Il avait vu en moi des failles et des fissures que personne d'autre n'avait encore su voir. Était-ce moi qui m'affaiblissais, qui ne tenais plus le coup, qui montrais mes faiblesses, ou bien était-ce réellement lui qui avait su me percer à jour, qui m'avait poussée à me livrer comme je l'avais fait ? Et était-ce intentionnel ? Je ne saurais dire .. J'étais un peu perdue, à dire vrai, je ne savais plus trop où j'en étais, ce que je devais faire, ce que je devais dire ... J'essayai de rester à l'instant présent. Je penserais à cet homme et à ce qui s'était passé ce soir quand je serais à tête reposée, seule, chez moi .. Là, c'était trop frais, trop poignant, je n'étais pas .. Je n'arrivais pas à réfléchir, ça allait trop vite, tout allait trop vite. Et ce mal de tête qui ne disparaissait pas, nom d'un chien !

« Euh ; je ne pense pas avoir d’autres questions dans l’immédiat non. Vous avez été très complète comme je le disais… Vous affirmez qu’il est aussi difficile de vivre depuis la victoire de l’Ordre. C’est bien ça ? Il y avait avant cela une constante méfiance des ennemis car ils étaient au pouvoir et ils pouvaient nous briser dès qu’ils le souhaitaient, mais depuis qu’ils ont été chassés, même nos alliés nous reprochent d’avoir coopéré avec eux pour nous protéger. C'est aussi complexe, voire davantage ? »

Je relevais la tête -que j'avais baissée après ma dernière phrase-, et lui dévoilai un visage tiré par les efforts que je faisais pour combattre mon mal de crâne. Tiré par la douleur, en somme. Et pas que physique. J'attrapai mon verre et en pris une longue gorgée, avant de fermer les yeux, quelques secondes. Lorsque je les rouvris, je parus plus .. Enfin, moins déroutée. Je retrouvai la voix que j'avais utilisée pour répondre à ses premières question, abandonnant celle, perdue et -pour ma plus grande honte- fragile, de mes précédentes phrases.

« C'est bien ça, oui, Aoden. Davantage complexe dans la tête des gens, sans doute, mais dans les faits, il n'y a rien de plus simple. Le comportement des Phénix est le même que celui des Ombres, point pour point. La chute de Kark n'a rien changé. »

Je crois que ce fut plus la conviction que je mis dans ces paroles que mes efforts pour avoir l'air sûre de moi qui firent taire les tremblements que je sentais naître dans ma gorge. Mes yeux en revanche continuaient de me trahir et de trahir mon égarement, je n'en doutais même pas ...
Je ne notais qu'après avoir répondu que le journaliste avait employé le mot "nous" dans sa question. Cela rejoignait ce qu'il avait dit précédemment. En fait je ne le remarquais que maintenant parce que quand il l'avait dit, cela ne m'avait pas alertée. Comme si ça allait de soi. Je ne doutai pas un seul instant qu'Aoden avait en effet vécu des "expériences" similaires. Peut-être que cela contribuait au fait que j'aie été si .. sincère. J'avais la sensation qu'il comprendrait, contrairement aux autres, à tous les autres. Qu'il me comprendrait.

« Je pense sincèrement avoir beaucoup à dire avec ces premières réponses. Je dois d’abord trier tout ça et ; ce serait peut être bien si je vous montre ce que j’écris ? J’ai toujours montré la progression de mes chroniques aux intéressés. De plus, après avoir détaillé le premier entretien j’aime bien approfondir mon boulot. Ce serait sympa, de se revoir. Si vous êtes disponible évidemment et… Lena, est-ce que tout va bien ? »

Je ne quittai pas des yeux le journaliste lorsqu'il parla, mais ce ne fut que lorsqu'il formula sa question, sa dernière question, que je le regardai vraiment.

Cette question me toucha. Vraiment. A tel point que quelques larmes vinrent à nouveau embuer ma vision. Je les ravalai du mieux que je le pus, toujours sans lâcher Aoden des yeux. Pourquoi étais-je à ce point bouleversée par cette question ? Parce que ce n'était pas le genre de "est-ce que ça va" qu'on entendait chaque jour en saluant une personne. Là, ce n'était pas la question qu'on pose par politesse, et dont la réponse nous indiffère totalement. Non, ici, c'était une question réelle, intéressée, et surtout, une question dont il connaissait la réponse. Devais-je pour autant lui dire la vérité ?

Je restai là, immobile, silencieuse, à le regarder, mes yeux scrutant les siens. J'y lisais un réel intérêt, ou plutôt, une réelle inquiétude. Non, mieux que ça. De la considération. De la considération pour moi, une femme qu'il ne connaissait pas. Pouvait-il savoir qu'en réalité, il était celui qui me connaissait le mieux ? Sans doute pas ...

Et je restai là, à le regarder, toujours sans bouger, toujours en le scrutant. Les secondes s'écoulèrent. Lentement. Et, finalement, je hochai simplement la tête, de haut en bas, doucement. Mes yeux toujours plongés dans les siens. Mes yeux, qui lui criaient le contraire de ce que je venais d'affirmer par le geste. Mes yeux, que je détournai enfin, en baissant la tête. Une fois de plus.

Pourquoi faisais-je cela ? Cet homme ... Ce journaliste avait trouvé la faille dans ma carapace, il l'avait trouvée, et il me donnait une occasion de l'enlever, d'enlever, juste l'espace de quelques instants, cette "protection" qui me protégeait autant qu'elle m'enfermait et m'isolait. Au début, lorsqu'il était venu m'interroger, je m'étais dit que, peut-être, l'article sur lequel il travaillait ferait avancer la situation. Qu'il pourrait m'aider, même un peu, un tout petit peu, simplement en dénonçant l'injustice, pour reprendre ses mots. Il pouvait m'aider sur le plan social, je n'en avais plus douté après ces quelques premières paroles échangées. Ce que je ne savais pas au début, en revanche, c'est qu'il était également capable de m'aider sur le plan personnel.

Alors pourquoi refusais-je son aide ? Parce qu'il s'agissait bien d'une aide, qu'il me proposait, d'une main qu'il me tendait ? Non ? Ou bien était-ce moi qui m'étais imaginée tout ça ?

Je gardai les yeux rivés sur le coin de la table, pendant que j'enfermais tout cela dans un coin de mon cerveau. Si je voulais finir cet entretien dans l'état le moins lamentable possible, j'allais avoir besoin de prendre une sacrée dose de recul. Et c'est ce que je m'appliquais à faire lorsque la voix du beau journaliste m'interrompit à nouveau dans mes réflexions.

« Si j’peux faire quoique ce soit… n’hésitez pas. »

Je relevai la tête vers lui, le regardai, et, lui souris. Simplement. Un sourire un peu triste. Mais un sourire tout de même.

« Merci, Aoden ... »

Le journaliste avait en face de lui la Lena que personne n'avait plus revue depuis très très longtemps. Un sourire simple, des yeux embués, reconnaissants, une voix douce, très légèrement prise par l'émotion. La Lena vulnérable. La vraie Lena.

« Vous avez déjà fait beaucoup ... »

Ajoutai-je simplement, sur le même ton, avant de me lever lentement, sans le lâcher des yeux. J'allais prendre congé. Je pensais que nous nous étions tout dit, du moins pour cette fois-ci. Et puis, si je restais, j'allais bel et bien me mettre à pleurer, lui dire à quel point j'allais mal et à quel point voir une personne s'inquiéter pour moi de cette façon pouvait me bouleverser. J'allais lui déballer ma vie, mes ressentis, mes peurs, tout, absolument tout. Je me sentais sur le point de craquer. Il fallait que je m'en aille. Peut-être que j'aurais eu besoin de parler à quelqu'un. De parler vraiment, enfin. Mais lui, il n'avait pas besoin de ça, j'en étais persuadée. Il n'avait pas besoin d'être accablé de tous les problèmes de la vie d'une femme qui ne représentait rien pour lui alors que, de son côté, il avait déjà tous les problèmes d'une vie à régler. De sa vie à lui. Il n'avait pas besoin de la mienne.

Je tâchai de retrouver à peu près l'air sûre de moi, que j'avais lorsqu'il s'était approché de ma table, et enchaînai, décidée à retrouver l'atmosphère plus .. professionnelle, qui animait notre discussion quelques minutes plus tôt.

« C'est avec grand plaisir que je lirais votre travail, Aoden. N'hésitez surtout pas à me tenir au courant de votre progression, et, peut-être pourriez-vous me les montrer au cours d'un prochain entretien ? Si vous pensez que cela pourrait s'avérer profitable, bien entendu. Mes disponibilités seront les vôtres. »

C'est cette fois un sourire de circonstance qui étira mes lèvres, alors que j'attendais, debout devant la table, qu'il me réponde, fasse quelque chose, n'importe quoi.
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Re: curiosity and boldness [ Pv : Lena ]
ce message a été posté Mer 27 Fév 2013 - 13:19
J’ai envie de crier. De hurler mon mécontentement, ma déception. Tant de meurtres, de peines, de dégâts et de prières pour quoi ? Pour vois que tous nos efforts pour repousser le mal et instaurer dans notre pays un gouvernement fiable et respectueux…n’ont rien changés ? Même après la plus plate victoire, nous souffrons ? Nous camarades, nous membres de l’Ordre du Phénix ou innocents citoyens désirant simplement vivre librement, heureux et inconscient comme il était possible de le faire ; il y a longtemps. On ne pourra donc jamais ?
J’ai cette tenace et écœurante impression. Depuis que le mal a posé sa trace dans le ministère, depuis que les plus sombres âmes et les plus mauvaises personnes se sont mêlées du gouvernement il ne pourra y avoir de retour à la paix. Tout est souillé. Au sein même des gens qui se croient bons. Au cœur des fratries, des factions. Tout est pourri car leur poison s’est répandu à travers la peur, les combats, la haine. Nous sommes presque aussi mauvais qu’eux simplement parce que nous les avons combattus. Juste parce que nous les détestons ;
Ont-ils alors gagné ? Sont-ils, à jamais, les vainqueurs de ce vain combat ?...

Je doute avoir le droit de me laisser aller à de telles pensées. Il faut continuer à se battre et même si je ne risque pas d’oublier que des gens comme Lena souffrent de la victoire, il faut bien que j’ai un but. Que je me rende utile. Encore un peu. Que j’ai ne serait-ce que la sensation de faire quelque chose de bien ;
Tant qu’il y aura des gens pour blesser les autres – bien contre mal ; mal contre bien – il n’y aura pas ce que j’attends dans ce monde. Et pourtant moi le premier, je veux brandir mes armes et défendre mes principes. Alors quoi ? Nous ne sommes qu’agressivité.
Faible et désabusé, je continuerais de plaider la cause de l’Ordre. En imaginant si possible, que si c’est moche, ça reste la cause la moins dégueulasse.

« …Je ; oui je pense en effet que je vous solliciterais, prochainement. » Je sors de mes pensées en secouant vivement la tête puis, comme si c’était une façon de montrer que je suis toujours à l’écoute, je lui souris. Mais elle est debout. Elle est prête à partir la demoiselle Steevens et dans le fond, c’est peut être mieux ainsi. Pour elle. « Encore merci de m’avoir accordé ce temps. Je tâcherai de faire de mon mieux avec votre témoignage. »

Pourtant je ne pense pas avoir la force de m’y mettre ce soir. Je ne suis pas particulièrement fatigué, pas physiquement en tout cas, mais replonger le nez dans les souffrances de la jeune femme ne me donne pas envie. Pas déjà. Elle vient à peine de mettre un terme à la conversation, de stopper ses aveux, je n’ai pas envie de me souvenir des faibles sanglots de sa voix. De l’humidité de ses yeux. Des frissons de son âme.
Ça me rappelle les risques que j’ai pu prendre et qui continuent de me tomber dessus. Ça me prouve à quel point j’ai été fou et inconscient durant des mois et des mois. Ça me met une petite tape, là derrière la tête ou le claquement est franc, pour me montrer que si je suis encore ici et bien portant, ce n’est que le hasard. Une chance que je n’aurai probablement pas deux fois ;
Il va falloir que j’aide Lena. Que j’aide les gens dans son cas ; nôtre cas. Mais pas ce soir.

Les secondes me paraissent des heures et je laisse mes doigts jouer avec mon verre, observant le liquide auquel je n’ai pas touché. Les glaçons ont fondus depuis un moment et les bulles continuent de s’échapper par petites poignées.
Un soupir, un clignement des yeux, je porte le récipient à mes lèvres pour en savourer quelques gorgées. J’ai du mal ceci dit, à apprécier la force de l’alcool se répandre dans ma gorge. J’étouffe un toussotement discret et fini par me lever pour déposer un billet sur le comptoir du bar ;
Si je veux me rendre ivre, autant le faire chez moi. C’est l’avantage d’être tout près du lit, loin des obstacles de la rue et de l’extérieur en général.
Quand je passe la porte, la silhouette de la demoiselle se dessine encore dans l’obscurité, à pas dix mètres de moi.

« Lena ! » Appellation demanderesse, j’accélère le pas pour arriver à sa hauteur et dans un haussement d’épaules qui se veut indifférent mais mal joué, je propose en souriant. « Vous…vous marchez un peu ? » Lui demander de la raccompagner aurait été carrément indécent. Surtout après toutes les bourdes que j’ai déjà articulées durant son interview. D’un geste habitué je dissimule le vêtement encore tâché de Whisky en refermant le blouson de cuir par-dessus. « Je n’aime pas broyer du noir à l’heure de rentrer chez moi…ça annonce toujours une mauvaise nuit. Pensons à autre chose ! »

Elle n’a pas besoin de nier, je sais bien que les idées qui lui tournent en tête ne sont pas agréables. Ce n’est pas possible qu’elle ait à cet instant de paisibles et fraiches pensées ; et tout est ma faute. Certes mon métier l’oblige et je ne le regrette pas directement. Maintenant si je peux l’aider…
Je suppose un instant qu’à me faire si lourd, elle pourrait finir par me remercier avec un brin d’autorité. Mais en soit, je n’aurai pas tout perdu. Elle aura quand même mis ses réels problèmes de côté pour prendre le temps de m’engueuler !


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ce message a été posté Mer 27 Fév 2013 - 22:58
« Je vous en prie Aoden. Merci à vous. »

Je lui adressai un dernier sourire avant de ramasser la pile de documents posée sur la table devant moi, et de me détourner en la rangeant dans mon sac. Puis je m'éloignai du journaliste, doucement, sans me presser. Mon mal de tête persistait. Je rêvais d'un bol d'air frais, et pourtant, c'est avec lenteur que je rejoignis la porte d'entrée du
chaudron baveur. Malgré moi, et je ne pouvais que le reconnaître, je rechignais à m'éloigner d'Aoden. Lui parler m'avait fait du bien, en dépit de tout le reste. Je ne le connaissais même pas et pourtant, j'avais aimé sa compagnie. La spontanéité dont il avait fait montre et plus simplement, les attentions et la considération qu'il avait eues pour moi m'avaient fait chaud au coeur. J'avais aimé sa façon d'être maladroit et les efforts qu'il avait mis en oeuvre pour ne pas froisser la femme sure d'elle et froide que j'avais été au début de notre entretien. Ce que j'avais aperçu de sa personnalité m'avait fasciné et si cela avait été dans des circonstances autres, je serais volontiers restée à son côté, simplement pour discuter. Sans aucune autre idée en tête, cela s'entend.

Mais ce n'était pas dans d'autres circonstances que tout cela s'était passé, dans d'autres circonstances que j'avais fait sa connaissance, et ce n'était pas d'autres choses que nous avions discuté. Alors je ne resterais pas près de lui, ici dans ce bar. Je poussai finalement la porte de l'établissement, et l'air frais de ce début de soirée me fit le plus grand bien, comme je l'avais escompté. Je respirai un grand coup, à pleins poumons, et m'arrêtai un instant sur le seuil, profitant de cette source d'air pur le temps qu'il fallut pour que mon mal de tête disparaisse presque entièrement. Ce faisant, je redressai les épaule, et repris l'allure fière que j'avais en entrant dans ce bâtiment, quelques heures plus tôt. Fidèle à moi-même, hein. J'eus un sourire sarcastique, qui m'était en fait uniquement destiné. C'était vraiment devenu une habitude, de cacher mon vrai visage sous ce masque de froideur. Seulement maintenant, je savais que ce masque comportait une faille. Au moins une. Je le savais déjà, mais à vrai dire je pensais être la seule personne capable de la discerner. Comme les défauts que l'on cache et qu'on est les seuls à voir. Aoden m'avait montré que cette faille n'était pas invisible, et en jetant un oeil au travers, il avait vu tous ces défauts que je me bornais à cacher. Et que par conséquent, j'étais la seule à voir. Ou plutôt j'avais été,
puisqu'à présent lui aussi le pouvait. Ou l'avait pu. Les verrait-il de nouveau ? Y aurait-il une prochaine fois ? Nous nous reverrions sans doute, lorsqu'il me montrerait ce qu'il avait écrit. Et après ? Sans doute ne nous recroiserions-nous plus une fois cette affaire terminée. Notre relation, si tant était qu'on puisse parler de relation, se limiterait sans doute jamais au milieu professionnel. C'avait été une prise de conscience, et un bref moment de répit pendant lequel j'avais pu me livrer, parler enfin de ce que j'avais sur le coeur. C'était l'aide qu'il m'avait apportée. Et je lui serais toujours reconnaissante d'avoir su m'aider là où personne n'avait pu ne serait-ce que comprendre. Seulement je ne laisserais pas tout cela aller plus loin, parce qu'il ne me connaissait pas, et parce que je refusais de l'accabler de ma personne et de la dose de problèmes qui allait avec.

Je m'éloignai à pas lents du Chaudron Baveur, avec l'intention de rentrer à mon appartement à pieds. L'air frais me faisait décidément du bien, et je ne comptais pas me dépêcher. Puis quitte à ruminer, autant le faire à l'air libre, dans un endroit où je me sentirais bien. Enfin, "bien". Autant que possible vu mon état d'esprit. Après ce qui s'était passé, j'avais un peu de mal à penser que je pourrais me sentir quelque part mieux qu'en la compagnie de ce mystérieux inconnu qui n'en était plus totalement un. Ou en tout cas pour ce soir. Pourtant, à l'heure actuelle, il était certainement en train de penser à son article, et je ne le reverrai que lorsqu'il me donnerait rendez-vous pour me montrer ses écrits.

Mais malgré tout, malgré mon bol d'air et le réconfort apporté par Aoden, la situation dans laquelle je me trouvais en elle-même me rattrapa. Je me souvins que même si trainer dehors me faisait le plus grand bien, il allait falloir que je rentre pour finir tout le boulot que j'avais, et, de plus, la foutue lettre d'excuses à recopier pour la millième fois. Et si je ne l'envoyais pas avant demain midi au plus tard, je pouvais être sûre que j'allais encore avoir des ennuis. Et je n'en avais pas besoin de plus que je n'en avais déjà. Dire que sans ça, il m'aurait presque suffis d'une longue marche à pied, d'une bonne nuit de sommeil et d'un réveil tranquille pour me sentir ... ce qui se rapprochait le plus de "bien" en de pareilles circonstances. J'accélérai le pas. Pas parce que j'avais du boulot que je devais forcément transplanner après tout ..

« Lena ! »

Si on avait dû caricaturer la scène, on aurait pu sans mal me représenter, bloquée dans ma marche, le pied en l'air, totalement immobile. Heureusement, il ne s'agit pas là d'une caricature et j'eus bel et bien les deux pieds par terre au moment où je me figeai, m'entendant appelée par la voix de mon journaliste de la soirée. Je ne compris pas exactement pourquoi, puisque je me bornais à me dire que je ne voulais pas l'accabler de tout ce qui n'allait pas chez moi, et que par conséquent, je ne voulais pas lui parler encore puisque c'était peut-être ce qui allait arriver ; mais l'entendre m'appeler et le deviner s'approchant de moi me fit chaud au coeur. Je me tournai vers lui, ne me demandant que maintenant la raison pour laquelle il me rappelait ainsi.

« Vous…vous marchez un peu ? »

Son haussement désintéressé d'épaule me fit tiquer. Il était faux, je le savais. Aussi restai-je interdite une seconde avant de me décider à réagir. Ou pas. Je me contentai de le regarder, sans rien dire. En fait j'étais vraiment stupéfaite. Je ne m'y attendais pas, du tout, du tout. Dire que j'essayais de me persuader que rester près de lui serait une mauvaise chose -alors que je n'avais qu'une envie : être à ses côtés, pour continuer à lui parler, parce que ça me faisait du bien, d'avoir enfin trouvé une personne qui me comprenne et qui puisse m'aider, réellement-. Voilà qu'il revenait me chercher ! Si je n'avais pas été si surprise, j'aurais souri, une fois de plus. Ca faisait un bail que je n'avais pas eu autant envie de sourire.

En fait, je le regardais vraiment comme s'il avait parlé chinois tellement j'étais surprise. Et il me fallut bien deux ou trois seconde pour articuler un « Je ... » absolument inutile et qui témoigna bien malgré moi de mon désarroi. Comme si ce dernier ne se voyait pas déjà assez. Enfin, je clignai des yeux rapidement, comme si cela me permettrait de reprendre mes esprits, et je lui offris une réponse un peu plus constructive.


« Oui ... Oui avec plaisir ... »

Herm ... J'avais vraiment besoin de sommeil ... En temps normal, il aurait fallu redoubler d'efforts pendant des heures pour m'arracher une phrase comme celle là, aimable, presque ravie ; quoiqu'avec une consonance un peu triste, au fond, mes sombres pensées ne me quittaient pas. Mais ça attendrait plus tard. Je repris ma route, plus lentement, lui marchant à mon côté.

« Je n’aime pas broyer du noir à l’heure de rentrer chez moi…ça annonce toujours une mauvaise nuit. Pensons à autre chose ! »

Je relevai la tête -et ce fut le cas de le dire .. Du haut de mon mètre soixante et quelques, il faisait presque une tête de plus que moi !- et souris faiblement en répondant d'une voix qui se voulait un minimum plus enthousiaste.


« Vous avez raison. »


¤ ~ ¤ ~ ¤

Lorsque je poussai finalement la porte de mon appartement, la nuit avait bel et bien repris ses droits sur l'Angleterre. J'avais marché avec Aoden un certain temps, je ne saurais trop dire combien exactement. Le temps avait passé vite. Nous avions parlé de tout et de rien, de son travail, du mien, de choses du genre .. J'avais passé un bon moment. Vraiment. Ca faisait longtemps que je n'avais pas pu me comporter de façon aussi détendue. Pour la première fois depuis longtemps, j'avais osé faire tomber mon masque, et j'avais pu profiter de ces instants en sa compagnie. C'est dans un sourire sincère que je lui avais souhaité une bonne nuit, et sur un à la prochaine que nous étions repartis chacun de notre côté. Je me sentais plus légère. A tel point que, en me laissant enfin retomber sur mon lit, je songeai que le lendemain, un vieil homme sénile dans la banlieue de Londres recevrait une lettre impeccablement rédigée, mais dont la formule de politesse comporterait une splendide et merveilleuse rature.
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