« Zakary, j'ai besoin d'aide... Je crois que je suis enceinte. »

Je vous jure, je n’y suis pour rien ! J’ignore pourquoi, mais c’est la première pensée qui m’est venue à l’esprit, là, comme ça, spontanément. J’ai eu un gros bug pendant trois, quatre secondes, puis je me suis tout de même remis à respirer – ça pouvait être utile – et j’ai fermé la bouche. La dernière fois qu’on m’a annoncé que quelqu’un était enceinte, j’ai failli m’évanouir, donc bon… ‘Fin, c’était Améthyste aussi, donc c’était déjà plus probable qu’elle attende un enfant que Summer. Et puis… Et puis… D’abord, elle avait quel âge ? Dix-sept ans ? C’était trop jeune pour être enceinte, ça ! « Et à quel âge t’as eu fille, crétin ? » Dix-huit ans, ma dernière année, comme elle. Ouais, bon, certes, mais quand même ! Et puis je l’avais appris sept ans plus tard, c’était pas pareil.

« Faudrait vraiment que l'on s'en parle seul à seul... Je n’aimerais pas que ça s'ébruite... Est-ce qu'on peut aller dans votre bureau ? »
« Ben… Oui, oui, bien-sûr. »

Je me suis machinalement passé une main dans les cheveux avant de penser que ça, ça voulait dire qu’il fallait bouger. Alors sans attendre, et sans rien dire, nous avons quitté la grande salle. Elle se retrouva, quelques minutes plus tard, assise face à moi, tous les deux isolés pour parler tranquillement. Pour ma part, j’étais resté debout, et je parvenais à un peu plus réfléchir, le coup de la nouvelle étant passé.

Enceinte, hm ? C’était une plaisanterie, pas vrai ? Si j’étais proche de Summer, les évènements de septembre, dans le Poudlard Express, m’avaient quelque peu… Refroidi. Être amené à se battre contre ses propres élèves, forcément, ça marquait l’esprit. Cette année est restée plus tendue, et pour être honnête, je ne savais pas tellement quoi penser. Après, elle restait quelqu’un d’agréable, et surtout avec qui j’étais capable de parler Quidditch des heures et des heures (pire que des concierges !). Bref, quoiqu’il en soit, pourquoi m’en parlait-elle, à moi ? Si elle avait besoin d’aide, bien-sûr que j’essayerais de l’aider au mieux, mais c’était là un sujet délicat ! Après ces quelques instants de réflexion, j’ai rompu le silence :

« Tu es… Enceinte ? » Légère pause. J’ai froncé un sourcil – mais un seul, hein ! – « C’est une blague, ou bien...? »

« Ce n’est pas une blague, mais ce n’est pas plus vrai... »

Hmm ? Sortez un parchemin et votre plume, vous avez deux heures. Je me suis légèrement adossé contre le mur, les bras croisés. Bon, visiblement, Summer avait bel et bien quelque chose à m’annoncer – ou me demander, allez savoir – mais déjà, elle n’était pas enceinte. C’était déjà ça… Mais toutefois, je ne trouvais pas ça forcément très rassurant non plus. Je suis resté silencieux jusqu’à ce qu’elle reprenne :

« Écoute Zakary... Je sais que c'est gros... et je ne sais pas vraiment par où commencer... »
« Je t’écoute. » répondis-je simplement, beaucoup plus sérieux.

Je me suis redressé et j’ai à nouveau décroisé les bras en entendant les mots « Ombre de la Rose Noire ». Alors comme ça, elle voulait parler politique : à voir si le fait qu’elle soit tombée enceinte n’aurait pas été préférable. Je l’ai donc laissée parler, sans l’interrompre, l’écoutant avec attention. Les évènements de septembre ? Comment ne pas s’en rappeler ? L’année scolaire avait été plutôt catastrophique et riche en chamboulements sur le plan des factions et de la politique en général. D’un autre côté, il était difficile d’oublier l’attaque venant de ses propres élèves, dans le Poudlard Express. Il leur avait tout de même fallu monter sur le toit du train – en pleine vitesse, évidemment, pour ne pas faciliter la tâche – pour éviter de finir grillés dans une cabine. Si la plupart des marques de blessures reçues à ce moment-là avaient disparu, il en restait toutefois quelques unes au niveau du torse et des avant-bras. Histoire de ne pas oublier…

Summer enchaîna en mentionnant Zéphyr Wendle, précisant que les deux Serdaigle avaient pour habitude de s’attaquer verbalement ou physiquement, et pas que lors de l’attaque du train. Ah bon, sans blague ?! J’étais là également lorsqu’ils avaient failli s’entretuer, pendant ce qui aurait normalement du être un entraînement de Quidditch.

D’un certain côté, peu importe la faction, je n’étais pas étonné qu’elle me dise qu’elle avait été incapable de lancer un « vrai » sort. Qu’ils soient Phénix ou qu’ils se soient momentanément retrouvés Mangemorts, aucun de ces élèves – ou presque – n’était alors majeur. Ce n’étaient que des gosses, pas des machines à tuer !

« J'aimerais... Par la barbe de Merlin, je ne sais pas si je peux te demander quelque chose d'aussi intense... Bref, j'aimerais rejoindre les rangs de l'Ordre du Phenix. »

Ah oui. Quand même. Je n’ai pas laissé voir la surprise transparaître sur mon visage, mais c’était quelque chose d’intense, comme elle l’avait si bien dit. On ne changeait pas de faction comme de cape et d’autant plus que Summer était actuellement une des élèves de l’Ombre prisonniers à Poudlard. Je l’ai interrompue lorsqu’elle a commencé à bredouiller des excuses – maintenant que c’était dit, je n’allais pas la laisser repartir sans rien répondre en retour.

« Tu es consciente de tout ce que ça représente, n’est-ce pas ? »

Il allait falloir faire vite. Je ne donnais pas cher de notre peau si notre conversation était entendue par des oreilles clandestines. J’avais déjà eu ce genre de conversation avec Leo il y a un peu plus d’un an, mais les circonstances étaient différentes. Là, c’était vraiment très, très, très complexe. Et il ne suffisait pas que j’emmène Summer à notre QG, là, comme ça, d’un simplement claquement de doigts. Puis même, c’était trop risqué. J’avais toujours apprécié la jeune Serdaigle, oui, mais… C’était un sujet qui nécessitait de pouvoir faire confiance à l’autre, pas uniquement de bien l’aimer. Alors, je lui ai posée une nouvelle question, pour savoir ce qu’elle avait derrière la tête :

« Pourquoi l’Ordre ? »

Summer qui avait les larmes aux yeux depuis le début s’était mise à pleurer pour de bon. Ou elle était excellente comédienne, ou… Non, elle ne faisait pas semblant. Elle disait être gênée, je voulais bien la croire. On avait intérêt à parler à quelqu’un de confiance quand il s’agissait d’un sujet aussi lourd. Surtout pour quitter la faction dont le leader n’était ni plus ni moins que le Ministre de la Magie actuel ! J’attendais une réponse détaillée à ma question. Elle parlait, je l’écoutais et donc là encore, je n’ai pas cherché à l’interrompre lorsqu’elle trouva la force de reprendre la parole entre deux sanglots.

C’était bien la première fois que j’entendais un sang-pur dire qu’il ou elle se moquait du sang… Notre société était devenue on ne peut ségrégationniste et les avait placés tout en haut de l’échelle sociale, mais ça, ce n’était un secret pour personne. Hudson aussi se battait pour l’égalité des sorciers, même en étant une sang-pure, mais ce n’était pas pareil. Hudsy était elle aussi à l’Ordre et puis c’était ma copine de toujours. Summer était une Carrow, tout de même. Enfin si son avis divergeait par rapport à celui de ses proches, tant mieux, c’était là le signe qu’elle avait un vrai cœur, non ?

Elle enchaîna sur l’Ombre de la Rose Noire. Cruels, manipulateurs. Bon sang. Je ne pu m’empêcher de penser à Elie : qu’est-ce qu’il faisait parmi des gens comme eux ? Cette question revenait régulièrement dans mon esprit et je n’avais jamais trouvé de meilleure réponse. Il valait tellement mieux que ça… Enfin bon, j’étais incapable de le comprendre et encore moins de parler politique avec lui, on finissait toujours par s’engueuler.

Elle parla ensuite d’un point important : se battre pour ses idéaux. Puisqu’à Londres le climat était carrément celui d’une guerre civile, il valait mieux avoir le cran d’assumer et de s’engager pour une cause qui était la nôtre. Au moins, toutes les blessures reçues avaient un réel sens tant qu’on ne perdait pas espoir, du moins.

Oui, je comprenais. J’ai simplement acquiescé d’un signe de tête et avant de lui répondre par quelque chose de réellement concret, j’ai préféré continuer avec une autre question :

« Oui, je vois. A supposer que ça se fasse, comment tu comptes te débrouiller avec tes proches, ta famille ? J’imagine qu’ils n’apprécieront pas tellement. »

Non, ce n’était pas dit avec énormément de tact mais il était inutile de tourner autour du pot pour un sujet aussi important. C’était vrai, quoi : si toute sa famille était engagée à l’Ombre et qu’elle trahissait sa faction d’origine, elle allait se retrouver à la rue, sans rien. Ou peut-être même pire…

Se faire renier par sa famille, c’était quelque chose que je ne pouvais absolument pas envisager. J’étais trop proche de mes parents et de ma sœur pour cela. Enfin, c’était différent. Il faut savoir que Mary-Kate et Grégory Cooper étaient deux basiques absolument normaux, comparables à monsieur-et-madame-tout-le-monde. Maman bossait à Sainte Mangouste, Papa travaillait en tant qu’éleveur… La seule chose qui les rendait exceptionnels à mes yeux, c’était le fait qu’ils soient mes parents. Ils avaient la main sur le cœur et ne portait pas attention au sang d’autrui : ce n’était pas pour rien qu’ils avaient adopté Louise sans chercher à savoir si elle pouvait éventuellement être une sang-mêlée, ou au contraire, une sang-pure. Ils défendaient les idées de l’Ordre du Phénix, donc à partir de ce moment-là, je n’avais que très peu de chances de finir par m’éloigner d’eux pour une raison semblable à celle qui allait pousser Summer à prendre la fuite.

Disparaître aux yeux de sa famille, essayer de les oublier, être presque forcé à changer de nom et donc d’identité, c’était se façonner une toute nouvelle histoire. C’était une multitude de pages à tourner. C’était… Enorme. Et autant dire que cela demandait beaucoup de courage. Cela nécessitait également trouver un nouveau foyer, certainement un emploi… Mais auparavant il faudrait parvenir à sortir de Poudlard, et pour ça, je n’avais pas de méthode miracle. Je ne savais absolument rien sur la façon dont les élèves prisonniers pourraient éventuellement sortir à la fin de leur « scolarité » au sein de l’école, à supposer qu’ils acceptent de les relâcher entiers. A supposer que j’aie une idée ou une solution pour faire sortir Summer en douce, elle n’aurait pas été réalisable. C’était bien trop risqué et si je voulais bien faire beaucoup de choses pour lui venir en aide, je n’irais pas jusque-là. De toute façon, elle ne me le demanda pas.

En revanche… Elle voulait que je l’héberge. Ca, ce n’était pas un problème. Améthyste accepterait de toute façon – et l’idée de lui demander son avis auparavant ne me vint même pas à l’esprit, pour être honnête – et puis j’avais largement les moyens financiers de la garder chez moi aussi longtemps qu’elle en aurait besoin. C’était facile. Changer de faction après être sortie de Poudlard, ça, c’était beaucoup plus compliqué.

Maintenant qu’elle avait tout dit, il fallait faire vite. On ne pouvait pas rester seuls longtemps, elle était prisonnière après tout. Et les murs avaient des oreilles…

« Ecoute… Je ne sais combien de temps ça va prendre avant que les élèves de l’Ombre soient libérés de Poudlard et je ne peux absolument rien faire de ce côté-là. Mais après, je peux t’héberger sans aucun problème, il y a de la place chez moi, je peux t’aider sur toute cette partie-là. Pour l’Ordre… Je ne te promets rien. Je verrais ce que je peux faire. Ca te va ?»

Voilà, tout était dit. Je ne pouvais rien ajouter d'autre aux questions, interrogations, demandes de Summer. Rien n'était encore joué, mais à partir du moment où elle sortirait de Poudlard, alors oui, je pourrais l'aider, ou du moins essayer. Etait-ce réellement prudent ? Je n'en étais pas certain mais... Bah. Tant pis, ma décision était prise. L'expression sérieuse de mon visage laissa place à un sourire quand, d'une voix légèrement brisée, elle me remercia. Je lui répondis calmement :

« De rien, mais je n'ai encore rien fait. Allez, maintenant tu devrais filer.  »

Si quelqu'un nous avait vu entrer, ou même entendu quelques bribes de notre conversation, il valait mieux ne pas s'éterniser entre ces quatre murs. Elle était une élève de l'Ombre, j'étais professeur, nous n'avions rien ensemble aussi longtemps. Puis même, il était préférable qu'elle ne soit pas « à l'écart » trop longtemps, les élèves prisonniers avaient vite fait de recevoir des sanctions, peu importe les raisons.

«  On s'en reparle au moment opportun ?  »
« Oui, bien-sûr.  » 
«   Est-ce qu'on sort normalement, ou tu sors en me disputant ou je ne sais pas quoi... Genre, on sort avec une couverture ?  »

J'acquiesçai d'un signe de tête à sa première question et m'accordai quelques secondes de réflexion pour la deuxième. Hm... Oui, bon, c'était clair que je n'allais pas la laisser s'en aller avec un grand sourire en lui souhaitant de passer une bonne fin de journée, vraiment pas, non. Ce n'était un secret pour personne, côté réprimandes et sanctions, j'étais loin d'être toujours l'homme de la situation. Enfin bon, je faisais avec.

« Attends, je vais voir.  »

Déclarais-je simplement en guise de réponse. J'ouvris la porte, un coup d'oeil à gauche m'apprit qu'un trio d'élèves approchait, à deux ou trois mètres à peine : j'en reconnaissais une de Serpentard, quatrième ou cinquième année. Les deux autres devaient être ses camarades, mais bref, passons, ceci n'avait aucune importance. En somme, il allait falloir faire « semblant ». Je me retournai, la poignée de la porte en main, en direction de Summer dont le visage était toujours rougi par les larmes qui avaient dorénavant cessé de couler. D'un signe de tête, je l'invitai à s'en aller et quand elle passa devant moi, j'ajoutai simplement d'un ton qui avait retrouvé tout son sérieux la première phrase qui me passa par l'esprit :

« Et que cela ne se reproduise pas. »

RP TERMINE