AccueilAccueil  tumblr  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment : -29%
PC portable Gamer ERAZER DEPUTY P60 – ...
Voir le deal
999.99 €

❝ Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... ❞
 :: Londres :: Commerces et zones de loisirs sorciers :: Divine Comédie
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 15 Nov 2012 - 13:28
Manoir Macnair
4 Octobre 2020


La plume fébrile, crissait encore sur le papier, mais cette lettre était finalement achévée. Alexianne l'avait déjà réecrite trop de fois, pour avoir oublié son pseudonyme, pour une faute, pour une rature ou bien seulement pour le fond, qui lui paraissait trop familier. Elle avait toujours cette sensation d'ailleurs, cela ne faisait que quelques jours qu'elle était sortie du Divine Comédie et elle aurait voulu faire attendre Monsieur Moriarty un peu plus, lui faire croire qu'elle était loin et distante, mais elle même n'arrivait pas à l'être, elle n'avait pas réussi à résister à l'envie d'écrire cette lettre le plus vite possible. Elle se laissa un moment pour respirer un peu plus devant son bureau, car elle ne relirait pas cette lettre, elle l'enverrai ainsi, et c'est ce qui lui faisait peur.
Annabelle de Montaigne aurait pu tout simplement disparaître du jour au lendemain pour que jamais plus on en parle, pour que cette erreur garde le charme des erreurs, celui de ne jamais se reproduire. Mais en couchant ce faux nom sur le parchemin, l'erraur se transformait en délit, un risque qui l'empêcherait de faire marche arrière et qu'elle devrait à présent assumer entièrement. Elle avait comme la sensation que sa chambre, au sein du manoir, devenait le lieux des desseins les plus sombres, seulement parce que cette lettre était secrète et qu'elle avait encore insisté elle même sur le secret. Ses grands parents étaient là, juste en bas, vaquant à leurs occupations, ignorants de ce qui se tramait dans la vie de leur petite fille, et cela la mettait térriblement mal à l'aise.
Sans réfléchir plus longtemps, elle plia nerveusement le papier et s'échappa de sa propore chambre pour se rendre à la vollière. Au premier étage, elle entendit sa grand mère dans le bureau au fond du couloir.
« Alexianne ? » La jeune femme tressaillit, comme prise sur le fait, et cachait déjà sa missive dans les plis de sa robe.
« Oui grand mère ? » La culpabilité s'entendait déjà dans sa voix mais elle ne pouvait se cacher indéfiniment. Elle avançait déjà en direction du bureau pour rejoindre sa grand mère.
« Viens me voir s'il te plaît, j'ai quelque chose à te montrer. » Une fois qu'elle pénétrait dans la pièce, elle trouva sa grand mère radieuse, perdue dans sa collection de grimoires précieux et poussiéreux, qui lui offrait un grand sourire. « J'ai trouvé quelques petites choses pour le mariage, dans de vieux catalogues, approche. » Alexianne poussa un soupir, à la fois rassurée et amusée par l'empressement de sa grand mère.
« Grand mère, je ne sais pas s'il est bon de presser autant les choses, nous vous l'avons à peine annoncé avant hier. Et si ce sont de vieux catalogues en plus... » Lança t'elle à Gemma d'un air taquin.
« Tu as raison... Mais je tient à m'occuper de ce mariage ! La visite de tes parents t'as t'elle fait du bien ? » Alexianne s'approcha et s'assit finalement sur l'un des luxueux fauteuils près de sa grand mère.
« Oui, j'aimerai les voir plus souvent ainsi. »
« Ton père a t'il des nouvelles de ton Oncle ? Adran je crois ? »
« Oui Adrian. Il n'en sait pas plus encore, mais nous sommes sans nouvelle depuis seulement une semaine, il n'y a pas encore motif à s'inquiéter je pense. Je l'espère...»
« Bien. Voilà une parole bien sage. Tiens regarde là ! » Elle lui tendit l'un des magazines pour lui mettre devant les yeux. Alexianne rit timidement devant l'insistance de sa grand mère puis se leva en lui posant une main sur l'épaule.
« Veux tu bien m'attendre quelques minutes, je dois aller à la volière. » Gemma acquiéça d'un signe de tête et Alex se précipita vers la sortie. Elle s'arrêta finalement à la porte et en se retournant, avoua à sa grand mère avec un sourire de petite fille. « Tu sais, en vérité, je suis aussi impatiente que toi de commencer les préparatifs ! » Sans attendre elle reprit l'escalier pour se rendre à la volière, dans le parc du manoir.

Ce mariage l'enchantait réellement, et Murphy pouvait bien lui avoir confié ses sentiments que deux jours plus tôt, elle en était toujours aussi heureuse et jouissait d'un bonheur quasi intouchable. L'anxiété même de cette lettre qu'elle tenait fermement en main en traversant le parce en courant pour se réfugier du froid, ne parvenanait à entacher sa bonne humeur. Au contraire, cette lettre était le fruit de son impatience, celle de monter enfin sur scène. La chose l'éffrayait autant qu'elle l'éxaltait.

Pourtant, le nœud qu'elle fit à la pâte du hiboux, une fois dans la vollière, Alexianne ne le savait pas, mais il était le premier qu'elle nouait à son poignet et qui la lierait ainsi à Bartholomeus bien plus qu'elle ne l'imaginait. Le sourire au lèvre pourtant, elle laissa s'envoler l'oiseau, et partit rejoindre sa grand mère au bureau, ignorante et innocente.

Le "Divine Comedie"
6 Octobre 2020, vers 14 heures


C'est un peu plus anxieuse qu'elle ne l'aurait imaginé qu'Alexianne s'approchait du cabaret. Elle aurait pensé que l'idée de monter sur scène l'aurait emporté mais même cela l'angoissait. Elle se rappelait des mots de monsieur Moriarty, ceux qu'il lui avait lancés comme un avertissement juste avant qu'il ne se quittent. Savoir chanter est une chose… Savoir chanter devant un public en est une autre. Lorsqu'il avait fait cette différence à juste titre, Alexianne n'en avait pas pleinnement saisi la portée, mais à présent qu'elle arrivait au cabaret, elle doutait d'en être capable. Des gens s'étaient réunis pour elle, le propriétaire avait promis de venir l'accueillir lui même à l'entrée, et si elle n'était pas à la hauteur, si elle se ridiculisait... Elle qui ne rougissait jamais de sa voix, mais plutot d'aimer l'exercer, la situation était totalement inversée maintenant. Les choses étaient en fait simples à comprendre, Alexianne pouvait entrer dans le monde proffessionnel pour exercer sa passion, et c'était là une pression qu'elle n'avait jamais imaginé si forte, dans toute sa naïveté.
Mais l'anxiété de pénétrer à nouveau dans ces lieux n'était pas en reste, et surtout, de s'y rendre en secret. Elle avait transplané quelques rues plus loin, jugeant la chose plus prudente. L'endroit en lui même, jouissait d'une bonne réputation, mais que penser d'une jeune fille, la vingtaine à peine, se rendant seule au Divine ? Que penser de cette jeune fille si on la reconnaissait ? Bien sûr, elle n'avait pas donné le réel motif de son absence à ses grands parents, ils la croyaient partie rejoindre sa cousine Astra, comme elle en avait souvent l'habitude. Seulement, son alibi n'était pas au courant qu'elle en était un non plus, car elle avait bien pris garde de ne révéler à personne, absolument personne, quoique ce soit de ses projets. Mentir ainsi à son entourage tout entier la térrifiait, d'autant plus qu'elle se savait presque engagée avec un homme à présent, Murphy O'Ryan, et que le mensonge, elle ne l'avait jamais lu dans ses livres comme élément recommandé à un bon mariage réussi. Dans ses grimoires à l'amortensia qu'elle affectionnait tant, les amants qui en étaient les héros vivaient d'un amour honnête, chaste et pur, passionné et entier. Ils se mariaient dans le plus grand bonheur, accueillaient dans leur vie merveilleuse un boursouf, puis des enfants, tous plus merveilleux les uns que les autres eux aussi, et les simples rebondissements ne servaient qu'à rapprocher tout les protagonistes de cette jolie bulle d'amour. Et jusqu'à maintenant, c'est ainsi qu'Alexianne rêvait sa vie. Malheureusement pour elle, elle se découvrait tout juste des ambitions personnelles et même la force de les satisfaire...

Au bout de quelques minutes de marches, elle parvint à destination à l'heure précise. Elle fureta rapidement les environs, et trottina pour entrer à l'intérieur du somptueux bâtiment presque comme une clandestine.
L'athmosphère était bien différente l'après midi, plus silencieuse et calme, plus studieuse aussi. Une ambiance qui la rassurait et qui lui faisait découvrir le Divine Comedie sous un jour nouveau. Dans le hall d'entrée, elle n'aperçu pas tout de suite monsieur Moriarty qui l'attendait déjà, elle se laissait aller à profiter de la très faible musique, surement celle des répétitions, qui lui parvenait de l'intérieur. Elle ne vit son hôte que quand elle s'avança un peu plus et sortit de sa rêverie, ce après quoi elle se hâta vers lui pour éviter de le faire attendre plus longtemps. Elle esquissa un signe de tête cordial au propriétaire et lui offrit un sourire qu'il convenait d'offrir à une connaissance qu'on retrouvait.
« Bonjour monsieur Moriarty. J'éspère que je ne suis pas en retard, si c'est le cas je vous présente mes excuses. » Un nouveau sourire, comme pour s'excuser de s'excuser encore et elle continua. « Je vous remercie sincèrement de me recevoir en personne, et de me recevoir tout court, j'éspère ne pas décevoir un après midi que vous auriez pu occuper à autre chose. » C'est ce qu'elle redoutait le plus en effet. Il lui faudrait apporter la preuve tangible de son talent maintenant, ce qu'elle n'avait jamais eut à faire, mais à la clef, il y avait ce qu'elle désirait peut être le plus au monde.
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 15 Nov 2012 - 14:54
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Il parcourait les mots qu’elle avait couché sur le papier avec ferveur, du bout de ses doigts peinturlurés. Longtemps, il avait résisté à ces pulsions indignes de lui, se résignant à ne faire que porter le regard sur les mots de la jeune femme, mais c’était très vite devenu insuffisant. Il s’était alors écoeuré lui-même en se faisant la même réflexion qu’il servait parfois à ses clients un peu récalcitrant : la meilleure façon de résister à la tentation n’est-elle pas d’y succomber ? Cette phrase ne voulait absolument rien dire et n’était rien de plus qu’un prétexte à un bon nombre d’horreurs. Dante pouvait aisément en témoigner, il avait vu tellement de choses au sein de son propre établissement qu’il ne s’étonnait et ne se choquait plus de rien. Et ce qu’il avait fait avec le courrier de la jeune femme cette nuit était clairement à ranger dans la case des atrocités… C’était une insulte à la personne qu’était Annabelle mais ça avait été plus fort que lui et il devrait bien s’accommoder des remords et de la gêne que ces souvenirs provoquaient. A moins que ce soit le plaisir qu’il retirait encore en repensant à tout cela qui soit la cause de cet écœurement. La main de l’homme finit par se refermer sur le premier parchemin reçu qui se froissa encore davantage. Il porta son poing fermé vers son visage, essayant de capter dans le papier quelques effluves du parfum de la jeune femme qui allait le visiter dans quelques heures.
Le gérant du Divine prit une dernière longue inspiration, les paupières serrées avec force puis se détendit enfin totalement. Le squelette se laissa alors aller dans le fond du fauteuil où il était installé depuis le levé du jour, laissant son bras qui tenait toujours la lettre d’Annabelle pendre vers le sol, gardant l’autre encore un peu sur son attribut masculin. Il poussa un long soupir presque soulagé, évacuant ainsi les derniers relents de frustration desquels il devait absolument se débarrasser avant l’arrivée de la chanteuse. Après cela, il abandonna le morceau de papier chiffonné sur son bureau, se leva et s’étira un peu. Il effectua une rapide toilette avant de passer des vêtements colorés et confortables. Dans un premier temps, Bartholomeus avait envisagé de porter un costume plus professionnel, avant de se rabattre sur quelque chose de plus décontracté. Une façon de faire comprendre à la jeune femme qu’elle aussi pouvait se laisser aller et peut-être, de se montrer sous un jour un peu différent, de lui paraître un peu moins…impressionnant.

Une fois satisfait par son allure, le sorcier aller avaler un copieux petit-déjeuner dans les cuisines, en compagnie de ses elfes de maison. Ce n’était nullement une façon de profiter de leur compagnie ou de se montrer proche de son personnel, c’était simplement pour les faire travailler dès l’aube et les empêcher de dormir. Lui-même n’avait pas pu profiter de sa nuit alors pourquoi eux le pourraient ? Le ventre plein, il s’était mis en tête d’inspecter les cuisines et avait été contraint de doloriser deux des créatures pour leur négligence ou bien celle d’un autre, qu’importe, il s’en était prit aux plus près. Aucun des deux elfes n’avait tenté de se défiler, ce qui leur avait épargné à chacun un Doloris supplémentaire.
Cela fait, M. Moriarty s’était rendu dans les cachots en compagnie de Nero pour observer l’état de la marchandise et distribuer leur dose aux moldus. Une fois encore, un curieux sentiment de malaise le saisit alors qu’il contemplait ses captifs. Il ne pouvait s’empêcher de songer à ce qu’Annabelle pourrait penser de sa façon de gagner sa vie si elle était mise au courant. Elle le haïrait… Elle serait profondément bouleversée et refuserait de lui adresser de nouveau la parole, il en était intimement convaincu. Il avait veillé à ce que Leo Elensar ne soit plus dans ses geôles au moment de leur rendez-vous puisqu’il était un sorcier, mais ne pouvait pas se permettre de débarrasser son sous-sol des moldus qui l’habitaient malgré eux. Il savait que c’était un sentiment totalement absurde, n’empêche qu’il continuait à éprouver de la gêne et à avoir l’impression de salir la jeune femme…

Le reste de la matinée, il avait tâché de s’occuper dans son laboratoire en vain. Toutes ses pensées l’avaient fatalement ramené à Annabelle de Montaigne qu’il était aussi impatient qu’anxieux à l’idée de revoir. Son cœur s’accélérait chaque fois qu’il s’imaginait la revoir à la lumière du jour, son estomac se nouait dès qu’il envisageait de faire croiser son regard et ses mains devenaient moites et tremblantes quand le sorcier se laissait aller à l’imaginer chanter pour lui.
Et tout à coup, le temps parut lui échapper, s’accélérer jusqu’au moment où elle devrait arriver. Il n’avait pas eu le temps de se préparer assez. Ses musiciens seraient-ils à la hauteur ? Lui-même le serait-il ? Et que se passerait-il s’il était de nouveau pris de pulsions en sa présence ? Et si elle ne venait finalement pas ?
Alors qu’il se tenait dans le hall, le temps parut de nouveau se jouer de lui et recommença à ralentir. Les minutes devenaient des heures et son estomac se serrait davantage une fois chacune d’elle écoulée. Ses vêtements n’étaient-il pas trop négligé ? Allait-elle penser qu’il ne la prenait pas au sérieux ? Avait-il eu tort de la convier à cet essai ? Qu’en attendait-il très exactement ? Allait-il ternir sa réputation ? Allait-elle entendre les cris de ses victimes ? A quel moment les choses allaient-elles dégénérer et la situation lui échapper ?
Ces doutes ne lui ressemblaient pas. C’était à la fois excitant et désagréable. Lui qui commençait à se laisser happer par l’ennuie, à s’ancrer dans une routine épuisante voyait son petit monde chamboulé. C’était une bonne chose, à petite échelle… Mais à petite échelle seulement. Il ne pourrait pas permettre qu’Annabelle chamboule un peu trop ses sentiments et finisse par faire tomber son empire. Un empire qu’il avait battit à la sueur de son front, payé le prix fort. Celui du sang.

Mais tout à coup, il n’eut plus le temps de douter : elle était là. Face à lui, toujours aussi charmante, arborant cet air un peu perdu et impressionné qui faisait tout son charme. Elle resplendissait. Une perle magnifique, perdue dans le vaste monde, dans un magma grisâtre, gluant et malodorant aux parois durs et coupantes.
S’il n’avait écouté que lui, Bartholomeus aurait probablement mis un genou à terre à cet instant… Mais il se contenta de lui rendre son signe de tête, renonçant à l’idée de baiser le dos de sa main.
« Rassurez-vous, vous êtes parfaitement à l’heure ma chère et c’est un plaisir de vous recevoir. Je n’aurai pu trouver de meilleure manière d’occuper mon après-midi, soyez-en assurée » ajouta-t-il en lui rendant son sourire « Je suis ravi que vous ayez pu vous libérer en tout cas. Si vous voulez bien me suivre, nous allons passer directement au Grand Salon » l’invita ensuite Bartholomeus en tendant vers elle son bras plié pour qu’elle s’en saisisse.
Ne pas le faire aurait été grossier de sa part. Il se sentait un peu coupable de la contraindre de cette manière au contacte mais c’était plus fort que lui : il fallait qu’il s’assure qu’elle était bien là, qu’il ne fantasmait pas encore…

Il l’entraina ensuite en direction de l’imposante salle de spectacle où les attendait les musiciens, déjà en place et occupés à répéter. Ils s’interrompirent en les voyant rentrer et se levèrent tous pour saluer l’hôte de leur patron comme il se devait. Ce dernier se pencha vers la jeune femme pour lui glisser quelques mots, profitant de leur proximité pour s’enivrer de son parfum.
« Surtout n’hésitez pas à me faire part de la moindre requête qui vous traverserait l’esprit. Si vous avez soif, besoin d’un peu de temps, d’un éclairage différent… Vous êtes maitresse de ses lieux jusqu’à la fin de ce rendez-vous, Mademoiselle De Montaigne. » Et la mienne… « Allons donc saluer vos accompagnateurs » conclut Bartholomeus en se redressant, un sourire satisfait éclairant son visage tatoué.
Il lui présenta alors la troupe qui salua la jeune femme avec le respect qu'elle méritait. Ils avaient eu droit à leur leçon et à quelques menaces de sa part au cas où les choses se passeraient mal... Il ne tolèrerait aucune fausse note de la part de qui que ce soit, en dehors d'Annabelle qui avait bien entendu carte blanche.

© Chieuze


Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 15 Nov 2012 - 22:53
Revoir ainsi Monsieur Moriarty lui rappela à quel point il l'avait effrayé à leur première rencontre, et toutes les autres fois où elle avait cru l'apercevoir. Il n'avait pas été un frein à l'écriture de sa lettre mais elle n'avait cesser de fantasmer l'épouvante qu'il lui inspirait, si bien qu'elle fut presque rassurée de le découvrir plus humain qu'elle ne l'avait construit dans ses souvenirs. Certes, elle le trouvait toujours repoussant, mais l'estime qu'elle avait à présent pour lui, et la gratitude qu'elle lui devait lui laissait peut être une chance de sinon l'apprécier, de s’accommoder de sa présence sans trop de peine. Dans tout les cas, elle était bien trop anxieuse pour s'attarder sur ce qui lui inspirait sa figure grimée, il était ici son seul soutien, et dans tout l'univers, le seul à savoir où elle était et ce qu'elle s'apprêtait à faire, et qu'elle le veuille ou non, elle composerait avec cela.
Il l'invita sans plus tarder au Grand Salon et lui tendit le bras. Alexianne ne se formalisa pas de ce geste, il n'était là que l'expression d'une courtoisie tout à fait honnête dont monsieur Moriarty, peu importe son apparence, avait toujours fait preuve. Elle s’avança à sa hauteur, lui adressa un regard inquiet, mais un regard qui demandait plus un soutien plutôt que de lancer des suspicion, et elle lui pris le bras. Elle détailla à la dérobée sa tenue et tout comme les lieux, le propriétaire ne semblait plus le même quand le soleil se montrait. Il était moins austère, moins impressionnant, et si il l'impressionnait toujours de trop, elle se sentait moins intimidée en même temps.

Quand ils pénétrèrent dans le Salon Rouge, elle lança un regard ébahi de toute part, comme si on lui révélait quelques lieux nouveaux et majestueux qu'elle n'avait jamais pu entrevoir ni même imaginer. Les fois précédentes, elle n'avait pas prit le temps de s'attarder sur le cadre, trop occupée vers la scène mais aussi à culpabiliser et à s'intimer l'ordre de s'enfuir. Cette fois, elle pouvait le voir ce Salon Rouge, et quand ils descendirent la première marche du grand escalier qui les mènerait à la scène, elle en découvrit toute la chaleur romanesque. Comment avait elle pu ignoré le charme et la beauté d'un tel intérieur alors qu'elle se voyait là comme dans un conte de fées. Elle était une enfant qui rêvait d'être une princesse, découvrant son palais, celui qui lui appartiendrait en totalité, elle découvrait un royaume. Le velours chaud, les tentures luxueuses, le mobilier fin et cet éclairage céleste... Cet escalier était si grand, tout paraissait démesurément grand, et elle ne l'avait jamais remarqué. Dans un excès d'enthousiasme, comme si elle avait vu trop de choses qui l'enchantaient pour les garder en elle même, elle se tourna vers Bartholomeus avec un sourire.
« Cet endroit est vraiment merveilleux... » Puis elle s'en retourna à ses contemplations sans attendre. Les moulures, les sertis d'or, les gardes fous sculptés avec trop de zèle... Elle resserrait même peut être un peu son étreinte sur le bras de monsieur Moriarty, prise de court par la majesté du Grand Salon. Pourtant, à l'intérieur les éclairages étaient les même de jour comme de nuit, mais peut être était ce l'émotion de découvrir pour Alexianne le cadre qui allait voir se réaliser l'un de ses rêves. Elle avait peine à y croire d'ailleurs, étrange sensation de vivre un instant qui n'appartenait qu'aux songes.

ϟ Esmond Iulian (ft. Jim Sturgess)
Quand ils arrivèrent devant la scène, elle découvrit cette dernière beaucoup plus grandes qu'elles ne l'avait imaginé de près. Elle franchissait la frontière qui l'avait tant frustrée chaque fois qu'elle venait ici.
L'ambiance était calme et studieuse, quelques employés s’affairaient encore ça et là et avec eux, seul les musiciens émettaient encore un son, un doux fond musical, car comme elle le pensait, ils étaient en pleine répétition. Ils s'interrompirent quand monsieur Moriarty et Alexianne s'approchèrent et la jeune fille leur sourit, gênée et embarrassée que leur simple venue ne les fasse poser leur instrument. Elle leur adressa un signe de tête en réponse à leur salutations puis voulu leur faire signe de continuer mais se ravisa et se tourna vers le patron de tout ces hommes quand il se pencha vers elle.
« Encore une fois je ne saurai comment vous remercier, c'est bien plus que je ne l’espérai si jamais j'avais osé espéré quoi que ce soit. » Elle pivota un peu sur elle même et concéda avec un sourire. « Le cadre est magnifique, votre orchestre est magnifique lui aussi... Et vous voyez bien que je manque de mot pour exprimer ma gratitude... » Elle rit doucement à son propre désarroi puis se retourna vers l'orchestre avant que monsieur Moriarty ne lui propose d'aller saluer tout ces musiciens. « Mes accompagnateurs ! » S'exclama t'elle comme si l'idée d'employer des termes aussi professionnels pour sa performance était tout à fait saugrenue. Elle continuait de sourire à Monsieur Moriarty puis avoua en lui lâchant le bras. « J'en meurt d'envie ! » Elle s'étonna presque de sa familiarité enfantine et en prenant de l'avance elle mit les mains sur ses lèvres en se jurant de se montrer plus professionnelle.
Mais il était vrai que l'idée de cet orchestre l'enchantait, il était une composante indispensable à son rêve, et là encore, il le dépassait. Ils devaient être une quinzaine regroupés les uns sur les autres devant le chef d'orchestre, un homme assez jeune pour son rang, un virtuose certainement. Alexianne arriva vers eux presque en trottinant dans sa longue robe blanche avec un sourire dont elle n'aurait su cacher l'empressement.
« Bonjour messieurs ! Votre présence est un réel plaisir et je vous promet de m'en montrer digne. » Les politesses étaient de rigueur puisqu'elle voulait paraître moins candide, mais avec cette esquisse de révérence qui suivit, elle semblait encore enserrée de l'innocence d'une enfant au pays des adultes. Personne ne lui en teint rigueur cependant et le chef d'orchestre s'avança même devant elle pour lui adresser un signe de tête en guise de salutation.
« Esmond Iulian, le chef d'orchestre, enchanté. Le plaisir est pour nous mademoiselle, et vous vous montrez là déjà bien plus digne de notre présence que quiconque ! » Il adressa un second signe de tête, à son patron cette fois ci, comme pour s'excuser de l'avoir oublié.
« Alors c'est votre première fois sur scène ? Avec un orchestre également ? » Un violoncelliste, plus jeune, au fond du groupe la regardait avec le sourire.
« Oui en effet, c'est la toute première fois, d'où mon appréhension peut être ! »
« C'est une première fois que vous ne risquez pas d'oublier dans un cadre comme celui là ! »
« Cette scène est plus que je n'aurai pu l'espérer en effet ! »
« C'est un plaisir pour nous d'accompagner les premier pas d'une chanteuse mademoiselle ! »
« Oh ne vous en faîtes pas, je me suis entraînée de longues heures dans ma chambre ! »
Alors que cette plaisanterie lui avait d'abord écorché les lèvres de honte, ils continuèrent tous à rire de bons cœur ainsi. Ces musiciens étaient parfois un peu familiers, et parfois même, quelques sous entendus se cachaient dans leur humour, mais ils étaient muets pour Alexianne, elle ne pouvait comprendre les double sens de quelques uns, un peu grivois parfois. La seule chose qu'elle percevait était cette bonne humeur commune qui la détendit incroyablement. Debout face à ce groupe d'hommes, elle se trouvait étrangement à l'aise et sentait bien que l'excitation d'être ici la galvanisait en quelques sortes.

Elle riait encore, d'une voix claire et franche, ils riaient tous. Monsieur Iulian néanmoins, resté en retrait jusqu'ici, s'avança vers elle et lui tendit un carnet.
« Mademoiselle de Montaigne, y a t'il dans ces morceaux un chant que vous maîtrisez peut être ? » Esmond lui présentait en effet des partitions, certaines connues et inconnues pour Alexianne, mais elle ne s'attarda pas longtemps sur ces pages. Elle releva en effet la tête et joignit les mains devant elle en les agitant l'une dans l'autre et, terriblement mal à l'aise mais osa demander.
« C'est à dire que, si vous me le permettez, j'aimerai vous proposer quelques chose. » Sans attendre elle sortit de son sac une partition à son tour et la tendit au chef d'orchestre. « Tenez, je doute que vous la connaissiez, je ne sais pas vraiment moi même d'où elle me vient, mais peut être que... »
« Non en effet je ne la connais pas. » Dit il en inspectant toujours la partition. Alexianne s'empressa de reprendre l'autre carnet en s'excusant platement.
« Oh et bien ne vous en faîtes pas, il y en a bien une ou deux que je pourrai chanter, je ne tient pas à vous ennuyer. »
« Vous ne nous ennuierez pas le moins du monde ! Laissez nous seulement quelques instants pour nous mettre en place. »
« Merci infiniment ! » Dit elle en prenant les mains du jeune homme.

Quand tous les musiciens se regroupèrent pour quelques instants, ils laissèrent Bartholoeus et Alexianne, cette dernière se rendant compte qu'il s'était tenu en retrait durant leur conversation. Elle s'étonna d'avoir un peu de peine de l'avoir ainsi écarté, car à présent qu'elle s'était totalement détendue, elle lui était plus que reconnaissante. Elle lui adressa un sourire triste et s'approcha de lui.
« Ils vont avoir besoin seulement de quelques instants pour s'accorder. » Elle se tourna vers l'orchestre un instant puis se revint vers lui. « Vous semblez avoir un orchestre incroyable, autant humainement que par leur talent. Monsieur Iulian me semble véritablement talentueux alors même que je n'ai rien entendu ! Je pense vous l'avoir dit déjà mille fois mais je tient à le répéter, je vous suis très reconnaissante pour tout ce que vous faîtes Bartholomeus. » D'un coup vif elle porta les mains à ses lèvres comme si elle venait de l'insulter. « Pardonnez moi... Monsieur Moriarty... »
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Ven 16 Nov 2012 - 9:14
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Elle était…rafraichissante. Une bouffée d’oxygène dans cet antre qui lui paraissait chaque jour plus sombre et étouffant, à l’atmosphère toujours plus lourd. A force d’y passer le plus clair de son temps, Dante commençait à avoir l’impression que les murs de son château se refermaient sur lui, qu’il avait prit vie et le dévorait chaque seconde un peu plus. Il avait commencé à réaliser qu’il avait besoin de renouveau au moment où Annabelle avait passé la porte du « Divine Comédie » pour la toute première fois. Elle avait été sa révélation… Elle serait son salut. Il le sentait dans sa chair, dans ses os, c’était brûlant mais la chaleur était réconfortante et faisait un bien fou à l’être froid qu’il était devenu.
Cette image, cette sensation, le ramenait des années en arrière, à l’époque où il avait cru mourir de froid et de faim dehors, à cette époque où il avait faillit renoncer et où il s’était quand même battu encore un peu, avec la force du désespoir. Il se souvenait de l’instant où son mentor avait alors placé un bol de soupe entre ses mains. Le liquide avait brûlé ses lèvres, sa langue, sa gorge, ses entrailles, tout. Ca lui avait fait un bien fou. Bartholomeus s’était sentit purifié, béni. Il s’était surtout enfin senti en sécurité. C’était ce qu’il ressentait en compagnie d’Annabelle… L’espoir d’un avenir plus confortable, plus chaud, plus sécuritaire. Elle était une promesse d’apaisement et de douceur dans sa vie chaotique.
La voir naviguer dans son environnement comme si elle y avait toujours appartenu tout en étant si différente, la voir évoluer au milieu de ses musiciens comme en territoire conquis, les sentir tous captivé par elle comme lui-même pouvait l’être, lui faisait quelque chose. Elle était spéciale. Elle était ce qu’il avait toujours attendu. C’était à la fois douloureux et agréable de la voir faire, source d’anxiétés et de plaisirs. Elle jouait innocemment avec ses nerfs et il était tout à fait prêts à la laisser faire et à voir jusqu’où Annabelle comptait l’amener avec plaisir. Il avait en même temps pleinement conscience qu’il y avait une part de danger là-dedans, qu’il pourrait bien se brûler les ailes et le cœur à force de se laisser envahir par sa chaleur enivrante. Mais le sorcier voulait pourtant tenter sa chance et laisser pour une fois une part de mystère, une inconnue dans l’équation.

Un sourire peut-être un peu niais étalé sur ses lèvres peintes, il encouragea muettement l’excitation de la brunette qui l’avait abandonné pour se diriger vers la scène et en prendre possession. Ce ne serait pas une tâche bien compliquée, elle avait déjà à ce qui paraissait, conquis le cœur de ses accompagnateurs… A moins qu’ils ne soient simplement bons comédiens et ne fassent que répondre avec brio à l’ordre de la mettre à l’aise qui leur avait été donné. Pour le coup, Dante Moriarty, le businessman de renom parti de rien et qui s’était battit un empire, s’auto-couronnant roi des nuits londoniennes, manquait d’objectivité et ne pouvait se fier à son jugement.
Tout ce qu’il pouvait faire, c’était profiter du spectacle en essayant de se maitriser. La dernière chose qu’il voulait évidemment, c’était laisser entrevoir ses sentiments à la jeune femme. Il lui faudrait prendre son temps avec elle, la cajoler sans se montrer trop entreprenant pour ne pas l’effrayer. Il lui faudrait la laisser venir à lui plutôt qu’aller la chercher. Et tout ça pour quoi au final ? Bartholomeus n’en avait pas la moindre idée… Il ne savait ni ce qu’il attendait d’elle, ni ce qu’il espérait réellement trouver en lui-même. Il désirait changer les choses, mais pour quel résultat au juste ? Souhaitait-il en finir avec cette vie de vices, abandonner ses pratiques douteuses ? Pas vraiment…
Alors à quel niveau le changement devait-il s’opérer ? Il aurait tout le temps d’y penser. Pour le moment, il était simplement là pour écouter Annabelle chanter, voir le cocon éclater pour qu’un papillon en sorte enfin.

Le gérant du cabaret, les bras croisés sur sa poitrine gonflée de fierté et d’excitation, le ventre un peu noué, observa Annabelle échanger quelques mots avec ses musiciens, attrapa quelques éclats de son rire doux au vol. Il pouvait enfin l’observer librement, sans craindre de la mettre mal à l’aise. Et pour cause : elle ne le remarquait plus. C’était un peu vexant et en même temps, comment aurait-il pu lui en vouloir ? Elle ne devait sans doute même pas avoir conscience de tous els bouleversements qu’elle opérait en lui. Lui-même n’en mesurait pas encore l’étendu ni n’en comprenait le sens.
Le nœud dans son estomac se resserra encore un peu lorsqu’il vit son hôte être approchée par son chef d’orchestre. Un garçon plein de talent et d’avenir à qui il avait donné sa chance et duquel il n’avait jamais eut à se plaindre. Jusqu’à voir les mains d’Annabelle se refermer sur les siennes. Les mâchoires du squelette se crispèrent tout à coup et ses bras se décroisèrent pour lui permettre de saisir sa baguette.
Bartholomeus se ressaisit pourtant rapidement, dissimulant sa soudaine irritation pour adresser un sourire un peu forcé à Mademoiselle de Montaigne qui venait de le rejoindre, lui apparaissant tout à coup bien moins pleine d’entrain. Le sorcier suivit son regard vers l’orchestre en question et croisa furtivement celui d’Esmond qui ne tarda pas à le détourner, conscient d’avoir fait une erreur. Une grossière erreur…
Mais sa rancœur disparue provisoirement lorsqu’il entendit son prénom être prononcé par Annabelle. Comment s’y prenait-elle pour le toucher autant, lui qui se pensait de glace, hermétique à tout sentiment depuis des années, si ce n’est toujours ?

« Allons, ne vous excusez pas : c’est moi qui vous ai demandé de m’appeler par mon prénom lors de notre rencontre » la gourmanda-t-il avec un sourire encourageant « Cela dit, il va maintenant vous falloir me permettre de vous appelez par le votre. De toute manière, si jamais ces essais se déroulaient selon votre bon plaisir et que nous décidions de poursuivre cette aventure d’un commun accord – ce que je nous souhaite -, il faudra vous y faire. Nous sommes comme une grande famille, voyez-vous. Le genre de famille à appeler ses membres par leur prénom et avec qui il est plaisant de passer du bon temps. »
C’était bien entendu un mensonge. Il était leur roi, leur supérieur et si l’un d’eux s’était permis à l’appeler Bartholomeus, il l’aurait payé le prix fort. Il était Monsieur Moriarty pour eux tous et il n’était ni leur père, ni leur frère, ni leur ami. Mais quelque chose lui disait que l’idée d’un groupe soudé, d’une famille chaleureuse et aimante séduirait bien plus son interlocutrice.
« J’ai cru entendre que vous alliez nous interpréter quelque chose de personnelle. Aurons-nous droit à quelques mots de français ? Vous venez de France, n’est-ce pas ? » la questionna-t-il en l’invitant à s’asseoir à ses côtés autour d’une petite table ronde, le temps que les musiciens s’accordent « Le français est une langue que je trouve en tout point charmante mais d’une complexité qui m’étonnera toujours ! D’où venez-vous exactement ? » poursuivit-il avec curiosité, avant de faire signe à Diomède d’approcher pour leur servir quelque chose. Peut-être un verre d’eau bien fraiche pour la chanteuse qui allait donner de la voix dans très peu de temps.

© Chieuze


Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Ven 16 Nov 2012 - 11:59
Comment avait elle pu se laisser aller à prononcer son prénom ? Elle même ne pouvait se l'expliquer et c'est autant pour cette raison que pour rectifier son manque de politesse qu'elle lui présenta ses excuses. Première fausse note de cet après midi se disait elle... Mais bien vite, Bartholomeus la rassura et lui rappela même qu'il lui avait déjà proposé qu'ils s'appellent par leur prénom, ce dont elle ne s'était pas souvenue étrangement. Ses bras retombèrent et elle lâcha un soupir rassuré, il venait de désamorcer son anxiété avec juste quelques mots.
Pourquoi avait elle refusé la première fois quand à présent, la chose lui paraissait naturelle ? Tout lui semblait si différent, comme un cauchemar qui devient rêve la nuit suivante. Elle avait peine à rationaliser son angoisse de la dernière fois, incapable de se figurer cet état d'esprit alors qu'elle était toute enthousiaste, naturelle et galvanisée par l'excitation et l'émerveillement. Elle bouillonnait de l'intérieur, elle ressentait ce léger nœud dans le ventre, celui de l’impatience, celui qui ne pouvait défaire ce sourire sur ses lèvres. La prévoyance dont faisait preuve Bartholomeus à son égard était du reste, toujours agréable. Jamais encore il ne lui avait tenu rigueur de ses écarts, elle le réalisait maintenant. Elle baissa les yeux au sol un instant comme pour se résoudre à l'évidence et lui répondit, rassurée, avec un rire au bout des lèvres.
« Vous avez parfaitement raison, je ne saurai aller à l'encontre de cette atmosphère chaleureuse que vous décrivez si bien et que je ressent moi même en vous refusant de m'appeler par mon prénom, et en imposant une politesse trop rigide dont j'ai du mal à me défaire parfois, je l'avoue. » Elle ressentait réellement cette famille, cette union, et elle y incluait tout naturellement Bartholomeus. « C'est exactement le genre d'entente que j'avais imaginé pour une troupe, ou pour un orchestre plutôt, comme celui ci, et vous en êtes un peu le père si je peux me permettre. » Elle pivota encore une fois sur elle même pour balayer ce qui l'entourait du regard et se retourna vers lui d'un air encore plus émerveillé. « Tout ceci est réellement magique ! » Impossible de retenir un léger rire à l'emploi de ce mot pour décrire ce cadre. « Autant le cadre que les gens qui le font, Monsieur Iulian a même cédé à l'un de mes caprices, si je peux appeler ma requête ainsi. »

Sa famille du chant ! Elle s'imaginait déjà pouvoir y appartenir. Elle aurait celle à qui elle cachait ses activités secrètes, et celle à qui elle cacherait son nom... Dans tout les cas, être entourée ainsi de gens si chaleureux rendait son secret moins pénible, elle ne se sentait plus aussi seule dans son rêve, d'autres le partageaient avec elle, avec Bartholomeus en première loge. Elle aimait déjà cette famille, elle n'en connaissait pas réellement les membres mais aimait l'idée de ce tout auquel elle appartenait et avec lequel elle pourrait partager sa passion sans pudeur. Elle n'aurait plus à s'éclipser au fond du parc du manoir pour exercer sa voix, ou à flirter avec le bruit des vagues qui se rompent sur la falaise pour la couvrir, non, elle n'aurait qu'à venir ici, en secret bien sûr, toujours, elle saluerait tout le monde, les appellerai par leur prénom, eux par le sien, Annabelle... Et elle pourrait chanter, chanter autant qu'elle le voudrait, aussi fort qu'elle le désirerait, et personne ne lui dirait rien, sinon qu'elle avait une voix magnifique !
Elle se tissait là encore quelques rêves de jeune fille avant même d'avoir fait ses preuves, mais comme tout cela pourrait être merveilleux. Dans son esprit, elle l'était en tout cas, cette famille du chant !

Bartholomeus la conduit vers une table ronde, en la questionnant sur son choix de chanson, sur ses origines. Il semblait vouloir bavarder, comme Alexianne le faisait souvent finalement avec des amis, et elle se surprit à trouver cela tout à fait naturel dans le cas présent.
« En effet ! Mais je ne chanterai pas en français aujourd'hui, une autre fois, peut être, si l'occasion s'y présente. » Elle lui répondait sans détour, sans hésitation, juste comme cela lui venait, car après tout, elle voulait faire parti de cette famille. Ils s'assirent tout les deux autour de la table alors que Bartholomeus poursuivait ses questions.
« En vérité ma mère est anglaise, c'est de mon côté paternel que je suis française, mais j'y ai toujours vécu jusqu'à l'année dernière. Je suis née à Paris et ma famille possède un domaine à Aix en Provence. Cela fait longtemps maintenant que je n'y suis pas allée, cela me manque un peu. Avez vous déjà visité le quartier sorcier d'Aix en Provence ? Il est merveilleux ! Il y a là bas la Bibliothèque Nationale Sorcière, une mine d'or pour les passionnés de manuscrit. Ma tante en est folle ! » Elle parlait plus vite que d'habitude, très naturellement, et alors même qu'elle s'était inventée un prénom, elle n'inventait pas sa vie et se révélait avec une facilité qui l'aurait déconcertée elle même si elle n'était pas occupée à plonger dans ses souvenirs. Elle prenait peut être un risque en confiant ainsi quelques détails sur sa vie, mais ne s'en rendait pas compte, bercée par la chaleur de l'atmosphère qui brisait ses barrières une à une, sans aucune résistance de sa part. « C'est d'ailleurs d'elle que je tient cette chanson en parti. Elle est française pourtant mais elle m'avait emmené à l'Opéra à Londres, et j'ai le sentiment que c'est là bas que j'y ai entendu cet air, mais il y a si longtemps que je n'en suis même pas certaine. Toujours est il que cette tante me la chantait quelques fois, elle était la seule à bien pouvoir chanter une chanson sans rougir... » Elle levait les yeux en l'air pour se plonger dans ses souvenirs, redirigeai son regard vers Bartholomeus puis le redressait au ciel tour à tour, toujours avec un doux sourire mélancolique et enjoué à la fois. Puis elle s'interrompit soudain.
« Pardonnez moi, je ne fais que parler de moi même sans aucune gêne alors que vous m'accueillez ici ! » La première question qu'elle aurait voulu lui poser aurait été à propos de ses tatouages, indubitablement. Ces graphismes qui semblaient l'intriguer plus qu'ils ne l'effrayaient maintenant qu'elle s'habituait à chacune de ses expressions, biaisées par les stigmates sur son visage. Mais la question aurait été bien impolie, elle ne savait même pas si elle pourrait lui en poser, et elle eut soudain peur d'une réaction violente de sa part. Était il un homme violent ? Il ne l'avait pas encore démontré mais elle ne pouvait s'empêcher de se dire que oui, seulement à cause de son apparence. Elle réalisa qu'elle ne savait absolument rien de lui, et comptait bien y remédier, sur un ton taquin.
« À votre tour, dîtes moi quelque chose à propos de vous ! Oh si vous le voulez bien, évidemment, n'hésitez pas à m'interrompre si je deviens trop curieuse, mais je préfère toujours écouter les autres que de me savoir écoutées... »
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Ven 16 Nov 2012 - 13:14
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

« Esmond est un jeune homme tout à fait charmant et il ne vous tiendra jamais rigueur de prendre des initiatives, soyez-en assurée. C’est un amoureux de la musique, fiancé à son travail et qui adore relever des défis. Je pense qu’il aurait été déçu de ne pas vous voir formuler la moindre requête » répondit-il simplement, lorsqu’elle évoqua son soi-disant caprice.
Il aimait cette façon qu’elle avait de s’excuser de tout (et aussi d’être désolée de s’excuser) et de sourire avec fébrilité de sa propre audace par moment. C’était réellement comme assister à l’éclosion d’une fleur qui ignore à quel point elle peut être belle, voir un papillon s’échapper avec délicatesse de son cocon pour déployer ses ailes colorées et parfaites. Annabelle avait une image tronquée de sa personne à ce qui lui semblait et il prenait plaisir à la rassurer, la guider, à se sentir utile et valorisant.
Habituellement, il avait tendance à rabaisser les autres, à faire comprendre à ses filles qu’elles n’étaient à ses yeux que des paires de cuisses froides avec un petit quelque chose de chaud et humide entre elles. Il ne prenait pas la peine de les caresser, de les cajoler, il se rendait directement à l’essentiel et s’il pouvait les humilier en chemin, Dante n’hésitait pas une seule seconde. Avec la chanteuse, c’était différent et, pendant qu’il l’aidait à se découvrir elle-même, il en apprenait un peu plus sur lui aussi. C’était grisant, rassurant aussi.

Les jambes légèrement écartées, Bartholomeus s’était enfoncé dans le fond de son siège, arborant une posture tranquille pour, une fois encore, prouver à la jeune femme qu’il était capable de se détendre et qu’elle pouvait en faire autant. Tout ça le ramenait à cette image erronée d’une famille qu’il tentait de lui vendre. Ici pas de tabous, pas d’interdis, pas de jugement. Une belle grande famille d’artistes qui s’entendaient comme cul et cape, se taquinaient de temps à autre et vivaient de leurs passions. Un mensonge qu’il veillerait à entretenir chaque fois que la jeune de Montaigne se trouverait au Divine, et ce n’était certainement pas ses employés qui risquaient de s’en plaindre… Du moins tant que tout se passerait comme leur patron l’entendait puisqu’en cas de dérapage, ils auraient tous à le payer. Au prix fort.
Pour le moment en tout cas, tout se passait au mieux dans le meilleur des mondes. Un monde réellement magique, comme l’avait souligné Annabelle. Bartholomeus écoutait la brunette lui parler de sa vie avec un empressement et une évidente nostalgie qu’il trouva presque touchante. Il aurait pu l’écouter des heures durant sans nul doute, parler de tout et de rien, d’elle-même et de ses amis. Il voulait tout savoir sur elle, connaître le moindre de ses secrets, savoir ce qui la faisait vibrer en dehors de la musique, ce qui la faisait pleurer, ce qui pouvait déclencher son hilarité ou sa colère. Il voulait savoir où appuyer pour produire telle ou telle réaction chez elle…
Mais comme à son habitude, elle finit par se rétracter, s’excuser et enchaina en lui proposant de lui parler un peu de lui. Un vaste sujet. Un sujet un peu contrariant puisqu’il devrait lui cacher une bonne partie de son existence, mentir sur l’autre moitié et enjoliver la petite part de vérité restante…

Mais avant cela.
« Diomède, pourrais-tu nous apporter une carafe d’eau je te prie. Nous ne voudrions pas vous voir vous assécher la gorge avant même d’avoir eu l’occasion de chanter » la taquina Bartholomeus dans un sourire complice qu’il agrémenta d’un clin d’œil. Une fois son barman éloigné, il redonna son attention à la française.
« Eh bien pour commencer, je dois vous avouer que je n’ai jamais mis un pied en France. Je me suis contenté de recevoir des sorciers venus de Paris à l’occasion de quelques défilés de mode privés organisés au « Divine Comédie ». J’aimerai beaucoup avoir une occasion de m’y rendre et pourquoi pas de découvrir… Je ne suis pas certain de parvenir à répéter le second nom ! Mais dîtes-moi, Annabelle : c’est le travail qui vous a fait quitter votre patrie ? J’ai cru comprendre que vous aviez beaucoup à faire… » la questionna-t-il pour essayer de faire de nouveau tourner la conversation autour d’elle, faisant par ailleurs référence à leur rencontre et à tous les dossiers qu’elle avait laissé échapper et avait été à l’origine de leur tout premier échange verbal.

© Chieuze


Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Ven 16 Nov 2012 - 15:54
La légèreté semblait être la seule règle à cette après midi. Celle de la musique en fond, alors que l'orchestre répétait, celle des conversations, naturelles et spontanées et celle de leur propre attitude. Pas de doigts crispés, aucun ongle battant la mesure sur le pied du verre... Rien qu'un moment agréable.
Diomède leur apporta de l'eau quelques secondes à peine après que Bartholomeus l'eut commandé. Ce dernier n'eut le temps que de l'interroger encore, et si elle ne s'était pas attardée un peu plus sur ses dernières paroles à elle, elle n'aurait jamais remarqué qu'il venait d'esquiver sa question tant il l'avait fait avec brio. Elle lui sourit un instant, intriguée, puis porta cette eau fraîche à ses lèvres.
Sa curiosité venait réellement d'être piquée à vif. Elle s’efforcerait de ne pas insister, surtout pas avec lui, mais se promettait d'essayer une autre approche, pour une autre fois, pour savoir autre chose.
« Aix en Provence ! » Elle rit à moitié de se lancer ainsi dans un exercice de prononciation puis laissa ses yeux plonger au dedans de son eau, alors que la question de Bartholomeus la plongeait elle même dans une réflexion qui ne seyait pas à l'impératif de la journée, légèreté.
« Je suis arrivée à Londres il y a un an en effet, et j'ai tout de suite intégré le ministère. Pour tout avouer... » Un long soupir s'échappa de sa gorge comme une vague d'émotion inexpliquée qui devait s'échapper d'elle, par manque de place. Pourquoi son humeur souffrait d'un équilibre si instable en présence de monsieur Moriarty ? Des flots d'émotion qui contrastaient par leur chaleur, leur force et leur nature, s'entrechoquaient et se croisaient en courant contraire et d'une seconde à l'autre, elle pouvait vaciller de la joie à la tristesse. Peut être parce qu'elle n'avait pas ainsi l'habitude qu'on l'écoute autant... Voilà pourquoi, dans un élan irraisonné et mélancolique, elle se mit à confier ses états d'âme à propos de sa vie, de son existence, de ce qu'elle aurait pu confier à son carnet lorsque elle était plus jeune. Encouragée par les questions de Bartholomeus, à fleur de peau sous le coup de cet émerveillement mêlé à cette angoisse. Elle s'éclairci la gorge et reprit donc.
« Pour tout avouer je ne sais pas vraiment ce que j'y fait. Ça n'a pas de sens, je n'en trouve pas en tout cas, j'ai rejoint le ministère parce que je pensait que c’était ce qu'on attendait de moi mais... » Elle lança un regard triste vers Bartholomeus puis reprit. « Ce n'est pas ce que je voulait pour moi. On m'a envoyée chez mes grands parents sans explication, poussée vers le ministère sans me demander mon avis, et force est de constater qu'on ne fait que me déposer là on bon semble, à Merlin sait qui. Et finalement dans tout ça, il ne me reste plus qu'à... » Elle soupira un long moment, les yeux rivés sur la table, finalement presque apaisée. « J'aimerais seulement retourner en France, ne plus me soucier de rien et chanter sur les plages de la baie Vitre Claire, tout une journée. Le mistral dans mes cheveux, le sable entre mes pied... Et rien d'autre, tout ignorer. » Un sourire s'était dessiné sur son visage sans qu'elle ne l'ait provoqué. Elle faisait glisser son index en dessinant un cercle au bord de son verre, rêveuse une nouvelle fois. Mais quand elle retourna son attention vers Bartholomeus, elle ne sursauta pas, ne s'excusa pas. Elle le gratifia d'un sourire puis continua d'esquisser des ronds là où elle avait posé ses lèvres.
Elle avait la sensation d'en avoir trop dit, beaucoup trop, certes, mais la plénitude qu'elle ressentait en s'imaginant sur cette plage, rien qu'elle face au vent, seule sur la baie, aucun autre bruit que les vagues et tout oublier du monde, suffisait à la rassurer. Elle était néanmoins assez raisonnable pour ne pas s'étendre sur son travail au ministère, ni sur les raisons pour lesquelles elle soupçonnait ses parents de l'avoir envoyée en Angleterre, elle éviterait tout sujet politique, car dans un coin de son esprit, elle gardait la crainte que ce doux rêve ne soit qu'un piège pour lui soutirer des informations. Douce naïveté que de croire qu'on s'en prendrai à la pauvre stagiaire méprisée qu'elle était pour se fournir en information...

Elle observa un instant de silence puis laissa son verre en paix. Elle hésitait à questionner encore Bartholomeus, mais ne voulait pas lui faire croire qu'elle s'était totalement faite avoir, et finalement, elle lui glissa un regard, à nouveau malicieux, abandonnant sur le champ sa rêverie de l'instant d'avant.
« Vous semblez être un homme bien secret Bartholomeus. À mon sens, les secrets ne sont pas bons pour l'âme, il l'emprisonnent et lui coupe les ailes. »
« Pardonnez moi de vous déranger mais nous sommes prêts mademoiselle, c'est quand vous voulez ! » Esmond apparu à leur table avec un large sourire. Finalement elle ne semblait pas être la seule à se montrer pleine d'enthousiasme et d'impatience. Elle lui adressa un grand sourire à son tour, tenta un regard vers Bartholomeus puis fit un signe de la main au chef d'orchestre.
« Pouvez vous m'accorder une seconde s'il vous plaît ? »
« Bien sûr mademoiselle, le temps qu'il vous faudra. » Puis il s'en retourna vers ses musiciens qui s'étaient déjà installés. Alexianne posa son bras sur celui de Dante et les battements de son cœur, forts rapides et puissants, lui arrachèrent un sourire.
« Bartholomeus vous restez n'est ce pas ? » Elle semblait totalement surexcitée, trépignant comme une enfant. Elle n'attendit même pas sa réponse et se leva d'un bond vers la scène. En trottinant, un bras en l'air tandis que l'autre soulevait sa robe. Elle fit demi tour cependant, revint à la hâte vers la table pour finir son verre d'un trait. En le reposant, elle lança un sourire à Bartholomeus, essoufflée par sa gorgée.
« Souhaitez moi bonne chance ! » Puis elle repartit comme elle était venue.

Une fois sur scène, son cœur tambourinait dans sa poitrine plus que jamais, la salle lui paraissait immense, la scène également, l'éclairage aveuglant, les musiciens si loins...
« Quand vous voulez. » Esmond la gratifia d'un sourire rassurant, qu'elle lui rendit machinalement avant de faire face à nouveau à la pièce. Quand elle voulait serait beaucoup trop tôt ! À bou de souffle, elle expira néanmoins un fois calmement et s'apaisa doucement. Elle sortit sa baguette, la pointa sur sa gorge et murmura la formule.
« Sonorus » Elle fit ensuite un signe de tête vers Esmond pour lui donner le départ, et celui ci agita aussitôt sa baguette. Quand elle se retourna elle adressa un dernier regard à Bartholomeus puis plongea ses yeux au loin, n'entendant plus que son cœur, bruyant de peur.



La musique s’apparentait encore au silence quand les musiciens commencèrent pourtant à jouer, et dans cet immense silence, celui qui baignait le Salon Rouge tout entier, elle se tenait là, droite et immobile, avant qu'elle ne le perce de sa voix, apparue de nulle part. Elle était plus forte qu'à l'accoutumée, ce qui surpris Alexianne sur le coup, elle ne s'était en effet jamais permise d'user du sonorus pour s'exercer, même au fond du parc du manoir.
Mais sa voix était encore grave, et ce n'est qu'après un court instant d'arrêt et un pas en avant, que ses mots, clairs et aigus, comme une lame de cristal, vinrent pourfendre l'obscurité silencieuse de la salle. Ses yeux grands ouverts comme si le cabaret tout entier s'illuminait véritablement, elle s'étonnait seulement de la voix qui lui poussait dans la gorge depuis ses poumons, jusque dans son souffle. Elle leva doucement les mains et balaya la salle de toute part, elle l'imaginait pleine, elle les imaginait tous devant elle et cette sensation l'emportait plus haut qu'elle n'aurait jamais pu l’espérer. Chaque mot dont elle se délestait lui arrachait une émotion dont il était bon de se défaire pour l'entendre soi même, elle ressentait cette voix, cette âme vibrer en elle, avant d'éclater dans l'espace. Cet instant elle en était sûr, serait gravé pour toujours dans sa mémoire.
Sa voix s'apaisa, et une fois passée sa propre surprise, elle voulait à présent s'emparer de la scène toute entière. Elle s'avança encore une fois de quelques pas et se laissa éblouir par la lumière qui lui parvenait d'en haut avant de baisser les yeux. Dans les gestes qu'elle esquissait, les expressions qu'elle offrait, elle ne savait plus si elle jouait la comédie ou bien si elle vivait un peu trop son émotion. Sûrement un peu des deux, elle se laissait aller à la liberté de la scène, qui à force de jouer, se jouait d'elle et lui faisait vivre son jeu ! C'est ce qu'elle recherchait en chantant.
Quand elle se tut cette fois tout à fait, et qu'on entendit plus que les musiciens pour un court instant, elle reprit conscience de leur présence et se tourna vers eux, et s'avança vers eux, adressa machinalement ses premiers éclats de voix à Esmond, alors qu'il aurait pu être n'importe qui d'autre, jusqu'à ce qu'elle se retourne une nouvelle fois vers la salle, d'abord lentement, puis plus rapidement avant de s'arrêter tout net en poussant sa voix au plus haut.
Cette puissance, jamais elle ne l'aurait soupçonné en elle. Cette force, elle était invisible au quotidien, même pour elle. Elle subissait presque cet effort, cette émotion. Les yeux clos, les bras ramenés devant elle, elle frissonnait presque, on aurait pu croire que ses os étaient oppressés par quelques sortilèges, mais le sort n'était que celui de la voix. Les larmes, comme des lames froides et glissantes lui montaient déjà aux yeux alors qu'elle relevait les yeux, ces yeux qui s'embuaient. À qui s'adressait elle là haut ? Elle n'en savait rien elle même, mais cet appel qu'elle lançait à l'inconnu la libéra de ces larmes qui lui roulaient à présent sur les joues. Alexianne était jeune, elle n'avait rien vécu, et pourtant elle ressentait la détresse de ce deuil qu'elle formulait en chanson, alors même qu'elle n'avait jamais connu la mort. Cette voix la transformait en une femme plus mature, un visage qui n'avait pas encore tout à fait quitté l'enfance mais qui dans les yeux, semblait avoir une âme plus mature et sage en pleine éclosion.
Les jambes fébriles, à bout de souffle, elle s'abaissa lentement quand la chanson touchait à sa fin, et quand elle expira les dernières notes, elle était tout à fait au sol, épuisée et heureuse, plus heureuse que jamais, et le sourire qu'elle adressa à Bartholomeus pouvait en témoigner lui même.
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Sam 17 Nov 2012 - 13:53
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

A présent, Dante n’accordait pas uniquement son attention à Annabelle parce qu’il appréciait sa compagnie et voulait en savoir toujours plus sur elle, mais bel et bien parce que les informations pourraient…lui être utiles ? Il détestait raisonner de cette manière, surtout avec la jeune sorcière, mais c’était plus fort que lui. Avec le temps, il avait pris l’habitude d’écouter les gens non pas pour faire connaissance, tenter de se trouver des points communs avec eux et lier des amitiés, mais pour trouver de quoi faire les faire chanter par la suite. Son but était d’amasser le maximum d’informations sur les uns et sur les autres, de remplir toujours plus sa base de données pour pouvoir un jour l’utiliser contre ses ennemis et ceux qui se considéraient comme ses amis. Parce qu’il ne croyait pas à cette notion d’amitié. Oh évidemment, il s’était laissé aller quelques fois et chaque fois, l’issu avait été la même : il s’était fait avoir. Avec Octavian lorsqu’il était plus jeune, avec Thomas Macnair, plus récemment. Les gens étaient décevants, c’était un fait et il s’était juré de ne plus donner à qui que ce soit l’opportunité d’égratigner son armure…
Et il était bêtement en train de rompre ce serment en compagnie d’Annabelle. Mais une petite voix quelque part lui soufflait qu’elle était incapable de le décevoir, de lui faire le moindre mal. Elle était trop pure, trop innocente. C’était exactement de ça qu’il avait besoin. De pouvoir placer un peu de sa confiance entre des mains aussi sûres que lui paraissaient être celle d’Annabelle de Montaigne, petite française venue se perdre dans son antre de la débauche et du vice. Si l’un des deux devait trahir l’autre, il serait forcément le coupable.
Il enregistra donc les informations qu’elle lui fournissait, comme une machine. Elle avait donc un poste au Ministère, sans doute quelque chose de peu gratifiant pour le moment. Il ignorait exactement quel âge elle avait mais lui paraissait bien jeune et doutait qu’on puisse le confier des tâches trop importantes. La paperasse sans aucun doute… Une tonne de paperasse d’après ce qu’il en avait vu. Ses qualités ne devaient pas être exploités et pourtant, il ne doutait pas qu’elle en possède des tas. Tant pis pour eux, tant mieux pour lui. C’était certainement pour fuir ce travail ingrat et qui, d’après ses propres dires ne lui convenait en aucun cas qu’elle s’était aventurée dans son club et qu’ils pouvaient aujourd’hui avoir cette conversation.
Elle devait appartenir à une bonne famille ou être réellement brillante pour obtenir un poste au Ministère de la Magie anglais alors qu’elle venait d’un autre pays. Cela dit, ça, il avait aisément p pu deviner à ses manières et sa façon de parler qu’elle était issue d’un milieu aisé. Un milieu qui n’était pas facile pour les jeunes femme, il en convenait, bien que leur sort lui importe peu de manière générale. Mais celui d’Annabelle oui et la savoir malheureuse le chagrinait un peu lui-même.

Bartholomeus la fixait sans ciller, les lèvres scellées, tout ouïe. C’était sa chance, il le sentait. Il aurait pu lui promettre monts et merveilles à cet instant et elle se serait très certainement laisser prendre dans ses filets. Mais le sorcier en fut incapable pour des raisons qui lui échappaient un peu. Etait-ce parce qu’il savait qu’il n’avait pas de meilleure vie à lui offrir au fond ? Parce qu’il ne se sentait pas à la hauteur ? Peut-être qu’une part de lui refusait finalement de lui donner sa chance et préférait la tenir à distance… Il n’en avait pas la moindre idée.
Ce moment n’en demeurait pas moins parfait. Elle, installée dans un siège à ses côtés, belle à se damner, ses doigts caressant le verre qu’elle tenait avec délicatesse pendant que l’orchestre terminait ses derniers arrangements…
Et puis elle avait prononcé cette phrase. Comme si elle avait tout à coup pu lire toute la détresse en lui. Oui, les secrets étaient mauvais pour l’âme et la sienne était pratiquement perdue. Il commençait à la sentir frémir depuis l’arrivée de la jeune femme dans sa vie mais…

La magie retomba tout à coup, avec une brutalité difficilement descriptible. Bartholomeus sursauta, s’arrachant avec peine à ses rêveries, pour une fois à la traine par rapport à Annabelle qui avait déjà retrouvé son entrain et paraissait l’avoir relayé au second plan. Tout ça à cause d’Esmond qui paradait dans son costume bon marché, un sourire carnassier aux lèvres, ses yeux se promenant avec perfidie sur le corps de son interlocutrice… Pour qui se prenait-il se vulgaire chef d’orchestre ? Ce qu’il lui avait donné, Dante pouvait le lui reprendre et il n’hésiterait pas une seule seconde à le faire. Il pourrait même aller jusqu’à lui prendre autre chose par la même occasion. La vie pourquoi pas.
Une fois encore, il fut ramené à la réalité, mais par la voix d’Annabelle cette fois, dont la voix presque suppliante lui demandait s’il comptait rester. Incapable de formuler la moindre réponse, il se contenta de lui adresser un hochement de tête qu’il accompagna d’un sourire faux. Il avait l’habitude de ce genre d’exercice dans son métier et elle parut satisfaite par ce retour. Un peu dépassé, il l’observa s’éloigner pour finalement revenir et mieux repartir.
« Bonne chance… » souffla-t-il, sans être certain qu’elle l’ait entendu puisqu’elle avait déjà fait volte face pour grimper sur la scène.
Son regard dévia pourtant rapidement sur la silhouette d’Esmond Iulian dont le visage semblait être figé en un éternel sourire. Un sourire qu’il jugeait moqueur, hautain, détestable… Un sourire que Barth comptait lui faire regretter d’avoir laissé tendre ses lèvres. Il en oublia presque ce qu’il faisait là, ce qu’ils étaient tous venus faire.
La mémoire lui revint pourtant, juste à temps pour qu’il croise le regard doux d’Annabelle avant qu’elle ne se lance.

Il n’eut conscience qu’il retenait son souffle qu’au moment où son cerveau exigea son dû, l’obligeant à prendre une longue et soudaine inspiration pour combler ses oublies. Les yeux écarquillés, il peinait presque à croire ce qu’il vivait, sans savoir si c’était la musique qui le bouleversait tant, les paroles de la chanson ou simplement la présence d’Annabelle. Aurait-il été si touché si n’importe laquelle de ses cantatrices s’était lancée dans pareil morceau ? Bartholomeus doutait que son jugement soit très objectif, mais il se moquait de se laisser aveugler par la beauté de la jeune femme. Elle était magnifique, grandiose, parfaite. C’était elle qui animait cet endroit et le rendait magique. Elle lui faisait redécouvrir son propre univers sous une toute nouvelle lumière, plus chaude, plus pure que jamais…
S’il avait été sorcier à avoir la larme facile, il aurait possiblement versé une petite larme face à la prestation époustouflante de la jeune française. Mais s’il avait l’impression de se sentir à nouveau un cœur, Dante continuait d’avoir els yeux désespérément secs. Et puis de toute façon, il était trop sous le choc pour se permettre ce genre d’émotion forte. Il était comme anesthésié, scotché devant la scène.
Ce sont les larmes d’Annabelle qui l’arrachèrent à sa torpeur, serrant son cœur qui battait la chamade dans sa poitrine. Il fut pris de l’envie irrépressible de l’approcher, de sécher ses larmes de quelques baisers… cette vision lui sembla cela dit ridicule et il la chassa alors que les dernières notes de la chanson s’élevaient dans l’air électrique du Divine et que la chanteuse s’abaissait.

Peu à peu, le silence repris ses droits, lui arrachant un long frisson. Bartholomeus capta le sourire apaisé de la jeune femme et ne put s’empêcher de le lui rendre, les yeux brillants d’excitation. Il bondit sur ses pieds et frappa dans ses mains avec ferveur, son sourire s’élargissant de seconde en seconde.
Esmond avait abandonné ses partitions qui volaient jusque là devant lui, les laissant retomber sur la scène tandis qu’il venait s’assurer de l’état d’Annabelle. Son employeur leva alors une main dans sa direction, lui signalant de ne rien faire, et le chef d’orchestre s’éloigna à reculons pour rejoindre les musiciens. Ils gardèrent tous les yeux braqués en direction de la brunette, toujours assise sur le parquet impeccable. Dante quant à lui grimpa rapidement les quelques marches menant à l’estrade pour venir se placer près de la sorcière et lui tendre la main.
« Les mots me manquent, ma chère. Vous étiez… absolument parfaite et d’une absolue perfection » lui glissa-t-il en attendant qu’elle glisse sa main dans la sienne pour l’aider à se remettre debout et la soutenir s’il le fallait « Comment vous sentez-vous ? Désirez-vous boire ou manger quelque chose ? »
Voyant qu'elle ne faisait toujours pas mine de se lever, Bartholomeus consentit à s'accroupir près d'elle.
« Peut-être serons-nous tout aussi bien ici après tout. »
« Est-ce qu’elle va bien ? » s’en mêla tout de même Esmond, visiblement soucieux.
« Je dirai même plus que bien. N’ai-je pas raison, Annabelle ? Laissons lui simplement le temps de se remettre. »

© Chieuze



Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Mer 21 Nov 2012 - 0:30
Le souffle court, le cœur battant, le sourire d'Alexianne ne s'élargissait pas moins alors que Bartholomeus ne cessait de les lui rendre. Toute la force qu'il lui avait fallu déployer n'était pas tant vocale qu'émotionnelle, elle avait reçu comme une bourrasque le retour de tous ces ressentis, de tous ces affects qu'elle ne pensait pas possible de ressentir. Elle avait la persuasion que jamais personne n'eut connu telle félicité, que jamais personne ne se soit posséder autant soi même, se remplir autant de soi même, elle se sentait en accord parfait dans son corps et dans son âme, une sensation étrange qui lui faisait presque monter des sueurs froides. C'était sans nul doute le plus beau moment de son existence jusqu'ici, peut être se trompait elle, mais elle ne trouvait aucun souvenir qui puisse rivaliser avec celui qu'elle avait de sa prestation, un souvenir déjà très flou. Sa mémoire était bien incapable de lui rappeler ce moment avec la même intensité qu'elle l'avait vécu. Une plénitude incroyable, une exaltation pure et entière, voilà ce qu'elle ressentait.
Pourtant, alors même que Bartholomeux bondissait sur ses pieds, elle était bien incapable de bouger. Complètement vidée, desséchée de son énergie, celle ci, retenue à la surface de sa chair, au creux de ses pores, pouvait à présent glisser sur elle et la quitter totalement. Elle glissait lentement car devenue inutile, Alexianne avait tout donné et ses forces pouvaient bien l'abandonner, il lui restait cette joie. Il lui restait juste assez de force pour sourire toujours un peu plus à travers ses longs soupirs quand le propriétaire du cabaret applaudissait celle qu'il avait accueilli pour lui donner une âme. Sans aucune modestie, elle sentait qu'elle avait réussi à habiter ce lieu dans les moindres recoins, et pourtant, elle restait perplexe face à ces applaudissements, mais qu'ils étaient délicieux. Elle voulait qu'ils soient les premiers d'un nombre incalculable, elle voulait être applaudie toute sa vie, car peu importait combien les félicitations étaient embarrassantes, elle lui permettrait de réitérer cette expérience encore et encore.
« Sourdinam » Pointer ainsi sa baquette sur sa gorge pour recouvrer sa voix normale était bien la seule chose qu'elle se trouvait encore capable d'accomplir.

Alexianne suivait Bartholomeus du regard alors qu'il progressait jusqu'à elle. Elle suivit des yeux le signe de main qu'il adressa à Esmond pour l'arrêter, adressa un sourire à ce dernier, puis revint vers monsieur Moriarty qui lui tendait à présent une main en la félicitant de vive voix. Il la trouvait parfaite, et cette idée la ravi plus qu'elle ne l'aurait imaginé quelques minutes plus tôt. Elle posa sa main dans la sienne mais restait toujours au sol, contre le bois de la scène, comme si elle ne voulait plus la quitter, mais plus que de le vouloir, elle ne pouvait plus s'en détacher. Elle ne répondit que par un léger signe de tête quand il lui proposa de se ressourcer, un simple signe pour lui dire qu'elle n'avait besoin de rien, de rien de plus. Elle le regardait avec des étoiles plein les yeux comme si elle ne réalisait pas encore qu'elle s'était totalement liquéfiée sur cette scène. Elle s'était même évaporée, s'était dissoute toute entière et n'avait plus besoin de rien. Il s'agenouilla auprès d'elle, et quand il fut alors plus proche, elle détourna le regard, ses yeux toujours aussi pétillants, mais pour contempler le cabaret.
Elle soupira de satisfaction et la seconde suivante Esmond se précipitait, croyant qu'elle était souffrante, certainement. Bartholomeus l'interrompit une nouvelle fois en assurant qu'elle allait bien, tout en lui posant la question. Que tout le monde commence à s'affairer en s'inquiétant pour elle commençait à l’embarrasser et elle se décida enfin à sortir de son mutisme dans lequen elle se complaisait pourtant. Elle se tourna vers Bartholomeus sans perdre ce regard plein de magie et lui prit des deux mains celle qu'il lui avait offerte pour l'aider à se relever.
« Bartholomeus comment pourrais je aller mieux ? Et cela grâce à vous. » Elle avait oublié sa laideur, la révulsion, le dégout, seule résidait en lui à présent le faiseur de rêve à ses yeux !

Ils se relevèrent tout les deux, Alexianne se rendant compte qu'elle tenait bien plus sur ses pieds qu'elle ne l'aurait cru et se surprit à se demander si elle ne faisait pas la tragédienne. Et pourtant non. Elle adressa un signe de tête à Esmond et le rassura avec un sourire.
« Tout va très bien Esmond, merci, merci pour cet accompagnement divin ! » puis elle se tourna vers Bartholomeus. « Et merci à vous, merci mille fois, comment pourrais je vous remercier de ce présent que vous m'avez fait là ? Je sens que je vous serais éternellement redevable car il semble qu'une joie comme celle que j'éprouve à présent n'ait jamais été offerte à quiconque encore ! » S'il n'arborait pas ces stigmates, si elle se fichait de la bienséance, elle l'aurait enlacé si fort. Au lieu de ça elle abaissa le regard pour redresser son visage avec un air embarrassé. « Pardonnez moi, je m'emporte mais si seulement vous pouviez savoir le bonheur que j'éprouve à présent ! »
Elle le savait maintenant, elle se damnerait pour remonter sur cette scène devant un public, car plus jamais elle ne pourrait s'en passer. Alors même que ce rêve qu'elle avait chéri si fort se réalisait, il lui semblait encore comme un rêve, un rêve qui prenait vie au pays des cauchemars. Pas une seule fois elle ne se serait montrée méfiante ni même vigilante maintenant à propos du Divine Comédie, elle était en sécurité, elle en était sûre, elle était ici dans sa seconde maison, entourée de sa seconde famille, du moins c'est ce qu'elle voulait. Elle le voulait tant.
C'est pourquoi, toujours en serrant les mains de Bartholomeus, elle même ne se rendait pas compte de la proximité qu'elle avait instauré entre eux, elle se risqua à le supplier.
« Dîtes moi ce que je dois faire Bartholomeus pour venir chanter à nouveau sur cette scène, devant un public, et peu m'importe lequel à présent, dîtes moi que je pourrai revenir par pitié ! » Elle se sentit terriblement honteuse en formulant ces supplications qui n'avaient pas lieu d'être, mais qu'était ce la honte à présent ?
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Lun 26 Nov 2012 - 8:38
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Il se sentait béni depuis l’instant où la chanteuse avait dirigé son sourire un peu hébété et pourtant si plein de félicité vers lui. Leurs regards étaient encrés l’un dans l’autre, les mains de la douce Annabelle refermées autour de la sienne. Ce contact qui ne dura que quelques instants l’électrisa. Bartholomeus sentit une douce chaleur l’envahir et sa peau se mit à le picoter, le brûler, comme lorsque ses tatouages s’agitaient pour se libérer de son emprise. C’était déplaisant et en même temps, il tirait de cette gêne physique un plaisir certainement un peu malsain. Le feu lui monta au joue malgré lui, mais ni Esmond, ni Annabelle ne purent distinguer ses rougeurs sous le masque d’encre qu’il portait quotidiennement. Les battements de son cœur s’étaient un tantinet intensifié pendant qu’il fixait les prunelles encore scintillantes de sa belle et qu’elle soutenait son regard sans éprouver la moindre anxiété, la moindre réserve à son égard. C’était un moment d’une rare intensité, qui aurait pu être comparé à la sensation éprouvée durant son enfance lorsque Le Lord avait apposé sa main osseuse sur le sommet de son crâne… Cette poignée de main qui avait permis à Annabelle de se remettre debout lui avait permis de le faire également, dans un sens un peu plus spirituel. Il revenait d’entre les morts. La jeune De Montaigne venait de lui insuffler la vie et de lui permettre de se relever de sa tombe, de quitter un monde de froideur sordide pour éveiller son corps et son esprit à de nouvelles sensations fort plaisantes. Elle était un soleil, venu frôler de ses rayons sa carcasse tombée en décrépitude depuis longtemps, venu caresser de sa douce chaleur irradiante la terre aride et gelée qu’était sa peau grimée. Elle l’avait touché droit au cœur.
A peine eut-elle relâché sa main pour se tourner vers le chef d’orchestre dans l’idée de le rassurer, que Dante ressenti les effets du manque. Le froid l’envahi de nouveau, lentement mais sûrement. S’il ne fut pas tenté de rattraper la main d’Annabelle, conscient que ce geste paraitrait déplacé, il s’empressa de croiser ses mains dans son dos, recouvrant la main qu’elle avait touchée de l’autre, comme pour la préserver…

Il lui fallut très vite se ressaisir et arborer cet air impassible qui le caractérisait puisqu’elle lui redonna son attention pour le couvrir de remerciement. Les joues à vif, il se contenta d’abord d’un petit hochement de tête pour lui signifier qu’il acceptait ses remerciements et prenait ses sentiments en considération. Il aurait été bien incapable à ce moment de prendre la parole.
Cette situation évoluait exactement comme il l’avait escompté en préparant ce rendez-vous, pourtant quelque chose l’angoissait un peu. Dante avait perdu l’habitude d’être bousculé dans son quotidien. Il gérait un établissement huppé qui finalement tournait seul et parfaitement bien sans qu’il ait besoin d’intervenir, ses journées étaient rythmées de la même manière depuis des années et Annabelle était une note discordante sur ce papier à musique. Il s’était laissé aller à croire que c’était une bonne chose, une excellente chose même. Cette chaleur au creux de son ventre, sur ses joues rosies, cette sensation d’exister… Bartholomeus s’était laissé charmer immédiatement par tout cela et par Annabelle de Montaigne, mais son instinct de business man le mettait en garde. Il devait rester prudent. Il n’en avait pas la moindre envie et c’était justement ce qui lui mettait la puce à l’oreille.
Il devait lutter au quotidien contre des pulsions pour garder son rêve à flot, ravaler ses colères ingérables, se garder d’envoyer tous ceux qui l’agaçaient (et ils étaient légion) rejoindre Harry Potter et les cafards de sa trempe dans leur tombe de manière littérale et figurée. Il avait appris à refouler toute émotion, à ne jamais rien laisser paraitre, il avait appris à creuser et enterrer les choses au fil des années et avec de nombreux efforts, et Annabelle chamboulait tout. Elle avait posé sa main sur la sienne pour arrêter son geste alors qu’il s’apprêtait à donner un énième coup de pelle dans une terre semblable à de la pierre… Devait-il la repousser et se remettre à son travail pour parvenir à achever l’œuvre qu’il avait vue en songe, ou devait-il s’accorder une pause sans doute méritée ?

Annabelle guettait à présent la réponse à sa question. Une question qui rejoignait parfaitement le fil de ses propres pensées au point que s’en était troublant. Dante resta muet face à elle, son regard plongé dans celui, suppliant, de la jeune femme. L’espace d’une seconde, il fut tenter de la comparer à ces moldus qu’il détenait et étaient drogués jusqu’aux yeux par ses soins. Elle pressentait le manque. Elle avait goûté à la scène et il lui en fallait plus. Il lui en faudrait toujours plus…
Il la fournirait, la laisserait chanter sur sa scène et après ? A quel moment comprendrait-elle qu’il n’avait fait que lui mentir et qu’appartenir à la troupe du Divine n’était pas aussi glorieux que ça ? Combien de temps avant qu’elle comprenne qu’ils n’étaient en rien comparable à une famille ? Combien de temps avant qu’elle perçoive les premiers bruits de couloir le décrivant comme un monstre plein de violence et de mépris, arrogant et dénué de pitié ?
Et pourtant il mourrait d’envie de la satisfaire. Il mourrait d’envie de lui donner ce qu’elle voulait et de s’accorder à lui ce qu’il désirait. Alors Bartholomeus utilisa sa pelle une dernière fois, enfouissant ses doutes aussi profondément que possible pour se laisser bercer d’illusions lui aussi.
« Vous n’avez qu’à me le demander, ma chère Annabelle, et cette scène sera vôtre » souffla-t-il.
« Et je crois qu’il est clair qu’elle vient tout juste de le faire » s’en mêla Esmond en adressant un sourire mielleux à la jeune femme.
« En effet, ça me parait assez évident. Pourquoi n’irions-nous pas dès à présent dans mon bureau pour parler affaire ? » sourit-il à la brunette, sans prêter aucune attention à son employé, tendant déjà son bras en direction d’Annabelle. « Il me tarde déjà de vous entendre chanter de nouveau et je suis prêt à parier ma montre et mon gallion que n’importe qui d'un tant soit peu censé tuerait pour vous entendre… Vous me feriez honneur en acceptant de mettre votre talent au service du Divine, Annabelle »

© Chieuze


Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 29 Nov 2012 - 0:56
Si elle avait su quelques minutes plus tôt lors de son entrée au Divine qu'elle se trouverai à supplier Bartholomeus, encore monsieur Moriarty à l'époque, de lui accorder une faveur, elle en aurait eut froid dans le dos. Ce démon, ce monstre ? Que pouvait il bien lui apporter ? Mais comme il avait quitté à ses yeux son habit diabolique, elle avait troqué contre sa réserve une dévotion pleine et sincère, car en effet, son prix serait le sien, elle ferait tout pour remonter sur ces planches. L'impératif de satisfaire son désir ne lui donnait aucune distance sur elle même ni sur le naturel avec lequel elle demandait cette faveur, elle avait bien conscience de son impolitesse mais certainement pas au degré où elle se serait empressée de la condamner habituellement. Elle n'attendait qu'un mot de sa part, pendue à sas lèvres striées qui pourtant restaient closes...
Ce silence, il ne devait pas perdurer une seule seconde de plus. Elle aurait presque put gémir à moitié, couiner comme un chiot dans l'attente d'une caresse, elle aurait pu resserrer son étreinte sur ses mains et le supplier à nouveau, se mettre à genoux peut être. Mais la réserve dont il semblait faire preuve la refroidit tout à coup. Il lui avait semblé si dévoué qu'à aucun instant elle n'avait envisagé un refus. Son sourire se dissipa comme une fumée en courant d'air tandis que l'angoisse avait déjà pris place. Non se criait t'elle, non...

« Vous n’avez qu’à me le demander, ma chère Annabelle, et cette scène sera vôtre » Il souffla ses mots comme un air chaud qui comme par enchantement, ramena son sourire d'où il avait fui et réchauffa son cœur jusque là pris d'anxiété. Elle expira un soupir de soulagement à son tour et l'air autour d'eux redevint enchanteur à ses yeux. Elle aurait pu lui sauter au coup mais elle se contenta de lui serrer les mains encore un peu plus, un geste qui disait autant de remerciement qu'une étreinte fougueuse.
« Et je crois qu’il est clair qu’elle vient tout juste de le faire » Elle n'accorda pas un seul regard à Esmond, son interruption lui rappela seulement qu'ils n'étaient pas seuls, qu'elle ne devait pas l'oublier, et qu'à la lumière de cet élément, leur proximité devenait inappropriée. Elle baissa les yeux et rougit aussitôt tout en lâchant les mains de Bartholomeus pour ramener les siennes jointes devant elle après avoir défait les plis invisibles de sa robe.
Il lui proposa, avec son bras, de l'accompagner pour rendre cette collaboration officielle, et c'est sans attendre qu'elle s'enquit de s'en emparer pour rendre tout cela encore plus vrai. Une fois sur un parchemin, elle aurait la preuve que ce n'était pas un rêve. Pour sûr que ça n'en était pas un, mais signer le papier et sentir la plume crisser le contrat en lettres noires l'échapperait du fantasme pour l'amener au réel.
« je vous en prie, c'est vous qui... C'est vous tout simplement. Vous m'offrez bien plus que je ne pourrai le faire en retour, c'est bien plus qu'un honneur que vous me faîtes, je vous assure. » Ils entamèrent leur départ mais Alexianne s'interrompit .
« Oh, attendez un instant je vous prie. » Elle se défit de son bras et se dirigea vers Esmond en trottinant. Elle lui adressa un signe de la tête puis avec un sourire qui ne se défaisait toujours pas de son émotion elle le remercia.
« Merci Monsieur Iulian, pour m'avoir accompagné dans ce moment... que je n'oublierai jamais. » À court de mot elle ne put étouffer un léger rire tandis qu'Esmond s'emparait de sa main.
« Je vous en prie mademoiselle, le plaisir était pour moi, sincèrement. » En se courbant il effleura sa main d'un souffle et ajouta en se redressant. « Et puisque nous sommes amené à réitérer, dorénavant, appelez moi Esmond, je ne suis pas ami des bonnes manières. » Alexianne écarquilla les yeux puis retira sa main sans ajouter un mot avant de se tourner vers les autres musiciens déjà en plein rangement.
« Messieurs, je vous remercie infiniment. » Une fois qu'ils lui adressèrent un signe de tête en réponse au sien, elle s'en retourna vers Bartholomeus d'un pas rapide et s'empara de son bras à nouveau avec un sourire, encore un, pour s'excuser de l'avoir fait patienter.

Alors que le propriétaire des lieux la menait à son bureau, dans un endroit qui lui était alors inconnu, elle s'attardait à redécouvrir ce lieu qu'elle commençait tout juste à apprécier. Son faste et son exubérance l'impressionnait toujours autant, l'effrayait un peu, peut être, mais elle en ressentait surtout toute la richesse et l'âme. De cette âme elle avait totalement occulté la décadence et l'avilité qu'elle trouvait au Divine Comedie auparavant, parfaitement inconsciemment, elle ressentait le moindre recoin de ce lieu comme une cachette à habiter, une cachette que son souffle, porté par sa voix, irait peut être dépoussiérer. Les tentures, les papiers peints gaufrés, les boiseries de maître et ces moulures d'orfèvres, si elle avait été seule, elle aurait tournoyé à l'infini comme dans un bal de princesse. Comme une petite fille qui rêve de faire voler sa robe dans le plus beau des château, au milieu de la salle de bal, et tout le monde la regarderait et admirerait la douceur avec laquelle elle se mêlerait au décor, comme si elle en avait été la pièce manquante. Bien sûr elle s'abstiendrait bien de se livrer à ces fantasmes enfantins, mais tout de même, ce qui auparavant était pour elle le repère du vice était devenu le lieu de tous les enchantements.
Le grands escaliers faisait toujours sont effet d'ailleurs et elle ne put s'empêcher de jeter un regard derrière elle pour contempler le Grand Salon dans son ensemble, qui semblait presque comme une maquette, quand ils arrivèrent au quatrième étage et que Bartholomeus la conduisait plus loin entre les banquettes et les tables. Devant un tableau il se défit de son bras et murmura en s'approchant C'est admirative et perplexe qu'elle découvrit le tableau s'ouvrir devant eux pour laisser place à un nouvel escalier. Le tableau qui s'ouvrait n'avait en soi rien d'extraordinaire, elle en avait vu d'autre à Beauxbâtons et bien ailleurs, mais elle n'aurait jamais soupçonné la présence d'un passage gardé secret en ces lieux. Bartholomeus lui fit signe d'approcher et c'est sur ses gardes qu'elle s'engouffra dans l'ouverture auparavant close et inconnue avant de s'engager prudemment sur les premières marches d'un escalier en colimaçon.
L'idée d'emprunter un passage réservé, secret et peut être privé ne l'amusait plus. Elle s'appliquait à deviner ce qu'il y avait en haut de ces marches avant de s'engager véritablement mais rien de suspect ne se révéla. Au terme de sa montée, elle découvrit même une salle semblable aux autres, mis à part qu'elle disposait peut être d'un peu plus de confort. Ce petit confort en plus se révéla en fait incroyablement confortable : des banquettes, un bar, un buffet, et l'incroyable panorama qu'offrait cette mezzanine sur la scène. Alexianne ne put s'empêcher de s'y attarder quelques secondes, restée bouche bée face à l'espace incroyable du cabaret qu'elle découvrait encore sous un nouveau jour.
« La vue sur la scène est imprenable ici, ça doit être merveilleux de pouvoir profiter de cette vue ! Merlin... » Passée sa béatitude elle se tourna vers Bartholomeus les sourcils froncés et l'air mutin. « Qui a accès à cet endroit ? C'est pour votre usage privé ? Pour vous et vous seul ? »

La plaisanterie faite, elle rejoignait déjà Dante qui la menait très vite vers son bureau en passant encore par un autre couloir et d'autres portes. Plus elle avançait dans sa progression et plus le cabaret lui semblait aussi beau que labyrinthique. De quoi alimenter nombre de contes !
Le bureau de monsieur Moriarty contrastait beaucoup avec le reste des lieux, moins colorés, moins chargés, moins ostentatoires certainement. Il n'en restait pas moins de bon goût pour autant, le mobilier étant toujours de très bonne facture tout comme les matières qui le composaient. Alexianne fut tout de même intriguée par la taille démesurée de ce fauteuil, celui de Bartholomeus certainement, elle aurait juré que seul un mégalomane maladif pouvait posséder une chose pareille, comme Rogan par exemple, et pourtant, Dante avait tout ce qu'il fallait de plus simple, sophistiqué mais simple à la fois. Il n'y avait qu'à voir sa tenue du jour, étudiée avec soin mais détendue. Casual comme ils disaient dans Sorcière Hebdo. Alexianne fit plusieurs tour sur elle même, caressant sans les toucher les meubles et les objets posés ça et là en attendant l'invitation à s'asseoir de Bartholomeus. Elle s'avançait déjà lentement vers la nouvelle vue qu'elle découvrit du cabaret à travers la vitre du bureau tout en demandant nonchalamment.
« Vous êtes vous occupé de choisir le mobilier vous même ? »
Elle fronça les sourcils de nouveau, sans se retourner cette fois en se demandant ou diable elle pouvait être à présent. La désagréable impression de ne pouvoir se situer dans un espace qui lui semblait beaucoup moins familier à présent ne lui plaisait pas. Elle réfléchit un instant puis se tourna finalement vers Barthoomeus qui venait de l'inviter à s'asseoir alors qu'elle s'appuyait contre la vitre.
« C'est drôle, je serai incapable de savoir où je suis à l'instant précis ! » Le sourire qu'elle affichait n'était plus aussi enjoué, il était défiant et forcé. Elle ne savait pas de quoi elle se méfiait exactement, elle n'avait pas l'impression que ce soit de Bartholomeus en tout cas, mais quelque chose la gênait, lui serrait le bas ventre tout doucement comme un avertissement. Elle vint finalement s'asseoir dans l'un des fauteuil en face du bureau et s'appliqua à avoir l'air plus adulte et aussi mesurée qu'elle pouvait l'être dans ses meilleurs moment, car celui ci était important, et nulle angoisse ne devait l'en détourner.
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 29 Nov 2012 - 16:34
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Il trépignait d’impatience et bouillonnait de jalousie. Bartholomeus, les yeux rivés sur Esmond Iulian fulminait intérieurement pendant que ce dernier baisait outrageusement la main de la brune au teint si délicat, à la peau aussi douce que pouvait l’être le pétale d’une rose...
N’avait-il donc pas saisit ses consignes ? Il semblait pourtant au gérant du cabaret qu’il s’était montré on ne peut plus clair à propos d’éventuels débordement lors de la petite réunion qui s’était tenue ici même durant le matin. Etait-il sourd ou bien simplement fou ? Il allait falloir qu’il se débarrasse de lui à présent… Dante ne saurait tolérer que son chef d’orchestre fréquente régulièrement la femme qu’il convoitait. Car il n’était plus temps de se leurrer à présent : il convoitait Annabelle de Montaigne plus que n’importe quoi.

Cette pensée était probablement la plus dérangeante de toutes. Plus dérangeante encore que le fait de voir son employé se permettre d’effleurer le dos de la main parfaite de la jeune femme de son souffle. Il était d’une nature jalouse, était un garçon capricieux, colérique et bouffi d’orgueil qui s’était toujours vanté d’être dépourvu de tout attachement, se croyait prémuni de ces idioties qu’on appelait sentiments. Sa mère lui répétait parfois qu’il avait dû avaler une potion de sevrage en cachette lorsqu’il était plus jeune et s’était rendu allergique à l’amour. Veruka avait pensé le blesser avec cette pique mais son garçon s’était au contraire senti flatté, bénis.
Le cœur était un organe traitre qui, s’il vous faisait défaut vous conduisait à une mort certaine. Il avait tenté de le durcir, l’avait recouvert d’une corne épaisse, impénétrable, tenté de se jouer de la mort, de l’empêcher à jamais de l’atteindre et Annabelle était en train de fissurer cette carapace… Et elle le faisait de manière si délicieuse qu’il était incapable de lui en vouloir pour cela.
Mais il pouvait tout à fait en vouloir à cet imbécile pédant d’Esmond qui paradait comme une Hippogriffe face à SA Annabelle. Il pouvait lui faire payer ce sentiment agaçant de jalousie qui allait de paire avec l’attention particulière qu’il portait à la jeune femme.

Mais puisque la belle était un baume capable d’apaiser toutes ses colères, tous ses maux à ce qu’il semblait, il suffit qu’elle le retrouve et se saisissent de son bras pour qu’il oublie tout de sa rage. Il lui adressa un petit sourire impressionné en réponse au sien. Il aurait voulu qu’elle soit capable de lire en lui comme dans un livre ouvert à cette seconde, mais les grimages sur son visage empêchaient Annabelle de voir quoi que ce soit. Tout ce qu’elle pouvait dire, c’était qu’il lui souriait.
Ils se mirent en route sans plus un regard en direction des musiciens et Bartholomeus la guida vers le tableau changeant au fond du quatrième niveau où se trouvaient les loges. Il se plaça devant le panneau qui affichait actuellement le programme de la semaine pour prononcer le mot de passe qu’il avait choisi pour aujourd’hui et entraina Annabelle à sa suite. La jeune femme paraissait sur la réserve, comme souvent, et il en fut un peu contrarier. Une part de lui souhaitait faire tomber toutes les barrières entre eux, se livrer entièrement à elle, faire preuve de la plus grande transparence avec elle tant au sujet de ses intentions que de ses pratiques, mais c’était évidemment impossible. Elle pénétrait précautionneusement dans un univers qui devrait lui rester étranger. C’était le seul moyen de la garder à ses côtés : lui mentir.
Il détestait la voir redevenir prudente et anxieuse après ce moment de complicité qu’ils avaient partagés mais ne pouvait assurément pas la blâmer d’agir de la sorte, bien au contraire. C’était d’ailleurs une preuve de son intelligence. Elle faisait confiance à ses instincts et, même si la passion l’avait emportée un peu plus tôt, Annabelle avait parfaitement conscience que quelque chose ici clochait. Que quelque chose clochait dans sa personne.
Comme elle avait raison de se méfier. Comme il l’admirait et la détestait pour cela… Il était un homme mauvais, il le savait et une part d’elle le savait. Une part d’elle lui insufflait l’ordre de ne pas lui faire aveuglément confiance, de ne pas le suivre là-haut sans s’assurer au préalable de ne courir aucun danger. Il avait toujours apprécié la compagnie des gens aussi attentifs que lui-même.

« Non, cet endroit est réservé à nos meilleurs clients » ne put-il s’empêcher de se dérider en apercevant son minois espiègle. « Mais vous m’avez percé à jour, je me suis tout de même réservé la meilleure vue sur la scène… »
Bartholomeus l’entraina donc dans son bureau pour le lui prouver et la laisser fureter à l’intérieur de la pièce. Il n’y avait rien de compromettant ici de toute manière, il y avait veillé le matin même, avant de la recevoir. Il ne la quitta pas des yeux durant tout le temps qu’elle passa à admirer le mobilier sobre et impersonnel.
« J’ai des employés chargés de ce genre de choses. Si je les écoutais, ils me feraient changer de mobilier à chaque saison... C’est là que mon avis intervient, je les canalisent » répondit-il évasivement, très peu intéressé par la conversation sur son mobilier.
Le sorcier s’installa dans son haut fauteuil, les coudes sur les accoudoirs, les mains jointes et ses index appuyés contre son menton. Finalement, Annabelle le rejoignit, prenant place sur l’un des fauteuils face au sien. Il ne souriait plus à présent. Son regard intense était braqué dans celui de la jeune femme alors que le silence s’étirait entre eux.
Il finit par prendre l’initiative de le rompre pour mettre un terme à ce qui semblait être une torture pour la sorcière.
« Vous êtes ici chez vous, Annabelle, ça je puis à présent vous l’assurer. Je voudrai arranger une seconde rencontre au plus tôt, toujours selon vos disponibilités bien entendu. Nous nous occuperons alors de tester différents éclairages pour trouver lequel vous irait le mieux, il faudra également vous trouver une tenue de scène. Rassurez-vous, je ne vous…dénuderai pas » ajouta-t-il en adressant à la jeune femme le même air mutin qu’elle lui avait servi quelques instants plus tôt « J’ai récemment engagé une jeune femme qui s’intéresse de près à la mode et qui sera, je le pense, ravie de vous conseiller. Il s’agit de Mademoiselle Elisabeth Macnair. Peut-être avez-vous déjà lu une de ses critiques pour le Modern Young Witch ? …Quoi qu’il en soit : vous aurez votre mot à dire sur absolument tous les sujets, à commencer par celui de votre rémunération. »

© Chieuze



Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 29 Nov 2012 - 21:40
Elle s'était assise mais le silence était toujours de mise. Un silence qui s'étirait et ne faisait qu'alarmer doucement la jeune femme sur la suite des choses. Être amenée ainsi au cœur d'un endroit dans lequel elle n'était pas censée se trouver, dans les entrailles même du cabaret, là où personne ne pourrait la trouver si tant est qu'on ait pu supposer sa présence au Divine Comédie, ne faisait que lui rappeler la hauteur du délit qu'elle commettait. Si ce contrat qu'elle s’apprêtait à signer avait tout d'un ticket direct pour le paradis à ses yeux, il avait véritablement le goût de l'infraction à présent. Il aurait fallu qu'elle chante à nouveau pour être certaine de vouloir aller jusqu'au bout puis, une fois le trajet refait jusqu'au bureau, son extase se serait dissoute encore un peu, elle aurait perdu le parfum du chant, et devrait y retourner une fois encore pour être en pleine possession de toute les données qui devaient la décider. Mais elle ne pouvait pas se permettre de douter, elle tentait de se remémorer la scène, comme une vague odorante trop vivace pour être capturée, qu'elle perdait tout à fait, elle tirait les fils de chaque note parfumée pour en retrouver la matière et la teneur mais l'évanescence l'emportait. Elle ne parvenait tout simplement pas à se remémorer la joie fulgurante qu'il l'avait prise toute entière à sa véritable intensité et à l'intensité qu'il convenait pour lui redonner toute son énergie et son courage. Le silence marquait là une pause qui lui remettait les idées en place.

Mais Bartholomeus le rompit, comme un rappel à l'ordre, celui qui disait qu'on ne pouvait plus faire marche arrière à présent. Elle maudissait cet entrain en demi teinte, car elle avait toujours envie de chanter ici malgré tout, mais pourquoi fallait il que la raison s'en mêle sans cesse ?
Le propriétaire du cabaret voulait qu'elle revienne afin de régler avec elle tout les détails techniques, lui confirmant ainsi que sa place était assurée sur la scène. Les lumières, les costumes, tout autant de détails auxquels elle n'avait pas songé une seule fois. Elle esquissa un sourire en baissant les yeux à la plaisanterie de Bartholomeus mais ne cessait de se dire que tout ça était beaucoup trop. Trop professionnel, trop élaboré. Même dans ses rêves les plus fous, elle ne faisait que chanter, peu importait ce qu'il y avait autour ou bien le nombre de spectateur. En vérité il y avait bien de la lumière, un décor et tout ce qu'il fallait mais de manière naturelle, comme s'il n'y avait pas eut besoin de les penser au préalable. Pourtant, il en allait de l'évidence, une évidence qui échappait bien trop souvent à Alexianne, elle s'en rendait compte à présent.
« Je vous remercie de cette attention Bartholomeus ! » s'enquit t'elle de continuer sur la plaisanterie. Puis d'un ton plus sérieux elle repris de sa voix claire. « Qui s'occupera de tout cela exactement ? »
Elle ne se sentait pas les épaules de le faire elle même et se disait de toute manière qu'aux vues de la qualité du spectacle, il devait y avoir une foule de petites mains affairées à tous les détails. Si le Divine Comédie était une grande famille, elle devait en connaître chacun des membres.

Ce qu'Alexianne n'avait pas prévu et ce qu'elle redoutait par dessus tout était que cette seconde famille ne rejoigne la première... Et pourtant.
Jusque là attentive aux paroles de Bartholomeus, elle n'entendit qu'un seul mot l'espace d'un instant. Macnair. Le patronyme de ses origines anglaises résonna aux quatre coins de son crâne sans que l’écho ne perde en puissance, un écho qui bataillait avec les bruits de son cœur qui tambourinait quant à lui sa stupéfaction. Non, aurait elle voulu crier. Non.
Sa stupeur ne passa pas inaperçue puisqu'elle fut incapable d'en masquer chaque signe : la bouche entrouverte, les sourcils levé, les yeux ronds. Elle s'était même cramponnée à l'assise de son fauteuil qu'elle serrait fermement. Elle ne pensait pas encore à la manière de se sortir de cette situation, car vraisemblablement il allait falloir en sortir. Elle aurait pu disparaître et ne donner aucune suite à son rêve en pleine éclosion, le laisser tout simplement s'éffondrer et redevenir poussière, les rêves étaient aussi beau à l'état de poussière après tout, mais elle ne le pouvait pas, pas dans le bureau de Monsieur Moriarty et la crainte qu'il enrage devant la supercherie, celle de son nom. Mais elle n'y pensait pas encore. Elle était tout simplement muette, pétrifiée de peur et le violet du fauteuil du grand maître des lieux aurait pu être une pousse de mandragore qu'il ne lui aurait été d'aucun secours. Il n'en restait plus que le cri du végétal à la rigueur, un cri strident : Mademoiselle Elisabeth Macnair. Macnair. La jeune femme ne lui inspirait d'ordinaire aucune animosité mais cette fois, Alexianne la détestait pour venir se mettre en travers de ce qui devait être l'accomplissement qu'elle attendait. Elle avait une vie professionnelle épanouie, elle faisait ce qu'elle désirait, même TOUT ce qu'elle désirait alors pourquoi pas elle ? N'était ce pas son tour à présent ? Quand viendrai le tour d'Alexianne de faire une fois dans sa vie ce qu'elle désirait ? Même quand elle prenait toute les précautions pour s'en sortir, le nom Macnair finissait pas la rattraper et lui mettre la bride au cou...
Mais pas cette fois décida t'elle, elle était allée trop loin pour renoncer.

Elle avait gardé le silence un long moment, elle en était même venue à serrer les dents sous la colère mais celle ci lui redonnait au moins les moyens d'agir. Elle lâcha sa chaise, reposa ses mains sur ses cuisses puis tenta de prendre la parole.
« Pardonnez ma surprise Monsieur Moriarty, Batrholomeus !... » Un nouveau sourire pour tenter de rectifier les erreurs de son trouble. « Je... Je ne m'attendait pas à pouvoir rencontrer de telle personnalités ici... mais comme je vous l'avait dit auparavant, je préférerai que notre collaboration reste secrète, surtout pour une journaliste de l'envergure de Mademoiselle Macnair. Ne croyez pas que cela soit le reflet d'un quelconque embarras de travailler avec vous, bien au contraire, je tient seulement à ce que ma famille ne soit pas au courant... Cela peut vous sembler étrange mais me voir sur scène n'est pas véritablement ce qu'on attend de moi, bien au contraire et j'aimerai éviter toutes complications à ce sujet, j’espère que vous me comprendrez... » Se torturant les doigts les uns entre les autres, elle ne pouvait là encore cacher son malaise mais elle continua tout de même après un instant d'arrêt. « Bien sûr que je veux revenir, et bien évidemment que je me soumettrai à toutes les contraintes de salaire et du spectacles impliquant la préparation, mais je voulais savoir, si vous le voulez bien, quels moyens vous avez de protéger un minimum mon identité. Je vous prie de ne pas interpréter cela comme un caprice... » Elle étouffa un rire nerveux devant son histoire qui prenait des allures de mission d'infiltration mais reprit très vite son sérieux. « J'y tient réellement. Je suis prête à aller contre les désirs de ma famille mais je ne peux me permettre de les confronter réellement. J’espère que vous ne m'en voudrez pas, même si vous ne devez pas être coutumier d'une telle faiblesse d'esprit j'imagine... » Elle avait baissé les yeux à présent devant l'aveu de ses faiblesses, bien réelles parmi ce tissu de mensonge, des mensonges qui ne la rassurait que parce qu'ils avaient toujours un pied dans la réalité.
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Ven 30 Nov 2012 - 15:41
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Il voulait la croire, Bartholomeus voulait réellement la croire quand elle assurait ne pas être dérangée par le fait que son nom ou son visage si charmant soient associés d’une quelconque façon au cabaret… Mais il n’était pas aveuglé à ce point par la jeune femme. Elle irradiait d’une chaleur bienfaisante et nouvelle, à la manière d’un soleil, mais c’était tout.
Il comprenait très aisément qu’elle ne souhaite pas mettre sa réputation en jeu ou sa famille dans l’embarras en apparaissant sur sa scène, au milieu de ses employées dénudées, aussi professionnelle et bien élevées en apparence soient-elles. Dante avait la vulgarité en horreur et tenait à ce que ses filles paraissent aussi raffinées que cultivées. Lauren Hudson était employée par lui en ce sens. Il trouvait lui-même depuis le premier instant qu’Annabelle de Montaigne faisait tâche au milieu de cet environnement décadent ou tout n’était que question d’apparences, d’illusion. Une mascarade grotesque. C’était le fait qu’elle cherche à le rassurer qui le contrariait, le vexait presque. Le prenait-elle pour un idiot ? Il savait qu’elle n’avait pas sa place au sein de sa Divine Comédie, inutile de se trouver des excuses qui, qui plus est, ne tenaient pas un instant la route.

Bartholomeus agita distraitement sa main à la dernière réplique de la jeune femme, comme s’il désirait la chasser. Ses mâchoires s’étaient crispées sous l’irritation et son regard s’était fait un peu plus fuyant. Il avait déjà une solution toute trouvée pour palier au problème de conscience de la jeune femme, il lui semblait même l’avoir déjà vaguement évoqué en sa présence, ou bien l’avait-il fait avec ses musiciens, peu importait.
« Je ne veux pas entendre de telles imbécilités sortir de votre bouche, Annabelle. Vous ne m’apparaissez en rien faible d’esprit, au contraire. C’est une requête tout à fait légitime et parfaitement seine. Je connais la réputation de mon établissement » répliqua-t-il d’un ton un peu plus sec qu’il ne l’aurait souhaité.
Le sorcier se redressa pour essayer d’évacuer sa frustration en faisant les cent pas dans son bureau plutôt qu’en se défoulant odieusement sur la jolie brune si délicate, si fragile… Il se faisait encore une fois l’effet d’un gamin capricieux et plein de violences qui se voyait confier une poupée de porcelaine et n’avait, bien entendu, jamais eu aucun respect pour ses jouets. Il malmenait la pauvre enfant et, plus sa propre attitude le dérangeait à l’égard d’Annabelle, plus il perdait patience et se montrait grossier envers elle. Cela dit, aucune limite n’avait encore été franchie et il lui suffirait d’un petit effort de concentration et de maitrise pour reprendre le contrôle de lui-même et de la situation.
Il laissa donc passer quelques instants, ses pas vifs étouffés par l’épaisseur du tapis, arborant une expression faussement méditative pour expliquer son agitation à la jeune sorcière. Finalement, lorsqu’il se sentit capable de reprendre la conversation avec calme, il s’immobilisa et parvint même à faire apparaître un sourire qui ne sonnait pas trop faux sur son visage tatoué.

« Et que diriez-vous d’un bal masqué ? Une solution simple mais ma foi efficace pour palier à votre épineux problème… Nous en avons déjà organisé un ou deux par le passé. Vous ne seriez pas la seule à dissimuler votre minois fort charmant derrière un masque, tous nos invités se verraient dans l’obligation d’en faire autant, pour que cette pratique n’éveille aucun soupçon. Vous pourriez vous présenter sous un pseudonyme de votre choix à vos auditeurs. Nous avons une Lady Cobra, une Missy Miss Miller, pourquoi pas vous trouver quelque chose d’un peu… mystérieux. Quelque chose de mystérieux et élégant. »
Son sourire s’était un peu élargit à présent, pas seulement parce que l’idée semblait convaincre Annabelle mais parce qu’elle présentait également un avantage pour lui-même. Aucun autre homme que lui ne pourrait voir qui se cachait sous le masque de la chanteuse et ne pourrait donc savoir à quel point elle était parfaite. Elle n’aurait alors d’autre prétendant que lui… une fois Esmond Iulian écarté de l’équation, bien entendu.
« Qu’en dîtes-vous, mademoiselle de Montaigne ? L’idée vous séduit-elle autant que moi ? »


© Chieuze



Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Lun 3 Déc 2012 - 1:41
Alexianne savait très bien qu'elle prenait un risque en faisant cette nouvelle requête. Elle avait le sentiment de se montrer capricieuse et exigeante et craignait que Bartholomeus ne croit déjà qu'elle se prenne pour la reine de Sabbat alors même qu'elle n'était montée qu'une fois sur scène. Il était si facile pour elle de se mettre dans l'embarras...
Et comme elle le redoutait, son futur employeur, car c'est bien ce qu'il était, sembla agacé. Le ton sec que prit Bartholomeus pour lui interdire de se dévaloriser de la sorte lui arracha presque un sursaut. Elle n'avait pas été assez discrète, elle s'était approchée trop bruyamment avec son énième requête et avait finalement éveillé ce qu'elle craignait chez cet homme grimé et strillé dont les traits durcis semblaient donner vie aux stigmates qui le lacéraient. Quand il évoqua la réputation de son établissement, elle leva d'abord les mains pour lui affirmer de ne pas se méprendre. Peut lui importait à présent que la scène sur laquelle elle chantait fut celle du Divine Comedie, elle en était même plutôt enchantée à présent et doutait qu'on l'eut accueillie avec autant de bienveillance ailleurs. Cette scène sur laquelle elle monterait aurait pu afficher n'importe quel nom au dessus de sa tête, il en aurait été de même et Alexianne s'étonnait de l'ardeur qu'elle mettait à vouloir en assurer Bartholomeus. Il lui était insupportable de savoir qu'il s'était senti insulté, cela lui était insupportable pour tout un chacun, à part pour sa tante Brooke peut être. Mais en ce qui concernait Bartholomeus, elle se savait redevable, à tel point que jamais elle ne se serait permise une seule remarque désobligeante à son égard.
Mais elle eut beau lever les mains, quel était son charisme à elle pour interrompre un homme tel que lui, dont émanait soudainement une aura qui respirait l'autorité. Elle s'était presque levée de quelques centimètres sur son fauteuil mais en retrouva très vite l'assise quand il se leva à son tour, tout entier.

Les mains jointes et les yeux baissés, c'est en se torturant les doigts qu'Alexianne tentait de contrôler sa crainte d'une explosion de colère plus vivace de la part de Bartholomeus qui faisait à présent les cent pas dans son bureau. Cette scène lui rappelait l'ambiance du ministère, cette ambiance où elle attendait sa sentence, les remontrances insultantes et humiliantes, sans broncher. Mais Bartholomeus n'était pas comme ça, il lui avait été si aimable et amical, elle était certaine qu'il ne ferait rien qui pourrait la mettre plus mal à l'aise. C'est ce dont elle essayait de se convaincre en tout cas. Ce léger débordement rappelait en effet à Alexianne les premiers effrois que lui avait inspiré cet homme et comme une mise en garde, cette attitude montrait qu'il pouvait peut être se montrer imprévisible.
Elle tremblait tout à fait à présent, et aurait voulu dire quelque chose mais quoi ? Quel mot pouvait apaiser l'esprit contrarié d'un homme tel que monsieur Moriarty ? Que savait elle de cet homme au juste ? Qui était il ? Un homme d'affaire qui savait s'adapter à ses clients et son personnel ? Uniquement cela ? Alexianne avait envie de croire à la belle histoire qu'elle s'était doucement racontée à son propos. Elle voulait qu'il soit un homme victime de lui même, que personne ne voyait réellement, que personne n'apercevait au delà des barreaux dessinés sur sa peau, telle une prison monstrueuse. Mais Alexianne voulait que cette prison renferme un trésor d'humanité et de bonté et elle parvenait presque à y croire. Cet accès de colère retenue mettait son mythe en échec mais elle voulait juste le croire incompris et rejeté. Elle voulait le voir un peu comme elle. Une victime de soi, prisonnier de soi, incapable de sortir de son enveloppe charnelle pour montrer à la lumière son vrai visage, ses rêves, ses ambitions, ses désirs. Le véritable visage de Bartholomeus ne pouvait être que bon, il s'était montré si tendre et attentionné alors il ne pouvait être que bon... Et s'ils se ressemblaient autant, peut être pouvait elle trouver les mots pour l'apaiser, peut être pouvait elle comprendre à quel point il s'était senti insulté. Mais aucun mot ne s'échappa des lèvres de la jeune femme.
Elle avait en toute sincérité, au plus profond d'elle, elle le savait, de la peine à croire à ce qu'elle s'imaginait. Mais elle se le racontait si haut qu'elle parvenait à prétendre en elle même que Bartholomeus et elle était deux êtres plus semblables qu'ils n'y paraissaient, et cela lui convenait tant que cela l'aidait à avoir l'empathie qu'elle jugeait nécessaire de lui témoigner en regard de tout ce qu'elle lui devait à présent. Elle avait réussi à masquer sa terreur et au jeu des apparences la jeune fille se découvrait bien meilleure qu'elle ne l'imaginait.

Son silence ne lui causa finalement aucun tort puisque Bartholomeus finit par reprendre le parole. Elle se tourna vers lui quand il lui annonça avec un sourire, enfin ce sourire, un bal masqué. Un bal, comme dans les contes de son enfance ! C'est avec le même sourire qu'elle répondit au sien et à cette idée.
Dans ce cadre magnifique, un bal, comment pourrait elle rester insensible à cette idée. Elle s'était retournée sur son fauteuil tout à fait à présent en posant ses bras sur le dossier pour faire face à Bartholomeus et l'écouter lui exposer son idée brillante. Son sourire se faisait plus sincère et le sien de plus en plus ravi. Elle aurait voulu parler maintenant, pour exprimer son enthousiasme sans attendre mais se garda de lui couper la parole. Et quand finalement il lui demanda ses impressions, elle n'attendit pas une seconde.
« Par Merlin Bartholomeus un bal masqué ? » Elle porta ses mains à sa bouche tout en trépignant déjà d'impatience puis se leva d'un bond en face de lui. Elle posa l'espace d'une seconde ses mains sur son torse avant de les retirer aussitôt, et, gênée, mais sans perdre une miette de son enthousiasme elle se dirigea vers la vitre.
« C'est une idée... Magnifique ! Et comment ne pas la trouver magnifique quand je ne parvient même pas à me représenter le tableau incroyable que cela donnera ici, au Divine Comédie ! » Elle se tourna vers lui, et se souvenant qu'elle l'avait offensé à propos de cet établissement dont elle louait la beauté, son sourire perdit de son panache sans qu'elle ne le quitte des yeux. Mais elle répéta tout de même. « C'est un projet magnifique... » Elle baissa la tête et ne put se résoudre à passer sous silence les excuses qu'elle voulait lui faire. À présent qu'elle était encore pleine d'admiration une nouvelle fois pour lui, qu'elle reprenait foi en l'image qu'elle se tissait de lui, elle était pleine de confiance à nouveau.
Elle esquissa un nouveau sourire, peut être un peu triste mais bienveillant et s'approcha de lui.
« Je vous présente mes excuses Bartholomeus si je vous ai offensé il y a quelques instants, ce n'était pas mon intention. Je ne veux pas que vous vous imaginiez que c'est pour moi une idée pénible de monter sur la scène de votre établissement ou bien que je le ferait par dépit. Il est vrai qu'au départ, c'était peut être le cas... » Elle avait baissé les yeux mais dans la crainte de le vexer à nouveau elle releva rapidement la tête et les mains vers lui en se précipitant d'ajouter « Mais je peux vous garantir que j'ai la certitude à présent que je n'aurait pas pu trouver meilleur famille... et meilleur ami que vous pour m'aider à réaliser mes rêves. Je vous serai éternellement reconnaissante pour cela alors par pitié, ne vous imaginez plus un seul instant que je voudrai vous offenser, vous avez ma parole, ce ne sera jamais le cas. » Un nouveau sourire plein de confiance et plein d'espoir, pour elle même aussi, parce qu'elle croyait en tout cela à présent qu'elle le disait.

Une fois qu'elle eut terminé, jugeant leur proximité une nouvelle fois inappropriée, elle s'écarta d'un pas et lui adressa de son même air taquin en repensant à cette histoire de pseudonyme.
« Alors vous dîtes qu'il me faudra un pseudonyme. Un nom de scène. Je dois vous avouer que je n'ai jamais pensé à ce genre de chose encore... » Elle n'y avait jamais pensé en effet, elle n'avait jamais pensé qu'Alexianne de Keroual alias Annabelle de Montaigne devrait se trouver un nouveau pseudonyme... Elle n'avait jamais songé à une double identité, alors qu'en était il d'une troisième.
L'idée ne l'enchantait guère mais elle se consola en se disant que ce n'était pas un véritable mensonge cette fois ci. Elle se tourna une nouvelle fois vers la vitre puis s'adossa à cette dernière en se tournant vers Bartholomeus.
« J'ai deux faveur à vous demander, deux nouvelles faveurs... Me le donneriez vous vous même ? Ce pseudonyme ? C'est grâce à vous que je suis ici, autant que vous me donniez également l'identité qu'il convient d'y porter... » Elle agita ensuite ses mains un peu plus nerveusement puis se lança, dans l'espoir de lui assurer qu'il pourrait croire sincèrement après cela, à ses excuses. « Ensuite... Me feriez vous le plaisir.. De m'accompagner pour ce bal ? » Elle se redressa en regardant au ciel afin d'éviter son regard tout en reprenant avec un débit de parole trop rapide. « C'est un bal alors j'imagine que chacun doit avoir un cavalier et une cavalière n'est ce pas, et je serai honorée d'être votre cavalière, d'autant plus que ma présence ne sera connue que de vous ? C'est en tout cas de cette façon que j'imagine les bals mais peut être est ce une méprise de ma part. Si c'est le cas, je vous prie de m'excuser mon audace, je vous prie de l'excuser tout court d'ailleurs. C'est habituellement aux hommes de formuler l'invitation, dans l'étiquette du moins, et vous avez certainement mieux à faire, vous êtes très pris j'imagine et... » Elle s'arrêta subitement, prenant conscience de montrer son anxiété sans fard et étouffa un rire nerveux avant d'attendre sa réponse, le cœur battant. Elle voulait qu'il accepte, et si la question de l'infidélité se posa un instant à son esprit vis à vis de Murphy, il était très vite clair pour elle qu'il n'était en aucun cas question de trahison. Bartholomeus était pour elle un ami, elle voulait le croire en tout cas, et elle voulait qu'il le croie lui aussi.
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Mar 4 Déc 2012 - 13:06
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Visiblement en effet, l’idée d’organiser un bal masqué la séduisait autant que lui-même. Sans doute pas pour les mêmes raisons, bien entendu… Lui n’aspirait qu’à se l’approprier, la priver de son identité aux yeux du monde pour devenir son seul et unique allié et parvenir à la posséder alors qu’elle, tenait simplement à préserver l’honneur d’une famille exigeante qui ne comprenait pas ses passions.
Mais alors qu’il comptait se satisfaire de son sourire, Annabelle lui offrit tellement plus… Comme chaque fois qu’ils entraient en contact, le choc fut ahurissant de violence. Là où elle pensait l’effleurer, lui recevait un coup. Une décharge brûlante qui se propageait comme un poison et venait intoxiquer son esprit, contaminer son corps et abrutir son cœur aussi affolé que celui d’un jeune puceau lors de son premier baiser… Cette idée le laissait d’ailleurs pensée que si un jour leurs lèvres venaient à se rencontrer, il en mourrait très probablement. Son cœur, la plus grande faiblesse de l’Homme, le lâcherait à coup sûr. Certains diraient qu’il s’agissait là de la plus belle des morts, mais pour Dante, mourir d’amour était mourir comme le plus grand des imbéciles.

Mademoiselle de Montaigne s’était déjà éloignée pour retourner se poster près de la vitre, pendant qu’il se remettait de ses émotions. Il devait lutter contre sa main droite qui souhaitait ardemment venir cueillir les dernières traces de celle de la jeune femme sur sa poitrine, pour prolonger un peu ce contacte fugace. De quoi aurait-il l’être à se caresser le torse en présence de la jolie brune ? D’un imbécile, voilà tout.
Il préféra donc croiser les mains dans son dos, maintenant fermement celle qui menaçait de trahir ses faiblesses enfermée par sa jumelle. Son cœur, qui paraissait avoir élu domicile entre ses deux tympans depuis quelques instants, ne lui facilitait pas la tâche et il dû se concentrer pour suivre les propos de la jeune femme. Il savait qu’il était impossible pour elle d’entendre son organe tambouriner pourtant, le doute était là. Par la barbe de Merlin, il raisonnait comme une de ces stupides adolescentes de Poudlard amatrice de Grimoire à l’Amortansia et qui poussaient des soupirs lascifs stupides et amourachés devant les garçons qui passaient ! Oh bien entendu, aucun ne lui était jamais adressé, mais il avait trainé avec des garçons comme Julian Harper et quelques autres qui avaient toujours eu du succès auprès delà gente féminine et savait de quoi il parlait… Savait de quoi il devait avoir l’air. Ce qu’il aurait voulu savoir à cet instant, c’était ce qu’Annabelle pensait de lui.

Dante ne se faisait aucune illusion, il savait que c’était la poudre qu’elle avait encore devant les yeux qui l’empêchait de le craindre à cette seconde. C’était l’excitation qui prenait le pas sur les craintes qu’il lui avait inspiré dès l’instant de leur rencontre qu’il avait précipitée. La prochaine fois qu’ils se verraient, il était persuadé de voir de la surprise dans le fond de ses yeux de biches, lorsqu’elle le reverrait enfin tel qu’il était vraiment. Elle se demanderait comment elle avait pu oublier à qui elle avait à faire, quel gnome des jardins l’avait mordu pour qu’elle accepte de s’associer avec un être aussi abjecte que lui.
Il verrait de la surprise et du dégout dans son regard… Envers lui et contre elle-même qui mettait en péril l’honneur de sa famille, risquait de compromettre son image et de nuire à sa réputation. Evidemment, il suffirait de quelques instants pour que la magie opère de nouveau et qu’elle retrouve constance, mais il y aurait tout de même ce moment de doute lorsqu’elle le reverrait. Il en allait de même avec tout le monde. Sauf que ce serait beaucoup plus douloureux avec elle…
La mort dans l’âme, il lui adressa un piètre sourire pour donner le change lorsqu’elle eut terminé de s’excuser une fois encore pour ses remarques précédentes.

Elle en vint ensuite à évoquer le pseudonyme qui lui serait attribué et, avant qu’ils ait pu la rassurer sur le fait qu’ils avaient tout le temps du monde pour y songer, elle enchaina en le priant de lui accorder deux faveurs. Dont évidemment celle de lui trouver ce fameux nom de scène et celle de… lui servir d’escorte ?
Avait-il mal entendu ? Les battements de son cœur l’auraient-il induis en erreur ? Pourtant, à en croire la suite un peu brouillonnes des paroles de la jeune femme, il ne s’était pas mépris.
Avant que Bartholomeus ait pu assimiler tout à fait l’ampleur de la demande de son hôte, le silence était retombé entre eux, pesant, emprunt de gêne. Sa bouche s’était ouverte puis refermée alors que ses paupières papillonnaient comme s’il peinait à rester éveillé. Il finit par se détourner, cherchant à masquer son trouble à Annabelle qui guettait sa réponse avec une appréhension légitime vu son manque de réactivité ou d’enthousiasme.
Pourtant, l’idée d’être le cavalier de la jeune femme le séduisait, bien entendu. Il n’avait attendu que ça, n’aurait jamais osé le lui demander lui-même, pourtant…
« Je…je serai honnoré de vous accompagner, c’est juste que… »
Le sorcier se laissa de nouveau retombé dans son fauteuil avant que ses jambes ne finissent par le trahir elles aussi. Son cœur qui pompait férocement dans sa poitrine semblait le vider de toute son énergie et il commençait à se sentir un peu fébrile. Si son visage n’avait pas été couvert de la sorte de tatouage, la jeune femme aurait d’ailleurs pu constater sans mal qu’il venait de perdre toute couleur. Une véritable fillette ! Il se faisait honte…
« C’est à dire qu’en réalité… Vous n’allez sans doute pas me croire mais sachez, Annabelle, que je ne saurais vous mentir… Le fait est que je ne…sais pas danser » avoua-t-il enfin. « Je serai réellement enchanté de pouvoir guider votre bras durant cette soirée mais je ne puis réclamer de votre personne que vous demeuriez simplement debout à mes côtés durant toute la durée de l’événement. …Peut-être… »
C’était comme cracher des limaces, cracher des morceaux de verres qui arrachait ses lèvres, fracassait ses dents, déchiquetait sa langue.
« Peut-être Esmond Iulian ferait-il un meilleur cavalier… »
Bartholomeus déglutit péniblement et détourna ses yeux bruns cerclés de noir, incapable de soutenir le regard de sa jeune interlocutrice.
« Je lui en toucherait deux mots si l'idée vous convient et le laisserait faire sa demande en bonne et due forme au moment opportun. Quant à votre nom de scène, je vais y réfléchir de mon côté et vous proposerai quelques possibilités. Organiser un bal prend du temps et nous aurons donc tout le notre pour réfléchir à quelque chose d'aussi parfait que possible » enchaina Dante d'une voix égale, les poings serrés par la frustration qui l'engloutissait.

© Chieuze


Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Jeu 6 Déc 2012 - 22:19
Elle n'arrivait toujours pas à croire qu'elle venait de l'inviter, et visiblement Bartholomeus semblait aussi gêné qu'elle, ou peut être surpris. Mais après tout, elle ne pouvait avoir que lui comme cavalier, et quel plus grand honneur d'être au bras de l'organisateur du bal en lui même. Elle s'y voyait déjà ! Lui, sombre et lugubre, dans un costume magnifique et satiné, elle, dans une robe blanche scintillante et immaculée... Une véritable scène de roman ! Une fois sur le fait, elle aurait peut être trouvé le tableau moins agréable, à cette idée, c'était déjà le cas d'ailleurs, mais elle aurait voulu lui faire ce témoignage d'amitié, peut être y tenait elle vraiment.
C'est pourquoi quand elle pressentit le refus de Dante, elle esquissa un « Oh... » du bout des lèvres, sans pouvoir le retenir. Cette exclamation, forcément libérée de sa voix discrète, relevait plus de la surprise que de la déception. La tension dans son corps s'était déjà apaisée, tout comme Bartholomeus qui se laissa tomber d'un air qui lui paraissait bien nonchalant pour annoncer un refus, dans son fauteuil. En vérité, elle s'aperçu bien vite qu'elle ne l'avait pas encore vu dans un état de nerfs aussi grand tant la gêne se ressentait dans sa voix. Elle l'écouta buter sur ses mots, les déliants de sa langue avec peine, mais un effort au bout duquel il pu lui avouer la touchante vérité : il ne savait pas danser.

Aussitôt, Alexianne esquissa un sourire attendri. Il paraissait bien plus humain à présent qu'elle ne l'avait vu jusqu'ici, se décidant à révéler l'une de ses "failles". Elle ne voulait pas se moquer, mais intérieurement, elle se retenait de rire. Elle ne voulait en aucun cas le vexer, elle était bien plus touchée que méprisante, mais le contraste entre cet homme au charisme effrayant, imposant et à toute épreuve, et cette révélation qu'elle aurait pu entendre dans la bouche d'un adolescent à Beauxbâtons, était saisissant et très amusant. Il avait paru si sûr de lui justement, étouffé presque, par la confiance, qu'il en émanait de lui une image trop lisse. Elle pouvait seulement voir un peu au travers de ce grillage immonde que formaient ses tatouages sur son visage, et alors, elle croyait réellement voir leurs ressemblances à l'intérieur, car après tout, il était ni plus ni moins en train de se déprécier, tout comme elle le faisait si souvent.
Il paraissait toujours mal à l'aise avec ses mots mais il parvint à lui proposer le nom d'Esmond pour cavalier. Alexianne retint cette fois une exclamation mais elle ne fut pas moins surprise par cette suggestion. Sans jamais être déçue là encore, elle n'avait juste pas envisagé que cela soit possible, mais après tout, se disait elle, pourquoi pas. C'était un beau garçon, qui paraissait tout à fait respectable et à son bras elle s'y voyait aussi. Mais au lieu du costume sombre certainement en queue de pie que porterait Bartholomeus, Esmond était vêtu de blanc, comme elle pour ce bal. Le chef d'orchestre et la chanteuse lui semblait être un tableau délicieusement romanesque là encore... Alors que ses pensée divaguaient et qu'elle n'écoutaient plus que d'une oreille son interlocuteur, Alexianne se rendit compte que son esprit outrepassait largement les règles.
Murphy O'Ryan lui avait fait sa demande de fiançailles à peine quelques jours plus tôt et voilà qu'elle se trouvait à s'imaginer au bras de deux autres hommes. A priori, cela n'avait rien de criminel, et en vérité ça ne l'était pas, elle voulait juste se projeter dans ce cadre magnifique qu'allait être ce bal, un bal comme elle en avait souvent rêvé. Mais pour la morale quelque peu rigide d'Alexianne, se projeter était déjà trop. Elle avait même invité un homme à ce bal ! Bien sûr, elle n'aurait pas pu en parler à Murphy mais tout de même, avait elle perdu la raison objectait elle, seule dans sa tête. Elle resta silencieuse encore quelques secondes après que Bartholomeus ait fini de détailler les derniers points à discuter puis elle revint devant le bureau, pétrie maintenant par le remords.
« Bien... Tout cela me semble très bien, je vous remercie encore Bartholomeus. » Après lui avoir adressé un signe de tête elle se risqua à une plaisanterie pour reprendre un peu de son naturel. « Il faudra tout de même un jour où l'autre apprendre quelques pas de danse, ça n'a rien de bien compliqué une fois qu'on vous apprend, je peux vous l'assurer. » La plaisanterie en question n'en était plus une et tomba lourdement à l'eau en plus de cela. « Je vous prie de m'excuser, cette remarque était malvenue. J'éspère que vous daignerez tout de même vous rendre accompagné à votre propre bal... »
Elle s'approcha du bureau encore un peu, puis très vite s'exclama d'un ton plus distant et conventionnel.
« Avons nous d'autres choses à régler ? Dans le cas contraire, vous pourriez me confier les parchemins à signer, je vous les enverrai par hiboux pour vous les remettre ?  Et ne vous en faîtes pas pour le... salaire. Je n'ai pas accepté votre proposition pour de l'argent, j'ai gagné bien plus que des gallions en montant sur scène tout à l'heure. » Un dernier sourire, feint mais reconnaissant à la fois et sa main à peine levée mais qui réclamait discrètement ce dossier à signer.
Il fallait qu'elle parte à présent, elle en avait assez fait pour aujourd'hui.
Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Sam 8 Déc 2012 - 17:35
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
« 06 octobre 2020 »

Comment s’y prenait-elle pour le faire tester une si large palette de sentiments en un temps si court ? Il était tantôt transporté de bonheur, furieux, emprunt de nostalgie, pris de remord, honteux, séduit : Annabelle lui en faisait voir de toutes les couleurs. Il aimait ces ascensions aussi périlleuses que ces descentes brutales en piqués qu’elle lui faisait faire, elles le faisaient sentir en vie, mais en même temps, il savait que tout ceci était néfaste. Néfaste pour son esprit mais davantage encore pour son cœur qui émergeait après une longue hibernation…
Dans l’instant, rongé par la honte et la frustration, il n’aspirait plus qu’à voir cet échange prendre fin. Une fin qu’il avait un peu précipitée avec sa dernière réplique et, fort heureusement, Annabelle répondait à ses attentes et abrégeait ses souffrances. Cela dit, Bartholomeus était persuadé que, dès l’instant où il aurait décoléré, il regretterait profondément que les choses se soient ainsi terminées, si prestement et de son fait qui plus est.
Le regard toujours fuyant, il lui avait simplement adressé un signe distrait de la main lorsqu’elle s’était excusée pour sa remarque qu’il avait lui-même jugée moqueuse et déplacée. Il fut cela dit contraint de lui refaire face lorsque la sorcière tendit sa main à elle dans sa direction pour récupérer des papiers.
« Il va me falloir un petit moment pour préparer vos contrats, Mademoiselle de Montaigne. Même si les questions de salaire ne vous préoccupent en rien, il me faut tout de même vous payer et calculer la dépense qu’engendrera l’organisation d’un bal à la "Divine Comédie". »
Il n’avait pas voulu se montrer aussi sec avec la jeune femme mais les mots étaient tout de même sortis d’une manière assez crues de sa bouche.

Lassé de sa propre attitude et voulant mettre un point final au plus vite à cette entrevue pour ne pas risquer de la dégouter totalement de sa personne, Moriarty se redressa à nouveau pour attraper la main toujours timidement tendue d’Annabelle. Il n’était plus question de baise main à présent, il laissait cela à Esmond. Esmond et son teint parfait, son regard charmeur et ses manières de jeune premier. Esmond qui était de près d’une dizaine d’années son cadet et se rapprochait certainement plus de l’âge de la jeune femme que lui. Esmond qui savait danser, chanter, jouer, diriger, avait de la conversation et était bonne compagnie. Esmond qui aimait cela dit les hommes autant que les femmes et passait ses fins de soirée un étage au-dessus, en charmante compagnie… Mais c’était le genre de détail qu’il ne pouvait se permettre de révéler à Annabelle.
D’une part parce que la bienséance le lui refusait et d’autre part, parce qu’une voix délicieusement cruelle espérait que son interlocutrice se laisse charmer et tombe de haut en découvrant la nature des fantasmes de son doux cavalier…

Il serra doucement la main de la jeune femme dans la sienne pour sceller leur accord pour l’instant simplement verbal, puis se dirigea d’un pas vif vers la porte de son bureau qu’il ouvrit pour inciter la brunette à le quitter.
« Je vous ferai porter tout ceci au plus vite. J’ai été ravi de votre venue et comme je vous l’ai dit, j’ai déjà hâte de vous entendre chanter de nouveau au sein de mon établissement. Vous possédé un talent incroyable et vous ferez assurément sensation » lui fit-il remarquer, incapable qu’il était de la quitter sur une note trop rude… « Je ne puis malheureusement vous escorter jusqu’à la sortie, mais un de mes employés se fera un plaisir de vous raccompagner jusqu’à la rue. Rentre bien et prenez grand soin de vous, Annabelle. »
Il se sentait terriblement idiot. A nouveau, il avait l’impression qu’elle pouvait lire en lui comme dans un livre ouvert, percevait très nettement les battements de son cœur qui battait la chamade. Ce qu’elle devait surtout saisir, c’était qu’il ne voulait plus d’elle pour l’instant.
Par la barbe de merlin, il détestait la congédier de cette manière… Mais il fallait qu’elle le quitte, sur le champ, où il ne répondrait plus de rien. Tout ce bousculait dans on crâne, dans sa poitrine, son estomac se retournait au point de lui donner la nausée et ses attributs… Assurément, il fallait qu’elle s’éclipse au plus vite.
« A bientôt » abrégea-t-il dans un sourire un peu forcé, lui désignant l’escalier en colimaçon donnant sur le passage dérobé. Passage qui s’ouvrirait sans qu’elle ait besoin du mot de passe dans ce sens.

© Chieuze


Invité
Invité
Anonymous
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté Dim 9 Déc 2012 - 1:23
Alexianne baissa finalement la main, et assez promptement pour répondre comme il se devait au ton sec que prenait Bartholomeus et que la jeune fille ne s'expliquait pas. Peut être l'avait elle vexé, ou bien lever le voile sur ses faiblesses, si tant est qu'on pouvait qualifier ainsi un défaut de compétence en danse, amenait cet homme à se renfrogner sur lui même, comme pour couvrir la plaie, quand Alexianne elle, passait son temps à s'en excuser. C'était là deux méthodes différentes et la jeune française se dit qu'il ne servait à rien d'insister ou de combattre cette méfiance et ce repli, ils lui étaient naturels semblait il, et c'était une tendance naturelle avec laquelle on ne luttait pas pour en venir à bout en quelques minutes. C'est donc sur un ton très calme et posé qu'Alexianne acquiesça.
« Votre prix et vos délais seront les miens dans ce cas. Je vous enverrai une chouette pour me faire parvenir cette missive si vous le voulez bien. » Elle lui sourit légèrement tandis que de son côté il se relevait déjà pour se pencher vers elle et lui serrer la main.
Cette démarche la prit de surprise car si elle s'était montrée prudente avec les approches peut être trop familières, mais toujours respectables, de Bartholomeus, le voir mettre ainsi tant de distance la deconcerta. Quand elle semblait seulement comprendre les règles de son jeu, il les changeait tout à fait et tout cela ne pouvait l'amener qu'à une conclusion à laquelle elle était parvenue bien plus tôt. Bartholomeus était un homme compliqué.

Il ne lui avait pas fallu qu'une poignée de main pour statuer ainsi sur son tout nouvel employeur, le mystère qui l'entourait, ses tatouages, son entourage, tout ces éléments qui se contredisaient entre eux mais ne disaient rien de lui avaient fini par abattre la première image qu'elle s'était faite de lui : une brute rustre et opportuniste. C'est l'avis qu'elle en avait eut au premier regard en vérité, il lui démontra bien vite qu'il était un homme avec de l'éducation et des manières, tout en gardant le certain charme de l'audace, comme il l'avait démontré avec ce baise main lors de leur première rencontre.
Pas de baise main cette fois ci, Alexianne ne s'en plaindrait pas bien au contraire mais les rapports stricts et conventionnels qu'il instaurait maintenant semblaient tout droit sorti de quelques prérogatives sur la conduite qu'il convenait d'adopter avec un employé. Peut être était ce là les conséquences de ce contrat. Si tel était le cas, elle n'en dirait rien. Peu lui importait après tout que Bartholomeus lui soit plus ou moins sympathique maintenant qu'il ne l'effrayait plus tant, elle voulait chanter sur sa scène, rien de plus. Elle regretterait seulement l'image qu'elle s'était faite d'un ami.
Mais elle n'en était pas encore à ces conclusions. Alors quil l'amenait vers la sortie, elle préféra mettre tout ceci sur le compte de la mauvaise humeur. Il semblait impatient qu'elle s'en aille, pas besoin d'être doué d'empathie exceptionnelle pour le comprendre, et puisqu'il en était ainsi, elle partirai sans poser de question, elle avait déjà beaucoup trop traîné alors que ses grands parents avaient encore sur les bras un mensonge concernant son absence.
« Nous verrons si ce talent que vous me trouvez sera reconnu par d'autres... Merci infiniment, encore une fois. »

Au fond, elle regrettait certainement de le quitter ainsi, sur une note un peu trop froide en regard du moment qu'elle avait passé ici. Surtout maintenant qu'il semblait faire des efforts pour se montrer plus chaleureux. Elle lui offrit un sourire à la fois triste, reconnaissant et désolé, en toute sincérité, comme si elle avait été la cause du trouble qu'il peinait à cacher.
« Prenez soin de vous également... » Puis elle se risqua à le dire. « Vous me semblez peut être un peu troublé si je puis me permettre, peut être qu'un peut de repos... » Elle s'interrompit finalement, se rendant bien compte que ces quelques mots étaient de trop puis étouffa un soupir avec un sourire en baissant la tête avant de conclure. « À Bientôt Bartholomeus. »
Elle se retourna pour de bon, il la salua à son tour et après lui avoir adressé un dernier regard alors qu'elle s'était déjà engagée dans l'escalier, elle disparut tout à fait de sa vue.

Elle espérait pour lui qu'il avait quelqu'un à qui confier ses peines. Alexianne quant à elle ne pouvait souffrir une seule journée sans s'épancher sur elle même auprès d'un proche, sa mère, une amie, Astra. Que ce soit par papier ou en face à face, elle n'hésitait pas souvent pour confier ses états d'âme et rares étaient ceux qu'elle gardait pour elle. Au fond, elle n'avait pas beaucoup de secret pour ceux qui la connaissait vraiment, voilà pourquoi il lui était si pénible de garder celui de sa venue qui deviendrait plus régulière au Divine Comédie.

Elle se retrouvait à présent en haut du grand escalier, un escalier qui décidément la fascinait. Elle se permit une pause au beau milieu du tapis rouge, droite et fière. Elle avait le sentiment que ce lieu pouvait lui appartenir, et qu'avant même d'en faire parti, elle l'aimait déjà inconditionnellement. Comment ne pas se sentir étouffée d'orgueil, presque seule au centre d'un tel cadre ? Impossible, cette descente démeusurée qui menait à la scène lui faisaient sentir une vive poussée d'adrénaline, celle qui galvanise les puissants de ce monde.
Elle fut interrompue par Esmond, qui montait à sa rencontre.
« Vous partez mademoiselle ? » S'habillant de nouveau de toute sa modestie, elle lui répondit avec un large sourire.
« Oui, nous avons terminé de discuter des conditions avec Monsieur Moriarty. Enfin il nous reste bien quelques détails à approfondir.. comme le contrat ! » S'exclama t'elle avec ironie, laissant échapper un rire clair au passage. Esmond ne dit rien pendant un instant, la regardant avec le sourire, puis ajouta finalement.
« Vous pouvez l'appeler par son prénom devant moi vous savez... Nous sommes une grande famille ! »
« C'est vrai pardonnez moi, j'ai tendance à être trop rigide avec la politesse parfois, même quand les circonstances ne s'y prête guère. »
« Vous n'avez pas à rougir de votre éducation mademoiselle, bien au contraire. Quand allons nous vous revoir alors ? » Alexianne resta perplexe un instant, ne sachant pas si elle pouvait évoquer la bal masqué puis préféra rester évasive.
« Très bientôt je pense... » Mal à l'aise face au ton espiègle et mutin du chef d'orchestre elle se décida à faire un pas en arrière pour signifier son départ sans ajouter un mot.
« A très bientôt alors ! » Elle se contenta de sourire encore une fois sans rien répondre puis se tourna finalement tout à fait, disparaissant bientôt du Divine Comédie.
Contenu sponsorisé
Omni vincit amor. Et nos cedamos amori... Empty
Re: Omni vincit amor. Et nos cedamos amori...
ce message a été posté
 :: Londres :: Commerces et zones de loisirs sorciers :: Divine Comédie