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(début octobre 2021)

Tout était calme dans la maison ce soir-là. J’étais seule sur le canapé de la maison « pré-au-lardienne », assise en tailleur autour d’un tas de feuilles en boule, à tenter de déchiffrer un texte en runes particulièrement complexe –ça me détendait, surtout avec ce silence. Le seul autre être vivant de cette maison était Fletcher, mon elfe de maison s’occupant de me faire à dîner. Il savait pertinemment que lorsque j’étais lancée, je pouvais en oublier tout le reste et qu’il en était de sa responsabilité de me nourrir dans ce cas. Cela ne me dérangeait pas d’être seule, à m’occuper l’esprit autrement que par des disputes, de la compétition ou des prises de tête. Là, tout était simple, organisé. Je traduisais des runes, mon dictionnaire à côté, point final.
Jusqu’à ce qu’un hululement se fasse entendre, provenant de la cuisine. Deux secondes plus tard, un crack sonore reconnaissable entre mille retentit, et la voix de Fletcher par la même occasion.

« Mademoiselle Marion, il y a une lettre pour vous. », dit-il en me tendant ladite lettre, avec un sceau me faisant comprendre que je recevais un ordre de mission. Une chance que je sois seule ce soir. Je remerciais mon elfe rapidement, qui m’indiqua en même temps que le dîner était presque prêt et ouvris la lettre. Un ordre de mission, comme je m’en doutais. Mais pas vraiment quelque chose de calme. Non, une mission qui ferait remonter de biens mauvais souvenirs d’ailleurs. Assapor. « Catastrophe moldue ». Oh tiens, cette sympathique bombe atomique moldue qui avait déréglé la magie. Qui m’avait fait vivre plusieurs jours d’enfer et fait voir ma fin écrasée entre deux miroirs de la Galerie Magique, parce qu’une Phénix avait eu la grande idée de me sauver en nous faisant rentrer en plein dans le miroir… Oui, que de bons souvenirs pleins de bons sentiments.

Je froissais légèrement le parchemin avant de le jeter sur la place du canapé à côté de moi. Si j’avais reçu cet ordre de mission quelques semaines auparavant, j’aurais tout bonnement refusé. Car j’étais dans un état lamentable comme je ne l’avais jamais été avant. Je n’étais que l’ombre de moi-même, à tenter vainement de prétendre que tout allait dans le meilleur des mondes. Même si j’avais craqué à la Clinique devant Astragild Macnair en rentrant à Pré-au-Lard du voyage à Assapor. Même si Donald n’avait pas été dupe longtemps de mon état. Même si en réalité personne n’avait été dupe de mon état. On me pensait probablement perdue, dépressive pendant encore longtemps et pourtant… Pourtant, sans réellement savoir comment, j’avais réussi à remonter la pente. A redevenir la Marion Vaisey forte et sûre d’elle mais en même temps changée, avec certaines personnes du moins mais changée malgré tout. Et là, je recevais un ordre de mission m’envoyant en Inde ? Certes Elena Kark ne m’envoyait pas à l’abattoir mais tout de même. D’ailleurs, elle ne m’envoyait pas seule. J’avais à peine lu le nom de mon escorte. « Mr Vaisey ». Ah, au moins, ce n’était pas un inconnu. Même si elle ne précisait pas de quel Vaisey il s’agissait, je compris immédiatement qu’elle faisait référence à Graham. Car seul lui pouvait me servir d’escorte. Et tant mieux, je ne partais pas avec un incompétent.

Je pris un parchemin vierge qui trainait pour envoyer un message de rendez-vous avec mon cousin pour le lendemain. Si nous devions aller en Inde, nous ne pouvions pas partir sans préparation. Et un peu de géopolitique ne nous ferait pas de mal à lui comme à moi. Le temps de griffonner un petit message pour lui donner une heure de rendez-vous à l’Hôtel de Ville pour le lendemain et de donner une mission postale à ma chouette que Fletcher transplana dans le salon pour m’apporter mon dîner. Timing impeccable.

***

Pour tout ce qui était géopolitique sur l’Inde et la Chine, l’Hôtel de Ville était le meilleur endroit pour trouver l’information primordiale. L’Histoire de l’Inde était d’ailleurs aussi importante à savoir pour connaître les choix passés du pays, moldus et sorciers. Après tout, le problème d’Assapor avait été causé par un conflit moldu à la base, avec de grosses répercutions sur les deux mondes. Alors il ne fallait pas négliger ces points-là, malgré l’inutilité évidente du monde moldu. J’étais donc en train d’étudier mon troisième livre de la matinée, celui-ci étant sur les relations entre l’Inde et la Chine depuis le vingtième siècle, que la porte de la pièce où je m’étais installée s’ouvrit.

« Salut Graham », dis-je sur un ton neutre sans lever la tête de mon livre. Ce n’était pas comme s’il n’était pas habitué que je l’accueille ainsi. « Tu es légèrement à la bourre, mais pas grave. » Je ne cherchais pas le conflit mais après tout, je n’aimais pas lorsqu’on n’arrivait pas à l’heure. Il n’y avait certes pas morts d’hommes mais bon, il savait que j’aimais bien le faire remarquer. Bien que je fus un peu plus laxiste avec lui. Et puis la priorité aujourd’hui n’était pas là.

Panne d’oreiller. Si je ne connaissais pas Graham, et si je ne m’entendais pas avec lui, j’aurais réagi bien différemment. Mais je me contentai que d’un léger petit rire, osant lever la tête de mon livre pour croiser son regard. Je venais de rater son sourire de charmeur qui, d’après les dires d’il y avait quelques années lorsque j’étais encore à Poudlard, faisait des ravages auprès des filles.

« Tu as d’ailleurs encore un peu la marque de ton oreiller sur ta coupe de cheveux. Ou alors ces mèches rebelles sont peut-être dues au fait que tu as couru, va savoir. », dis-je, légèrement amusée. C’était peut-être également ma petite vengeance pour son retard. Rien de bien méchant en somme et j’étais de bonne humeur, qu’il en profite. « Sinon, puisque tu demandes, j’épluche les livres d’histoire concernant l’Inde, moldue et sorcière. » Je fis une pause, essayant de recadrer tout mon esprit pour ne pas perdre le fil voire divaguer pour repartir dans des souvenirs loin d’être heureux de Juin dernier. « Comme tu le sais, on doit aller faire un petit tour en Inde pour convaincre le nouveau gouvernement de nous rester fidèle. Seulement, soyons réalistes, qui dit nouveau gouvernement dit opportunité à saisir. Alors nous ne serons pas seuls à aller sur le terrain de l’argumentation. Je me suis donc dit qu’il valait mieux en savoir plus sur l’Inde avant de partir. L’Inde sorcière et moldue. Car ce serait beaucoup trop simple si seules les deux autres factions s’intéressaient à ce nouveau gouvernement post Assapor. »

Je fixai mon cousin du regard en lui mettant dans les mains le livre sur les relations indiennes et chinoises depuis le vingtième siècle dans les bras, refusant de penser à tout ce qui était lié de près ou de loin à Assapor avant de continuer.

« Ce livre-là m’a appris que la Chine avait toujours vu en l’Inde un intérêt. Une alliance, un échange de bons procédés – et encore– mais aussi un besoin. Que ce soit chez les moldus ou chez les sorciers. Donc je suppose que les chinois ont sauté ou vont sauter sur l’occasion d’aller rendre une petite visite à ce cher Ministre indien. Alors, si tu pouvais au moins finir d’éplucher ce livre-là et un autre de la petite pile derrière toi pour en savoir un peu plus sur les chinois et leurs relations avec les indiens, ce serait top. Un peu de géopolitique ne va pas nous faire de mal étant donné l’endroit où nous allons ! »

J’avais prononcé ma phrase d’une traite tout en me déplaçant dans la pièce à la recherche d’une information que je considérais comme cruciale pour notre mission : à quelle faction appartenaient les pays environnants à l’Inde ? Car si le grand pays surpeuplé qu’était la Chine était une grosse partie de l’équation, il ne fallait pas remettre en doute les autres pays avoisinants. Après tout, nous avions relégués au second rang la France et voilà qu’elle prenait du poil de la bête d’après les journaux. Alors nous ne devions pas commettre cette erreur pour notre mission.

« Et sinon, comment te sens-tu ? »

Cette question venant de moi pouvait sembler étrange mais c’était un moyen comme un autre de prendre de ses nouvelles et d’être certaine de son état d’esprit, comme pour me rassurer en quelque sorte. Ce n’était décemment pas dans mes habitudes d’être rassurée, loin de là, mais le traumatisme provoqué par Assapor restait tout de même proche. Alors tester un changement pour repousser l’échéance et se changer les idées n’était pas une si mauvaise chose à mon sens. Et pouvait même être une sage décision, pour mieux être concentré par la suite.

[spoiler]Désolée, c'est pas extra mais je me rattraperai au prochain post

Entendre Graham parler de son maigre petit-déjeuner me fit tirer un petit sourire. Sourire qui revenait doucement mais sûrement et arrivait à cacher mon stress. Heureusement pour lui que j’avais, enfin Fletcher avait, prévu un en-cas si besoin était. Je sortis donc une pomme de mon sac pour la lancer à mon cousin.

« Attrape. » lui dis-je tout en la lançant avant d’enchaîner sur la mission et ce que j’avais fait depuis que j’étais arrivée au Ministère. Je savais que tout ce que j’étais en train de lui dire et les livres que je lui refilais par la suite n’allaient pas du tout l’enchanter. Mais nous n’avions pas le choix. Oui, il n’était que mon « escorte » d’après les dires d’Elena Kark dans la missive mais il ne pouvait n’être que ça. J’avais beau être majeure, intelligente et capable de gérer une négociation si besoin était, le handicap de âge restait bien présent. Depuis plus d’un an, le problème résidait dans mon âge. Je les entendais ces bruits de couloirs disant que je n’avais mérité ma place que par piston. Ou j’avais entendu celles qui me traitaient de larbin. J’avais eu conscience de tomber de haut au moment de l’obtention de mes ASPICS mais je n’avais rien dit. Et là, j’allais avoir le même problème. Enfin presque. Après tout, le contact était au courant de qui il allait recevoir, non ? A voir si cela suffisait d’être envoyé par la représentante des Ombres.

« Je sais que tout ceci n’est pas vraiment ta tasse de thé mais tu vas être obligé d’en passer un petit peu par là pour suivre un peu. On ne va pas en terrain conquis, on doit faire en sorte que ce terrain le soit et de façon permanente. » Répondis-je à mon cousin alors que je posais un dernier livre sur sa pile. « Et évite d’attaquer directement les Chinois lorsqu’on arrivera sur place car ce ne seront pas les seuls vautours comme tu le dis si bien. » Je baissais la voix avant de continuer. « Je suppose que Metelli et Maman Salamander vont vouloir saisir l’opportunité ainsi que les Français qui veulent voler de leurs propres ailes. » Ce qui nous faisait en réalité quatre problèmes au total au lieu d’un seul. Et il ne fallait en sous-estimer aucun.

Je retournais alors à mes recherches. Visiblement l’Inde avait toujours été du côté du Lord avant sa mort. Mais à l’avènement des factions, dire de quel côté penchait l’Inde était donc complexe. Les guerres civiles qui s’étaient livrées ces dernières années en étaient un bon exemple. Mais peut-être partions-nous avec un avantage à avoir le chef du cabinet indien de notre côté ? De plus, il fallait le reconnaître, Assapor avait dû calmer certains pro-Héritiers et pro-Phénix. Tout simplement car ceux qui pensaient qu’il fallait laisser la vermine loin ou qu’elle n’était pas si dangereuse que ça venaient de voir leurs idéaux tomber en morceaux. L’épisode d’Assapor était l’exemple parfait pro-Ombres : la vermine moldue ne pouvait plus rester loin et les armes qu’elle possédait n’étaient pas si peu inoffensives face aux sorciers. Cette bombe atomique avait failli me faire connaître le même destin que tous les Assaporis.

Pour rester concentrée et enfouir les souvenirs d’Assapor, je décidais de savoir comment allait Graham, chose que l’ancienne Marion n’aurait jamais demandé. Car cet épisode d’Assapor m’avait tout de même changé, même si je ne le disais pas haut et fort. Il ne fallait pas croire non plus que j’allais devenir le modèle même de socialisation et que je serai douce et gentille avec tout le monde. Non, il ne fallait pas charrier non plus. Mais faire en sorte de ne plus perdre les personnes pouvant compter pour moi était quelque chose que je décidais de tenter malgré tout.

Entendre Graham parler de mariage me fit sourire légèrement, me faisant penser à mes propres fiançailles, qui arriveraient tôt ou tard. Le patriarche Rowle ne cessait de rappeler « gentiment » à son fils qu’il avait des obligations, tout en se doutant que je ne serai jamais la parfaite épouse sang-pure à la maison qu’il aurait forcément voulu mais je n’étais pas un mauvais parti. Alors il n’avait pas à se plaindre.
« Il t’a déjà trouvé quelqu’un, ça y est ? » Question des plus banales, qui me fit relever la tête de mon livre. Car si mes fiançailles étaient quasiment bouclées et emballées depuis quelques temps de façon non-officielles, savoir que Graham allait bientôt être dans le même cas me semblait… Etrange. Certes, Graham se pliait donc à la tradition mais se poser n’était pas dans sa nature. Tout comme retourner la question et savoir comment j’allais. Je ne savais pas vraiment comment j’allais. La dépression post-Assapor était certes un mauvais souvenir désormais mais je ne savais pas comment j’allais réagir sur place. Je n’allais pas craquer, je m’étais promis qu’Assapor resterait une exception mais je ne pouvais pas nier que je redoutais cette mission. « Je… Vais mieux. Depuis quelques semaines déjà. Je regarde quelques affaires du Magenmagot, fais mon travail et voilà. Je sais que je n’aurais pas un autre poste qu’assistante tant que nous serons à Pré-au-Lard mais j’ai tout de même une formation à la justice magiques alors je ne vais pas me plaindre. » C’était toujours mieux qu’assistante machine à café. Mais je rêvais secrètement ne plus dire que j’étais assistante. Sauf que ce ne serait pas pour tout de suite.

***

Après avoir passé un certain temps à éplucher les livres, une missive volante arriva jusqu’à nous pour nous annoncer que le portoloin était prêt et partirait une heure plus tard, pour pouvoir arriver en temps et en heure au lieu de rendez-vous avec notre contact indien. Intérieurement, et comme à chaque fois, je ne me sentais pas prête. Mais nous n’avions plus vraiment le choix. Alors je levais la tête vers Graham lui lançant un regard lourd de sens. Quand il faut y aller, faut y aller. Même si on ne veut pas.

L’heure passa beaucoup plus vite que ce que je pensais et lorsque je rejoignis Graham au portoloin, une vieille chaussure usée, je savais que j’avais pensé à tout (des vêtements jusqu’aux éléments de mon sac) mais l’appréhension était toujours là.

« Je sais. » dis-je pour réagir à sa remarque et me contentai de rouler des yeux avec un léger sourire alors qu’il continuait sur sa diplomatie et ses bonnes manières. « Au moins on est sur la même longueur d’onde, on part avec un avantage certain. » Il fallait s’en convaincre. Cette mission négociation ne s’annonçait pas de tout repos.

Je ne savais cependant pas quoi dire concernant la future fiancée de mon cousin. J’aurais probablement voulu  en savoir plus sur mon prétendant plutôt que de laisser le patriarche faire. Mais Graham ne fonctionnait pas comme moi alors je n’allais rien dire, pour une fois. Je me contentai donc d’hausser les épaules, en appuyant ses paroles, le laissant enchaîner la conversation. Essayait-il de me déstresser ou quelque chose ? Peut-être. Et je lui en étais reconnaissant de tenter sa chance. Graham était loin de me considérer comme un bébé, comme tous ces vieux au Ministère et maintenant à l’Hôtel de Ville qui semblaient allergiques aux sangs neufs. Un jour, ils comprendront que je méritais ma place et se tairont.

« Je serai sans pitié pour les vieux décrépis du moment et tous les sceptiques ! », répondis-je en riant un peu avant de retourner dans ma lecture.

Le temps passa à une vitesse folle, si bien que lorsque la missive volante arriva, je pensais qu’il nous restait beaucoup plus de temps pour potasser. Soit, tant pis. Ce fut pire lors de l’arrivée au Portoloin. Plus moyen de reculer, il fallait y aller. J’acquiesçai avec confiance, du moins en apparence, à la question de Graham avant de saisir à mon tour le Portoloin. Je ressentais la même appréhension que lorsqu’il fallut s’enfuir de Poudlard. Cette nuit-là, j’avais Donald à mes côtés et tout s’était bien passé. Là, j’avais Graham. Alors tout se passerait bien également.

En quelques secondes, nous quittions le froid d’automne de l’Ecosse pour retrouver la chaleur indienne. La fameuse chaleur indienne qui ne m’avait pas manqué… Stop. Je réussis à bloquer toute pensée concernant Juin dernier et enleva ma veste pour la placer dans mon havre-sac. Nous avions atterri loin de la capitale indienne, comme prévu. La lumière m’aveuglait tellement que je ne réussis qu’à distinguer la silhouette qui nous attendait, visiblement, que lorsque celui-ci fut quasiment à notre hauteur. Le chef du cabinet indien.

« Marion Vaisey, enchantée monsieur Dathranui. » Je jetais un coup d’œil à mon cousin alors qu’il se présentait à son tour et faisait une réflexion sur le climat. Il n’avait pas choisi une tenue de rêve pour affronter la chaleur indienne. Je pus alors sortir mes lunettes de soleil de mon sac alors que Rajeev nous indiqua un tapis volant. Je regardais avec une légère inquiétude notre transport volant. Je n’étais montée sur un balai que très peu de fois et n’étais pas faite pour. La dernière fois que Donald m’avait mise sur un balai, il avait passé le reste de la soirée à rire ouvertement de moi, même après l’avoir incendié comme jamais. Comme pour agrémenter mon malaise face au tapis, je trébuchai sur un caillou en me dirigeant vers le tapis et m’écroulai par terre. Bien joué Marion, très pro tout ça. Et que faisait un caillou ici, par Rowena ? Je me relevai, me dépoussiérai rapidement et rejoignis les deux hommes sur le tapis.

Le voyage se passa bien mieux que ce que j’avais pensé, et heureusement. Je fus cependant soulagée lorsque le bâtiment de l’ambassade anglaise fut distinguable. Je n’étais vraiment pas faite pour les airs, même si je n’avais pas le vertige. La visite touristique avait même été un plus. L’Inde pouvait être un beau pays, lorsqu’on oubliait les souvenirs de la première fois avec Assapor. Un jour peut-être je reviendrai ici dans d’autres circonstances. Avec les indiens chez les Ombres, évidemment.

A peine avions nous posé un pied sur le sol que Rajeev nous expliqua la suite des événements. Pas les premiers arrivés ? En voilà une nouvelle peu réjouissante.

« - Si nous ne sommes pas les premiers arrivés, qui est déjà là ?
- Un homme de confiance m’a fait savoir qu’un autre anglais d’un certain âge était arrivé quelques heures avant vous tandis que l’émissaire chinois est sur place depuis hier. Il doit y avoir un ou deux autres émissaires mais je ne peux vous confirmer cette information. Sur ce, je vous laisse pour la soirée et viendrai vous chercher à votre hôtel demain matin à 8h.»
Rajeev nous indiqua l’emplacement de notre hôtel, à deux minutes de l’ambassade, avant de nous laisser dans le hall de l’ambassade.

« Ça ne sent pas bon tout ça. Quatre adversaires. Au vu du contexte politique actuel, nos adversaires vont donc être un Héritier, un Phénix, un Chinois et… Et quoi ? Un Français ? Ou autre ? Il va falloir la jouer finement dans tous les cas, surtout en négociation avec un indien qui, quand il dit « oui je comprends », n’est pas forcément d’accord avec ce que l’on dit… » Stressée ? Un peu. « Ceci dit, ce n’est pas encore le moment de penser stratégie mais celui de te trouver des vêtements plus adaptés. Car tu ne vas pas faire très menaçant avec tes auréoles sous les bras et à suer comme un elfe au travail. »

Parce que oui, Graham avait voulu s’habiller différemment que d’habitude mais n’avait pas pensé à la couleur de ses vêtements. Et  même si faire du shopping n’était pas vraiment priorité en général, il se révélait plus que nécessaire en cet instant pour mon cousin.

***

A 8h très précisément, Rajeev nous attendait dans le hall de notre hôtel luxueux –à la hauteur de notre sang en somme. J’avais opté pour une robe en lin blanche avec des sandales de la même couleur, prête à affronter les négociations.

« Bonjour à vous deux, j’espère que votre nuit a été agréable. Voici le programme de notre journée. J’ai réussi à placer notre entrevue avec monsieur le Ministre à 8h30 pour une heure d’entrevue. A cause de certains membres de notre nouveau gouvernement, monsieur le Ministre souhaite rencontrer tout le monde individuellement ce matin pour entendre leurs points de vue. Ensuite, un déjeuner nous attend avant une reprise des entrevues, en groupe cette fois-ci, l’après-midi avant un banquet le soir, organisé par l’assistante du Ministre, avec tout le monde encore une fois.»
Charmante petite journée en somme. C’était donc dans l’après-midi que Graham et moi saurions à qui nous aurions affaire. Toutefois, le challenge de la matinée n’était pas plus simple.
Nous arrivâmes à l’heure pour le rendez-vous avec le Ministre. Je jetai un regard à Graham avant de pouvoir pénétrer dans le bureau à la suite de Rajeev.
« Monsieur le Ministre, voici les envoyés dont je vous ai parlé de Madame Elena Kark : Mademoiselle Marion Vaisey et Monsieur Graham Vaisey. »

Etat du Ministre:

l'intervention de Graham a servi à quelque chose:

Reminder couleurs protagonistes:

Je savais pertinemment que l’Inde, tout comme l’Australie, était un pays en instabilité politique. Et si l’Inde magique était dans cet état, je n’osais pas imaginer celui de l’Inde moldue. L’incident d’Assapor n’était que le résultat de cet équilibre précaire dans lequel les indiens vivaient. De ce fait, cette division du pays n’était en rien bénéfique pour que les choses rentrent dans l’ordre. Pour remettre l’Inde sur pieds, il fallait donc que le Ministre Indien réalise que la seule faction capable de l’aider dans ce fastidieux travail n’était autre que les Ombres. J’avais tout mon discours en tête. Il était clair, précis et ne tournait pas autour du pot comme ceux de certains. Les fioritures, le Ministre indien ne devait en avoir strictement rien à faire. Et puis dans un moment comme celui-là, je n’étais pas capable de mettre des fioritures dans mon discours. Il me fallait être ferme sans être agressive. Lui lécher les pieds, non merci.

Avec confiance, nous entrâmes dans le bureau du Ministre. Mais à voir la façon dont ce dernier nous accueillit, je réalisai que la partie était loin d’être jouée. Comme si je n’avais pas assez redouté cette première entrevue. Alors que Rajeev et Graham restaient en retrait, je prenais place sur le seul siège en face du bureau du Ministre. Seule face à la personne à convaincre. Je sentis le regard du dirigeant me scruter. Son visage, tout comme le mien, était impassible mais je n’étais pas dupe, il ne s’attendait pas à ce que je sois seule au niveau des négociations. Je ne me laissai cependant pas démonter et commençai mon argumentation.

N’importe quelle phrase en faveur des Ombres était contre-argumentée par le Ministre. Il avait donc un avis sur tout mais ne faisait pas grand-chose pour son pays. Enfin, c’était mon opinion que je n’allais évidemment pas partager avec le concerné. J’étais là pour gagner cette argumentation, pas pour m’y faire éjecter dès le départ.
Mais plus l’heure s’écoulait et plus le Ministre ne semblait pas se rendre compte des enjeux auxquels il devait faire face. Nous repartîmes une nouvelle fois sur le problème des Moldus lorsque Graham réagit avant que je puisse continuer. Son ton était loin d’être cordial et s’il ne sortait pas d’ici peu de temps, il pourrait potentiellement faire un massacre. Au sens presque figuré. J’étais paralysée intérieurement, ne sachant pas quoi dire ou faire pour rectifier le tir, avec une seule question en tête : l’intervention de Graham nous éjecterait-elle des négociations ? Pourquoi ne s’était-il pas contenté de la fermer ? Son argument avait beau être valide, j’étais énervée intérieurement. Comme je le redoutais, le Ministre Indien répondit froidement à Graham comme quoi ses enjeux n’étaient pas qu’un problème de Moldus. Ce Ministre était pas croyable, il savait ses enjeux importants mais ne se rendait pas compte que certains étaient plus importants que d’autres.

Je me levai en silence, le visage fermé et me dirigeai vers la porte. Rajeev et Graham sortirent les premiers et je me retournai une dernière fois face au Ministre pour avoir le dernier mot au moins une fois.

« Monsieur le Ministre, avec tout le respect que je vous dois, sachez une chose. La tragédie d’Assapor n’a pas juste été une île qui a disparu de la surface du monde pour moi. J’étais sur cette île lorsque la bombe moldue pakistanaise a touché votre pays. J’ai vécu ces trois jours d’horreur comme vous avez dû vivre la perte d’une partie de la population et de vos villes. Toutes ces pertes tout ça à cause de quoi ? D’un conflit moldu qui date depuis bien trop longtemps et d’une arme moldue beaucoup plus puissante que ce que nous pouvions imaginer. Vos enjeux ne s’arrêtent peut-être pas qu’à un problème de moldus oui, mais ce problème de moldus reste un de vos enjeux les plus importants et vous semblez l’avoir oublié. A plus tard, Monsieur le Ministre. »

Je sortis de la pièce en fermant doucement la porte derrière moi, impassible sous le regard des deux hommes. Graham s’excusa mais avant que je puisse lui dire deux/trois choses sur ses excuses, Rajeev prit la parole.

« L’heure n’est pas aux disputes, ce qui est fait est fait et il vous faut vous concentrer sur la suite de la journée. Je vais essayer d’aller lui parler avant que le second émissaire arrive. Retournez à votre hôtel vous préparer. Je viendrai vous chercher aux alentours de 12h30. »

Rajeev nous quitta pour rentrer dans le bureau du Ministre alors que je lançai un regard noir à Graham. Le chef du cabinet avait marqué un point : l’heure n’était pas aux disputes mais à la stratégie. Seulement il me faudrait au moins le temps de rentrer à l’hôtel pour adresser la parole à Graham sans vouloir m’énerver contre lui.

Midi et demi arriva bien vite et Rajeev, comme à son habitude, était à l’heure. Le déjeuner n’était pas le moment de réellement parler stratégie et d’expliquer au Ministre pourquoi il devrait se rallier à notre faction. Je m’étais calmée depuis le temps et n’en voulait plus à Graham. Nous arrivâmes au restaurant luxueux typique, fraîchement rénové. Pour un pays ayant dû se reconstruire, il avait visiblement les moyens… Nous nous dirigeâmes cependant vers l’endroit privatisé où nous allions déjeuner, prêts à découvrir nos adversaires.
« - Mademoiselle Vaisey et son cousin. Je vois que Madame Kark envoie ses meilleurs éléments.
- Et je vois que Madame Salamander a fait de même, monsieur Macnair. »

Je jetai un regard en biais à Graham. Maman Salamander avait donc décidé d’envoyer son adjoint, Rogan Macnair, pour négocier. Néanmoins, Macnair était le cadet de mes soucis. Je saluais poliment l’émissaire Phénix (accompagné d’un américain  en guise de garde du corps et plutôt jeune) avec un sourire hypocrite ainsi que le Français cinquantenaire et le Chinois. Un frisson parcourut mon échine lorsque mon regard croisa celui du Chinois mais ne dis rien, me contentant de m’asseoir à la place qui m’avait été attribuée alors que Graham faisait de même.

Le repas débuta sans incident notoire. Le Ministre semblait beaucoup plus enthousiasmé à parler au Chinois qu’aux autres membres de la table et chacun s’était mis à lancer des piques aux autres. J’avais décidé de mon propre chef de ne pas entrer dans ce jeu de discréditation. Premièrement parce qu’il se retournerait contre moi à un moment donné et deuxièmement parce que je ne jouais définitivement pas dans la même cour qu’eux. La guerre des piques allait continuer jusqu’à la fin quand le Français s’excusa pour se diriger vers les toilettes, visiblement pas dans son assiette. Et tout s’enchaîna rapidement. L’émissaire Français fit quelques mètres avant de s’effondrer au sol dans un bruit sourd. Immédiatement, Rajeev se leva pour aller prendre le pouls du pauvre Français sous les expressions surprises, la mienne compris, de toute la table.

A la vue du visage grave du chef du cabinet du Ministre, Rajeev n’eut pas besoin de parler pour nous faire comprendre que l’émissaire Français n’était plus. Voilà qui donnait le ton de ces négociations, et ce n’était pas des plus rassurants. Je scrutais la table du regard avant de remarquer que l’émissaire Chinois n’était pas plus choqué que cela de la mort de l’émissaire français. Décidément, c’était réellement un sorcier dangereux.

Intervention de Rajeev:

Plan du Chinois pour le déjeuner:

Si Oui Oui ou Oui Non précédemment, qui est l'émissaire touché ?:

Graham reconnait les effets d'un poison:

Dire que le décès du Français avait plombé l’ambiance était un doux euphémisme. Du moins, en oubliant l’attitude du Chinois qui faisait comme si de rien n’était. Ce n’était pourtant pas la première fois que je voyais quelqu’un mourir devant moi, que ce soit moi qui ai provoqué cette mort ou non. Seulement le frisson qui parcourut mon échine en regardant le corps inerte du français me prouvait que j’étais loin d’être à l’aise. Je détournai mon regard du chinois pour me concentrer sur Graham. Mon cousin semblait savoir ce qui était arrivé à l’émissaire mais il ne ferait certainement pas part de sa découverte tout de suite. Je me repris avant de terminer mon repas dans une ambiance lourde.

Le repas s’éternisa beaucoup trop longtemps à mes yeux, le lieu et les convives n’aidant en rien pour faire oublier le décès suspect du Français. Ce fut donc avec soulagement que j’accueillis notre départ en silence avec Rajeev dans un petit salon qui nous était réservé. Je voulus briser ce calme inconfortable mais Graham fut le plus rapide. Il avait le visage grave et ses paroles n’étaient pas à prendre sur le ton de la plaisanterie. Même si sa dernière phrase était plutôt ridicule.

« Je comprends bien le fait que tu ne veuilles pas que je subisse le même sort que l’émissaire français mais m’interdire de manger voire de boire avant le départ est excessif, surtout avec la chaleur extérieure. Je te promets cependant que je ne toucherai à rien au banquet de ce soir, parce que j’aurais diné avant. » Je croisai les bras et soupirai avant de me tourner vers mon cousin. « C’était du poison, n’est-ce pas ? »

Jamais Graham ne m’aurait fait tout ce speech s’il ne savait pas que le Français avait été empoisonné. C’était une bonne chose qu’il s’en soit rendu compte cependant mais je n’étais pas prête à suivre son régime strict pour la journée. Rajeev, silencieux depuis un bon moment, en profita pour calmer le jeu.

« Je m’occuperai de vos repas, cela sera plus simple pour tout le monde. Je sais que mes paroles vont paraître décalées par rapport aux événements de ce midi mais il ne vous reste qu’une heure pour vous préparer pour la suite de la journée malgré tout. »

Je soufflai, les bras croisés sur ma poitrine. Rajeev était pragmatique et surtout, Rajeev avait raison. Si la disparition soudaine du Français avait choqué presque tout le monde, le reste de la journée continuait de se dérouler. Et les adversaires restants n’allaient pas nous faire de cadeau malgré tout. J’acquiesçai avec la tête et sortis les notes de mon sac pour revoir mes arguments.

L’heure passa beaucoup trop rapidement seulement il n’était plus question de revenir en arrière. Rajeev nous avait accompagnés au lieu du rendez-vous pour le meeting en groupe. Chaque émissaire avait une entrée attribuée, nous laissant une dernière fois seuls sans nos concurrents. La porte devant nous s’ouvrit à l’heure pile et nous pénétrâmes dans la pièce. C’était un mélange de salle de conférence, avec ses tables et leurs positions, et d’un petit salon, avec sa décoration et ses fauteuils. Le Ministre Indien prit place et nous indiqua nos places alors que Rajeev prenait place à ses côtés. Macnair était situé tout à gauche alors que le Chinois était tout à droite. De cette manière, je me retrouvais donc en sandwich entre Macnair et le Phénix avec son « grand ami » l’américain.  L’après-midi allait commencer.

Deux bonnes heures venaient de s’écouler et le débat faisait rage. Le Chinois arrivait malgré tout à se démarquer car elle n’était pas sous le joug des trois factions restantes que nous représentions alors que le Phénix s’enlisait dans son argumentaire pro-égalité des sorciers. Ce n’était pas cela que l’Inde recherchait. L’Inde voulait retrouver sa stabilité d’autrefois et c’était sur cet argument de stabilité politique que Macnair et moi défendions. Le Lord avait fait régner la paix pendant vingt ans sur le monde magique grâce à cette hiérarchie du sang. Il fallait la retrouver et c’était ce que nous défendions tous les deux. Car les questions des Moldus et du Secret Magique n’avaient pas été soulevées. Pas encore.
Mais plus le temps passait et moins le Phénix ne mentionnait les Moldus. Ce fut donc à moi de remettre ce sujet sur la table, sans me laisser démonter par l’un des trois émissaires. Rajeev murmura quelque chose au Ministre Indien juste après ma plaidoirie anti-moldus. Le Phénix perdait des points que je récupérais. C’était évident. Non ?

En fin de compte, le débat de l’après-midi se passa sans incident notoire. Pas d’émissaire mort au moins. Rajeev nous somma de l’attendre quelques minutes avant de nous ramener à l’hôtel et de nous raconter comment allait se passer la soirée. Les portes se refermèrent à nouveau derrière Graham et moi. Je voulus parler mais Graham me stoppa net, me faisant signe de rester silencieuse. Je lui adressai un regard noir tandis qu’une voix différente de celle de Rajeev ou du Ministre retentit de l’autre côté de la porte. L’émissaire Chinois. Nous nous approchâmes tous les deux de la porte pour entendre la conversation.

« Vous savez Monsieur le Ministre, je dois vous confier quelque chose. Ce que l’émissaire des Etats-Unis d’Amérique et l’émissaire Phénix de l’actuel gouvernement britannique ne vous ont pas dit… » L’enflure. Il savait que seuls les Etats-Unis reconnaissaient le gouvernement de Metelli. « … est que les Etats-Unis font face à un  scandale inadmissible et la Grande-Bretagne fait de même. » Je retins mon souffle, me demandant de quel scandale le Chinois parlait. « Ils acceptent les mariages entre sorciers et moldus ainsi que les enfants au sang-mêlé. Ils se sont efforcés de vous raconter que la hiérarchie du sang était inutile mais en ont oublié l’abomination qu’ils acceptent sans cela. Or l'Inde ne peut se permettre d'accepter cela. N'êtes-vous pas d'accord Monsieur le Ministre ? »

Que se passe-t-il?:

Le Coréen se révèle être:

La tentative du chinois de discréditer le duo Phénix/Américain n’avait pas fonctionné. Si d’un côté j’étais soulagée de savoir que le chinois n’avait pas autant d’influence sur le Ministre indien que ce qu’il voulait faire croire, j’étais déçue de savoir que le duo était toujours dans la course. Après tout, une équipe en moins dans la compétition pour obtenir l’Inde n’était pas une si mauvaise chose pour les Ombres. Seulement, je ne voulais pas terminer comme le Français. Eliminer la compétition, oui mais ôter des vies pour, non. Pas de cette façon. Pas dans ces conditions. J’étais là pour des négociations et pour gagner le soutien de l’Inde pour les Ombres. Pas pour finir six pieds sous terre, empoisonnée.

Je restai silencieuse tout le long du trajet retour, ne sachant quoi penser. Le Chinois venait de perdre des points avec sa tentative de discrédit ratée, mais qu’en était-il des autres ? Je savais que le duo avait encore quelques chances mais Macnair…
Je ne pus approfondir ma pensée que nous étions de retour à la suite. Rajeev nous expliqua comment allait se passer le reste de la soirée tout en répondant aux interrogations de Graham. Les choses prenaient du temps en Inde ? Non, ça ne s’était pas du tout vu, pensai-je ironiquement. Seulement c’était chose connue malheureusement, j’avais fait mes recherches après tout. Je restai encore une fois silencieuse, acquiesçant de la tête aux propos de l’Indien. Se préparer donc.

« Si le Ministre penchait réellement de notre côté, il aurait fait en sorte que le duo Phénix et américain soit hors course. Pas comme le Français l’a été évidemment mais il n’aurait pas voulu en entendre plus de leur part. Je reste plus sceptique que toi pour le coup. On a toujours le Chinois et Macnair aussi… »

Je soupirai en répondant à Graham qui évitait soigneusement la salle de bain. Entre temps, je m’étais dirigée vers mon lit pour découvrir la tenue de cérémonie que Rajeev avait apporté. Le sari mélangeait du rose avec du orange. Je ne portais que très rarement ces deux couleurs mais ce soir, je n’avais pas le choix. Puisque Graham boudait la salle de bain jusqu’à la dernière minute, je décidai d’aller me changer directement, n’ayant pas vraiment le choix sur la tenue. Je me demandais à quoi ressemblait la tenue de mon cousin, ceci dit.

L’heure et demie de préparation passa à une vitesse folle et je ne pus retenir un rire lorsque Graham sortit à son tour de la salle de bain, avec sa tenue traditionnelle. Je ne fis aucun commentaire, ne voulant pas qu’il se venge avec un sort pour me rendre ridicule mais il fallait avouer que sa tenue était vraiment atypique. Je me mordis la lèvre en retrouvant Rajeev. Au moins cette tenue avait pour l’instant réussi à faire retomber légèrement la tension qui s’était installée depuis le matin.

Nous venions tout juste d’arriver au Palais que le Ministre nous conseilla d’aller voir la beauté du jardin intérieur. Le Palais était somptueux et je ne pouvais cacher l’émerveillement dans mes yeux. Ce fut donc sans réfléchir bien longtemps et en consultant brièvement Graham que nous nous dirigeâmes vers le fameux jardin. Autant encore profiter un peu du calme avant la tempête.

Tempête qui arriva bien trop rapidement à mon goût. A peine avions-nous mis un pied dans le jardin de rêve que la scène qui s’offrait à nous ne disait rien de bon. Macnair était entouré de trois Chinois dont deux encore debout, baguette à la main. L’Héritier était définitivement en désavantage. Sans avoir le temps de prononcer une phrase, Graham se lança à la rescousse de Macnair, faisant définitivement comprendre à Rajeev et moi que nous n’étions pas les bienvenus pour l’aider. Je détestais lorsqu’il faisait ça, je n’étais pas en sucre par Rowena ! Mais j’avais beau lui dire que je savais mener mes propres batailles, Graham ne m’écoutait pas et préférait jouer au chevalier servant, comme Donald. J’aurais voulu faire comme à mon habitude, c’est-à-dire n’en faire qu’à ma tête, mais la tenue traditionnelle que je portais m’empêchait de bouger à ma convenance. Je pouvais marcher et m’asseoir mais courir dans cette tenue et être efficace avec les sortilèges étaient choses impossibles.

« Comment est-ce que les femmes de ce pays font pour se défendre et se battre dans cette tenue ? »,  m’exclamai-je, fulminant intérieurement.
« Elles ne le font pas, elles ont un garde du corps pour s’occuper de cela à leur place. », répondit Rajeev, me forçant à me mettre à l’abri avec lui le temps que Graham s’occupe des deux énergumènes et sauve le Macnair. L’Inde était donc un pays avec beaucoup de femmes assistées et faibles ? Trop peu pour moi.

Le danger fut rapidement écarté et nous pûmes rejoindre les deux hommes. Je remarquai une baguette sur le chemin me semblant familière, que je décidai de ramasser. Si elle appartenait au Macnair, autant lui rendre et accentuer l’air dépité sur son visage. Macnair l’avait mauvaise de s’être fait sauver par Graham, qui avait fait du bon travail malgré la fantaisie de sa baguette lors du Defenestro. Et je l’avais mauvaise de ne pas avoir été celle qui le mettrait dans cet état. Je me satisfis cependant d’une chose : Macnair allait rentrer la queue entre les jambes à Pré-au-Lard pour faire son rapport à Maman Salamander. Du moins, c’était ce que j’espérais.

Je ne pris pas part au petit débat concernant la nationalité de l’asiatique, qui se révéla être Coréen aux dires de Rajeev et je fulminais toujours d’avoir été aussi inutile durant les dernières minutes. J’espérais secrètement que le Coréen touché par le Flumen Ignite soit encore vivant pour me défouler sur lui. Graham ne dirait probablement rien, préférant que je me défoule sur un ennemi plutôt que sur sa personne.

Baguette en main, je suivis Graham vers le troisième Coréen. Rapidement, il me fit comprendre que nous avions de la chance et qu’il était en vie. Sans attendre, je lançai un Doloris sur le Coréen quelques secondes. Ah un défouloir, enfin. J’évitai de croiser le regard de mon cousin alors que je m’approchais de l’étranger, prête à le faire parler comme il se devait.

« Ecoute-moi bien, je n’en ai pas l’air mais j’ai lancé un Avada pour moins que ça. » Je dévisageai le Coréen avec un air de dégoût. C’était dans ces moments que j’oubliais quel âge j’avais réellement et que je devais faire en sorte de le faire oublier à mon interlocuteur.
« Comme si j’allais écouter une gamine com— »

Parce que, comme tous les autres, il me sous-estimait, je lançai un nouveau Doloris, plus puissant et plus long cette fois. Mon visage était fermé mais je jubilais intérieurement de pouvoir me défouler sur cette face de troll. Il parlerait, c’était évident.
« Comme je le disais, j’ai lancé un Avada pour moins que ça, tu es dans un état à la limite du pitoyable et je suis énervée. Alors je te demanderai simplement ceci : qui t’envoies et quelle était ta mission ? »
Je répondis froidement au Coréen et ne le lâchai pas du regard. J’étais prête à lui lancer un troisième Doloris lorsqu’il se mit enfin à parler.
« Ok, ok, je vais parler. » Ses brûlures le faisaient souffrir, cela se voyait, seulement il n’était pas sur le point de mourir. Sauf de ma baguette s’il mentait. Le Coréen regarda successivement Graham, Macnair, le Ministre, Rajeev et moi avant de continuer. « Je vais tout vous dire mais promettez-moi de me protéger car il ne m’épargnera pas. » Je vis le Ministre Indien acquiescer du coin de l’œil, sans un mot, permettant au Coréen de tout balancer. « Nous avons été envoyés et payés par Hi-San Xu, l’émissaire chinois, pour… Eliminer les Mangemorts Anglais. Vous trois, en l’occurrence. »

Le Ministre fut choqué par cette révélation alors qu’aucun de nous quatre ne le fut réellement. Le duo Phénix / Américain, qui venait tout juste d’arriver et se demandait ce qui s’était passé, la jouait réglo  depuis le départ. Macnair avait beau être tordu, il ne l’était pas à ce point. Et évidemment, ni Graham ni moi n’avions engagé ces énergumènes. Saleté de Chinois, il n’y avait que lui pour ne pas jouer le jeu.
Les quatre hommes autour de moi pestèrent à la découverte du pot aux roses. Le Ministre fut cependant intransigeant.

« Gardes ! Emmenez cet homme et arrêtez sur-le-champ Hi-San Xu. Il sera interrogé et devra répondre de ses actes devant un tribunal. Et pour l’heure, n’est plus à même de participer à ces négociations. »

Le visage grave, le Ministre s’éloigna avec les gardes, nous rappelant que la soirée allait débuter dans quinze minutes. Je ne réalisais pas que le Chinois était hors course pour de bon, à quelques heures du verdict. Je me rapprochais de Graham tandis que Macnair nous salua sans un mot.

« Ça lui fait tant mal à la bouche que de dire merci ? » Je soupirai, croisant les bras sur la poitrine. « Bien joué en tout cas, on a réussi à éliminer le Chinois. Et je pense sincèrement que tu n’as plus besoin d’inspecter ma nourriture, tu me ramèneras saine et sauve chez Arthur… »

La tension remonta durant les dernières minutes d’attente. Rajeev s’éclipsa pour s’occuper des derniers préparatifs. Graham remarqua l’air inquiet sur mon visage et me réconforta du mieux qu’il pouvait avant de me faire savoir qu’il était l’heure d’y aller.

La salle de réception était décorée à l’image du jardin intérieur et du palais en général. Grande salle somptueuse, remplie de bannières et tapisseries colorés dans les tons orangés (au moins, nos vêtements étaient en accord avec la salle) ainsi que de sculptures indiennes dans une ambiance tamisée et détendue. Je ne pus qu’être émerveillée par ce décor, me faisant oublier quelques instants les enjeux de cette soirée. Une scène était d’ailleurs visible depuis n’importe quel endroit de la pièce, et tout particulièrement des tables pour dîner, sûrement utile pour les différents spectacles de la soirée.

Lorsque tous les convives furent entrés, le Ministre ayant décidé d’inviter quelques-uns de ses amis et les membres de son Cabinet en plus, il se dirigea vers la scène, lança un Sonorus sur sa gorge et prit la parole.

« Amis, conseillers et émissaires, je vous souhaite la bienvenue à ce diner de clôture. Pour certains d’entre vous, la journée a été plutôt rude et j’espère que la réception de ce soir va vous aider à vous remettre de tous ces événements. Avant de vous donner ma décision, je souhaite vous offrir un repas typique de notre beau pays ainsi qu’un spectacle de danses traditionnelles. Profitez de la soirée et bon appétit. »

Je jetai un regard à Graham alors que nous prenions place à la table qui nous avait été attribuée. Avec la mort de l’émissaire français et l’élimination de l’émissaire chinois, les couverts et chaises en trop avaient été enlevés. Alors que nous étions en train de nous asseoir, Rajeev s’approcha de nous et nous murmura un « J’ai eu l’occasion de discuter avec le Ministre tout à l’heure après votre acte de bravoure pour sauver l’émissaire. » Il avait tourné la tête successivement vers Graham et moi avec un sourire franc, soulignant sa gratitude. « Le Ministre n’a pas oublié ce que vous avez fait et cela a peut-être joué en notre faveur. Profitez du repas et de l’animation. » Rajeev alla s’installer à côté du Ministre, en face de Graham, alors que nous étions coincés entre Macnair et l’américain. Il fallait espérer que cela joue réellement en notre faveur.

La soirée passa à une vitesse folle. Le repas fut, comme attendu, un repas composé de différents plats typiques indiens tandis que la danse fut une danse féminine traditionnelle. Les femmes me semblaient être dans le même genre de sari que je portais. Contrairement à moi, elles arrivaient à bouger plus facilement dans ce genre de vêtements mais cela n’était pas très étonnant, l’habitude jouait fortement. Le Ministre, ravi de voir que les personnes présentes dans la pièce appréciaient la soirée, prit à nouveau place sur scène et se fit entendre grâce à un Sonorus. La pièce quitta l’ambiance tamisée pour une ambiance plus formelle et moins festive.

« Avant que la soirée ne touche à sa fin, il est temps de vous faire part de ma décision. Grâce aux différentes informations qui m’ont été fournies en amont et tout au long de cette journée ainsi qu’aux discussions avec les différentes personnes de mon cabinet, un verdict a été établi. Mademoiselle et monsieur Vaisey, » Le Ministre se tourna vers nous, un pic de stress m’envahit, « vous pourrez annoncer à Madame Kark que l’Inde se rallie aux Ombres de la Rose Noire. »

Je mis mes mains sur ma bouche, choquée. Je n’entendais plus le discours du Ministre Indien, les protestations ou cris de joie, rien. Je regardai Graham, sciée. Nous avions réussi, l’Inde se ralliait à nos idéaux officiellement. Le chemin allait être long pour ce pays ayant souffert autant en si peu de temps mais nous avions réussi. La gamine de dix-neuf ans et le douanier de 28 ans qui n’était pas forcément reconnu à sa juste valeur parfois. Je ne pouvais pas enlever du mérite à Graham malgré tout car le sauvetage du Macnair a dû nous donner un poids conséquent dans la balance en plus du travail. Je n’en revenais juste pas. Et Graham non plus probablement.

Décision du Ministre: