Ah ca... elle n’avait pas vraiment envie d’en parler et de dire quoi que ce soit du moins d’habitude. Ce soir était différent, elles étaient ivres, elles parlaient trop et se disaient tout sans aucun tabou. Rien du tout.


« Santé. »

Elle but une nouvelle fois pour se donner du courage et rit un insant en fixant le fond de son verre et oui, c’était nerveux.


« C’était le soir même après la prise du Ministère... tu sais que nous avons été forcé d’escorter Mervyn Kark tous les trois. Thomas nous a suivi et bref... après tout ca, je l’attendais à la maison et il m’a quitté. Tu sais que j’ai cru mourir ? Il m’a demandé de partir et je l’ai fait et je suis rentrée chez mes parents. J’étais hors de moi et j’ai explosé. Je ne me souviens pas de tout d’ailleurs. Je pleurais beaucoup, j’ai accusé mon père d’être un lâche de nous avoir fait suivre des idées stupides qui nous ont menées à la dictature et que Cleona était trop jeune, qu’il était un mauvais père de l’avoir envoyé dans cet enfer... enfin tu vois. »

La sang pure sourit tristement et passa une main tremblante dans ses cheveux. Elle n’avait pas envie d’en parler, elle ne voulait plus pleurer sur ce sujet. Cela ferait un an en septembre et personne ne faisait de premier pas. A quoi bon ? Quelque chose s’était brisé pour de bon après tout ca.


« Je suis surement allée trop loin et il m’a demandé de sortir de la maison et de ne pas revenir. Tout simplement. Trop de paroles. Il n’y a rien à ajouter. Je n’ai plus que Keenan de temps en temps, Cleona presque jamais et plus de parents. Mes parents tu te rends compte ? C’était mes parents avec qui je m’entendais plus que tout au monde. Jamais je n’aurai cru que ca arriverait ! Mais les temps changent ma chère Eireann et je suis maintenant membre de l’Ordre du Phénix... alors bon. Pourquoi jouer à la femme surprise ? »

Comme elle était amère... elle leur en voulait tellement et se détestait d’être incapable de faire le premier pas et d’avouer à quel point ils lui manquaient.

Et ça tournait encore, encore, encore. Eireann avait toujours la nausée mais pas de bile, pas d'envie de vomir réellement. Pas pour le moment en tout cas. Elle écoutait Nora, hochait la tête, compatissait et tenta de se mettre à sa place... Non. Sa famille était ce qu'il y avait de plus important pour elle et elle ne pouvait se résoudre à imaginer un monde où elle serait en froid avec ses parents, où elle ne verrait Ciaran que rarement, où sa cousine ne ferait presque plus partie de sa vie, où le reste de sa famille lui tournerait le dos... Eireann ne pouvait pas penser à tout ça parce que ça lui donnait envie de pleurer. On lui avait pris le droit de vivre avec l'amour de sa vie alors si en plus on lui prenait sa famille, que lui resterait-il ? Rien à part se transforme en harpie et vivre comme une bête jusqu'à sa mort. Ce serait son animagus qui représenterait son dernier salut, elle le savait...

« Pourquoi tu ne demandes pas à Keenan ? » Elle parlait doucement, avait du mal à distinguer chacune de ses syllabes mais elle était sérieuse. Enfin, autant que possible ? « Après tout, s'il est le seul qui vit encore avec tes parents, c'est qu'il doit pouvoir dépasser les limites, non ? Avec tout ce qu'il a déjà fait... » Fricoter avec elle, la basique qui avait failli laisser s'abattra la honte sur le sang O'Broin, rompre ses fiançailles - même s'il avait eu une bonne raison - avoir un sacré tableau de chasse, ne plus être tireur d'élite, vivre encore chez ses parents, se battre sans raison, vivre une vie tout sauf rangée... « demande-le lui Nora. Demande-le lui. »

Elle but une gorgée... Pourquoi une autre ? Pourquoi toujours plus alors qu'elle n'en pouvait déjà plus ? parce qu'elle avait l'impression que ça atténuait sa peine. Elle avait l'impression d'avoir moins mal. Elle posa son verre et rota bruyamment. Elle plaqua aussitôt ses mains sur sa bouche, les yeux écarquillés. « Oups... Pardon Nora. Je crois que... ça fermente un peu dans mon bidon... » Elle se mit à pouffer comme une gamine. Non, elle ne pouvait pas, elle fronça les sourcils et essaya de redevenir sérieuse. Nora se confiait à elle, elle devait l'écouter...

Mais elle avait aussi droit à tellement de bruit à l'intérieur de son crâne qu'écouter son amie était une mission compliquée, sûrement plus compliquée que ses missions de l'Ordre. « Le boulot que nous file Wallas c'est de la gnognotte comparé à l'aventure que représente la réserve de Tom ! » Et elle se remit à pouffer... Désespéré comme cas cette petite...

Demander quoi à Keenan ? Mais de quoi parlait-elle ? C’était tellement étrange de ne plus trop comprendre ce dont elles parlaient alors que quelques secondes plus tôt, elle s’était laissée emporter par une tirade enflammée qui ne lui ressemblait pas. A bien y songer, peu de choses qu’elle faisait ce soir lui ressemblait et comme elle avait tort...

Cela faisait une éternité qu’elle ne s’était pas sentie si bien, jugée par quiconque avec le sentiment d’avoir le droit de faire absolument n’importe quoi. Et comme il était libérateur de tout lâcher sans tabou ! Comme elle pouvait aimer Eireann ! C’était totalement parfait.

Nora éclata de rire en entendant sa compagne roter bruyamment. Elles avaient définitivement trop bu et cela lui faisait un bien fou. Rien que toutes les deux, sans Keenan et sans personne, cela était une très bonne soirée. Il fallait bien entendu mettre de côté la dispute avec son petit frère et sans cela tout allait plutôt bien ! Il fallait se rendre à l’évidence qu’elles étaient plutôt bien toutes les deux.


« Tu sais, en presque deux années, je pense avoir épuisé la réserve de mon mari depuis quelques temps déjà. Je rachète toujours tout en cas de... en cas de siège de l’école pour que l’on ait tous à boire en cas de disparition totale de l’eau. Ou quelque chose qui ressemble à ca tu vois ? »

Le regard trouble de la sang pure brune se posa sur tous les meubles de son petit appartement qu’elle avait durement mérité en tant que professeur. Comme elle aimait cet endroit. C’est ici qu’elle avait apprit à se reconstruire tout doucement après l’acceptation d’une fausse mort.

Bien entendu elle adorait leur cottage mais un attachement très fort la tenait à ces petites pièces, à ce château, à la Forêt Interdite, au Lac et à toutes les créatures qui y vivaient.

Savoir que des enfants étaient retenus contre leur gré lui donnait la nausée mais que pouvait elle faire si ce n’était rester sur place pour s’assurer que les traitements étaient... au moins corrects.

L’irlandaise n’était peut être pas encore une membre totalement dévouée à l’Ordre du Phénix mais certaines mesures commencaient à s’ancrer profondément en elle. William n’avait toujours pas une carrure de leader à ses yeux mais cela finirait bien par venir. Cela devait venir.


« En tout cas, je suis heureuse qu’on soit toutes les deux. Tu es ma meilleure amie et j’espère que tu le sais et que tu es certaine que tu peux tout me dire. Mais là... passe moi la bouteille je te prie. »

« Oh oui, je vois très bien ! Ce serait terrible de ne plus rien avoir à boire. Au moins, avec tes réserves, pas de risque de déshydratation ou encore de mourir de froid ! » Et elle était convaincue de ça. Oui, pour elle, Nora était une femme intelligente qui avait trouvé là la solution en cas de… De siège ? Oui, voilà, de siège. Eireann fut prise de hoquet et du reposer son verre pour ne pas s’étouffer en buvant. Le hoquet, c’était dur à vivre. Parfois, ça faisait mal mais surtout, Eireann n’avait jamais réussi à s’en débarrasser de façon consciente : elle avait souvent essayé des tas de techniques farfelues mais ce satané hoquet avait en général disparu de lui-même… Si l’irlandaise n’avait pas la moindre autorité sur les réactions de son corps, comment pouvait-elle prendre en main sa vie ? Elle l’avait pourtant fait, elle s’était prise en main en balançant à la face de Keenan tout son ressentiment, en crevant une bonne fois pour toutes cet abcès qui n’avait que trop grossi. Tant pis pour lui, tant pis pour elle, tant pis pour eux. Maintenant, les choses étaient dites.

Elle passa la bouteille à Nora puis vida son verre d’une traite. Ah ! Plus de hoquet ! « Huup ! » Ah beh non, raté, toujours là le petit chenapan. « Nora, fais-moi peur mais il ne faut pas que je m’y attende ! J’en ai marre de ce hoquet. » Elle détourna alors les yeux de son amie, attendant qu’elle s’exécute… Seulement, elle n’avait pas peur. Non seulement parce qu’elle était prête à ce que ça lui arrive mais surtout parce que Nora n’était pas en état de faire quoi que ce soit. Elle se résigna à vivre éternellement avec ce hoquet et revint placer son visage face à celui de son amie. « Merci pour cette soirée Nora. Je suis très heureusement qu’on l’ait passée ensemble et… » Elle bailla bruyamment sans avoir le réflexe de placer sa main devant sa bouche. Et oui, elle n’était qu’une pauvre basique sans éducation… Enfin, si, elle avait été bien élevée mais là, à trois ou quatre grammes, elle n’était plus en état de coordonner ses mouvements. « Je crois que je… je… vais… dorm… »Et se tassa dans le fauteuil de son amie et ferma tout doucement les yeux.

Un affreux bruit réveilla Eireann. Elle fut d’abord agresser par la lumière puis à nouveau par ce bruit. Ses yeux étaient collés, sa bouche était pâteuse, sa joue… Pleine de bave séchée et… L’origine du bruit mortellement mortel était un hibou toquant à la fenêtre pour déposer la Gazette du Sorcier. Eireann dut s’y reprendre à deux fois pour se lever du fauteuil et elle manqua de tomber, son pied roulant sur la bouteille vide au sol… Elle s’agrippa au rebord de la fenêtre qu’elle ouvrit. Elle tendit quelques mornilles à l’animal avant de retourner s’asseoir sans refermer la fenêtre : de l’oxygène, elle avait besoin d’oxygène. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’elle était dans les appartements de Nora, qu’elle avait la gueule de bois et… Qu’elle avait peut-être des cours à donner. Elle ne savait plus quel jour il était… « Nora… » dit-elle d’une vois à peine humaine. « Dis-moi qu’on est dimanche et qu’on peut dormir toute la journée… »

L’irlandaise avait réellement tenter de bouger Eireann de son fauteuil pour la trainer avec elle dans son lit mais autant faire bouger un des dragons de Gringotts de devant son coffre... et elle s’était résolue à laisser Eireann là où elle était. Nora avait glissé un de ses oreillers sous sa tête et déposé avec douceur une couverture sur son corps.

Puis elle s’était allongée, la tête embrumée et absolument tout tournant autour d’elle malgré son immobilité. Et rien. Le sommeil s’était abattu sur sa ptite tête brune pour l’emporter de nombreuses heures avant... la nausée.

Le réveil avait été brutal et Nora avait couru dans sa salle de bains pour vomir tout ce qu’elle savait dans ses toilettes. Trop d’alcool... ils avaient vraiment trop bu bien qu’elle n’ait pas la mémoire que ce soit vraiment le cas. Tu parles d’un exemple pour les enfants...

Et Eireann s’était mise à lui parler alors que sa tête reposait encore dans ses bras sur la cuvette de ses toilettes. Elle avait tenté de se jeter un sort pour les matins difficiles après une fête trop arrosée mais cela ne semblait pas du tout fonctionner sur sa petite personne. Trop fatiguée probablement.


« Samedi... On est samedi non ? »

Un peu d’eau pour faire passer le mauvait gout dans sa bouche et la directrice des Serpentards se forca à sortir de la pièce d’eau pour confronter celle qu’elle considérait comme sa meilleure amie.

Elle n’avait pas l’air d’être dans un très bon état, du moins aussi bon qu’elle. Tu parles d’une bonne idée de confronter son propre frère et son ex petite amie en même temps. Etait-ce ce qu’elle avait réllement voulu ?


« Je ne me sens pas bien du tout... »

Incapable de vraiment tenir debout, la plus âgée des deux fit quelques pas pour se laisser retomber dans son bien trop gros lit. La nausée allait revenir, elle le sentait.


« Je pense qu’il faut qu’on se recouche... d’accord ? »

Samedi… Eireann poussa un long soupir de soulagement : pas de cours mais en plus de ça, elle n’avait pas de surveillance à faire ce matin, elle pouvait profiter de sa matinée pour décuver tranquillement… Ou mourir sans laisser trop de trace, tout dépendrait de l’évolution du mal de crâne dont elle était la victime depuis qu’elle avait ouvert les yeux. Nora vider encore le contenu de ses entrailles et rien que de l’entendre vomir rappelait à Eireann que sa nausée n’était pas bien loin. Pourquoi avaient-elles bu autant ? Pourquoi les deux irlandaises ne s’étaient pas contentées de siroter un jus de citrouille ? Elle n’avait plus l’âge des bitures de ce genre…

Bientôt vingt-cinq ans pour elle, bientôt le quart de siècle… Ce qu’elle se sentait vieille ! La vie ne l’avait pas aidée à profiter de sa jeunesse, bien au contraire. Eireann se souvint peu à peu de la soirée de la veille et se rappela alors de pourquoi elle avait bu autant. Peut-être que maintenant que tout était dit, elle allait pouvoir profiter de sa vie ? Elle avait vécu des années dans l’ombre de cet amour qu’elle portait à ce petit con d’irlandais et même si elle avait essayé de se faire croire qu’elle avait tourné la page, la soirée de la veille lui avait gentiment rappelé qu’elle l’aimait encore. Mais le processus de fin était enfin enclenché et elle pouvait se dire qu’elle marchait désormais vers la libération émotionnelle. Pile ce qu’il lui fallait pour relever la tête et avancer pour de bon.

Elle alla s’asseoir sur le lit à côté de Nora et dégagea quelques mèches du visage de son amie collées par la sueur. Elle n’avait vraiment pas l’air dans son assiette. Eireann alla chercher une serviette propre qu’elle humidifia et revint pour la passer sur le visage de Nora. « Tu veux que j’appelle Evoline ? Ou que je négocie avec les elfes pour qu’ils te concoctent un gateau miracle ? » Elle n’avait jamais vu Nora comme ça et pourtant, ça n’était pas la première fois qu’elles buvaient une voire deux bouteilles ensemble. Nora voulait simplement dormir. Eireann l’installa confortablement sur le lit, la tête relevée. L’air pénétrant par la fenêtre ouverte lui ferait du bien. « Je ne vais pas pouvoir dormir toute la journée, je dois surveiller les couloirs du château cet après-midi. Mais toi, reste couchée, je m’occuperai de tes gardes si tu veux. » Elle posa un baiser tout doux sur le front humide de son amie avant de se lever.

La tête lui tourna et elle dut se rasseoir bien vite. « Je dors encore une heure ou deux et après je pars… » Elle s’allongea aux côtés de Nora et ferma si vite les yeux qu’elle ne se rendit même pas compte que son amie s’était déjà relevée pour vomir une nouvelle fois… Le reste de la journée fut un véritable calvaire : gueule de bois, élèves trop bruyants, Nora malade, elle rumina l’altercation qu’elle avait eu avec Keenan… Se coucher le samedi soir fut la meilleure chose qu’il pouvait lui arriver…

FIN