- Mamaaan, je veux une glaaaace!

Le mioche est devenu cramoisi de colère tellement il la veut, cette fichue glace. Il trépigne littéralement sur place, hurle sa haine contre le monde, serre ses petits poings avec la force d'un ours en peluche, et sur ses joues, des larmes de frustration s'échappent bien vite de ses paupières fermées. Mais tout ça, ce n'est rien face à la lueur meurtrière qui passe dans les yeux de sa mère plantée au dessus de lui. Elle l'aime son gosse, elle a souffert et souffrirait encore pour lui, mais là, son taux de patience vient d'être atteint. Crevé comme un vulgaire ballon, il éclate. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Elle fulmine une dernière fois...

...Neuf, dix...La main part, s'abat sur la joue potelée avec force. Non, le gamin pleurnichard et casse-pieds n'aura pas sa glace, mais il aura la peau chaude pendant un petit bout de temps.

A quelques mètres de ce spectacle, un homme rit. Personne ne l'entend, personne ne s'en soucie, sauf peut-être la jeune femme postée à ses côtés. Il rit, ou plutôt ricane méchamment, et la lueur ravie qui passe dans ses yeux plissés à voir cet acte de violence en dit long sur ce qu'il pense. Tranquillement, il se tourne vers celle qui l'accompagne et lui réserve son plus beau sourire. Quoique, beau est peut-être un grand mot...Cette expression perfide et glauque, ces lèvres étirées un peu trop bizarrement pour que le sourire soit accueillant, et le tout donne finalement plus envie de prendre ses jambes à son cou plutôt que de rester à ses côtés à s'esclaffer avec lui. Rire de quoi d'ailleurs? D'une mère qui frappe son gosse? Des fois, c'est marrant à voir, effectivement, et puis des fois, ça l'est moins...

- Les moldus sont géniaux des fois, non?

Caché derrière le visage d'un autre, un trentenaire au visage plus que banal, vêtu comme les moldus qui l'entourent, Isaac s'amuse. Évidemment, l'homme ne pense pas une seule seconde ce qu'il dit...En réalité, il s'en fiche totalement, seule la violence dont il a été témoin lui fait plaisir. Au milieu de ces gens qui s'amusent niaisement entre les animaux, voilà enfin un peu d'action. Infime et stupide plaisir, mais cela aura eu tout de même le mérite de le divertir l'espace de quelques minutes.

- Allez, on s'arrache, ajoute-t-il.

Le tueur en a déjà marre et il le fait savoir, et rapidement il entraine Calliope. C'est lui qui décide pour les deux, c'est lui qui commande, et il en profite. Vingt minutes, vingt minutes encore à attendre avant de songer à se cacher pour attendre la nuit et faire ce pourquoi ils sont là. Vingt minutes, ça donne le temps de s'avancer encore un peu et de regarder...les lions, pourquoi pas. Machinalement, Isaac rejoint la barrière et appuie ses coudes dessus, et invite la demoiselle à en faire de même. Puis il sort de la poche de sa chemise un paquet de cigarettes que lui a données Faust. Inconsciemment, il commence à accrocher une nouvelle fois à ce vice étranger au monde sorcier. Mais pourquoi pas après tout...d'autant plus qu'ici, cela lui permet de se fondre encore plus dans la masse.

- Papa, pourquoi le lion il est monté sur l'autre?

Décidément, ces gosses moldus sont une bénédiction. Tandis que le père dépassé se perd en explications vaseuses et finit par entrainer son môme ailleurs pour éviter la conversation gênante, Isaac tourne ses pupilles sombres vers les deux lions qui ont attiré l'attention du gamin curieux...Ça copule sec dans le coin, et ça n'a pas l'air de gêner le mâle d'avoir plein d'yeux rivés sur lui. La femelle en revanche ne semble pas ravie de se faire brutaliser et d'un coup de griffes le fait savoir à son partenaire. Peine perdue, ce dernier la recolle au sol d'un seul et violent coup de patte, et avec un feulement terrible, retourne à son affaire...

- Les animaux sont géniaux des fois, non?

Clope au bec, Emerson se retourne vers sa "partenaire" du jour, et un sourire plutôt discret sur ses lèvres affleure. Plus discret qu'avant oui, mais pas forcément moins ravi ni sadique, et la lueur de folie qui palpite dans ses pupilles commence à devenir franchement inquiétante. Un sourcil se lève...Si l'on connait son passé, on a tôt fait de deviner qu'est-ce qui peut bien traverser son esprit dérangé à cet instant précis.

- On va rester là et dans un quart d’heure, on va se cacher là-bas, indique-t-il soudain en pointant son index vers un petit bâtiment.

Si Calliope suit son regard, elle remarquera tout simplement des toilettes. Simple mais efficace, il suffira d'un simple sort pour se dissimuler à l'intérieur, et attendre que la nuit tombe pour entreprendre leur mission. En attendant, la voilà obligée à rester aux côtés de l'assassin à la solde de son père, avec en spectacle deux lions qui s'accouplent. Sans oublier les yeux d'un violeur régulièrement posés sur elle, ceux d'un homme qui semble prendre son pied à lui inspirer la peur et à lire le dégout dans son regard. Franchement, est-ce que ça pourrait être pire?

Ah bah ouais bien sûr que ça pourrait être pire, sinon ça ne serait pas drôle. Et ça devient pire quand Isaac décide de chantonner.

- Un...Deux...Trois...Quatre...Cinq...Six...Sept...Huit....Neuf...Dix...

Et rebelote.

*****

Évidemment, il fallait s'y attendre mais l'espace des toilettes est assez restreint pour deux personnes, ce qui oblige les deux Ombres à se frôler assez souvent. C'est plaisant pour le tueur, sans doute nettement moins pour la miss qui doit parfois avoir des envies de parricide aiguës. En grand gentlemen, l'homme l'a quand même laissée s'assoir sur la cuvette rabattue des toilettes et lui s'est installé par terre. C'est frais, c'est romantique, c'est plaisant tout ça, et lui, ça le fait rire.

Dehors, les derniers employés rentrent chez eux, les portes du zoo se ferment, et la nuit tombe enfin. Dans quelques minutes, ils pourront enfin sortir. Tranquillement, Isaac se met debout et bien évidemment, surplombe de sa haute et maigre taille la demoiselle encore assise. Position pour le moins compromettante, et au loin un lion rugit une énième fois. Dans la semi-pénombre, le sourire du tueur brille aussi efficacement que la lame aiguisée d'un poignard.

Décidément, cette mission risque d'être vraiment intéressante.

- C'est l'heure, miss , chuchote-t-il enfin.

Non ça ne pouvait pas être pire. Des moldus, et pour seul compagnon un tordu en puissance. Calliope n’aimait pas le zoo magique, certains diront que c’est son trop grand cœur qui la poussait à haïr un lieu où enfermaient les créatures magiques. La réalité était autre. Non ce qui faisait retrousser son doux nez de sang-pur, c’était le fait que les animaux marchent parmi les sorciers. Calliope en bonne Kark était pour la levée du secret magique et la cohabitation avec les moldus. Mais ce mélange ne devait exister qu’avec la domination des sorciers. Côtoyer la vermine et surtout devoir se déguiser pour rester parmi eux la révulsaient. La pitié pour ces êtres faibles n’était réservée qu’au moment où on pouvait les observer de loin, où sur les photos défraîchies des manuels de cours. Là la Kark se sentait comme oppressée au milieu d’un troupeau de moutons qui la bousculait et heurtait ses sens : la vue, le touché et l’odeur. Des proies faciles qui ne se rendaient même pas compte que le grand méchant loup avait mis les pieds dans la bergerie. Subconscient ou pas, la Poufsouffle avait la sensation que toute l’impureté de ces créatures s’échappait de leurs pores. Peut-être que c’était juste l’odeur des défécations des animaux en cage, mais allez expliquer ça une sang-pure. De la vermine partout et surtout près d’elle, Emerson.

Pas inoffensif, plus résistant le genre de rat qui vous décime une espèce. La Poufsouffle se sentait faible, et les réactions de son corps ne l’aidaient pas. Chaque remarque, chaque regard, chaque respiration suspecte de son compagnon de mission lui arrachait un frisson. Dans la foule de mouton et de vermine la Kark était parvenue à maîtriser et surtout à camoufler tant bien que mal son trouble. Mutique, elle se focalisait sur des points précis pour éviter de songer aux attitudes malsaines de son comparse. Alors que son sombre regard s’attardait sur un enclos de licorne camouflée en zèbres pour les yeux non magiques. D’autres fantômes d’autres frissons, Calliope se surprit à avoir un léger haut-le-coeur alors que s’imposait à elle l’image d’un cadavre de licorne écornée. Il n’y eut guère que la remarque d'Emerson pour la tirer de sa rêverie macabre. La jeune vierge déglutit lorsqu'elle découvrit le spectacle dont le violeur en série se délectait. Elle aurait bien crié, si elle avait eu la certitude qu'un son s'échappe de sa gorge serrée. Et surtout à quoi bon ? Il n'y avait pas de menace claire, encore que la simple présence du fugitif à ses côtés avait l'effet d'un poignard sur sa gorge. Son inquiétude croissait, et la Kark ne parvenait pas à se concentrer sur leur mission. Non la seule chose qui l'omnibulait était le moment où elle se trouverait seule avec le désaxé qui avait tenté de violer et de tuer Hudson. Là qui l'entendrait crier ? Comme sondant son esprit Isaac finit par proposer l’inévitable et Calliope se sentit pâlir. Silencieusement elle s’efforça de repérer le vivarium et surtout d’établir des plans de secours, car pour la Kark le danger ne venait pas de l’extérieur mais du compagnon que lui avait attribué son père.

La situation empira dans les toilettes. Séquestrée avec un psychopathe, la fourchelang restait assise immobile, les doigts crisper sur sa baguette prête à lancer un sort. Ce calme apparent rompait avec le tumulte de son cœur qui battait une cadence effrénée. La sorcière guettait chaque mouvement suspect de l’homme assis à ses pieds, prêt à exécuter son plan. D’abord un stupéfix pour dégager le passage, puis courir jusqu’au vivarium, elle n’aurait plus qu’à briser les vitres, et laisser les reptiles faire le reste. Le choix de sa mort, elle le conservait pour l’instant ultime. Soit le poison, soit elle le ferait étouffer, mais pour l’heure elle devait le supporter, lui et son angoisse qu’on s’attaque à ce qu’elle avait de plus précieux.

Lorsqu’enfin les choses bougèrent Calliope semblait sur le point d’imploser, et la situation embarrassante n’aida en rien. Avec n’importe qui elle serait devenu écarlate, et aurait bafouillé des excuses. Là la Poufsouffle avait à nouveau pâlit tout comme les jointures de ses doigts qui enserraient plus fort que jamais sa baguette. La jeune vierge se leva à son tour, ramassant les maigres miettes de son assurance pour reprendre contenance, et lâcher d’une voix blanche : « Allons-y alors. » Occamy. Occamy. Occamy. Les deux ombres ne disposaient que de peu d’informations quant au transfert de la créature, en revanche la Kark avait consulté plusieurs livres à son sujet pour se préparer. Mais ce travail ne servirait que si Emerson et elle, trouvait la bête. L’air frais de la nuit revigora un peu l’esprit inquiet d’un Calliope qui se souvenait à nouveau de sa mission, et de la nécessité de ne pas décevoir son géniteur. Les deux sorciers se déplaçaient à l’ombre, se drapant d’obscurité le long d’un bâtiment lorsque des rais lumineux balayèrent le sol nu. Des gardiens. Gardiens qui se rapprochaient de plus en plus. Prestement la Kark lança sur elle un sortilège de désillusion dans l’espoir de se fondre dans le décours, se vraiment se soucier de son acolyte.

Le sortilège est-il efficace ?
Oui : Calliope est invisible, les gardiens qui sont arrivés à la hauteur des deux ombres ne voient qu’Isaac.
Non : Il ne fonctionne qu’à moitié, le corps de Calliope devient transparent mais pas invisible, on distingue les contours de son corps comme si elle n’était faite que d’eau.

Devenu invisible la Poufsouffle s’éloigna de son compagnon de mission, comme un réflexe naturel. Son instinct lui hurlait de l’abandonner, et de prier pour qu’il se fasse capturer et tuer. Mais Calliope n’eut qu’à imaginer la déception de son père, pour rebrousser chemin. Qu’elle ne le veuille ou pas, cette soirée elle passerait avec Emerson. Son compagnon venait de se faire aborder par deux gardiens, des sorciers à en voir leurs baguettes. Ne sachant pas quelle tactique adoptée, la jeune sorcière attendit qu’Isaac se charge de prendre des initiatives.

Emerson a du sang sur les mains, beaucoup de sang, et éliminer deux gêneurs insignifiants ne va certainement pas lui peser bien lourd sur la conscience. Alors que la froussarde l’abandonne, lui reste tranquille face aux deux gardiens qui s’invitent à leur petite sortie. Sur leurs visages, l’incrédulité, et ce que le tueur identifie sans peine comme un mélange de colère, d'incompréhension et de méfiance. De son côté, Isaac sourit en songeant déjà à la déferlante de violence qu'il va pouvoir provoquer et au plaisir qu'il aura de faire couler l'hémoglobine. Et il ne sera même pas en tort...Papa Kark lui a permis d'utiliser tous les moyens que le tueur estimerait nécessaires. L'important, a-t-il jugé bon de préciser, c'est de mener la mission à bien, de ne pas se faire pincer et surtout, qu'on ne puisse pas remonter jusqu'à lui.

Un cas de force majeure que voilà, donc. Il est définitivement trop tard pour se cacher, puisque les deux hommes l'ont aperçu. Isaac lui se tient droit et fier, les doigts de sa main droite refermée sur sa baguette qu'il tient dans sa poche, tandis que l'autre main agrippe une lame particulièrement affilée. Et son sourire s'étire, déjà excité qu'il est par l'affrontement. Sans perdre une seconde, il sort la baguette de sa poche et la pointe aussitôt sur les deux hommes.

- Que...?

L'homme n'a pas le temps d'en rajouter plus, un double sort de bloclang lancé avec rapidité et précision les réduit au silence, lui et son collègue. Un sourire cruel et barbare se dessine sur les lèvres du tueur alors qu'ils se jettent sur lui. Il ne lui faut pas longtemps pour les maitriser. En quelques secondes, il a attrapé le bras du gardien le plus proche, l'a tordu de façon à se retrouver dans son dos, le coude douloureusement plié, et il se sert de lui comme bouclier humain. Le couteau meurtrier posé sur la gorge de sa victime, il lorgne son autre adversaire et avec la menace d'une exécution de son camarade, le force à reculer. Le gardien muet s’exécute, recule jusqu'à une zone plus à l'écart, et couverte d'herbes hautes.

- Jette ta baguette ou je le tue.

L'homme obéit. Les voilà tous les deux désarmés et à sa merci. Il suffit d'une simple seconde au tueur pour égorger sa proie. L'homme s'écroule, suffoque dans son propre sang et trépasse dans un gargouillis ignoble. Triste et douloureuse façon de crever. Isaac ne s'en préoccupe pas, il a déjà lâché son fardeau sans vie, qui tombe sur le sol avec un bruit mat, face contre terre. Son compagnon n'a pas plus de chance, il ne faut que quelques instants pour le réduire également au silence...La dague atteint le cœur, le tue d'un geste net et précis. Professionnel. Non, cinq ans d'Azkaban n'ont pas entaché la précision et la hargne du tueur.

Les deux cadavres étalés à ses pieds, Emerson laisse apparaitre un sourire de prédateur repu. Il a tôt fait d'effacer d'un simple sort le sang qui imbibe sa lame et de dissimuler les corps parmi la végétation dense. Oh, on les retrouvera sans doute. Mais demain, quand ils seront loin.

Et pour l’instant, le tueur a d’autres préoccupations. Un dernier regard au théâtre de ses deux derniers meurtres, et l’homme revient sur le chemin, là où Calliope a disparu un peu plus tôt. Il ne s’arrête presque pas, lance simplement un rapide Hominum Revelio. Devant lui, la gamine apparait. Au moins ne s’est-elle pas fait la malle. Sans attendre, il s’approche d’elle, envahissant son espace personnel sans la moindre hésitation. Avant de saisir de sa poigne puissance son menton et de cracher son venin.

- On va redéfinir les règles d’accord ? Toi, moi, la mission. La prochaine fois que tu disparais, je prends les mesures qui s'imposent, je me suis bien fait comprendre?

Il colle son regard dans le sien. Certes, ce sont les yeux d'un autre, l'homme dont il a emprunté l'identité, mais cela ne change rien...la lueur meurtrière y brille encore et toujours. Puis il la lâche et commence à s’éloigner. Elle a bien sûr ordre de le suivre.

- Ah, et n’oublie pas d’avoir ta baguette à portée de main. Le prochain gardien est pour toi, ma jolie, tu as vu comment on fait…

Calliope avait blêmit. Plus pâle encore que lorsque l’angoisse d’une attaque imminente baignait son visage du nacre de la peur. Silencieusement elle loua la carapace invisible, cette forteresse nécessaire qui protégeait des regards les sentiments qui s’incrustaient avec tant d’aisance sur chacun des traits de la jeune Kark. La mort la Poufsouffle l’avait côtoyé, elle l’avait même donné. Et pourtant le comportement d’Isaac la cingla, comme un poignard. Un cri la traversa. Ou plutôt elle crut que le fit, crier elle le voulait. Mais sa gorge était sèche, serrée, impropre aux hurlements. Brutal et injustifié voilà ce que c’était. Ces deux hommes étaient-ils leurs ennemis au moins ? Ça ils ne le sauraient jamais, Isaac leur avait imposé avec la fermeté d’un bourreau un silence éternel. Mal placée pour juger, Calliope l’était sans doute. Elle aussi avait égorgé un homme et pourtant les situations lui semblaient différentes. Dans son acte barbare il n’y avait aucune raison, aucune nécessité, et une ignorance qui souleva le cœur de la jeune femme. Elle, elle avait eu un motif, un motif excusable. Que savait Isaac sur ces deux gardiens ? Rien. Il ne savait pas s’ils étaient leurs ennemis. Il n’avait même pas cherché à les garder en vie pour les utiliser, deux guides dans ce dédale afin de retrouver la créature auraient pourtant été utiles. Une oubliette, et tout aurait été réglé. Mais non. Carnage pour carnage. Carnage pour la gloire du sang.

Amorphe et transie d’effroi et le laissa l’intimider. Un basique la prenait de haut et la malmenait. Ça aussi c’était révulsant. Mais cet homme était fou, et Calliope aimait à nouveau trop la vie pour sombrer dans une folie suicidaire. Soumis est l’agneau devant le loup aux babines retroussées. « D’accord » souffle-t-elle d’une voix à demi étouffé. D’accord la Kark ne l’est pas. Décidée à lui obéir au moment voulu non plus. Dans sa tête défile simplement son plan d’évasion, et surtout ses failles alors que la frappe de plein fouet l’aisance avec laquelle Emerson l’a retrouvée alors qu’elle était invisible.

Ils se mirent en chemin avec la même prudence, la même crainte pour Calliope, qui ne s’apaisait toujours pas. Isaac avait dû étudier les plans, car les guidait tous les deux avec une certaine assurance. La jeune femme se cramponnait à sa baguette pour se prémunir autant des attaques de gardiens que de son coéquipier. Ils finirent par arriver vers un hangar, indiqué sur aucun plan, et pas aucun panneau, comme complètement inexistant. Au moins pour les yeux aveugles des moldus. Elle interrogea d’un regard son compagnon de mission, qui d’un signe de la tête lui intima de continuer à avancer. Ils s’approchèrent silencieusement se focalisant sur chaque rai de lumière suspect. Ils étaient arrivés devant l’immense porte, adossée au mur, Calliope attendait qu’on lui donne les ordres. Après tout, il avait été clair, non ? Plus d’initiatives personnelles. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » avait-elle articuler silencieusement. Sa question demeura sans réponse, alors que dans un grincement sonore la porte de fer s’ouvrait sur deux hommes, qui visiblement n’avait même pas remarquer la présence des deux ombres sur le côté. « Ça, c’est de la belle bête ! Il y a pas à dire Storme il a le nez pour ces choses-là ! » « On la dévoile au public quand ? » « La semaine prochai…. HEY ! Mais qu’est-ce que vous faites là ? » La Kark agita souplement son poignet esquissant dans les airs, un sort silencieux, se rappelant que c’était à son tour. Le premier expéliarmus fut une réussite, mais le second rata de peu l’un des sorciers qui s’était jeté par terre. L’homme désarmé prenait les jambes à son coup, tandis que l’autre lui hurlait : « Va sonner l’alerte ! » Calliope se détourna de l’homme toujours armé, jugé celui qui courait plus dangereux et cette fois-ci scanda : « Jacta retis »

Le sort marche-t-il ?
Oui : Le filet lui tombe dessus et le cloue au sol.
Non : Le filet passe à côté, l’homme a eu l’intelligence de courir en zig zag pour éviter les sorts, et file déclencher les alarmes.

Si une vague de satisfaction la balaya alors que son sort atteignait sa cible, Isaac ne lui offrit en retour que du mépris. Visiblement ce n’était pas le genre de comportement qu’il attendait d’elle. Emerson avait désarmé l’homme à terre, brisé sa baguette d’un geste rageur, avant de lui distribuer quelques coups de pieds, puis de lui asséner un petrificus totalus. «J’ai dit que tu devais t’occuper d’eux. Je pensai pourtant m’être fait comprendre, que tu avais vu. Mais visiblement tu as besoin qu’on te rafraichisse la mémoire. On va faire simple, sans baguette. » Il dégaina sous son pantalon un poignard attaché à sa cheville, puis ficha une de ses mains derrière la nuque de Calliope, la forçant à courber l’échine, puis à plier les genoux jusqu’à ce que ces derniers heurtent l’asphalte. Agenouillée devant le gardien, Isaac planant comme un vautour derrière elle.

« C’est là que se trouve le cœur, ma petite colombe » lui avait-il soufflé à l’oreille en lui indiquant de son doigt l’emplacement sur le torse du gardien. Emerson planta dans sa main le manche de l’arme et dut la forcer pour lui faire enserrer le poignard. Sa main tremblait, refusait la lame plus encore l’ordre que le tueur lui donnait. Il raffermit sa prise autant sur elle que sur l’arme, et guida son geste. « Là » répéta-t-il avant de resserrer un peu plus ses doigts sur la main de la Kark. « Appuies…. Maintenant… maintenant. » Ses doigts crispés sur l’armes se refusaient à agir, alors que la pression autant moral que physique d’Emerson se faisait plus forte. Son souffle dans son cou, sa litanie funèbre, et ses mains s’abattant avec toujours plus de puissance sur ses doigts. Noyée dans la confusion, la Poufsouffle, au final ne sut pas qui des deux appuya, si son poignet avait fini par exécuter le geste de lui-même, ou si Isaac avait fini par faire céder ses maigres résistances. Ses mains étaient couvertes de sang, alors que toutes couleurs s’évaporaient de son visage, son cœur battait à la chamade, s’activant comme pour deux.

Avec dégout elle lâcha le poignard, son manche semblait lui brûler la paume. Une violente envie de vomir, lui distordait le ventre, c’est tremblante qu’elle se releva, prise de vertige elle s’adossa contre le mur en ferraille. Isaac lui accorda un regard semblant se délecter autant de la mare de sang sur le bitume, que de la mine déconfite de la Kark. Calliope aurait bien baissé les yeux, mais le sol lui renvoyait sans cesse l’image du cadavre, elle les leva au ciel, psalmodiant mentalement que ce n’était pas sa faute, qu’elle ne l’avait pas voulu, que c’était ce monstre qui l’avait forcé. Sa faute à lui. A lui et à lui seul, elle, elle ne voulait pas, pas à un instant, ce n’était pas elle qui avait planté cette lame, mais lui. Lui et lui seul. «Tu as bien vu comment il fallait faire cette fois-ci… » lâcha-t-il en ramassant le poignard pour en essuyer la lame contre le veston du gardien, il franchit les quelques pas qui les séparaient pour coller la lame propre contre sa joue, et l’y faire glisser sans causer de dommage. «…ma petite colombe. Maintenant il faut recommencer toute seule. » Un simple flirt mortel qui tétanisait une Calliope au bord de l’évanouissement. Se mordant la lèvre inférieure, à la recherche d’une pointe de courage, elle murmura faiblement : « Mais on est pas obligé… On pourrait le garder en vie… le forcer à nous aider… on sait pas comment ramener l’Occamy… il pourrait nous aider… » Réunissant toute la témérité dont elle était capable de faire preuve, elle planta son regard sombre dans celui de dément du tueur, et répéter : « Il pourrait nous aider… »

Spoiler:

« Non. On n’a pas besoin d’eux. On est dans un zoo ma petite colombe, les animaux les plus dangereux sont dans des cages. » Un sourire sadique éclaira son visage de dément, alors qu’il ajouta : « Enfin… La plus part du temps. Allons ma petite colombe, ne m’oblige pas à te le répéter. Je ne sais pas demander gentiment, ni supplier. » Calliope crut bien qu’elle allait fondre en larme lorsqu’il lui replaça le poignard dans les mains. Mais la seule idée que ce signe de faiblesse puisse exciter le tueur lui fit ravaler ses sanglots. Est-ce qu’elle pouvait encore fuir ? Son plan d’évasion lui paraissait loin, et tortueux. Est-ce qu’elle arriverait seulement à courir alors qu’aligner un pied devant l’autre lui donnait l’impression de se préparer pour un tête-à-tête avec la faucheuse. La Kark avançait tout de même vers le corps emprisonné du gardien. C’est lui ou moi se répétait-elle sans cesse. La sorcière tentait même d’imaginer une vie à sa victime, exit la femme et les enfants, non c’était sous le signe du phénix qu’était placé sa vie. Elle se le figurait méchant et brutal, terroriste jusqu’au bout des ongles, frayant avec des moldus et engendrant d’ignobles bâtards sang-mêlés. L’homme à terre qui implorait le visage distordu par la peur, n’était plus qu’un tueur sanguinaire, un cruel assassin de sang-purs, elle se persuada que cet homme avait participé à la destruction de son manoir, à la mort de Philippin. Qu’il l’avait tué, que son nom était Zahid et que ce soir sonnerait le glas de la vengeance.

Calliope sentait sombrer, glisser de son fin équilibre pour basculer dans les nimbes de la folie. Son bras tremblant se leva, prêt à abattre son poignard sur la cage thoracique de l’homme. Plus l’impact approchait et plus les douces illusions de la Kark s’amenuisaient, et l’homme revêtait son caractère humain. A côté, Isaac avec entamé un décompte mortel. « 1…2…3…. » Sa lame s’abaissa d’un niveau, alors que ses paupières se sont clos. « 4…5….6…. » C’est le corps ensanglanté de Philippin qu’elle cherche à revoir, c’est la maestria destructrice de ce soir-là, qu’elle tente d’invoquer. « 7 » le temps semble comme suspendu. « 8 » Et tout s’accèlère, son bras s’abat…« 9 » touche et…


«Finalement, on va faire autre chose. » La lame s’enfonce à peine dans le torse n’y traçant qu’un léger sillon ensanglanté. Cette fois-ci Calliope craque, son corps entier est parcouru de frisson, même ses lèvres tressautent. C’est la torture. Il la fait se relever, puis comme une marionnette lui fait brandir sa baguette. «Il faut varier les plaisir… Un petit avada…tu verras c’est tout aussi drôle… » Elle n’avait jamais réussi à en lancer, et ça pas besoin de l’avouer car déjà son premier essai tremblant échouait lamentablement. Le second et le troisième ne furent pas plus brillants. Et encore une fois, Isaac dut la guider, lui arrachant des frissons de dégouts. Puis l’éclair vient, s’échappant de sa baguette, mais aussi d’elle, Calliope avait l’effroyable sensation qu’on lui arrachait une partie d’elle.

A ces considérations émotionnelles s'ajoutaient d'autres matérielles. Qu'est-ce qu'ils allaient faire des corps ? On allait tout de même pas les laisser en plein milieu du passage comme ça. Isaac dut penser à la même chose, car déjà il proposait de jeter les quatre cadavres dans la fosse aux lions à leur retour.

«Bon allez, au boulot ! On n’a une mission à remplir, tu l’as déjà oublié ma petite colombe ? » L’absurdité de la réplique lui arracha un rire nerveux, un rire de quasi démente qui mariait bien mal avec les larmes qui roulaient toujours le long de ses joues. C’était lui qui ralentissait tout, lui qui ne faisait pas preuve de discrétion, lui qui se souciait davantage de la trainée sanglante qui suivait ses pas que de l’occamy qu’ils avaient à récupérer. Cramponnée à sa baguette, Calliope tentait de reprendre ses esprits, la confusion régnait en maîtresse, alors que se confondait peur, tristesse, et colère. Dans toute cette effervescence de sentiments, la Kark aurait aimé se fixer un seul et unique la colère, mais même lorsqu’elle faisait un effort, dans une dualité pathétique c’était toujours l’angoisse et les pleurs qui primaient.

De retour devant le hangar, le cadavre aux révulsés semblaient ne pas la quitter des yeux. Si elle avait eu une once de courage sans doute la Poufsouffle aurait tenté de clore ses paupières. Mais non, elle se contenta de frémir pour la millième fois aujourd’hui et de s’engouffrer dans le vaste hangar. Si protection magique il y avait eu, elles n’étaient plus en marche. «Nos deux macchabés ont dû se faire surprendre avant de pouvoir remettre en place leur système de sécurité… » C’est vrai qu’il y avait de quoi s’en réjouir ! Et pourquoi pas Sortir le chapeau Pointu et aller se prendre un ver dans un bar chicos pour fêter ça ? Ce type était complètement fou, et surtout vénéneux, son aura était comme un poison nocif s’infiltrant dans son esprit. Qu’on en finisse et vite. L’occamy occupait la cage la plus imposante, il n’était pas bien compliquer de le repérer. Restait à savoir comment ils allaient ramener ça au Q.G. Le miniaturiser semblait être la solution. D’autres bêtes peuplaient des cages plus petites et s’agitaient, l’odeur du sang avait sans doute éveillé leurs sens, il régnait une clameur animale dans le hangar impropre à la réflexion.

« On peut toujours utiliser un Redactum , non ? » Isaac acquiesça d’un signe de la tête. Visiblement, lui était déçue que la mission s’achève si vite. Mais ça ne l’empêcha pas de lancer le sort sur l’Occamy. Le bougre était affreusement habile avec ses sorts, et la créature n’avait désormais plus que la taille d’une main. C’était bien cette maestria technique qui faisait toujours redouter le pire à Calliope. Perdue dans ses pensées, la Kark ne vit pas l’occamy profiter de l’inattention des sorciers pour se faufiler en dehors de sa cage devenu bien trop grande pour lui. Le curieux hybrides couraient désormais partout sur ses petites pattes «MERDE ! MERDE ! MERDE ! AIDE MOI A L’ATTRAPER AVANT QUE CE PUTAIN DE TRUC NE…. BORDEL ! » Le putain de truc en question venait de s’envoler, et se dirigeait droit sur la sortie. Calliope d’un mouvement de baguette fit claquer la vaste porte encore entrouverte. Elle crut bien que l’occamy allait foncer droit dessus et s’assommer, mais le volatile piqua vers le plafond au dernier moment. Les sorts fusaient désormais, ratant à chaque fois leur cible, la Kark se contentait de petrificus totalus, et de stupéfix pour garder intact l’animal, lâchant en Fourchelang quelques « Petit petit… » pour attirer l’attention de l’Occamy à demi-serpent. Mais les réponses qu’elle eut en retour émanèrent d’un large vivarium peuplé de serpents. Les sorts d’Emerson, eux, gagnaient en force et en intensité, si bien, qu’un des sorts perdus du fugitif brisa avec violence une des cages du hangar, et en moins de trente secondes une tripoté de gnome de jardin, sans doute utilisé pour nourrir les plus grosses créatures, se déversaient dans le hangar, ne manquant pas de les gêner encore plus. Trois d’entre eux se cramponnaient aux jambes de Calliope, l’un d’eux planta ses petites dents dans son mollet. Isaac lui se débattaient avec ses propres démons. La Kark tentait bien de les repousser avec des sorts, mais quand un était expulsé deux autres lui tombaient dessus. Pire encore la Poufsouffle ne cessait de penser à l’occamy qui s’ils attendaient trop longtemps allaient reprendre sa taille normale hors de sa cage. Dans une sursaut de panique la sang-pure explosa la vitre du vivarium pour libérer les serpents et leur intimer : « Tuez ces gnomes ! Tuez-les tous et… » le sorcier aussi. Même en fourchelang, Calliope n’osait proférer cet ordre, elle avait la sensation qu’Isaac finirait par le savoir, et que c’est elle qui payerait le prix fort. Les serpents se débattaient comme ils pouvaient, mais au moins les gnomes s’intéressaient nettement moins aux sorciers. La Kark elle n’en était pas pour autant moins perturber, les sifflements formaient une cohue incroyable, et les râles d’agonie des reptiles lui déchiraient le cœur.

Finalement c’est Isaac en bon duelliste qui toucha de plein fouet l’occamy avec un doloris, déséquilibré par la douleur la créature chuta, et la Poufsouffle se précipita en avant pour le réceptionner dans ses paumes l’animal. Entre temps le psychopathe avait réduit la cage de l’occamy, et Calliope n’eut plus qu’à glisser l’hybride dedans. «Quelle belle équipe nous formons ! » Son sourire la crispa, le flux d’adrénaline lui avait presque fait oublier à quel point cet homme la terrifiait. Dans cette dernière remarque il n’y avait que du vice. Ils sortirent à la hate, laissant les serpents et les gnomes se propager dans le zoo, quant aux cadavres ils n’avaient plus le temps de s’en soucier. Les deux ombres devaient se dépêcher de regagner le Q.G et de confier l’occamy aux spécialistes avant qu’ils ne reprennent sa taille normale. Ils passèrent les portes du zoo, en faisant sonner les alarmes et en ravivant les dispositifs de sécurité, seule la promptitude d’Isaac les empêchèrent de rester bloquer, et une fois passer les barrières magiques ils n’eurent plus qu’à transplaner. Au Q.G trois hommes prirent le relais se chargeant de la bête, voir des bêtes, car Emerson s’entretenait avec l’un d’eux, laissant à Calliope le temps de fuir.

Epuisée physique et moralement, elle regagnait la porte d’entrée quand sur le même ton pervers goguenard qui le caractérisait le tueur lâcha : «On se revoit bientôt ma douce petite colombe… » Dans un frisson, la Kark transplana le plus possible d’Isaac et de tout ce qui pourrait lui rappeler cette infâme soirée.

Mission terminée

NB/ Le sort utilisé est évoqué dans cet article de wikia hp.