Une dernière volonté ?

ce message a été posté Mar 11 Fév 2014 - 11:25

Eireann tournait en rond. Depuis des semaines.
Prendre son temps, se reposer, s’assurer de repartir du bon pied, toutes ces résolutions s’étaient éternisées et aujourd’hui, elle se retrouvait désœuvrée. Elle avait pris ses distances avec l’Ordre mais ça ne pouvait pas durer éternellement. Elle avait tenté de revenir, de se porter à nouveau volontaire seulement, elle avait l’impression qu’on la tenait à l’écart de tout, qu’on cherchait à s’assurer qu’elle n’ait pas à faire quoi que ce soit. L’irlandaise se sentait épiée, on s’attendait à ce qu’elle dérape à nouveau, elle en était certaine. Une sorte de paranoïa grandissait chaque jour en elle, un sentiment qui commençait à la dévorer, à la faire douter de ce qu’elle était, encore et toujours. C’était un véritable supplice.

Evidemment, elle grossissait le tableau parce qu’en réalité, personne ne voulait qu’elle recommence sa descente aux enfers. Personne ne pensait qu’elle était capable de retourner au front sans y rester pour de bon. Et cela, Eireann ne le comprenait pas. Elle n’était pas prête mais elle avait besoin de bouger, de faire quelque chose de sa vie. Elle avait besoin de retrouver un sens à son existence. Et puisqu’il n’y avait que son combat pour l’Ordre qui la maintenant en vie, elle revenait régulièrement au QG, espérant pouvoir se rendre utile. On lui donnait de quoi passer le temps, comme des inventaires de tout et n’importe quoi. Elle se sentait inutile. Vide. Voir les autres s’activer, apporter du concret à la faction lui rappelait qu’elle n’était bonne qu’à foirer tout ce qu’elle entreprenait. On lui avait laissé la possibilité de s’occuper des bêtes de l’Institut mais pas des élèves. Parce qu’au final, elle n’avait pas démissionné. Elle était toujours suspendue mais avait décidé d’attendre avant de prendre une décision définitive. Ne pas faire d’erreurs parce qu’elle en avait déjà suffisamment commises.
Eireann n’était pas seule dans son calvaire. Scarlett, Zahid, Gael et Thorne vivaient la même chose. Mais cette constatation ne l’apaisait pas. Elle se sentait minable. Elle avait l’impression d’être traitée, une nouvelle fois, comme une terroriste. Par son propre camp cette fois.

L’enquête piétinait. Elle était toujours régulièrement convoquée au Ministère où on lui posait de nouvelles questions mêlées à celles auxquelles elle avait déjà répondu des dizaines de fois. La routine. Une routine insupportable qui allait finir par la rendre folle. Ou peut-être l’était-elle déjà. L’affaire de Trent Park n’avait rien donné et c’était justement pour ça que les choses étaient encore en cours : parce que le Ministère avait besoin d’un coupable, il lui fallait quelqu’un à punir. Eireann estimait que Thorne était celui qui méritait de prendre, parce qu’il avait tué Gavin, un Phénix, un homme bon. Mais elle, elle avait tué un moldu. Et avait sauvé des mangemorts. Et aurait attaqué Thorne si elle en avait eu l’occasion. Le souvenir brûlant du doloris qu’il lui avait infligé revenait à elle, la nuit, quand elle n’était pas prise par les images du moldus qu’elle avait tué, ou encore de celui qui avait failli la tuer. La gamine qu’elle avait tué des années plus tôt revenait souvent dans ses songes, elle aussi. Les cauchemars étaient tout ce à quoi elle avait droit quand elle fermait les yeux. Et elle acceptait cela. Elle acceptait de revivre encore et encore ses erreurs, de les voir se muer en quelque chose de plus effrayant encore, Eireann ne voulait pas oublier. Elle avait besoin de garder en mémoire tout cela pour avancer. Si elle en était encore capable.

Elle était une fois encore au QG sachant pertinemment qu’elle ne ferait que remplir le décor. Mais la maison était vide et ici, il y avait parfois un peu de vie. Jane travaillait, Ciaran aussi, Siobhan avait ses cours et Scarlett faisait sa vie. La frêle poufsouffle ne voulait pas rester seule dans la grande maison du Chemin de Traverse, parce que ça la poussait à cogiter encore et encore. Mais peut-être aurait-elle dû y rester aujourd’hui.

Lui.
Son cœur s’arrêta. Et elle se retrouva à bout de souffle. Une rage viscérale s’empara de tout son corps. Elle se sentit frémir et sortit instinctivement sa baguette, la nouvelle, celle qu’elle ne connaissait pas suffisamment à son goût. Nathaniel Hansen. Ombre. Cousin. Crevard. Raclure. Et la liste aurait pu continuer ainsi. L’ennemi était dans le QG. Elle resta quelques secondes debout, sans pouvoir rien faire, complètement paralysée par cette vision. Et par tout ce que cela lui rappelait. Les semaines interminables qu’elle avait passées chez les Ombres. Les heures de torture, le regard froid de Travers. Ses propres cris qu’elle n’avait pu contenir bien longtemps. La douleur intense, celle qui l’avait fait espérer mourir à de nombreuses reprises. Et Hansen, débarqua par la suite dans sa cellule pour s’assurer qu’elle survive. Et le ménage incessant recommençant à l’infini.
Ses paroles aussi, ses accusations, leur lien. Tout ce qu’il lui avait craché au visage et qu’elle avait cherché à mettre de côté durant presque deux ans. Ses souvenirs étaient plus vivants que jamais. Elle sentait presque à nouveau la douleur constante qui avait fait son quotidien à l’époque. Et il était là, aujourd’hui, au cœur du camp Phénix, capable de tous les réduire à néant en indiquant la position des lieux à ses connards de copains.
Elle eut l’impression de chuter, une nouvelle fois. Elle se sentit aspirer vers le fond, vers le néant qui avait failli l’engloutir à plusieurs reprises. Une réaction violente en elle s’apprêtait à la dévorer, à avaler ses espoirs, sa foi, sa raison aussi. Peut-être qu’il n’était même pas là, peut-être était-elle juste au cœur d’une hallucination. Mais c’était bien trop réel.

Eireann remarqua alors qu’il n’était pas seul. Hudson Higgs était avec lui. Et tout semblait normal. Mais bien sûr ! Un connard d’Ombre était là, c’était tout simplement la routine ! Hudson Higgs, qui avait failli se brûler les ailes en jouant un double jeu. Et si finalement, elle n’avait jamais été du côté de l’Ordre ? Non, Eireann avait foi en elle. Mais en même temps, elle ne la connaissait que peu.
Quelqu’un passa à côté d’eux sans même réagir. Pourquoi ? Eireann ne put qu’ouvrir en grand les yeux. Personne ne devait savoir qui il était. Et pourtant, une liste connue de tous avec les noms et les photos des ennemis existait. Elle ne comprenait pas.
Le pire fut quand Hudson eut un geste… tendre ? Envers Hansen avant de le laisser pour s’enfoncer un peu plus dans le dédalle du QG. Il était seul. Détendu. Pourquoi être stressé quand on était le loup au cœur de la bergerie ? Un loup que les brebis semblaient accepter sans ciller ? La poufsouffle sentit la rage lui crever le corps.

Eireann fit un pas en avant, geste qui semblant lui prendre une éternité. « Hansen. » Fut tout ce qui put sortir de sa bouche. Elle aurait dû lui lancer un sort à la place, pour l’immobiliser, et crier pour qu’on vienne lui prêter main forte, pour tenir l’ennemi. Et chercher à ce qu’on évacue les lieux avant que les Ombres ne débarquent. Seulement, elle avait des comptes à régler avec lui et sa raison avait été écrasée par son envie vengeresse de le mettre à mal. Il faudrait un jour qu’elle cesse de laisser ses émotions dicter sa conduite, ça ne lui avait jamais réussi.

Elle crevait d’envie de lui sauter à la gorge et de broyer un à un ses os à la force de ses mains. Elle l’aurait tué d’un regard si cela avait été possible. Et lorsqu’il la regarda, elle sentit ses jambes flancher. « Tu n’aurais pas dû venir ici. » Est-ce qu’on l’exécuterait si elle tuait un ennemi ? Eireann n’en savait rien mais elle se sentait prête à prendre le risque. Après tout, mettre à mort un type comme lui était une bonne action à ses yeux. Et si elle le tuait et qu’elle devait en payer le prix par la suite, elle partirait apaisée. C’était juste tellement moche comme idée et pourtant, l’irlandaise avait l’impression que c’était ce qu’il y avait de plus naturel pour elle. Pour sa famille aussi.

Elle aurait dû hurler, donner l’alerte. Mais que personne ne s’étonne de la présence de ce rat ici et surtout, son envie première de régler ses comptes lui laissaient penser que la priorité n’était pas à l’alerte générale. Eireann allait, pour une fois, penser à elle et laisser sa rage se déverser sur ce connard de Hansen avant de faire quoi que ce soit. Peut-être que ce serait une thérapie intéressante.