Le temps se rafraîchissait bien vite. C'était l'automne, il n'y en avait plus à en douter, et tout en préparant sa mission, qui devait être exécutée sur le champ, Astra s'était renseignée sur la température en Irlande. Verdict : froide. Ça ne changerait pas beaucoup de Londres, il n'y avait pas à en douter. Un dernier regard à l'extérieur, par la fenêtre givrée de sa chambre. La neige allait bientôt tomber. Un soupir.

Depuis que Thomas avait été déclaré comme un terroriste, la Médicomage était restée chez elle. Chez ses parents, même. Avait travaillé. N'avait rien dit. Avait dit aux brigadiers qu'elle ne savait rien. Ils avaient demandé à tous les proches de Thomas s'ils avaient une idée d'où il pouvait se trouver, ou s'ils s'étaient doutés de son allégeance. Non, jamais. Enfin, il ne s'étendait pas sur le sujet de la politique. Il avait d'autres choses à gérer. Ils s'étaient tus, avaient mordu leur langue, essuyé le blâme jeté sur leur nom. Et dans la tête d'Astra, leur dernière conversation tournait en boucle. Ses recommandations, certes, ses conseils qu'elle n'avait pas mis en oeuvre, mais aussi ses propres mots. Un caprice, comme elle avait dit. Un Macnair chez les Phénix serait un caprice. Si elle avait su !
Qu'aurait-elle fait, de toute manière ?
Rien, elle le savait.
Sa demande de mission avait été faite timidement. Elle avait dit que s'ils avaient besoin d'elle, elle pourrait bien se libérer un peu pour donner de son temps pour la faction. Presque rien, juste pour dire qu'elle était là, pour les rassurer. Finalement, Wilhelmina lui avait demandé un service. Une mission. Pas quelque chose de compliqué, mais quelque chose tout de même. Elle ne pouvait pas dire non – et elle n'aurait pas dit non de toute façon.

La brunette finit d'attacher ses cheveux en une épaisse tresse et passa son manteau, avant de descendre dans le grand salon, où son frère somnolait devant le feu. C'était dimanche. Lui pouvait passer du bon temps, alors qu'elle courait depuis toute la matinée pour trouver le nécessaire pour son expédition. Chanceux. Le garçon ouvrit un oeil paresseux en la regardant chercher sous les coussins d'un des canapés. « Tu vas chercher le gars ? Mmm. T'aurais pas vu mon bonnet ? Maddox souleva son dos et jeta le bonnet et les moufles bleues à sa soeur, avant de se laisser retomber. Enlève tes pieds du canapé, Maman va encore te chicaner. R'n'a foutre. T'as emmené tes potions ? J'ai une potion pour nettoyer les blessures, une de regénération sanguine, j'ai fait un saut à Sainte-Mangouste pour aller en voler une rapidement dans mon matériel, de la pâte pour soigner les brûlures et une fiole de fluide explosif. De fluide explosif ? T'es marrante, toi. Je me disais qu'on n'était jamais trop prudent. » Astra haussa les épaules et tâta les fioles cachées à l'intérieur de son manteau, protégées par un sortilège pour rendre le verre incassable. Elle espérait ne pas avoir à s'en servir, mais elles étaient bel et bien là. Un baiser sur le front de son frère, puis elle se dirigea vers le Portoloin qui brillait d'une douce lueur au-dessus de la cheminée. Une chaussure. Elle avait supplié Vesperion Quinn de lui en vendre un en urgence, sans réussir à ce que la blonde ne l'écrive pas dans les registres. Au moins elle avait quelque chose pour partir et revenir de façon sûre : elle avait soumis l'idée de partir en balai, mais avait rejeté elle-même la chose. Trop voyant. Ce serait donc le Portoloin pour un endroit peu loin sur la Magh Slécht, en Irlande. « Tu fais attention, hein ? Promis. » Et sa main toucha la chaussure fermement.

La froideur de l'air la fouetta littéralement. Il était midi, peut-être ?, à peine, et pourtant, il faisait bien froid. Le Portoloin l'avait emmenée dans une forêt tout juste à côté du Templeport Lake. Enfin, des forêts, ce n'était pas ce qui manquait en Irlande, surtout pas pour cacher une sorcière. Elle délaissa la chaussure au bas d'un arbre, la cachant sous quelques feuilles mortes, et enfonça son bonnet sur son crâne, cherchant au loin des cheminées. Un village. Quelque chose.

Astra n'ayant pas pris Histoire de la Magie pour ses ASPIC, elle n'avait pas abordé tout ce qui concernait les celtes. Tout comme elle n'avait pas suivi Études des Runes. Deux matières qui auraient pu lui être utiles, dans l'instant. Elle avait donc dû fouiller pour trouver les coordonnées des ruines d'Áedán en un temps record, histoire de donner quelque chose de précis lors de sa demande de Portoloin, et avait été étonnée de la richesse magique de ce coin de pays. Elle qui n'en savait à peu près rien ! Sans doute Nora aurait-elle pu lui en dire plus. Seulement... enfin. Voilà. Elle s'était retrouvée face à l'immensité de la culture celte et surtout, à la tâche de comprendre qui avait fait quoi où et de déterminer qui était Áedán, le tout top chrono. Encore une chance qu'elle avait été à Serdaigle et qu'elle avait bonne mémoire, sinon, entrer tout ça dans sa tête aurait été impossible. Elle avait surtout retenu que même si selon Wilhelmina, la plupart des pièges avaient été désactivé par Harrison, elle devait s'attendre à tout de la part d'une magie aussi ancienne et trop peu étudiée de leur temps.

Un regard autour et elle s'avança pour sortir de la forêt, laissant les feuilles mortes craquer sous ses pas. Le froid avait formé une légère couche blanche sur plusieurs et l'imminence de l'hiver était encore plus préoccupante. Normalement, il y avait une église pas bien loin. Une des innombrables qui existaient dans le pays, notons-le. Si elle la trouvait, elle allait ensuite pouvoir apercevoir l'île où elle allait devoir se rendre pour fouiller des ruines sous d'autres ruines. Oui, parce qu'il n'y avait rien de facile, dans la vie, et que sur cette île où St. Áedán était né, aussi connu sous le nom de St. Mogue, et où il avait fondé un monastère, bien une église avait été construire sur ses ruines, en plus d'un cimetière, et le tout avait finalement été laissé à l'abandon. Des ruines sur des ruines, donc. Charmant. Pratique. Utile. Simple. Et vu le problème de concordance entre la naissance de St. Áedán et la disparition des Celtes de l'Irlande, ça ne l'étonnerait même pas qu'il y ait des ruines sous les ruines sous les ruines.
Tout pour ne pas se casser la tête et ne pas se prendre des sorts de défense en pleine gueule quand on va chercher un artefact quelconque, c'est évident.
Un bruit derrière elle la fit stopper et porter instinctivement sa main gauche à sa baguette, soigneusement cachée dans ses vêtements. Cela dit, elle ne la sort pas immédiatement. Pas dans un endroit possiblement infesté de moldus.



Spoiler:

Un regard par-dessus son épaule. Un homme. Seul. Qui marcha jusqu'à s'arrêter à sa hauteur et la dévisager avec le regard le plus vide qu'il lui ait été donné de contempler. Un frisson courut d'ailleurs sur sa nuque, se mêlant au vent qui faisait déjà rougir ses joues. Elle n'aimait pas ça. Peut-être l'avait-il vue arriver au milieu de la forêt ? Elle allait avoir de la difficulté à expliquer comment elle avait réussi à se matérialiser au milieu de nulle part. « Vous êtes perdue ? » La voix de l'homme, plutôt monocorde, la fit sursauter. Elle était tellement concentrée sur son regard qu'elle en avait oublié que les humains pouvaient parler. La brune plaqua sa main sur son coeur et laissa échapper un petit rire. Elle devait avoir l'air idiote. Pour changer. « N-non, non. Je marchais, tout simplement. Pour prendre une bouffée d'air frais, vous voyez. » Que pouvait-elle dire d'autre à cet inconnu qui continuait de la fixer sans rien dire ? Elle baissa automatiquement les yeux pour regarder ses mains, pas de trace de baguette, avant de les remonter et de sourire innocemment à l'homme. « Vous venez le chercher, vous aussi. »

Bon, définitivement, ça, ce n'était pas prévu.

Le. Le chercher. Il parlait probablement de l'artefact. Il savait donc. Oh qu'elle n'aimait pas ça. Et si cet homme était quelqu'un de l'Ombre de la Rose Noire qui l'avait suivie ? Qui surveillait les bois ? Et si c'était Harrison ? Elle ne savait même pas à quoi l'homme qu'elle devait récupérer ressemblait. En voyant son expression figée, interdite, l'homme eut un sourire sans joie. « Il n'était pas le premier. On l'a vu arriver et il ne s'est pas fié aux signes, et depuis, on ne l'a pas vu sortir. Je ne vois pas de-de qui vous parlez, monsieur. Ce n'est pas pour rien qu'il y a un cimetière, sur cette île. Si vous allez aussi le chercher, faites attention. Ce serait dommage que quelqu'un d'autre se perde. » Ça y était. Astra avait définitivement peur. Tout sauf courageuse, elle se sentait déjà l'envie de dégainer sa baguette pour stupéfixier l'homme. Pour qu'il se taise et cesse de la regarder de ses yeux vides et de parler à demi-mot, alors qu'elle comprenait parfaitement ce qu'il disait. Il savait pourquoi elle était ici, enfin il supposait très bien, et il avait vu Harrison. Mais elle ne pouvait évidemment pas faire ça. « Désolée, il y a erreur sur la personne. Je, je vais continuer de marcher. Bonne journée. »
Elle n'avait pas attendu une réponse de la part de l'autre qu'elle avait vivement tourné les talons et continué son chemin dans la forêt, mais cette fois beaucoup plus rapidement. Et toujours à l'aveuglette. Heureusement, ses longues enjambées nerveuses l'emmenèrent jusqu'aux abords d'une église, elle-même située aux abords d'un lac. Et au milieu de ce lac, l'île qu'elle cherchait. Astra se retourna pour voir si l'homme l'avait suivi, mais non. Il n'y avait personne. Juste elle. Juste elle tout court, même, près des quelques maisons qui étaient dispersées autour de l'église.

Ha, en fait, c'était tout le coin qui était franchement pas recommandable.
La brunette s'avança jusqu'à la barrière de métal qui séparait les bords herbeux du lac d'une longue langue de sable. Interdit de dépasser cette barrière, sous peine d'amende. Le message était rouillé, de guingois sur la barrière rouillée, mais clair. L'eau claire du lac irlandais était paisible et en son centre, comme une pupille au milieu d'un iris, l'île reposait. Elle s'appuya sur la barrière et laissa le vent fouetter encore ses joues, plissant les yeux pour voir si quelque chose remuait sur l'île – et outre quelques oiseaux, pas de signe de vie. Pas de Harrison en train de lui faire des signes de la main pour lui dire qu'il avait pris quelques vacances, ou qu'il était mourant. Rien. Personne. Que le vent, le clapotis de l'eau, les feuilles mortes.



Cet homme est-il un allié ou un ennemi ?:

Quelques minutes passèrent et toujours aucun signe de vie. Elle ne distinguait personne sur l'île et personne non plus dans le village. Elle ne savait pas si elle devait en avoir peur ou être rassurée, en fait, et elle préféra ne pas penser plus longtemps à cela. Il y avait du boulot à faire et un homme potentiellement mourant sur l'île en face. Déjà, trouver comment se rendre sur cette île sans être vue. Impossible de s'y rendre en bateau, c'était interdit. Un Ascensio lui ferait faire un énorme bond qui finirait au milieu de l'eau, évidemment. Même chose pour un sortilège du Cabri.
Puis, elle se frappa le front du plat de la paume.
Elle pouvait transplaner, aussi. Petite sotte.

Astra ne pouvait pas transplaner ici, devant tout le monde (devant quel monde, se demanda-t-elle à nouveau intérieurement), mais elle le pouvait, en allant se cacher derrière l'église, par exemple, et en atterrissant dans la petite forêt qui recouvrait l'île pour ne pas être vue des riverains. Riverains qui n'étaient de toute façon pas présents. Elle savait bien que c'était la fin de semaine, mais il y avait quelque chose de dérangeant dans cette petite bourgade moldue trop silencieuse où le seul personnage qu'elle avait croisé lui avait fait peur. La brunette tourna donc les talons et alla se poster derrière l'église, qui donnait sur la forêt d'où elle était sortie, puis transplana dans le carré de bois qu'elle avait observé. Sous ses pieds, encore, le craquement de la neige. Le silence. Le bruissement des oiseaux. Elle retira son bonnet et ses moufles, fourrant le tout dans les poches de son manteau. Ce bleu était trop voyant.
Sur l'île, qui était plutôt un îlot, en plus du boisé dans lequel elle était immobile pour l'instant, il y avait également une église passablement délabrée, et un cimetière. Involontairement, les paroles de l'homme lui revinrent en tête. Ce n'est pas pour rien qu'il y a un cimetière. Quel genre d'artefact Harrison pouvait-il bien être venu chercher ici ? Il n'était pas le premier, plusieurs s'étaient donc risqués. On l'a vu arriver et il ne s'est pas fié aux signes, et depuis, on ne l'a pas vu sortir. Faites que cet homme ne soit réellement qu'un illuminé ayant subi trop d'Oubliettes parce que des Zorro en vert et violet ont défilé pour venir chercher un artefact introuvable et non dangereux.
Elle en demandait beaucoup.

Son transplanage l'avait emmenée derrière l'église plutôt que dans le cimetière, à découvert, et elle se déplaça du côté où les maisons ne pouvaient pas la voir pour aller jeter un coup d'oeil au dit cimetière. Au premier regard, pas un Kneazle qui traîne. Elle tendit l'oreille, mais ne capta rien. Ne restait donc qu'à entrer dans l'église, enfin, le monastère ?, pour vérifier si Harrison n'y était pas.

Après quelques minutes d'attente, Astra tourna le coin de l'église et monta bien vite sur son parvis, tentant de pousser la lourde porte qui le fermait. Ouverte. Ouverte par les ans, ou par quelqu'un avant elle ? Elle saurait bien assez vite. Elle entra subrepticement dans l'église et referma la porte derrière elle. Dans le bâtiment, il faisait noir et l'odeur était lourde, poussiéreuse. Le soleil, déjà caché par les nuages à l'extérieur, filtrait difficilement par les meurtrières et autres vitraux cassés et elle dût sortir sa baguette et souffler un Lumos pour éclairer les lieux. La bâtisse était vieille et délabrée, mais le tout semblait tenir encore en un seul morceau... étonnamment, même. Habituellement, les bâtiments moldus – mais ce n'était pas un bâtiment moldu. Des ruines moldues centenaires en Irlande qui tenaient encore debout ? Ça n'existait pas. Tout était touché par la magie, dans ce coin de pays, et ça, même une quiche comme elle en Histoire de la Magie le savait. Elle regarda autour d'elle, puis baissa la tête. Des traces de pas au sol, boue dans la poussière.

Où mènent les traces de pas ?:

Les traces sont sèches – encore heureux. Sèches, mais claires. Elle descendit sa baguette pour éclairer lesdites traces et elle les suivit prudemment, pas à pas, écoutant les craquements du plancher sous ses pieds. C'était creux. Il devait y avoir une crypte, sous tout cela, des combles, quelque chose... où cacher quelque chose. Des ruines sur des ruines sur des ruines. Les traces de pas la menèrent jusqu'à la statue d'un saint qu'elle examina quelques secondes en se demandant bien ce que celui-ci pouvait signifier pour les moldus. La jeune femme ne savait pas vraiment quelles croyances ceux-ci avaient, ni ce que voulaient dire toutes ces figures béates ou meurtries. Les traces allaient jusqu'à derrière l'homme de pierre, s'enfonçant dans un... renfoncement, oui, qui prenait ensuite la forme d'un escalier.

Elle allait vraiment devoir s'enfoncer dans les profondeurs d'une église pleine de vieux sorts périmés avec seulement Wilhelmina Salamander et son petit frère en pleine sieste comme personnes garantes de sa vie ?

Astra éclaira le renfoncement, soupira, puis commença à descendre lentement, sa main droite posée sur le mur tandis que la gauche serrait avec force sa baguette. Elle n'avait pas peur du noir, mais elle n'aimait pas se savoir ainsi en danger. Elle n'aimait pas ne pas savoir ce qui s'en venait et qu'au bas de ces marches, elle trouverait peut-être un homme mort. Parce que oui, hein, ce serait bête qu'Harrison soit mort en dérapant dans les escaliers. Comme mort ridicule, là, il ferait fort, le pauvre homme. Plus elle descendait, plus les rares bruits du lieu saint se taisaient. Plus le silence était étouffant, ainsi que le noir et la poussière. Plus une autre odeur, plus lourde. Celle du sang. Celle d'un animal qui avait longuement veillé, attendu. Quelque chose qui lui piquait les yeux, bien qu'elle se forçait à ne pas les frotter pour ne pas perdre une seconde de vision. Et bien qu'Astra soit d'un naturel optimiste, elle sentait la chance de trouver Harrison en vie diminuer à chaque marche qui la menait vers des profondeurs insoupçonnées. Jusqu'à ce que la descente s'arrête et qu'elle débouche sur un long corridor, très étroit.
Haut les coeurs.

Le corridor était tout aussi vide que le reste de l'église. Tout aussi inquiétant, également, et les murs n'étaient point nus. Ils étaient plutôt gravés, représentant tous les saints des croyances moldus dans des positions de souffrance et de sacrifice. Ça donnait très envie de venir ici se recueillir, c'est sûr. Elle éclaira une des gravures – et se reculant vivement, se cognant contre l'autre mur, en voyant les croûtes brunâtres et séchées qui recouvraient les nombreuses gravures. « Mais c'est du sang ! » Sa voix claire et scandalisée résonna dans le couloir, créant un écho. Du sang, oui. Séché, mais du vrai sang. À bien y regarder, il y en avait aussi au sol, jusqu'au plafond, formant des flaques et des croûtes noirâtres, parfois brunes, et certaines d'un rouge encore... encore trop vif. Presque frais. Presque récent. De là venait cette odeur écœurante. Heureusement pour elle et sa profession, elle n'avait pas le coeur sensible et aucun sursaut ne vint le secouer au constat de cette orgie sanguinolente. Elle avait simplement la confirmation que cette église n'était pas inactive et que ceux qui faisaient cela, moldus ou sorciers, avaient un petit grain.
Même un gros grain.
La médicomage se détacha de sa contemplation du sang et commença à avancer dans le corridor. Si elle se fiait à sa direction, celui-ci menait en direction du cimetière. Et même sous le cimetière. Ha non, elle ne voulait pas en plus devoir se frapper à des squelettes et des crânes en goguette, pendant sa mission qui devait être simple. Facile. De sauvetage. Bon sang – ha ha. Elle marchait prudemment quand un bruit se fit entendre. Comme un râle.

Es-tu seule, petite Astra ?:

Elle sursauta méchamment. Parce que ce bruit, comme un râle, une respiration, était derrière elle. Merlin, Morgane et toute la bande, non. Elle se figea une seconde, puis tenta de se détendre. Le fruit de son imagination. Ou pas. Elle continua d'avancer, un peu plus lentement. Il y avait le râle, mais il y avait aussi les bruits de pas. Oui, on la suivait définitivement. Pourtant, point d'ombre au sol, dans la lueur de son Lumos. Que cette respiration qui l'angoissait et lui donnait envie de retourner se blottir dans son lit au manoir. Astra ralentit encore un peu le pas, puis brusquement, changea sa baguette de main... et envoya son poing dans le vide.

Un vide pas si vide, puisqu'elle frappa quelque chose. Un visage, une mâchoire, un nez, quelque chose qui poussa un « Oh ! » de douleur.

Surprise par ce contact, elle - « AAAH ! ». Oui, cria. Puis, courut à toutes jambes vers le bout du corridor, où elle se dirigeait déjà. Il devait bien y avoir une sortie, par tous les Chaporouges, une façon de se sortir de cet affreux guêpier. D'éviter la personne qui la suivait – l'homme inconnu, au bruit qu'il avait fait quand son petit poing incertain avait atteint son visage. L'homme qu'elle entendait courir et dont elle évita le sort lancé en tournant le coin du corridor, qui menait à un nouvel escalier, situé sous un... un puits de lumière ? Peu importe, elle voulait sortir d'ici – et qu'Harrison aille se faire voir.

Elle dérapa en montant l'escalier, mais réussit finalement, à le monter – et à déboucher dans une crypte à ciel ouvert. Un tombeau aussi haut que son cousin Thomas, assez large pour contenir trois personnes – et actuellement, il y en avait une couchée au sol. Un homme. En sang. Qui ouvrit un oeil en la voyant, tenta de lever une main pour se protéger. « Harrison ? » Elle avait dit le nom avec précipitation, oubliant momentanément son poursuivant – grossière erreur qu'elle réaliserait dans quelques secondes. L'oeil de l'homme au sol, le seul qu'il avait si elle se fiait à ce qu'elle voyait – diantre, sembla s'illuminer et sa tête bougea légèrement pour acquiescer. Son expression devint cela dit terrorisée et elle prit une seconde de trop avant de réaliser pourquoi. Avant d'entendre le cri de mort qui venait de derrière elle et de sentir le poids d'un homme mature d'une quarantaine d'années s'abattre sur elle.

Le souffle lui manqua et elle faillit en échapper sa baguette – faillit. Les deux corps s'abattirent au sol, à côté d'un Harrison trop faible pour se pousser – dans le sang d'Harrison, dans ses déjections de peur et de fatigue, dans sa bile, dans la terre humide et la neige fondue, sur une pierre froide, mouillée, dégueulasse, salie. Le visage dans ce mélange affreux, elle tenta de reprendre son souffle. Ses esprits. Et de ruer contre cet homme qui hurlait sans sens, sans qu'elle comprenne ce qu'il disait, dans un gaélique incompréhensible et effrayant qui lui faisait l'impression de malédictions jetées sur sa personne. Finalement, elle réussit à se tourner plus ou moins et à pointer sa baguette sur l'homme – Catenae Ferrum. Elle ne voulait pas tuer, elle voulait seulement l'empêcher de la tuer.

Le sort fonctionne-t-il comme elle le désire ?:

Si NON, réplique-t-il, ce chien galeux ?:

Le sort le rata. Mais lui ne la rata pas – elle ne l'entendit pas parler, elle sentit seulement l'onde de choc la pousser contre le mur avec une force impossible. Elle entendit quelque chose craquer dans son corps et aussi mollement qu'une poupée de chiffon, elle tomba en travers du corps d'Harrison.

Ploc.

Ploc.

Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc.

La pluie.

Elle tressaillit. Mouillé. De l'eau. Elle tenta de lever le bras pour empêcher l'eau de tomber sur son visage, mais une douleur vive lui traversa l'épaule. Mal. De l'eau encore. Elle était couchée. Son frère devait lui jouer un mauvais tour. «'dox. » Son rauque murmure n'avait pas réussi à naître, il n'avait rien été. Aucune réaction. L'eau encore. Ça sentait la terre et le sang. L'eau. La nature. La pluie. Dehors. Elle était dehors. Elle ouvrit un oeil. Il faisait nuit. Elle ne voyait rien. Où était-elle ? Elle tenta de se relever – incapable. Mal. Douleur. Encore. Elle se rappelait. Le sang sur les murs – le sang. Harrison. L'Irlande. Harrison sous elle – Harrison qui ne bougeait pas. Le fou. Où était-il ? « Harrison. » Pas un son. Pas un râle. Il ne devait pas être mort. Elle ne l'était pas.

Elle avait mal.

Astra regarda le ciel. Il faisait gris. Il pleuvait. Maddox devait s'inquiéter. Il savait. Merlin. Sa main droite bougea sur le corps d'Harrison jusqu'à atteindre son poignet – elle avait froid. Si froid. Elle était trempée. Elle défit la manche de l'homme et plaqua son index sur son poignet. Un pouls. Vivant. S'il vous plaît. Elle referma les yeux pour se concentrer. Sa tête lui faisait mal. Elle avait si mal. Mais il vivait. Un pouls. Elle le sentait. Si léger. Si infime. « Je suis là. » Les mots avaient été douloureux dans sa bouche. Rassurants. Pour elle ou lui ? Peu importe. Elle était là. Sa baguette. Dans sa main. Elle était là. Elle pointa sa baguette sur elle-même. « Mulcerem Dolor. » Rien. Deuxième essai. « Revigor. »

Le Mulcerem Dolor fonctionne-t-il ?:

Si NON, un Revigor fonctionnera-t-il, lui ?:

Et la douleur, oh.

Elle en cria. Encore. Cette douleur. Partout dans son corps. Cassé, brisé, émietté. Elle avait mal, si mal. La douleur, brûlante, mordante, partout - elle allait mourir. Mourir. Secouée de spasmes, Astra réussit à se glisser en bas du corps d'Harrison. Sa main tenait toujours son poignet et elle ne put que se recroqueviller autour de ce corps faible, qui n'avait même plus la force de frissonner. Elle sanglota. La pluie. Elle avait froid. Mourir. Elle avait mal. Elle devait le sauver. Ils étaient vivants. Elle rouvrit les yeux. Elle tremblait. Il était là. Il la regardait de son seul oeil - l'autre avait été arraché. Petite fille. Elle lâcha son poignet. Il gémit. Elle réussit à glisser sa main jusqu'à son manteau - elle avait mal. La glisser à l'intérieur - elle pleura plus. Mal. Mal. Mal. Trouver les fioles - laquelle était la bonne. Il faisait noir. « Lumos. » De la lumière. Il pleuvait. Elle sortit les fioles et les étala sur le torse d'Harrison - la lumière lui permit de distinguer celle qu'elle voulait. Regénération sanguine. « Je vais vous donner une potion. Vous devez la boire entièrement. » Son ton était sanglotant, mais calme. Tremblotant, mais rassurant. L'oeil cligna pour approuver. Elle déboucha la fiole avec son pouce, la porta aux lèvres de l'homme. Trembla un peu, en renversa sur ses lèvres - sa langue en lécha les quelques gouttes éparses. Il but. Lentement. Comme si c'était un nectar, de l'ambroisie. Elle lâcha la fiole.
Encore cinq minutes.

Elle regardait la pluie.
Ils devaient transplaner jusqu'au Portoloin.
Cette seule pensée suffit à lui arracher un sanglot de douleur – ils ne réussiraient pas. Ils mourraient. Ils auraient si mal. Ils devaient. Astra remit les fioles dans sa veste, se serra un peu plus sur Harrison. Elle avait froid. Lui aussi. Mais il vivait. Ils vivaient. Elle inspira longuement et écouta la pluie. Le fou l'avait laissée là – sans doute pensait-elle qu'elle allait mourir. Comme lui. Elle n'était pas morte.
Sa main vint reprendre son poignet. La potion fonctionnait – l'afflux de sang avait redonné un pouls plus perceptible à l'homme. « Nous allons transplaner, puis prendre un Portoloin jusqu'au quartier général. » Elle devait lui dire. Harrison cligna son oeil - il comprenait. Il savait, lui aussi, qu'ils souffriraient. Au moins, ils allaient se sortir d'ici.

Un.
Deux.
Trois.

Elle se concentra du mieux qu'elle put. Et la douleur fut horrible, intense, affreuse - elle en hurla à nouveau lorsque leurs deux corps atterrirent dans la forêt, à deux centimètres du Portoloin caché. Mal. Si mal. Harrison était secoué de soubresauts et gémissait de douleur, serrait son bras autour d'elle. Mal. Ils y étaient presque. Astra tendit la main, celle qui tenait sa baguette comme si c'était la chose la plus précieuse de sa vie, et attrapa le Portoloin en même temps qu'Harrison réussissait à glisser sa main pour faire de même.
La douleur encore.
Le choc du plancher du quartier général sous eux. Le silence. Et le cri de quelqu'un qui se précipitait pour les séparer, eux, ces deux corps emmêlés, froids, raidis, brisés, cassés, ensanglantés, plus morts que vifs. Mais vivants. Ensemble. Elle refusa de le lâcher. Non. Pas maintenant. Jamais. Ils vivaient. Ils ne devaient pas. Ils mourraient sinon.

Elle pleura encore.

A-t-il l'artefact, en fin de compte ?:

Il parla.

Pas d'artefact. Il l'avait eu. Et l'homme était arrivé. Un fou - un Ombre fidèle, trop fidèle, le cerveau lavé, lobotomisé, mis en place pour surveiller l'île et les ruines, pour sauver cet artefact apparemment tant désiré. Il lui avait pris son œil, avait repris l'artefact, l'avait laissé pour mort - et elle était arrivée. Elle l'avait sauvé.

Ils étaient vivants.