En ce moment même, Leah avait du mal à comprendre comment cela était possible qu’elle et Dylan soient jumeaux. Depuis le décès de ses parents et l’arrivée de ce Billius à la maison, elle s’était éloignée de la personne qu’elle avait pu être jadis. Comme si l’animosité que faisait ressortir Billius en elle l’avait totalement transformée. Dylan était bon, généreux, calme et plein de bon sens. Oh et puis, il ne faut pas se mentir, son frangin était le plus mignon de la terre entière, alors qu’elle était devenue totalement infecte ces derniers temps et même elle avait du mal à lutter contre cette facette d’elle qui faisait soudainement surface.

Pourtant, seul son frère était capable de la calmer comme il venait de le faire… Sauf, quand il essayait trop de la calmer. « Il se fait tout petit mais je le vois partout. Et petite rectification : TU est la première personne à l’aider, moi je ne fait que le tolérer et crois-moi, c’est déjà un gros effort. » Quand son jumeau poursuivit sur la pente dangereuse du sujet Billius et lui parla de reconnaissance, Leah se sentit mal d’un coup. Comment pouvait-il être reconnaissant envers elle alors qu’elle faisait tout pour lui faire vivre un enfer ? C’est vrai quoi, mise à part lui offrir de vivre sous son toit, c’était la seule chose qu’elle ait jamais fait pour lui.

L’idée des plannings semblait être une bonne idée aux yeux de la poufsouffle. Même si le fait de devoir suivre un horaire strict dans sa propre maison, elle était prête à le faire pour calmer le jeu. Elle se contenta donc d’hocher la tête en signe qu’elle approuvait, car elle était bien trop fière pour le dire de vive-voix. Pour ce qui est de points communs, Leah pouvait déjà en reconnaître un : elle, comme son invité de « marque » ne pouvaient se supporter l’un l’autre. Dans un sourire ironique, elle voulut notifier cette pensée à son frère mais vu les yeux fatigués de Dylan, il ne valait mieux peut-être pas remettre de l’huile sur le feu.

D’ailleurs, cela faisait plusieurs jours que Dylan avait l’air fatigué et tourmenté et Leah n’avait même pas essayé de comprendre ce qui se tramait. Et voilà qu’elle commençait à culpabiliser… Et il a fallu que son frère en rajoute une couche pour lui dire à quel point il avait de nombreuses choses à penser et qu’il lui fallait un moment pour décompresser comme… Un moment de détente avec Billius bien sûr ! Leah soupira. Cela faisait des lustres qu’elle n’avait plus passé un moment en tête à tête avec Dylan et ce moment qu’elle attendait tant n’était pas prêt d’arriver. Peut-être tout simplement n’en avait-il pas envie… « Ecoute Dylan,  je vais faire un effort. Pour toi. Mais si ça ne passe toujours pas… Tu ne pourras pas dire que je n’aurais pas essayé. Va pour la soirée TV, ça m’évitera de devoir trop parler au moins. » dit-elle dans un sourire on ne peut plus normal. Elle était sincère. Son frère lui manquait. Elle s’approcha de lui et lui donna une petite tape dans l’épaule.. « Bon ! Elles viennent ces crêpes ? »

Billius n'avait pas même eu le temps de se mettre sous l'eau que Leah tambournait à la porte en hurlant... Le jeune serdaigle serra les poings, les dents crispés, bien décidé à ne pas répondre à cette peste. Elle le faisait exprès, c'était clair ! Mais il ne la laisserait pas tout gâcher en répondant à ces sournoiserie : il allait prendre sa douche, bien méritée, et y trouver une grande satisfaction - d'autant plus, en fait, qu'il la faisait attendre. Néanmoins, il n'était pas vil au point de laisser couler l'eau de façon abusive : pour le bien-être de tout le monde, il ne voulait pas envinimer les choses, ni laisser sa présence peser sur les dépenses du foyer.
Le bruit du jet d'eau couvrit vite les plaintes de l'adolescente, et Billius les oublia. Ces petits moments de solitude le renvoyait dans le passé, et il était bien content, finalement, d'entendre des gens aimants derrière la porte, même si l'un d'entre eux descendait surement d'une harpie... Etait-ce possible qu'un seul des jumeaux ait hérité d'un tel caractère ? C'était comme s'ils compensaient l'un pour l'autre.
Enfin propre, le MacAllister enfila de nouveau le jean qu'il venait de quitter : il n'avait pas énormément de change, et il tenait aux vêtements qu'il avait réussi à obtenir en travaillant dur.
Il jeta un coup d'oeil à l'abondance de produits esthétiques qui encombraient les étagères, et une idée plutôt mesquine lui traversa l'esprit... Après tout, il était assez doué en potions. Et il ne faisait aucun doute que ces bouteilles appartenaient toutes à la seule femme de la maison. Juste une petite farce ne ferait de mal à personne...

Quelques minutes plus tard, Billius sortait de la salle de bain, flanqué de sa serviette sur son épaule, un sourire moqueur aux lèvres pour la blonde qui se tenait prête à bondir à sa suite, afin de prouver l'urgence qu'elle avait clamé haut et fort. Il la regarda claquer la porte derrière elle avec une moue hautaine, et cela ne fit qu'accentuer étrangement sa bonne humeur.
Cette cohabitation promettait de bons moments, il en était certain.
Après avoir mis à sécher sa serviette et enfilé un haut propre, Billius descendit rejoindre son ami... Son ami, un vrai, pour la première fois depuis... Et bien, trop longtemps pour qu'il ne puisse s'en souvenir.

- Besoin d’aide ? Proposa-t-il en voyant Dylan bien afféré à dévorer des sucreries. Pour ce genre de choses, encore plus que pour d'autres, il était prêt à se rendre utile. J'te préviens, le dernier fondant au chocolat est pour moi...

Après avoir résolu cette question à pile ou face, les garçons s'affalèrent devant la TVM, en attendant que la blonde daigne se montrer. Mine de rien, Billius annonça à son camarade qu'elle devait être sous la douche, comme il l'avait vu y entrer. Restait à décider du programme : choix facile. Pour Billius, il était totalement impossible de regarder plus de deux minutes le journal d'un loup-garou sans vomir, quoique puisse en dire la demoiselle qui les rejoignait, et qui devait surement avoir des papillons dans le ventre dès que le fameux lycanthrope apparaissait à l'écran.

- Les brigades de l'auror ! Décréta-t-il donc, en faisant un clin d'oeil complice au Smith. Un peu d'action, ça ne leur ferait pas de mal, surtout quand ça arrivait à des personnages fictifs.

En sortant de sa douche, Leah entendit les deux garçons – oui, garçons, car on ne peut pas appeler ça des « hommes » -  pouffer dans la cuisine. Elle leva les yeux au ciel et n’avait qu’une envie : retourner dans la douche et puis y rester, seule, enfin seule, sans aucun parasite dans son champs de vision – elle entendait par là Billius, bien évidemment. Après avoir passé encore plus de temps à enfiler son pyjama, se démaquiller et appliquer sa crème de nuit – qui avait une odeur bizarre, sois dit en passant, comme si Billius répandait sa puanteur un peu partout – elle daigna enfin sortir de la salle de bain, trainant les pieds. En arrivant dans le salon, elle vit les deux garçons, tout sourire,  affalés dans le canapé devant la TVM. Elle ne comprenait pas comment Dylan avait pu tomber si bas, à trainer avec cet espèce d’individu. Bien sûr, de puis les éléments funèbres de ces derniers mois, Leah avait beaucoup changé, accordant beaucoup moins vite sa confiance et s’étant refermée sur elle-même, et elle ne comprenait pas pourquoi Dylan était, lui, resté le même. Leah ressentait ce besoin d’être seule avec lui, qu’ils se reconstruisent et de faire le point. Mais alors, avec Billius dans les pattes, c’était loin d’être évident. D’accord,  elle avait une attitude exécrable depuis lors mais c’était plus fort qu’elle, tout se chamboulait dans sa tête. La Leah enjouée et heureuse n’avait plus refait surface depuis longtemps.

Pendant que ses « frangins » papotaient au sujet du choix du programme de ce soir et que leur avis penchait plus pour « les brigades de l’auror » que « le journal d’un loup garou » - d’ailleurs, comment est-ce possible de dire non au sourire ravageur du loup-garon, vraiment ? – Leah remarqua que la seule place libre était près de Billius dans le canapé. « Alors ça, hors de question ! ». Résignée, elle s’avança vers le canapé, s’empara du coussin recouvert de papiers vides de dragées et de fondants au chocolat, et partit s’asseoir aux pieds de son frère. "Je vois qu’on ne m’a pas attendue pour commencer le festin » dit-elle en désignant les papiers recouvrant jadis les bonbons. En disant cela, elle sentit sa joue qui la démangeait et s’empressa de se gratter. C’est alors, qu’elle ressentit une sensation bizarre, comme si sa joue s’affaissait. Prétendant que tout allait bien, elle enchaîna, déterminée à ne pas faire trop d'histoires ce soir : "Va pour la Brigade de l’Auror, de toute façon, je n’ai pas mon mot à dire dans cette maison. Soit, je comptais pas la faire longue ».
Suite à cela, vint au tour de son nez de la démanger et, en se grattant, lui aussi semblait…. fondre.  Bientôt c’était tout son visage qui était en feu et, en se grattant hargneusement l’ensemble de visage, elle vit dans le reflet du miroir du salon face à elle que son visage était complètement défiguré : doté d’une certaine élasticité venue d'on ne sait où, son nez s’était allongé et sa bouche était maintenant au niveau de sa joue. Un de ses sourcils arrivait à hauteur de son cuir chevelu et son œil droit avait étrangement grandi. Leah, complètement désemparée, sentit d’abord les larmes lui monter aux yeux, puis comprenant petit à petit, ses larmes se transformèrent en larmes de haine. Elle hurla : "BILLIUS !!" , se leva et attrapa son coussin en se jetant sur l’individu, fermement décidée à l’étouffer et, s’il résistait, sa baguette n’était pas loin, bien au chaud entre sa cheville et sa chaussette droite.

Et voilà Leah qui débarquait... La chape de plomb qui tomba sur les épaules de Billius en entendant sa voix aurait presque pu être tangible, tant son attitude changera soudainement. Toujours en train de se plaindre... N'était-elle jamais contente ? Après tout, il y avait quand même pire qu'une soirée devant la télé avec deux garçons, et un bol de sucreries - à moitié fini.
Bien sur, il la regarda du coin de l'œil prendre un coussin pour s'installer aux pieds de son frère, tout cela dans l'optique de ne surtout pas l'approcher. En d'autres circonstances et avec une autre fille, c'eut été un détail qui aurait totalement échappé à l'adolescent... Mais avec elle, il avait appris à décrypter le moindre geste, pour en comprendre l'interprétation, qui allait rarement en son sens.

- T'fais pas un régime ? Répliqua Billius, avec un ton faussement mielleux, dont il fallait bien sur entendre la véritable conclusion dans cette interrogation : tu devrais. Il ne le pensait pas une seconde, mais il se servait des armes qui marchaient, sur ce genre d'adversaire. Siobhan en aurait ri, mais Leah allait en rager, sans doute. Quoi encore, quel est l'problème maintenant ?

En entendant hurler son nom, le Serdaigle avait bien compris de quoi il s'agissait : il fit mine de rien cependant, juste pour énerver plus encore la demoiselle... Avant de réaliser que sa furie dépassait de loin cette fois-ci toutes celles qu'il avait affronté avec le même calme centaurien. Avait-il été trop loin, en jetant un sort sur sa crème du visage ?

- Bah quoi, j'vois pas c'qui change de d'habi.... Il n'eut pas le temps de finir, qu'un coussin lui heurtait la joue, le réduisant au silence. Arrête, tu vas t'faire mal ! Ordonna-t-il à la jeune fille, après avoir esquivé deux nouveaux coups, en essayant de retrouver son souffle pour parler, tout en la retenant de lui en asséner un troisième.

Il y avait une véritable inquiétude dans la voix du jeune MacAllister, qu'il aurait préféré ne pas laisser entendre... Mais Dylan était trop occuper à tenter de la ceinturer, ou à prendre les claques à sa place, qu'il n'y prit surement pas garde. Leah, quant à elle, n'était pas en état de percevoir quoi que ce soit d'autre que sa rage.
Et Billius avait bien du mal à se défendre : c'était la première fois qu'il se retrouvait dans un conflit sans avoir la moindre envie de répliquer.

- T'énerve pas comme ça, ça s'voit presque pas j'te dis ! Vlam, nouvelle volée qu'il encaissa sans répliquer, en se protégeant de son mieux pour ne pas se faire broyer un os : encore heureux qu'elle n'était pas forte comme son ancien père. Ok, ça partira dans moins d'un mois... Vlam ! Une semaine ! Paf ! D'accord, à ta prochaine douche....

Assurément, ce n'était pas un sort fait pour être dangereux : il avait un effet extrêmement limité, qui pouvait quand même faire forte impression, la preuve en étant que la Smith ne décolérait pas. Billius jeta un regard d'excuse à Dylan, tandis qu'il tentait d'immobiliser la blonde, pour qu'elle cesse de s'épuiser en vain : il aurait quand même quelques bleus, surement, après ces représailles... Et son frère jumeau également.
Qu'Est-ce qu'elle pouvait être susceptible, quand même ! Il s'agissait juste d'une blague, qu'il aurait pu faire à Dylan, presque, à une autre occasion... Il n'y avait bien qu'elle pour le faire culpabiliser à ce point... Et oui, malgré son sourire moqueur, d'apparence, l'adolescent n'en était pas moins affecté par la réaction de Leah : il s'étonnait toujours de constater la façon si impulsive qu'elle avait de le haïr, comme s'il avait été la cause de tous ses malheurs.