It's 20 seconds since I left you
And I remember why I never looked back
I got no reason to forgive you
I see it in your eyes
The suffering it hides the blue
But I know that it's never gonna hide the truth



~~ Blood, tears and gold ~~


La semaine avait été plutôt calme à la taverne familiale. Et pour Leo c’était tant mieux parce qu’il devait penser à sa mission avec Zahid : moins il y avait de personnes présentes, mieux c’était. De plus, depuis l’attaque du Ministère, il faisait un peu tout et n’importe quoi. Et pour couronner le tout, l’ambiance n’était pas au beau fixe avec Zahid. Ils s’étaient disputés, engueulés. Jamais ils n'avaient eu de telles disputes.

C’était perturbant pour Leo qui espérait à présent que leur relation recommence comme avant. Comme s’il n’y avait pas eu de coup d’état, comme si rien de tout cela ne s’était passé. Mais il se plantait complètement. Plus il essayait de ne pas y penser, de faire comme s’il n’avait jamais croisé la route de Nathaniel Hansen, plus il y pensait. C’était comme si le nom de l’infirmier s’était imprimé avec un fer rouge dans sa tête. Il n’arrivait pas à l’oublier et même si selon le Poufsouffle, ce dernier était de la mauvaise graine, quelqu’un de dangereux, il ne pouvait s’empêcher de penser le contraire. Si Zahid était de nature pessimiste, Leo était profondément optimiste et s’obstinait à croire qu’il y avait un homme bon dans cet Hansen qui d’apparence semblait froid et intouchable. Nathaniel n'avait pas toujours été ainsi à ses côtés. Lors de leur séjour en Irlande, il n’avait pas été que cet ensemble d’adjectif peu glorieux.

Passant machinalement la main sur son bras blessé, le serveur se dirigea tel un automate vers les tables des clients qui lui avaient fait signe quelques instants plutôt. Leo secoua la tête. Il se cherchait des excuses, encore. Il y pensait, encore et encore. Merde. En plus il venait de se tromper dans les commandes. Oh, un jus de citrouille à la place du Wisky Pur Feu, ce n’était pas dramatique hein ! Ce n’était pas comme si cela lui arrivait souvent. Leo soupira en retournant au bar. Si, cette semaine il avait été ailleurs pendant tous ses services. A chaque fois. Il n’était pas déprimé, non. Il avait juste moins d’entrain que d’habitude et cela se voyait. Grâce au Reparo, il n’y eut pas trop de casse. Son inattention et manque de volonté certain cette semaine s’étaient souvent traduits en accidents stupides et cassure de vaisselle. Il avait été lamentable, il fallait qu’il se reprenne.

C’était facile à dire. Enfin ... Dans deux jours il partirait à New-York pour obtenir des informations sur la deuxième épouse de Mervyn Kark. Cela lui changerait peut-être les idées. La mission était très importante et il ne faudrait pas qu’il passe son temps à se vider l’esprit qu’à tenter d’obtenir des réponses satisfaisantes mais il fallait qu’il se détende un minimum autrement il allait tout envoyer balader.

Ian. Il avait presque envie de lui envoyer un hibou lui demandant gentiment, avec empressement, de venir le rejoindre au trois balais. Pas certain que le brun lui obéisse mais il en avait diablement envie. Il senti son bras trembler et du se tenir fermement au plan de travail du bar pour faire cesser les tremblements. « Merde ! », jura l'irlandais en fermant les yeux. Foutu Kark, foutu Hansen, foutus Ombres. Il fallait qu’ils trouvent de quoi trainer Mervyn Kark dans la boue. Quelque chose qui le lierait aux meurtres de ses défuntes épouses. Ainsi ses électeurs n’auraient peut-être plus foi en leur leader. Qu’ils aient confiance en un leader qui prônait des idées aussi extrémistes le rendait déjà plus que perplexe, alors ... si vraiment Mervyn Kark était la cause de la mort de ces femmes. Les familles Sang-Pures voteraient-elles toujours pour Mervyn Kark s’il avait un lien quelconque avec ces trois morts ? Il espérait le contraire mais en doutait. Leur Premier Ministre était doué en entourloupes. D’une façon ou d’une autre, il récupérerait ses électeurs. Mais il fallait tenter.

Lorsqu’il entendit des clients l’appeler il grogna tout d’abord avant de se lever plus par obligation que par envie. Leo aimait son métier, vraiment. Mais là c’était tout à fait différent. Il posa un regard circulaire pour voir un peu le monde qu’il y avait ce soir et resta figé lorsqu’il l’aperçu. C’était une blague ?! Il ne pouvait pas être présent. Ce n’était pas lui. Les cheveux un peu plus court, l’air moins froid, les yeux plus taquins, il avait demandé que Ian vienne, pas Nathaniel Hansen. Lui, il voulait tout simplement l’oublier, ou du moins tenter. Et ce n’était pas en débarquant à la taverne qu’il allait pouvoir faire l’impensable. Après cet instant de stupeur, plusieurs questions défilèrent dans sa tête dont celle : « Était-il présent depuis longtemps ? » Non¸ non. Surement pas. Et puis il avait des dossiers, non, il n’avait pas du perdre son temps à observer ses réactions quelques instants plutôt.

Agacé comme perturbé par la visite impromptue de l’ancien infirmier de Poudlard, Leo se dirigea vers les clients qui l’avaient précédemment appelé et qui s’impatientaient clairement. Leo tiqua quand ils lui demandaient d’un ton un peu bourru ce qu’ils désiraient boire. « La patience est une vertu. », eut-il envie de leur balancer mais non, non, il n’avait pas réellement envie que cela tourne au vinaigre. Et, clairement, s’il y avait baston, c’était lui qui se prendrait les poings dans la gueule et pas l’inverse.

Il irait voir Nathaniel Hansen après … ou pas. Il allait avoir besoin de tout son self contrôle avant de lui parler et de faire comme si rien ne s’était passé, comme si il ne ressentait rien pour cet homme. Deux nuits auparavant il avait rêvé d’Hansen. Rêve qui n’avait fait que briser, encore un peu plus, ce faible mur anti-Hansen qu'il s'était forcé de bâtir dans sa tête. Rêve qu’il ne révèlerait à personne même sous la torture plus dure soit-elle. Fit de ces dernières réflexions qui ne lui donnerait que le droit de se faire enfermer si elles venaient à tomber dans de mains intransigeantes telles que celles de Zahid, Leo tenta de se confectionner un mur pour ne plus se laisser atteindre par l’ancien Serpentard vers qui il se dirigeait.

« Envie de quelque chose en particulier ? »

Pas de tu, pas de vous, pas de formule de politesse quelconque. Rester neutre, le plus neutre possible. Peut-être y arriverait-il. Hansen n’était qu’un client comme les autres après tout…

Les jours raccourcissaient, et ce d'une manière étrange. C'était une conclusion qui s'était imposée à Nathaniel ce soir-là, en quittant le Ministère de la Magie. Le mois de Septembre était déjà bien avancé, et oui, les jours étaient de plus en plus courts, comme chaque année. Mais ce soir particulièrement, il faisait plus sombre. La nuit était tombée plus tôt, ou bien était-ce les nuages noirs qui s'amoncellaient au dessus des toits londonniens? Peu importe, Nathaniel avait quelque chose à faire avant de rentrer. Quelque chose de personnel, assez délicat à traiter. Même lui, qui avait pourtant l'habitude de toujours tout planifier à l'avance, pour ne jamais être pris au dépourvu par la situation, ne savait absolument pas comment ça allait se passer.

Sans attendre, il transplana de l'Atrium, avec un dernier regard pour la statue monumentale érigée en l'honneur du Lord, il y a quelques années. Elle n'avait pas subi de dommages pendant la prise de pouvoir des Ombres, ou plutôt, les réparations par rapport au choix stupide du peuple sorcier. Tout s'était bien passé, d'ailleurs. Les changements à la tête du Ministère s'étaient faits en douceur. Malheureusement, la politique de Mervyn n'avait pas encore porté ses fruits : il leur faudrait encore un peu de temps. Pour l'instant, les mutations s'étaient principalement faites dans les hautes sphères du Ministère. Nathaniel ayant été renvoyé, il avait été promu professeur à l'Ecole des Ombres, une école élitiste qui remplacerait Poudlard, actuellement encombrée et occupée par des Modérés qui s'y croyaient en sûreté. L'ancien infirmier dispensait donc des cours de potions aux élèves Ombres, principalement des descendants des familles Pures les plus prestigieuses d'Angleterre. Mais avant tout, il restait Médicomage. Mervyn et les autres Ministres avaient souvent recours à ses services, et il était officiellement Médicomage du Ministère la plupart du temps.

Il n'avait pas réussi à l'annoncer à Hudson. Il savait qu'elle était de l'Ordre, il n'y avait aucun doute. Et lui dire qu'il avait eu une promotion non-négligeable, que Mervyn faisait de plus en plus appel à lui et à ses compétences... Il n'y était pas parvenu. Elle savait qu'il travaillait au Ministère, mais ils n'avaient pas encore véritablement parlé de tout ça. Il faudrait bien, pourtant. Un jour. Pas ce soir, en tous cas. Ni demain. Cette manie qu'il avait de toujours reporter les tâches désagréables au lendemain commençait à peser sur sa conscience, mais il n'en avait que faire. Pas ce soir, il avait d'autres choses à penser. Il voulait savoir.

Plop. Pré-au-Lard, rue commerçante. Nathaniel jeta un regard circulaire autour de lui ; l'ambiance lui paraissait plus lourde, ici aussi. Ce climat de tension permanente était sans doute dûe à ce qu'il avait l'habitude de voir, quelques détails qui ne le trompaient pas au milieu de mères qui faisaient du shopping avec leurs filles, de jeunes amoureux qui flânaient devant les vitrines. Ce sorcier d'âge mur, par exemple, qui venait de lui jetter un regard anxieux et de resserrer ses bras autour de lui d'un geste auto-protecteur. D'ailleurs, on le regardait furtivement, comme s'il était quelqu'un à craindre. Le médicomage comprit rapidement pourquoi en observant son reflet dans la vitrine qui lui faisait face : il avait toujours son uniforme du Ministère, avec son badge de médicomage bien en évidence. Il esquissa un sourire. De cette manière, il ne passait pas inapercu, et personne ne prenait le risque de l'aborder. Cependant, ce n'était pas la manière la plus discrète de se rendre aux Trois Balais. Il faudrait qu'il se change lorsqu'il arriverait. Par pudeur, il n'aimait pas se lancer de sortilège vestimentaire en public. Il attendrait d'être à l'intérieur, se dit-il en se mettant en marche.

La taverne n'était pas loin, et l'ancien infirmier de Poudlard y fut en quelques minutes. Il poussa doucement la porte d'entrée et, comme à son habitude, évalua les lieux d'un coup d'oeil. Il apercut rapidement Leo, facilement reconnaissable à travers les tables. Nathaniel l'observa pendant quelques secondes. Il n'avait pas l'air bien. Le médicomage fronça les sourcils en le voyant jurer en se tenant le bras, près du bar. Non, il ne paraissait pas du tout aller bien. Il eut un moment d'hésitation ; ce ne devait pas être le bon moment pour lui dire ce qu'il avait à lui dire. Il repasserait. Il pouvait encore repasser, non? Après tout, Leo ne l'avait pas encore vu. A ce moment précis, son ancien patient – quoi que, ancien? -- se retourna vers lui et croisa son regard.

Décidément...

Non, en plus, cela ne servirait à rien de remettre tout ça à plus tard. Cette conversation ne se passera pas forcément très bien, mais au moins, tout sera au clair. Car Nathaniel voulait en savoir plus. Il devait savoir pourquoi Leo était au Ministère, pourquoi il avait choisi de les poursuivre, comme ça. Pourquoi lui? Il aurait pu choisir de s'enfuir, comme tout le monde. Il aurait pu choisir de rester à se battre dans l'Atrium. Mais non. Il a fallu qu'il les suive, Miranda et lui. Pourquoi? Sa réaction était tout à fait illogique, et le fait qu'il s'en prenne uniquement à la jeune Mangemorte qui l'accompagnait n'améliorait pas les choses : s'il ne voulait pas le blesser, s'il ne voulait pas le combattre, pourquoi, par Merlin, avait-il été à cet endroit, à ce moment? Nathaniel pensait que c'était clair, entre eux : qu'ils ne se mettent pas de bâtons dans les roues, qu'ils vivent chacun de leur côté, sans plus se préoccuper que ça de l'autre. En Irlande, il avait eu le sentiment que Leo ne le haïssait pas, bien au contraire – il s'était peut-être trompé. Mais ça n'expliquait rien. En bref, tout ça était flou dans sa tête, il avait besoin, véritablement besoin se mettre tout cela au clair.

Nathaniel alla tranquillement s'assoir à une table inoccupée, et regardait autour de lui en attendant que le serveur si intriguant vienne prendre sa commande. Cela ne tarda pas – ou bien était-ce parce qu'il était plongé dans ses pensées?

« Envie de quelque chose en particulier? »

Le Serpentard sourit et leva la tête, croisa pour la seconde fois le regard bleu de l'objet de ses interrogations. Il resta silencieux pendant un moment, et finit par ouvrir la bouche. Il resta là, pendant quelques secondes, à ne pas savoir comment exprimer sa requête, puis se décida finalement. « Bonjour Leo. J'ai bien envie d'un whisky pur feu. Et... De quelques réponses, aussi. Possible? » ajouta-t-il en levant un sourcil. Il scrutait le visage de Leo, en quête d'indices. Rien n'est plus explicite qu'un visage, surtout lorsqu'on ne sait pas réellement maitriser ses émotions. Et c'était précisement le cas du jeune serveur. Il se détourna bien assez vite de sa table pour aller prendre sa commande sans répondre. Nathaniel le regarda se servir et revenir vers sa table, et se leva au moment ou le serveur déposait son verre devant lui. Sans un mot, il lui fit signe de le suivre et se dirigea vers les toilettes, qu'il avait repérés dès son entrée. Il fallait qu'il se change, de toute manière. Autant parler dans un endroit un peu moins exposé.

La seule pensée qui lui effleura l’esprit lorsqu’il senti l’infirmer l’observer fut qu’il n’y arriverait pas. Que venait-il faire ici bon sang ? Que croyait-il faire en débarquant habillé ainsi ? Voulait-il faire peur à toutes les personnes présentes ? Que cherchait-il merde. Si c’était pour avoir un feelback pour ce qu’il s’était passé au Ministère, il pouvait tout aussi bien repartir.

« Leo, j’ai bien envie d’un Whisky Pure Feu. », commença l’ancien Serpentard. Ca il pouvait le lui donner. Mais le serveur se tendit à la suite de sa phrase. « Et de quelques réponses aussi. »

Là, il pouvait se les brosser.

Leo lui tourna le dos comme s’il n’avait rien entendu pour aller lui chercher sa boisson. Il n’avait pas envie d’aborder le sujet du Ministère, pas aujourd’hui. Lorsqu’il retourna à la table, Leo se demanda sérieusement si Nathaniel n’avait pas fait exprès de s’habiller ainsi. Personne ne se devait de désobéir à un membre du Ministère sous peine de représailles. Lorsque l’irlandais posa sa boisson sur la table, Hansen s’était déjà levé et l’intimait de le suivre. Le jeune homme resta interdit quand l’ancien infirmier de Poudlard se dirigea vers les toilettes. Il n’était pas sérieux ! Ils avaient une arrière salle pour ce genre de discussion, vous savez, celle ou l’on range les arrivées de marchandises !

Faisant un détour par le bar pour récupérer sa baguette, Leo le suivit quelques dixièmes de secondes plus tard. Il n'avait pas réellement le choix. Il pouvait toujours le laisser dans les toilettes pour une durée indéterminée mais la "discussion" serait bien pire après.Serrant les poings de frustration, l'irlandais se dirigea vers la maudite porte.

« Silencedam. », murmura t-il pour insonoriser la pièce. Il ne savait pas si son interlocuteur l’avait déjà fait mais il valait mieux d’être prudent. Il n’avait pas envie qu’une tierce personne n’entende leur « conversation ». Leo écarquilla les yeux lorsque Nathaniel retira sa cape mauve Quelqu’un pouvait-il lui dire ce qu’il avait l’intention de faire ? Il n’allait pas se changer, pas maintenant sous ses yeux ? Détournant le regard pour le fixer vers le mur non recouvert d’un miroir, L’ancien Serdaigle grogna. « C’est bon t’as fini ? » Si c’était une tactique de déstabilisation, l’enfoiré avait réussi.

Au bout d’un moment qu’il jugea suffisant, Leo se retourna. « Qu’est-ce que tu veux savoir Hansen ? Tu veux que je te fasse un rapport comme au Ministère ? Tu peux te garder ou je pense. Je ne savais pas qu’il me fallait passer par toi avant de décider quoique ce soit. J’dois avoir ton approbation maintenant ? », lui balança t-il d’une traite. Maintenant qu’il était au Ministère, il se donnait un air important, ce qui ne faisait qu’énerver Leo d’avantage. Le nouvel employé du Ministère croisa les bras, sur de lui. Il avait l’air tellement sur qu’il allait obtenir ce qu’il voulait. Ce n’était pas le moment de baisser les yeux, de lui donner raison. Contrairement à ce qu’il aurait probablement fait d’habitude, Leo affronta Hansen du regard. « Qu’est-ce que t’attend ? J’ai pas tout mon temps, contrairement à d’autres.

Nathaniel vit Leo refermer la porte derrière lui. Peu importe, il comptait se changer. Passer un peu plus inaperçu. Travailler au Ministère était une fonction respectable, plus que respectable, même, puisque dorénavant le Ministre de la Magie était Mervyn Kark, le leader de l'Ombre. Leur leader. Mais cela avait comme conséquence le fait que porter la tenue ministérielle n'aidait pas à passer inaperçu lorsque l'on faisait des visites qui relevaient plus du domaine personnel. Le médicomage entendit clairement un sort de silence s'échapper des lèvres de Leo, tandis qu'il se détournait pour déboutonner sa veste et se lançer un sort informulé d'habillage. Il revêtait dorénavant une tenue noire, simple, classique : chemise blanche, pantalon noir et robe de sorcier de la même couleur en lin lunaire, qui recouvrait le tout. Le sorcier s'amusa de la réaction de son ancien patient. Il détournait le regard, grommelant un « C'est bon, t'as fini ? » qui le fit rire, pendant quelques fractions de secondes. Au fond de lui, il était tendu. Il savait, rien qu'en voyant Leo, il savait que le jeune barman ne voulait pas le voir, ne voulait toujours rien avoir à faire avec lui.

Impression qui se confirma dès que le jeune homme eut pris la parole, ne laissant aucun répit à Nathaniel qui ne put qu'encaisser les attaques de Leo sans rien dire. Il avait envie de le calmer, mais il commençait à savoir comment prendre le jeune Serdaigle. Répliquer était la pire des choses à faire. Il ferma les yeux un instant, et le silence de la pièce lui parut assourdissant. Leo ne parlait plus, se contentait de le fixer sans rien dire. Il avait vidé son sac, ça s'en ressentait. Nathaniel avait-il été touché par les mots de son interlocuteur ? Pas réellement. Il savait que son ancien patient ne l'aimait pas, ou du moins souhaitait ne pas l'aimer. Depuis la confrontation du Ministère, il le savait de l'Ordre. Quel mauvais choix. Bien sur, ils offraient une utopie, quelque chose à quoi se raccrocher pour les sang-mêlés qui ne savaient pas vers qui se tourner... Mais c'était comme ça que l'Ordre fonctionnait : ils rattrapaient tous les laissés-pour-compte et leur vantaient les mérites de l'espoir d'une vie meilleure. Foutaises. Il ne tenait qu'à eux de faire des efforts pour arriver à s'inscrire dans l'histoire de la société en place. Et ça, Leo ne le comprenait pas. Il pourrait vivre en paix, s'il se faisait oublier. S'il n'était pas dans cette organisation, s'il n'agissait pas. Nathaniel fixait Leo, les traits insensibles. Plongé dans sa réflexion, il finit par croiser les bras, un réflexe qu'il pouvait avoir lorsqu'il réfléchissait. Il sursauta légèrement lorsque la voix de Leo se fit entendre, plus sèche encore qu'auparavant. « Qu'est-ce que t'attends ? J'ai pas tout mon temps, contrairement à d'autres. »

Soupir. Nathaniel lui lança un regard froid. Ca serait tellement plus simple s'il se calmait, et arrêtait d'être sur la défensive, comme ça. Ca en devenait presque lassant ; comme si la seule chose possible pour le stopper dans sa tirade d'anti-Hansen était les sortilèges. Visiblement, il voulait ne pas l'aimer, et tentait de lui faire sentir qu'il n'était pas le bienvenu sur son lieu de travail. L'infirmier décida de passer outre ce dernier détail : s'il commençait à tenir compte de son avis, il n'y arriverait jamais. Il décroisa ses bras, s'appuya au rebord des lavabos, dos au miroir, et laissa son regard dériver sur le bras du jeune homme.

« Et sinon, comment va ton bras ? » S'il lui disait qu'il avait quelque chose qui pourrait le soulager, cela améliorerait-il son humeur ? Le regard interloqué de Leo répondit pour lui : surprise. Bien sur, c'était impossible de savoir, avec lui. La fiole qu'il avait prise au Ministère cet après-midi avait autant de chances d'être éclatée par terre par un Leo furieux que Nathaniel d'être chaleureusement remercié par un Leo subitement calmé. Il attendrait un peu.

La réplique du Serpentard le coupa dans son élan. Que pouvait-il répondre à cela ? Il n’avait pas de réponse. Il ne savait pas. En fait si, il savait très bien. Son bras ne lui servait plus à grand-chose ses derniers temps. D’un geste devenu machinal, l’irlandais tira sur la manche du bras en question. Il n’aimait pas aborder ce sujet qui lui apportait son lot de soucis quotidien. Ne sachant que répondre à la question d’Hansen, le serveur haussa les épaules. Geste qui voulait à la fois tout et ne rien dire.

La colère qui l’avait enveloppé il y a quelques instants laissa place à un mélange d’impuissance et de frustration. Là, maintenant, il n’avait qu’une envie : que Nathaniel lui pose ses questions et le laisse tranquille. Pourquoi fallait-il que l’ancien Serpentard obtienne toujours ce qu’il voulait, ce n’était pas juste. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Tout irait mieux après. Il ferait comme si la présence du blond ne le perturbait pas, comme s’il n’était jamais venu. Après tout qu’il soit présent ou non ne changeait rien pour lui.

Rien du tout. Nathaniel Hansen ne l’affectait. Pas du tout.

Son regard se dirigea vers la personne qui envahissait ses pensées dans les moments les plus improbables. Dire que Nathaniel ne le perturbait pas en cet instant était un mensonge qu’il n’assumait qu’à moitié. Qu’avait-il à changer de tactique d’approche à chaque fois qu’il avait eu le malheur de croiser son chemin ? Ne pouvait-il pas comprendre qu’il voulait qu’il le laisse tranquille, en paix. Nathaniel n’était pas intéressé, parfait. C’était dommage et il tentait de tirer un trait mais ce n’était pas en venant sur son lieu de travail qu’il y parviendrait. C’était même totalement le contraire. D’un autre côté il n’avait pas réellement essayé de mettre le cas Hansen dans un trou six pieds sous terre pour ne plus y penser.

Leo s’interrogeait. Pourquoi ne lui posait-il pas ses questions ? Pourquoi faisait-il semblant de s’inquiéter pour son bras alors qu’il n’en n’avait pas grand-chose à faire. L’irlandais soupira, lassé de cette situation qui ne lui causait que des problèmes. L’employé du Ministère n’avait pourtant rien fait pour qu’il ressente cette attirance particulière pour le jeune homme. Seule sa présence suffisait.

« Mal. », lui répondit-il sincèrement. Cela ne servirait à rien de mentir ni même de se mentir à soi-même. « Mais ce n’est pas pour parler de mon bras que tu es là. », lui fit-il doucement. Il n’y avait aucune animosité dans le ton de sa voix. C’était juste les faits. Cela ne servirait à rien de tourner autour du pot pendant une heure. Nathaniel voulait ses réponses, il allait les avoir. « Pourquoi l’Ordre ? Parce que j’aurais été suicidaire de choisir n’importe quelle faction et puis mes convictions politiques ne regardent que moi. Et pour ce qui est du Ministère, je n’ai pas spécialement cherché à te poursuivre. Je suivais mes ordres comme tu suivais les tiens. »

Personne ne disait non à un Ordre de Metelli et toutes les personnes ayant dis non à Karkus ne devaient plus faire partie de ce monde.

Le silence entre commençait à s'éterniser. Nathaniel regardait Leo, qui le regardait lui aussi, et ils restaient là, à réfléchir sur l'autre, l'ex-infirmier s'interrogeait sur ce que pensait le jeune barman, ce qu'il ressentait, et pourquoi il était ici. Le médicomage commençait à se dire que c'était perdu d'avance. Les traits de Leo étaient tendus, sa mâchoire serrée. L'effet de surprise dû à sa question passé, le jeune barman s'était refermé sur lui-même, comme s'il ne voulait pas que Nathaniel sache à quoi il pensait. Non, il se contentait de le fusiller du regard. Rien de bien encourageant, en somme. L'ancien Serpentard ne laissait rien paraître, mais ce manque de confiance évident, ne serait-ce que pour une question banale que celle-ci, qui pouvait paraître tout à fait normale, surtout venant de celui qui lui avait administré les premiers soins, cela le touchait. Non, Leo ne voulait pas le voir, il avait compris. Pouvait-on passer à autre chose ? Il n'aurait pas dû venir...

A ce moment-là, Leo se contenta de tirer sur sa manche d'un air gêné, puis haussa les épaules. Nathaniel sut instantanément que ça n'allait pas du tout. Il le savait déjà. Il avait vu Leo s'accrocher au bar alors que son bras le trahissait. Il avait vu son regard fermé à ce moment-là, comme s'il se haïssait d'être faible. Nathaniel ne devrait pas s'occuper de ça, il devrait passer à autre chose, lui demander directement ce qu'il voulait savoir, mais son métier de Médicomage se ressentait dans ses réactions, il n'arrivait pas à passer outre. Une part de lui souhaitait le soigner, le faire se sentir mieux. Il en avait les moyens, pourquoi ne pas le faire, là, maintenant ? Les questions... Sans doute, oui, c'est vrai, c'était important pour lui, il fallait qu'il sache. Non pas pour l'Ombre, mais pour lui. Pour qu'il sache comment ça avait pu en arriver là. Pourquoi Leo avait-il fini par être blessé ? Il y avait tout un ensemble de circonstances qui faisait que, et Nathaniel aurait voulu les savoir. Alors il regardait le bras de Leo fixement, essayant d'évaluer l'étendue des dégâts. Et Leo lui répondit, enfin. Il n'y avait plus aucune forme de colère dans sa voix, seulement de la lassitude. Le médicomage releva les yeux au moment ou le barman énonçait un fait. Oui, il était là pour les questions. Et Nathaniel le fixait intensément, toute trace de froideur disparue dans son regard. Il y avait une profondeur, une justesse dans sa voix, et ce changement brutal dans son expression, comme si son ancien patient s'était finalement complètement rendu. Et en effet, ce fut le cas. Sans un mot, l'expression grave, l'ancien Serpentard écouta les paroles de Leo. Celui-ci fixait un point derrière lui, comme s'il avait conscience de n'être qu'un pantin, de ne faire qu'obéir aux ordres. Il a raison... Peu importe leurs factions, il ne faisaient tous qu'obéir aux ordres. Mais ça ne justifiait pas tout. Ils obéissaient aux ordres parce qu'ils croyaient en leurs objectifs. Mais ces dits-objectifs étaient différents. C'était là tout le problème. Le médicomage sortit sa baguette, provoquant un mouvement de recul de la part de Leo qui sembla comme au sortir d'une transe. Il le regardait avec méfiance, à nouveau, et le regard de Nathaniel se fit plus froid, par réflexe, presque à regrets. A chaque fois qu'il avait l'impression d'avoir réussi à franchir une étape avec Leo, pourquoi fallait-il que, dans les minutes, voire les secondes qui suivaient, tout se casse la gueule ? Nathaniel s'avança vers le jeune barman, attrapa sa main et sans un mot releva doucement, presque précautionneusement la manche qui couvrait les traces de brûlure du bras du jeune homme. Il souffla quelques mots à l'attention de Leo, qui exprimaient ses impressions. Mieux valait être franc, de toute manière cela ne changerait rien. Et Leo le savait déjà.

« Mauvais... Bien soigné, mais mauvais tout de même. Tu le soignes comment ? » La réponse de Leo se fit attendre, juste quelques secondes, mais suffisamment pour que le médicomage relève la tête vers son patient (car oui, malgré tout, Leo restait toujours son patient.) Il croisa son regard alors que celui-ci répondait d'une voix douce. Nathaniel sourit alors, parce que la voix qu'avait utilisé Leo exprimait clairement son renoncement à lutter contre quelqu'un qui le soignait. Il n'avait plus qu'à espérer que le jeune barman finisse par comprendre qu'aujourd'hui, il ne lui voulait aucun mal. Et surtout, parce qu'au remède que Leo lui avait dit, Nathaniel en avait aussitôt déduit une conclusion qui lui paraissait couler de source. « C'est Hudson qui t'a soigné après, non? » continua-t-il comme si de rien n'était. A cette pensée, son regard se figea. Chaque prise de conscience qu'il avait, ou il se rendait compte qu'elle était de l'Ordre, était de plus en plus dure à encaisser. Ça ne changeait pas grand chose entre eux... Si ce n'est qu'il y avait un regret mutuel. Ils pensaient tous les deux que l'autre se leurrait, que là n'était pas sa place. Et ça lui faisait mal de voir que l'Ordre avait réussi à endoctriner Hudson si fort qu'elle renierait toute sa famille, son sang, qu'elle le renierait lui, si on le lui demandait.

Quelques mots de Leo le sortirent de ses sombres pensées. Il le regarda, l'air ahuri, pendant un moment, avant de se reprendre, de fermer les yeux et de se recomposer un visage convenable. C'était ce qu'il n'aimait pas chez les Ordres. Ils envoyaient des messages d'espoirs stupides, montaient les gens contre les autres, au sein-même des familles, au sein-même des amitiés, d'un bureau, d'un travail, de toutes les relations possibles et inimaginables. « Pardon, tu disais ? »

Lorsque Leo se tut, ils restèrent silencieux. L’irlandais méditait sur ses paroles. Il obéissait aux ordres, c’était vrai mais il ne pouvait pas se battre pour des idées auxquelles il ne croyait pas. L’Ordre du Phoenix, c’était devenu une évidence lorsqu’il lui avait fallut choisir. Et ne pas agir lui était impossible. Qui, dans sa condition, il ne pouvait pas juste attendre. Alors même s’il faisait des erreurs, se prenait des sorts dans la tronche, il ne pouvait rester sans rien faire. Il jaugea Nathaniel du regard. Il pourrait dire ce qu’il voulait, jamais il ne resterait en arrière. Et puis il y avait Noah. Son cœur se serra à la pensée de son ami.

Lorsqu’il vit l’ancien Serpentard lever sa baguette dans sa direction il se tendit et voulu reculer lorsqu’il se rendit compte qu’il était déjà acculé contre la porte. Qu’avait-il l’intention de faire ? Le serveur n’eut pas le temps de prendre sa baguette que son vis-à-vis s’avançait. Le visage froid le paralysa. Il n’était pas à l’aise. Que lui voulait-il ? Ce n’était pas en pointant sa baguette dans sa direction qu’il allait se sentir à l’aise et encore moins lui faire confiance. Noah avait-il raison ? Le menacerait-il encore ? Malgré les sentiments qu’il lui portait, Nathaniel restait celui qui l’avait menacé et pourrait le faire encore et encore…. Il était peut-être naïf et amoureux mais pas au point de lui faire totalement confiance. L’ancien infirmier semblait s’agacer de ce manque de confiance mais en même temps, à quoi s’attendait-il ?

Nathaniel s’approcha, baissa sa baguette et lui prit la main. Le geste contrastait avec son visage fermé. L’ancien Serpentard était doux dans sa façon d’être et, malgré toutes ses convictions ultérieures, cela le troublait grandement. Nathaniel remonta tout aussi doucement la manche de sa chemise, laissant apparaître petit à petit les traces de brulures. L’irlandais se força à ne pas détourner les yeux. Cette blessure lui rappelait combien il restait fragile et combien elle accentuait sa fragilité pour les jours, les mois, les années à venir. Il avait agit instinctivement, comme souvent. Il n’avait pas voulu perdre sa baguette. Sa baguette. Celle qui l’avait soutenu, protégé, sauvé pendant ses nombreuses années. Il aurait très bien pu en avoir une autre mais il se refusait de perdre un bout de son âme. Cette baguette était lui, lui montrait qu’il était un sorcier, un bon sorcier malgré ce que les politiques extrémistes pouvaient affirmer. S’il venait à perdre cette baguette, Leo ne deviendrait que l’ombre de lui-même. Y penser lui était pénible.

« Mauvais... Bien soigné, mais mauvais tout de même. Tu le soignes comment ? »

Leo lui répondit vaguement. Potion pour la ‘guérison’, pommades pour cesser les démangeaisons. Peut-être devrait-il mettre un bandage ? Il avait beaucoup moins travaillé cette semaine et Hudson lui avait dit de laisser aérer la blessure. Du coup pour le travail, il mettait des chemises un peu trop grandes pour lui pour éviter que le tissus ne touche trop la blessure. Peut-être pourrait-il mettre un bandage à présent. Au moins, cela lui enlèverait le supplice de voir cette marque à chaque fois qu’il devait se changer, se laver, faire tous ces petits gestes quotidiens.

« C'est Hudson qui t'a soigné après, non? »

L’ancien Serdaigle secoua négativement la tête. Hudson avait été retenue ailleurs. Il y avait eu beaucoup de blessés ce jour-là et pas qu’au Ministère. Des élèves coincés sous les débris du Poudlard express, des sortilèges impardonnables … Leo s’estimait chanceux de n’avoir eu qu’un bras blessé. Hansen semblait plongé dans ses pensées. Jamais il ne s’était jamais montré aussi vulnérable. Hudson devait-être importante à ses yeux et le fait qu’elle appartienne à l’Ordre du Phoenix devait-être difficile à encaisser pour l’Ombre. Pas même le plus puissant des sorciers ne parviendrait à faire faire changer les convictions de la jeune femme, ni la sienne. Les Ombres avaient beau être au pouvoir, il resterait toujours des personnes assez fortes pour combattre pour des idées qu’ils croyaient justes, plus justes. Et c’était le cas de la jeune femme.

Mais Leo se tut, ne préférant pas s’engager sur ce terrain qui ne ferait que les séparer d’avantage. Ce qui se passait entre Nathaniel et Hudson ne le regardait pas. Pour le coup, c’était au Serpentard de faire face aux conséquences de ce qu’était la politique en elle-même. Des partis différents, des idées différentes et cette réalité : tout le monde n’adhérait pas aux mêmes idées et ces idées les amenaient à se séparer. Si vraiment la jeune femme était importante aux yeux du jeune homme, il y passerait outre sans la forcer à renier ses convictions … Leo se savait utopique mais c’était la seule façon.

Le silence se prolongea et Leo avait la désagréable impression de jouer le voyeur à observer cet homme dans ce moment de faiblesse. Il ne savait pas trop quoi lui dire. Avait-il découvert de lui-même qui était la famille si détestable de sa mère ? Il avait une petite idée sur la question mais ne voulait pas s’engager sur ce terrain qui ne ferait que rendre l’Ombre plus irritable qu’il ne l’était déjà. Et, à se poser des questions sur la famille de Nathaniel, il en avait fini par s’interroger sur la sienne. Sang-mêlé voulait dire qu’il n’était qu’à moitié sang-pur. Leo grimaça en s’imaginant se retrouver dans une famille qui le détesterait d’office pour ce qu’il était. D’un côté, il n’avait aucune envie de savoir mais de l’autre… En réalité, il n’avait jamais vraiment cherché à savoir pour ne pas se créer d’illusion mais l’obstination de Nathaniel à connaitre l’identité de la famille de sa mère lui avait poussé à se poser des questions. Leurs parents les avaient jugés trop jeunes pour comprendre et avec raison, de plus la vie ne leur avait pas donné le temps d’y répondre. Mais qu’en était-il de leurs familles adoptives ? Elwaine Elensar aurait très bien pu lui dire à quelle famille il appartenait. Ce n’est pas parce qu’il savait qu’il ferait moins attention que d’habitude, qu’il ferait plus de gaffes et se mettrait en danger. Cette famille était probablement pour les idées du Lord donc contre les sangs-mêlés et êtres qu’ils jugeaient inférieurs. Nathaniel voulait parler, ils allaient parler.

« Nathaniel. », commença t-il avant de se rendre compte qu’il l’avait appelé par son prénom. A chaque fois il avait soigneusement évité de l’appeler par son prénom. En quatre mois, c’était bien la première fois qu’il le prononçait : Nathaniel. Il l’avait peut-être utilisé devant Noah mais jamais devant l’interpellé. Lorsqu’il s’adressait à lui il était soit en colère, déçu ou désespéré et Hansen se prêtait mieux à ses tirades. Leo remercia les tout puissants d’avoir rendu Nathaniel complètement amorphe à ce moment-là. S’il commençait à l’appeler par son prénom il était définitivement fichu. C’était le début de la fin.

« Pardon, tu disais ? »

L’ancien Serdaigle soupira intérieurement de soulagement. Il n’avait pas entendu. Parfait. C’était bien, mieux. Il se doutait que l’ancien Serpentard pouvait l’aider pour son bras mais n’avait pas envie de lui demander explicitement son aide. Ainsi, préféra t-il détourner leur sujet de conversation. « Comment as-tu su pour moi et … » Leo s'arrêta en plein milieu de sa phrase. L'ancien Serpentard l’avait-il cru lorsqu’il avait prétendu que son frère était mort ? L’intuition qui le guidait depuis si longtemps lui murmurait qu’il savait quelque chose que lui ignorait. Ce n’était pas par hasard qu’il avait découvert qu’il était un sang-mêlé. Cela n’avait pas été écris noir sur blanc dans un livre, mis bien en évidence dans la bibliothèque de Poudlard. Nathaniel avait des questions et cela tombait bien parce qu’il en avait également. Après tout une discussion se faisait à deux. Les questions n’iraient pas que dans un sens, cela ne serait pas uniquement lui qui devrait y répondre, autrement, Nathaniel avait une curieuse définition de ce qu’était une discussion.

Once I wanted to be the greatest
Two fists of solid rock
With brains that could explain
Any feeling
♪ CAT POWER - The Greatest.

Nathaniel se rendit compte de sa gaffe au moment ou il croisa le regard interrogateur de Leo. C'est vrai, il avait la fâcheuse tendance de faire comme s'ils n'étaient pas nombreux à l'Ordre, et rapprochait implicitement Leo et Hudson, les mettaient en relation alors qu'au fond, il ne savait même pas s'ils se connaissaient réellement. Quoi que, non, ils devaient au moins se connaître, même de vue, même simplement de nom. Mais dans la tête de l'ancien Serpentard, le nom de Leo se rattachait à celui d'Hudson. Ils étaient tous les deux semblables, et même s'il y avait de nombreuses différences entre eux, ils possédaient néanmoins des points communs non-négligeables. Et puis, le sorcier les connaissait tous les deux via le domaine de la médicomagie. Bien sur, il y avait d'autres liens qui le retenaient à l'une et à l'autre, mais leur premier véritable contact s'était fait grâce à ça.


« Comment as-tu su pour moi et.. » L'ex-infirmier fronça un sourcil et observa Leo. Savoir quoi ? Il ne connaissait rien de Leo. Du moins rien de bien intéressant, si ce n'est que... Le passage à l'infirmerie lui revint tout d'un coup en mémoire. Ah, ça. Nathaniel resta silencieux pendant un moment. Il se contenta de se repencher sur la blessure, l'examina plus soigneusement. Le sortilège de soin anti-brûlures qu'il appliquait d'ordinaire ne serait d'aucune utilité. Il s'agissait là d'un Carcer Ignis, ce n'était pas anodin. Lui-même ne savait pas le lancer. Ce n'était pas faute d'avoir essayé, mais il devait lui manquer quelque chose pour que ça marche, un détail qu'il n'arrivait pas à obtenir, malgré toutes les utilisations que les sorciers plus expérimentés de l'Ombre faisaient devant lui. De toute manière, ce n'était pas cela dont Leo avait besoin. Il fallait pour l'instant s'occuper de la douleur. Le sorcier promena sa baguette sur le bras de son patient en prononçant un sortilège à voix basse. Il aurait pu le faire informulé mais cela avait moins de puissance. Il se redressa et jeta un regard à Leo. Se sentait-il mieux ? Il faudrait sans doute faire plusieurs sorts. L'avantage de celui-ci était qu'il n'engourdissait pas le bras. Le médicomage pourrait en utiliser d'autres, plus puissants, mais dans ce cas Leo courrait le risque d'avoir un poids mort en guise de bras droit. « Dis-moi si tu te sens mieux. » Silence. Nathaniel n'était pas particulièrement pressé d'aborder le sujet, car s'engager sur cette voie signifierait perdre bientôt toute emprise sur lui. Lui dévoiler comment il avait découvert qu'il était sang-mêlé était synonyme de lui révéler son ascendance. Et l'ancien Serpentard préférait garder ce sentiment. En effet, savoir qu'il détenait une information que Leo souhaitait connaître n'était pas désagréable. Mais ne pas lui dire serait laisser une faille dans les archives de la bibliothèque de Poudlard. Bah, peu importe, c'était Rosemonde qui lui avait fait part de l'existence de ce livre, et il était mort peu après que Nathaniel le lui ait rendu. Et de toute manière, le livre restait actuellement entre les mains des Modérés ; or, ni l'un ni l'autre n'était modéré...

Le sorcier se décida finalement à prendre la parole. Il s'était à nouveau appuyé nonchalamment contre les lavabos « Comment j'ai su... Pour ta famille ? » Le silence attentif de Leo confirma qu'il avait vu juste en repartant sur l'épisode de l'infirmerie. Malgré lui, il sourit en pensant que leur relation avait bien évolué depuis ce temps-là. « Les livres. Un livre, même. Tu savais que Poudlard abritait des registres sur les familles sorcières ? » Il prit plaisir à voir l'expression affolée de Leo, et retint un sourire. Malgré lui, il avait l'impression de protéger Leo. Une voix s'insinua dans son esprit : c'était absolument ce qu'il faisait. En tant que membre du Ministère, il devrait donner l'exemple, et dénoncer un sang-mêlé était l'exemple-type de ce qu'il fallait faire. Et pourtant il ne le faisait pas. Plus il observait Leo, et plus il regrettait cette loi sur les sang-mêlés, ou du moins celle concernant les sang-mêlés nés avant l'absolution du Lord. Le seul problème, c'est que c'était nécessaire. Les sang-mêlés se tournaient forcément vers l'Ordre, et l'Ordre était l'ennemie du régime en place. Tous ces aspects politiques étaient compliqués, et tirer sur un bout de la ficelle s'avérait tout chambouler. Nathaniel se passa une main fatiguée sur son visage. « Quasiment personne n'est au courant de leur existence. Et même en fouillant dedans, j'ai trouvé ton nom par hasard, en faisant mes propres recherches. »

Pourquoi le protégeait-il, alors ? Sans doute parce qu'il ne voulait pas être responsable de sa mort... Il avait déjà tué, mais jamais que des inconnus, des personnes qu'il ne connaissait pas, ou peu. Il ne les calculait pas, ne faisait pas ça par plaisir, juste parce qu'on le lui avait demandé. Il pouvait lancer un sortilège de guérison pour permettre de vivre, tout comme un sortilège de mort. Une sensation de contrôle qu'il tentait de garder à distance. Cela pouvait être une sensation grisante, et donc, il était facile de perdre le contrôle. Ou est-ce que ça avait commencé ? Quand ? Nathaniel n'en avait plus le souvenir. C'était comme cela qu'il avait été élevé. L'Avada Kedavra était monnaie courante chez les sang-purs. La torture aussi, particulièrement chez les jeunes sang-purs ou elle faisait office d'éducation. On retenait mieux les règles quand elles sont gravées dans notre chair, Nathaniel le savait très bien. Son père n'avait pas souvent hésité à lui infligé un Doloris. Son regard s'assombrit à cette pensée, et son regard alors dans le vague se dirigea vers Leo. Il avait été là, la dernière fois. Un moment de faiblesse au Ministère. Il n'avait rien dit sur leur mission, mais Leo l'avait vu. Celui-ci restait d'ailleurs silencieux depuis que le médicomage avait pris la parole.

« Le Ministère. Tu as suivi Metelli par conviction, juste par conviction ? Tout ça, ton bras... Ça aurait été mieux si tu étais resté en dehors de tout ça. » Un silence, le temps de savoir quoi dire. Il ne savait pas pourquoi il disait ça. Nathaniel se doutait bien que ça n'allait pas mettre Leo de bonne humeur, mais il ne pouvait pas rester sans rien dire. Au fond, il était persuadé que tout ça n'était qu'une erreur. « Je sais bien qu'il s'agit juste de suivre les ordres. C'est le cas pour tout le monde. Mais ce n'est pas une raison pour réagir aussi impulsivement. » Il regarda Leo dans les yeux. Tout était une question de faction, ils le savaient très bien. Nathaniel vit la bouche de son patient s'ouvrir, et secoua la tête avant qu'il puisse dire quoi que ce soit. « Juste. Ce n'est pas en agissant que tu vas rester en vie. »

Leo resta immobile dans l’attente d’une réponse qui ne vint pas. Nathaniel restait toujours présent à ses côtés mais ne semblait pas être enclin à répondre à sa question. Valait-il peut-être mieux qu’il ne sache pas ? L’irlandais ferma les yeux lorsque l’ex-infirmier s’occupa de son bras. Il était en proie à une réflexion intense. Savoir ou ne pas savoir ? Que ferait-il avec ce nom si Hansen le lui disait ? Sa curiosité maladive le tuera un jour. Il avait envie de savoir. C’était tout de même un bout de sa vie qui restait dans l’ombre, une partie de sa famille qu’il ne connaissait pas. Le jeune serveur rouvrit les yeux en sentant la douleur s’évanouir petit à petit. Il ne savait pas combien de temps durerait le sort mais espérait que la douleur ne reviendrait pas plus forte après. S’il n’avait pas entièrement confiance en l’homme qui se trouvait devant lui il avait confiance en sa qualité de Medicomage. Leo hocha doucement la tête à la question de Nathaniel. Oui, il se sentait mieux. « Les douleurs et démangeaisons vont-elles revenir ? Et après combien de temps ? », lui demanda t-il pour s’informer. Lui poser des questions médicales le détournait de ses questions sans réponses qui étaient plus importantes que des termes médicaux auquel il ne comprendrait rien.

Nathaniel du le deviner puisqu’il passa outre ses questions. Leo se demanda un moment si l’ancien Serpentard l’avait entendu. Il était plongé dans ses pensées, se demandant sans doute si c’était nécessaire qu’il le sache. Peut-être allait-il lui demander autre chose en échange de cette information précieuse. Leo attendit. Il ne voulait pas donner raison à Zahid. « Comment j'ai su... Pour ta famille ? Les livres. Un livre, même. Tu savais que Poudlard abritait des registres sur les familles sorcières ? » Leo se tendit et senti son rythme cardiaque carburer. Des registres, dans Poudlard ? Comment cela se faisait-il alors que personne n’eût été au courant bien avant lui ? Cela n’était pas logique. Cela n’avait pas de sens. Leo était un prénom répandu. Il ne portait même pas le nom de famille de son père.

« Quasiment personne n'est au courant de leur existence. Et même en fouillant dedans, j'ai trouvé ton nom par hasard, en faisant mes propres recherches. » Cela ne le rassurait qu’à moitié. Savoir que de tels livres se trouvaient au sein de l’école le laissait dans une panique sourde. Personne n’éplucheraient le livre avec autant de soin que ne l’avait fait Nathaniel. Il recherchait des réponses. Comment avait-il fait le lien ? C’était perturbant de savoir que quelqu’un avait pu le faire ce lien. Leo restait un prénom assez répandu en Angleterre. Une minute ! Nathaniel recherchait des informations dans la partie sang-pure pour sa famille… se pourrait-il également que la sienne fasse partie de cette classe sociale supérieure? La main de Leo se crispa légèrement. Sa panique était palpable et l’irlandais savait que Nathaniel pouvait la sentir. Il devait se calmer … ou du moins tenter de se calmer.

L’ancien Serdaigle reporta son attention sur Nathaniel pour ne pas se focaliser sur ses peurs et inquiétudes. L’ex infirmier semblait penseur, quelque chose le chiffonnait sans aucun doute. Et vu le regard qu’il lui lança, cela ne devait pas être une agréable pensée. « Le Ministère. Tu as suivi Metelli par conviction, juste par conviction ? Tout ça, ton bras... Ça aurait été mieux si tu étais resté en dehors de tout ça. » Les paroles de l’ancien Serpentard le ramena quelques jours en arrière. Le Ministère. Pourquoi s’obstinait-il autant à vouloir qu’il reste sur le côté. Il savait qu’il ne pourrait pas rester sans rien faire, qu’il ne pourrait pas juste subir comme son vis-à-vis avait subit le Doloris de Metelli. L’irlandais chassa cette image de la tête. Non, il ne pouvait pas rester sans rien faire mais se refusait toujours autant à lever la baguette sur lui et savait que d’autres n’hésiteraient pas. « Je sais bien qu'il s'agit juste de suivre les ordres. C'est le cas pour tout le monde. Mais ce n'est pas une raison pour réagir aussi impulsivement. » Impulsivement ? Il n’avait pas agit plus impulsivement que les autres ! De quel droit se permettait-il de le juger ? Très bien, il était peut-être impulsif mais il n’y pouvait rien. Il ne pouvait pas laisser Zahid seul au Ministère sans savoir ce qu’il allait lui arriver et pour son bras … s’il pouvait se résoudre à perdre un bras, sa baguette, c’était au-dessus de ses forces. Il leva les yeux pour croiser ceux de Nathaniel. Il fallait qu’il comprenne. Malgré tout ce qu’on pouvait lui dire, lui faire croire, il était tout bonnement impensable qu’il reste en arrière, inutile. « Juste. Ce n'est pas en agissant que tu vas rester en vie. » Il le savait mais cette réflexion de la part de Nathaniel le surpris. Il ne s’y attendait pas. L’ancien Serpentard avait-il changé sa vision des choses ? Que voulait-il dire par-là ? Cette réflexion allait à l’encontre de tous les actes qu’avaient pu avoir le jeune homme à son égard. L’irlandais ne se voilait pas la face. Nathaniel ne s’inquiétait pas pour lui mais restait que cette affirmation le troublait, plus encore que ses yeux qui, pendant tout un moment, ne l’avaient pas lâché du regard. Tant qu’il en perdit un moment la notion de la parole.

Il lui fallut quelques secondes pour remarquer que Nathaniel s’était légèrement décalé et attendait probablement une réaction de sa part. L’irlandais ouvrit la bouche pour la refermer une seconde plus tard. Mince, ce que s’était gênant. Plus encore, il n’était que le seul des deux gêné par le moment qu’ils venaient de partager. « Tu ne peux pas me demander de rester en arrière. Je ne peux pas rester sans rien faire en attendant que cela se passe. », commença Leo en essayant de reprendre le contrôle.

« Ce n’est pas comme cela que je resterais en vie ? Je suis en vie Nathaniel. Que tu l’apprécies ou non, que Kark … ». Nathaniel avait raison, il était impulsif mais n’allait pas changer pour autant. « Je suis désolé mais je ne vais pas changer ce que je suis. », souffla l’irlandais en baissant les yeux pour les plonger dans le regard gris qui lui faisait face la seconde d’après. « Qui suis-je ?, commença t-il d’une voix douce. « J’ai besoin de le savoir. Tu devrais le comprendre, Nathaniel. »

Aller buter un ange, et lui briser les ailes
Le faire tourner au ciel, avant qu’il ne se mange le sol
Et lui flinguer d’abord, avant tout avant l’heure,
Son nuage de bonheur, puisque le mien est mort.
Je tuerai tous les anges, sur mon hélicoptère
Les bons dieux à l’envers, en plein dans leur tourmente
J’ai croisé Gabriel, qui faisait moins le fier
Des flingues en ribambelle, pour braquer sa chimère

Ce Paradis, je n’y crois guère,
L’Enfer est juste dans ma tête
Croupir ici, deux pieds sur terre
A de quoi rendre malhonnête.

♪ YCARE - Confession.

Aussitôt prononcés, Nathaniel se renfrogna. Pourquoi avait-il dit ça ? Certes, il le pensait, mais pourquoi l'avoir prononcé à voix haute ? Pourquoi engager une conversation dont il savait d'avance que l'issue était impossible ? Ils avaient des points de vue trop différents pour pouvoir en discuter sans se prendre la tête. Et puis, même. Il le connaissait à peine. Le médicomage s'était écarté, et observait le visage interdit de Leo. Il le connaissait à peine, et pourtant il lui parlait comme s'ils étaient des connaissances de longue date. Pourquoi se montrait-il soudainement aussi ouvert, aussi prêt à discuter ? Ce n'était pas lui, n'est-ce pas ? Il était réputé pour paraître hautain, fermé, comme si rien ne pourrait l'atteindre : il était uniquement dévoué à son travail. Mais ce n'était qu'une couverture : au fond, il pouvait se comporter normalement, avoir ses coups de blues, ses sautes d'humeur. Hudson le savait. Avec elle, il était réellement 'lui'. Elle avait su le prendre comme il était, et il lui en était dix mille fois reconnaissant pour cela. Mais... Avec Leo ? Il sentait quelques traces, des indices qui résonnaient dans son esprit, qui n'était que des preuves qui s'accumulaient et mettaient à chaque fois un peu plus en évidence son manque de contrôle. L'ancien Serpentard s'était écarté un peu, et, plongé dans ses pensées, il sursauta à moitié lorsque Leo prit la parole. Il avait raison : Nathaniel ne pouvait décemment pas lui demander de rester en arrière, il n'avait aucun droit sur lui, et il le savait parfaitement. Même s'il avait sciemment abusé de la connaissance des secrets de familles des Elensar.

Nathaniel baissa la tête alors que l'ancien Serdaigle reprenait la parole. Il tiqua à son prénom mais ne le montra pas. Cela l'enfonça juste un peu plus profondément dans sa réflexion. Il ferma les yeux pendant quelques secondes, se pinça les lèvres, repensa à ce que venait de dire Leo. Certes. Il était en vie. Mais pour combien de temps encore, s'il continuait à se mettre en avant en participant aux actions découvertes de l'Ordre du Phénix ? Son raisonnement était stupide. Il releva les yeux et accrocha le regard de Leo qui le cherchait visiblement. Sa dernière question le fit ouvrir la bouche d'ignorance. La réponse ne lui venait pas à l'esprit, celui-ci était déjà ailleurs, et ce depuis un petit moment. En guise de réponse, un « Euh.. » serait déplacé. Mais il ne pouvait pas non plus faire une simple remarque sur l'emploi successif du 'Nathaniel' en ignorant le reste. Respectueux des normes qu'il était, il pourrait s'indigner de l'emploi de son prénom, mais il ne parvenait pas à s'énerver. Cela lui paraissait futile. Le sorcier ferma les yeux et tenta de remettre ses pensées en ordre. Il recula encore un peu, s'appuya contre les lavabos et fixa le sol un petit moment, jambes et bras croisés. Il ne savait même pas pourquoi il était ici.

« Je ne parle pas de rester là en attendant que ça se passe, Leo. » commença-t-il en insistant bien sur le prénom. Son regard se leva pour s'ancrer dans celui de son interlocuteur. « Je dis juste que les sang-mêlés seront d'ici peu encore plus traqués, ainsi que les opposants politiques. Ce qui fait de toi une double cible. Alors oui, je sais que tu es en vie – j'avais cru comprendre. Mais tu ne feras pas long feu si tu continues à participer aux actions des Phénix. » Sa mâchoire se contracta. Les Phénix n'étaient que des ignorants, c'était triste pour eux. « Ils s'obstinent dans quelque chose qui n'a pas de but... » murmura-t-il plus pour lui que pour Leo.

Le silence prit place et dura quelques longues secondes, le temps que les pensées de Nathaniel s'organisent. Devait-il dire à Leo d’où il venait ? Il regarda autour de lui, les toilettes de la taverne O'Ryan. La famille de Leo. Il savait ce que c'était de rechercher sa famille, et il savait parfaitement à quel point le vide qu'elle pouvait provoquer. Le serveur paraissait en attente d'une réponse qu'il possédait. Devait-il le lui dire, ou bien continuer d'attendre un peu ? Car dire au jeune serveur d’où il venait signifiait renoncer à toute emprise sur lui. Mais, d'un autre côté, il connaissait la reconnaissance de Leo. Il devrait comprendre, le remercier. Mais s'agissait-il d'améliorer leurs relations ? Là était le nœud du problème, l'endroit ou Nathaniel revenait toujours dans sa tête, l’œil du cyclone qu'étaient ses pensées. Sans s'en rendre compte, il regardait Leo, le fixant du regard depuis plusieurs longues secondes, sans se soucier du mal-être que le serveur pourrait ressentir à se sentir détaillé par ces yeux froids et distants.

Le sorcier s’humecta les lèvres avant de répondre, d'une voix à peine esquissée : « Je le comprends parfaitement, tu le sais aussi bien que moi... Ta mère... Elle s'appelait Mary, c'est cela ? »

Pour la première fois depuis peut-être, le début, Hansen et lui avaient une discussion. Cette discussion se terminerait plus que probablement dans un cercle répétitif et sans fin parce qu’ils avaient deux avis opposés, qu’ils étaient opposés. Leo le savait bien. Ce n’était pas en se battant pour L’Ordre du Phénix qu’il vivrait longtemps mais il ne pouvait pas attendre que cela se passe sans rien faire. C’était comme demander à un condamné d’attendre la sentence sans essayer de s’enfuir et Leo ne voulait pas ressentir plus qu’il ne la ressentait cette sensation d’être pris au piège.

Ses sourcils se froncèrent lorsque l’ancien Serpentard continua. Depuis quand sa vision avait-elle changée ? L’irlandais affronta le regard de l’infirmier avant de secouer la tête. « Et depuis quand t’intéresses-tu à mon sort ? », commença t-il sans pour autant lever la voix. « Qu’est-ce que tu cherches, qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi revenir après le Ministère ? Tu veux que je reste loin de tout ça. Tu me demandes d’agir comme si rien ne se passait, de regarder les autres se battre la rage au ventre avec les larmes, la joie, cette haine hystérique et de me terrer comme un planqué ? »

Ils s'obstinent dans quelque chose qui n'a pas de but...

L’Ordre du Phénix avait un sens, un but, pour ceux qui y croyaient, qui avaient besoin d’y croire, qui voulaient que les choses changent. C’était facile pour une Ombre d’affirmer que ce en quoi ils croyaient n’avait pas de sens. C’était dur, sec, sans recours et Leo ne voulait pas se l’admettre, ne voulait pas parvenir, un jour, à croire à ses paroles affirmée avec autant de vivacité. « C’est faux. », commença t-il en s’adossant contre le mur. « Ceux qui se battent pour l’Ordre ont un but. La vie. », murmura t-il en penchant la tête sur le côté. « C’est facile à dire pour ceux qui n’ont jamais eu à se battre. Réellement. Je ne parle pas d’un combat singulier contre n’importe quel sorcier. Se battre pour la vie, la mienne et d’autres qui sont dans le même cas que moi. Car on est plus nombreux que vous le pensez. Alors ne dis pas que l’Ordre n’a pas de but, n’as pas de sens, ne vaut pas la peine d’exister. La pureté du sang n’est que folie. Il vous faudrait décimer le quart de la population pour arriver à cet objectif. Un carnage. », rajouta t-il en levant les yeux vers l’homme qui lui faisait face. « Toi-même tu en ferais partie si on reste dans cette logique. Les Sang-Purs ne sont qu’une minorité, une minorité détentrice d’un pouvoir bien trop grand pour leurs idées chaotiques. Kark n’est qu’un fou. », rajouta t-il en sentant bien qu’il avait été un peu trop loin dans son monologue. Après tout Hansen était un Ombre. Il pouvait soit se taire, soit le balancer. Il n’avait rien à perdre, ou peut-être était-ce l’inverse ? Il ne savait pas réellement mais Nathaniel lui avait lancé un argument qui n’avait pas de sens. « L’Ombre de la Rose Noire se bat pour un idéal qui n’a pas de sens. C’est mon avis comme tu m’as exposé le tiens. A toi de défendre ta faction si tu le souhaites. », marmonna l’irlandais en levant les yeux vers le visage fermé de l’ancien Serpentard.

Leo n’était pas en colère, ni même choqué par les propos de Hansen. Il avait appris à connaître sa façon de penser. Mais là encore il ne pouvait pas prétendre la connaître. Un silence suivit ses paroles. Le regard de son vis-à-vis n’avait pas changé depuis qu’il avait cessé de parler. Il avait tenté de soutenir ce regard, de prononcer ses paroles avec toute la foi qu’il possédait, ces yeux froids et distants le mettaient mal à l’aise. Nathaniel n’avait pas tenté une seule fois de le couper mais ce regard gris était aussi coupant qu’une lame de rasoir. Détournant du regard, Leo s’observa dans le miroir qui lui faisait face. Ses traits étaient tirés, des rides d’inquiétude et de stress se formaient par-ci et là sur son visage. Ces dernières semaines l’avaient changé même s’il s’efforçait de rester le même. Il était fatigué de cette vie qu’il adorait pourtant au point de prendre tous les risques pour que le monde devienne un peu plus vivable, supportable pour des gens comme lui. Il était fatigué mais n’abandonnerait pas parce qu’il aimait la vie. L’Ordre du Phénix avait un but et un sens que ses membres portaient du bout de leurs doigts. La vie. Ils aimaient la vie alors que d’autres s’acharnaient à la détruire. Voilà le sens profond de l’Ordre du Phénix.

L’irlandais releva la tête à la question de Hansen. Leo hocha la tête. « Mary Ansell, pourquoi ? », lui demanda Leo en reportant son regard sur l’ancien Serpentard. « Que sais-tu à propos de mon père et de ma mère ? »

Foolish scenes of the night,
I saw your face in the light
There you were smiling

I hope you don't fear the dark
Now that no beats rule your heart
Anymore

Please don't you fear the dark
Just embrace the stars
Now you're part of the night,
You’ll be safe in their light

♪ AARON - Embers.

La réponse de Leo ne se fit pas attendre. Celui-ci avait réagit en secouant la tête. Il n'y croyait pas. Depuis quand le médicomage s'intéressait-il à son sort ? C'était une excellente question. Nathaniel ne savait que répondre. Il ne comprenait toujours pas pourquoi, comment ils en étaient arrivés là. Ils auraient juste dû aller chercher sa mère ensemble, et puis laisser leurs routes se séparer. Alors oui, il détenait un secret sur lui qui lui permettrait de l'enterrer vivant, de ruiner sa vie à jamais. De le tuer, en somme. Mais il ne comptait pas le vendre.. Pourquoi donc ? Sans doute qu'Hudson et son humanité avait plus d'influence sur lui qu'il ne le pensait. Peut-être qu'elle, et sa gentillesse, avaient semés les germes d'une pensée qui n'était pas la sienne. Il ne pouvait savoir quelles idées elle lui chuchotait à l'oreille, la nuit, pour l'influencer. Il ne pouvait savoir si elle l’influençait. Sans doute son père le pouvait : il avait ce pouvoir-là. Il pouvait prédire chacune de ses réactions, chacun de ses gestes.

A la pensée de son père, Nathaniel se renfrogna. Il était pourtant arrivé à un moment de sa vie ou il avait pourtant espéré pouvoir, non pas couper les ponts, mais se détacher un peu de l'avis paternel. Malgré tout, son père était toujours là. Son père l'endoloriserait s'il savait qu'il était ici. Il n'eut pas le temps de se plonger un peu plus dans l'analyse de la relation père-fils qu'il entretenait avec sa famille, Leo continuait de parler. Il exposait calmement son point de vue. Le regard du Médicomage se fit plus aiguisé, plus observateur. Leo s'était désormais adossé au mur, et lui parlait de ses opinions politiques comme s'ils étaient amis. Ou bien du même camp. Comme s'ils avaient une véritable conversation, ce genre de conversation qui n'avait pas de conséquences. Du fond de sa poche, Nathaniel effleura la Rose noire qui ne le quittait pas depuis l'ascension de Mervyn Kark au pouvoir. Le ton animé de Leo, l'image de sa bouche qui profanait toutes ces idées contre le régime en place... Tout cela ne faisait que creuser l'écart qui était entre eux. L'ancien Serpentard baissa les yeux, écoutant ce monologue sans réagir, alors que ses paroles faisaient bondir son cœur. Il parlait de lui. Il le tutoyait, lui, dans ses paroles, le mêlait aux idées de l'Ordre. Nathaniel n'avait rien en commun avec ces terroristes en puissance, et il le savait. Alors oui, il n'était qu'un basique, c'était vrai, mais il n'en était pas moins du bon côté, tout comme sa famille, et ce depuis des générations.

« L’Ombre de la Rose Noire se bat pour un idéal qui n’a pas de sens. C’est mon avis comme tu m’as exposé le tiens. A toi de défendre ta faction si tu le souhaites. » L'ancien infirmier se détacha enfin du lavabo. Il lui fallait réagir. Mais ils avaient une vision tellement opposée du monde, du pouvoir, que cela ne servirait à rien. Il hésita, ne laissant rien paraître sur son visage. Pourtant, les mots proférés par Leo étaient faux. Tout ce qu'il proposait mènerait le monde au chaos. Kark au contraire, était partisan de l'ordre. Et comme tout ordre, il lui fallait une hiérarchie. Qu'elle soit juste ou injuste, peu importe. Mais au moins, ce pouvoir-là était légitime, basé sur des critères que l'on ne pouvait contester. Ce que l'Ordre proposait, c'était une lutte pour le pouvoir sans fin. De quoi faire chuter le monde magique. C'était insensé.

« Mary Ansell. »
C'était ça. Nathaniel relâcha la rose noire et laissa ses doigts courir sur le lavabo, avant de finalement ancrer à nouveau son regard dans les yeux d'un Leo pendu à ses lèvres. Une fois encore, il se demanda s'il devait réellement le lui dire. C'était une information précieuse. Néanmoins, pas assez pour qu'il lui livre des informations sur l'Ordre du Phénix si jamais le besoin s'en faisait sentir. Tel qu'il le connaissait, Leo préférerait rester dans l'ignorance plutôt que de trahir ceux en qui il plaçait tous ses espoirs futiles. Nathaniel avala sa salive et finit par ouvrir la bouche. Il avait l'impression de ne pas avoir parlé depuis très longtemps. « Et bien... Tu connais déjà ta famille. » Voilà. C'était dit. Le Serpentard ferma les yeux. « Toi aussi, tu en ferais partie si on reste dans cette logique. » C'était comme un flash. Rapide et fulgurant. Ces mots prononcés par son ancien patient quelques instants auparavant assombrirent ses traits. Il n'aimait pas ça. Il n'aimait pas cette discussion. A écouter ce discours contesté et interdit, il avait l'impression de trahir les idéaux de l'Ombre. Nathaniel n'aimait pas cela. Il se sentait imbibé de ces idées qui ne lui appartenaient pas. Il lui fallait s'en dégager, reprendre le contrôle. Agir.
Il fit quelques pas, se rapprocha de Leo qui le regardait avec perplexité, et ne s'arrêta que lorsqu'il fut suffisamment prêt pour être sur que le barman saisirait toutes les nuances de sa voix. A quelques dizaines de centimètres du jeune homme, Nathaniel capta son regard. Il devait arrêter d'écouter ce discours, sortir d'ici. Se rappeler ses propres valeurs.

« Peu importe que mon sang ne soit pas pur. Mes enfants, eux, le seront. Et ça vaut tous les sacrifices de la terre de les voir grandir dans un monde en paix. » Un instant de silence, le temps d'observer le changement d'expression de son visage. « Tu parles de chaos. Mais qu'avez-vous à proposer, vous ? Une lutte pour le pouvoir, ou chacun se croira meilleur que l'autre. Un gouvernement qui n'aura aucune légitimité. Rien de plus. Ça, ce sera instable, chaotique. » Le sous-entendu était clair : l'Ombre propose au contraire quelque chose d'incontestable. Le regard glacé de Nathaniel se posa sur les joues de son interlocuteur. Celui-ci avait légèrement changé de couleur, sûrement interloqué par ce brusque changement d'attitude. L'Ombre laissa son regard dériver sur son visage, pour après revenir s'ancrer au regard bleu acier du jeune Serdaigle. Une part de lui était curieuse de savoir la réaction du sang-mêlé. S'il n'aimait pas perdre le contrôle de la conversation, il était toujours intéressant de voir comment pourrait réagir le jeune homme.

Il n’aurait peut-être pas du lui balancer tout ce qu’il pensait à la tronche ainsi. Il aurait du être plus diplomate, peser ses mots, choisir les bons. Mais il n’en n’avait pas eu l’envie. Même s’il allait le regretter par la suite, même si Hansen s’opposerait avec force devant toute idée se rapprochant aux siennes, Leo avait eu ce besoin, cette envie profonde de parler.

Parler…

Il aurait pu le faire avec n’importe qui mais les répliques du Medicomage avaient été si virulentes qu’il avait ressenti l’envie de faire de même. C’était puéril, risqué mais au moment même, il n’y avait tout simplement pas pensé… à ces risques-là. Il y eut un moment de pause, celui pendant lequel les deux hommes de factions adverses retenaient leurs souffles dans l’expectative de ce qui allait se passer ensuite.

Sa famille. Le regard de Leo se fit interrogateur puis il se perdit un moment dans les méandres de la réflexion. Il était bien gentil mais avec cet indice, Leo pouvait s’amuser à citer les dizaines de famille sorcières venant s’abreuver régulièrement à la taverne familiale. Le ton de l’ancien Serpentard changea par la suite et le regard de Leo se fit plus craintif lorsque l’homme se rapprocha de lui. Sa main alla chercher instinctivement sa baguette dont le bout dépassait de sa poche. Mais non … Nathaniel se contenta de parler et l’irlandais se demanda si ce n’était pas cela le pire. La voix de sons vis-à-vis était froide et pleine de … dédain. Sacrifices. Un monde en paix. Ces mots d’Hansen volaient dans sa tête sans s’arrêter. Le visage du serveur se décomposa et un air presque résigné vint remplacer la foi qui s’était emparée de lui quelques minutes plus tôt. L’avènement de l’Ordre du Phénix changerait le cours de l’Histoire mais comment était-ce supposé arrivé si les coutumes sorcières restaient ancrées dans la tête des sorciers les plus hauts placés. Rien n’allait pouvoir évoluer si ces personnes gardaient une vision fermée sur l’avenir, se cramponnant aux idées ancestrales prodiguée par Lord Voldemort et soutenues par le pouvoir mis en place. L’irlandais encaissa les paroles du Medicomage sans broncher. Cette discussion ne mènerait à rien parce qu’ils étaient bien trop différents.

Le brun regarda ces yeux gris qui le fixaient de façon expectative. Faisant comme s’il n’était pas troublé par cette lueur étrange qui planait dans le regard de Nathaniel, Leo parla finalement. « Tu ne m’aides pas beaucoup Hansen. Dans cette logique, je devrais te citer tous les bons clients de la taverne des O’Ryan. », commença t-il en se décalant pour retrouver cette distance respectable qui les avait séparée jusqu’alors.

« Tu dis que l’Ombre apportera plus de stabilité pourtant, en ne me livrant pas, tu agis contre la base du régime mis en place. » Suicidaire ? Il l’était peut-être un peu. Que lui demandait-il au juste, là ? Mieux valait qu’il s’en aille au lieu d’emprunter ce terrain plus que glissant dans lequel il s’était déjà engagé. Cela faisait un moment qu’il s’était éclipsé et il préférait partir avant que quelqu’un ne vienne vérifier pour voir si tout allait bien.

Il le savait. Il le savait déjà bien, ce n'était pas la peine de le lui rappeler. Et il avait beau se chercher des excuses, se dire que c'était par simple curiosité, ou bien parce qu'il ne souhaitait pas perdre cette emprise qu'il avait sur Leo... Au fond, il savait bien que ce n'était pas ça. Que malgré cela, il agissait contre le pouvoir en place. C'était là les mots exacts de Leo. Lui, Nathaniel Edward Hansen, agissait contre le pouvoir qu'il servait. Et il ne comprenait pas pourquoi. Alors oui, il ne savait pas comment réagir. Il laissa Leo s'écarter de lui autant qu'il le voulait. Leo aurait pu l'insulter qu'il n'aurait sans doute pas réagit. Le médicomage était en plein doute. Doute de quoi ? Il n'en savait rien. Mais l'esprit lunatique du jeune Médicomage avait encore une fois frappé. La colère avait été plus ou moins chassée de son esprit, et avait laissé place à la réflexion. Dernièrement, Nathaniel réfléchissait souvent. Ce n'était sans nul doute pas à Leo de se mêler de ses affaires. Certes, il y était lié, mais non, Nathaniel n'accepterait pas qu'on lui dise quoi faire. Alors même s'il respectait l'homme qu'était Leo, parce que malgré ses valeurs, malgré ses prises de positions qui pouvaient parfois paraître douteuses, et qui laissaient entrevoir une fâcheuse tendance à agir aux côtés des terroristes qu'étaient les membres de l'Ordre de Phénix ; malgré cela, le médicomage n'allait pas se laisser diriger par le barman. Ni par qui que ce soit d'autre, d'ailleurs. Du moins dans le domaine privé. Il acceptait volontiers de se soumettre aux ordres des Ombres parce qu'il connaissait la valeur de leurs idéaux. Mais sur le plan privé, Leo arrivait à le faire douter, et il détestait ça. Nathaniel devait reprendre le dessus de la conversation.
Pourquoi est-ce qu'à chaque fois que le sang-mêlé parlait, il réussissait à provoquer en lui des idées contradictoires, comme des cailloux qui s'entrechoquent en produisant un capharnaüm monstre ? Les lèvres pincées, le médicomage finit par se retourner vers le jeune homme qui se rapprochait de la porte. « Leo. »

Et voilà. Une fois encore, il l'avait rappelé. Mais ce n'était pas l'action en soi qui le gênait. Non, c'est qu'il n'avait rien à lui dire. Ce n'était toujours pas clair dans sa tête. Que le sang-mêlé ne se stoppe pas. Qu'il ne retourne pas aussi rapidement. Qu'il ne cherche pas son regard, comme ça. Leo avait des yeux qui avaient le pouvoir de troubler les gens. Nathaniel le remarqua, là, car le fait de plonger ses yeux dans les siens ne l'aidait pas à savoir quoi dire. Il ne savait pas du tout comment contrer les paroles de son ancien patient. Que pouvait-il dire, au fond ? Les motifs du secret qu'il avait décidé de garder bien au chaud, comme le cœur de leur relation... Il ne savait même pas pourquoi il le gardait. Il pouvait le dénoncer, mais n'en avait tout simplement pas envie. Après un moment de silence, l'ancien Serpentard finit par ouvrir la bouche. « Tu préférerais que je le dise aux autorités ? »

Sans attendre de réponse, le médicomage détourna le regard et passa devant le jeune homme pour repartir dans la salle. Il avait besoin de réfléchir, une fois de plus. Cette conversation n'avait sûrement eu aucun effet sur le jeune barman, mais Nathaniel ressentait une fois de plus ce besoin de s'isoler du monde pour se replier sur lui-même, ne serait-ce que pendant quelques instants. Ne pas montrer ce qui nous trouble. Les préceptes de son père lui revinrent en mémoire. Au dernier moment, il se retourna vers le barman en retenant la porte des toilettes de sa main. « Oh, et... Vous servez du lait dans votre taverne familiale ? J'ai une envie d'un verre de lait, brusquement... »

« Leo. »

Le temps s’arrête.

Il est prêt à partir. Nathaniel s’était tût, n’avait rien fait pour le stopper jusqu’à maintenant. L’irlandais ferme les yeux avant de les rouvrir pour se retourner, une lueur étrange dans le regard. Était-ce de l’inquiétude mélangée à de la peur qui est, même s’il se force à répéter dans sa tête qu’il n’a pas peur, bien présente ? Ses yeux cherchent le Serpentard du regard, s’accrochent à ses prunelles dans le but de trouver des réponses à ses questions. Leo déteste et envie à la fois les sang-purs la capacité de rester neutre en toute situation alors que lui en est bien incapable. Non, il ne trouverait rien dans ses yeux bleus gris qui lui permettent de dénicher ne serait-ce qu’une partie de ce que peut penser Nathaniel Hansen en cet instant.
«Tu préférerais que je le dise aux autorités ? »

Boum…. Boum…. Boum… Son cœur s’était-il arrêté le temps de ces paroles ? Parce qu’il battait affreusement vite et menaçait de lui échapper à chaque instant. Hansen… Il n’avait pas à sortir des phrases comme celles-ci. C’était dangereux de jouer avec la santé des autres. Il en avait le droit, il avait tous les droits alors qu’il n’en avait aucun mais cette phrase, dans ce lieux, le paralysait. Bien sur que non. Bien sur que non. Pas maintenant, pas demain. Jamais. L’ancien Serpentard passa devant lui tel un fantôme, silencieusement.

Il n’a pas envie qu’il le livre mais cette décision ne lui appartient pas. Ce n’est pas à lui de la prendre et l’irlandais réalise une fois de plus que sa vie n’est maintenue qu’à un fil et que le rôle de la faucheuse est tenu par cet homme qui lui … maintient la porte ouverte. Leo se passaela main dans les cheveux alors que Nathaniel se retourne. Leurs regards s’accrochent un bref instant et le brun détournele regard pour ne pas sentir ce trouble qui le gagne bien facilement lorsque le Medicomage est dans les parages.

«Oh, et... Vous servez du lait dans votre taverne familiale ? J'ai une envie d'un verre de lait, brusquement... » Leo sursaute. Pas certain d’être sur d’avoir bien entendu ce que l’ancien Serpentard vient exactement de dire. Mot pour mot. Son regard vacille de Steven O’Ryan à Hansen. Steven. Nathaniel. Il ne sait pas encore comment prendre la nouvelle, s’il a fait la bonne interprétation des paroles de l’homme qui se trouve à ses côtés. Ce dernier hoche la tête. Imperceptiblement. Maintenant, il sait. Il est soulagé mais en même temps … il y a cette peur qui reste bien ancrée en lui. Les O’Ryan sont des gens bien. Drew mis appart, Leo s’entend plutôt bien avec les enfants des gérants mais bien s’entendre et « faire partie de la famille », sont deux choses bien différentes et le serveur ne sait pas réellement ce qu’il devrait faire. Rien ? Rien est une bonne idée. Dans une autre optique, il peut encore attendre et voir comment son attitude envers eux va évoluer. Car allait-il pouvoir rester le même tout en sachant ?

Les bruits de pas lui signalent que le Medicomage s’est déplacé vers une table, le laissant dans ses réflexions. Qu’avait-il demandé ? Oh oui, du lait. Comme à son habitude (du moins il espére que ses mouvements ne le trahissent pas), Leo se dirige vers le comptoir pour y chercher un verre de lait et revient vers celui qui de bien des façons a changé sa vie depuis le moment où ils se sont rencontrés. Avec un sourire, Leo lui dépose ce verre sur la table. Ce n’était pas un sourire transcendant mais, au moins, il était sincère et l’irlandais sut que Nathaniel Hansen le saurait. Il le saurait parce que en plus d’être sincère, malgré tout ce qui les opposait, malgré la peur qui le paralysait, ce sentiment qui le paralysait d’une toute autre façon, c’était un une façon de lui dire merci.