| | | Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Mar 17 Sep 2013 - 11:53 C’était une belle nuit. Une nuit sans nuage. Le clair de lune perçait à travers les hautes fenêtres du château et se répandait en grandes flaques argentés dans les couloirs. Une silhouette s’y mouvait également, entre ombre et lumière, arpentant les dalles de pierre d’un pas régulier presque trop mécanique. Parfois elle s’immobilisait pour jeter un œil dehors, mais ces arrêts ne duraient jamais plus de quelques minutes. Poudlard était vaste, il ne s’agissait pas de rêvasser. Cicéron prenait cela très à cœur. Il avait encore été désigné pour effectuer les rondes de nuit mais il ne s’en offusquait pas. Il aimait l’atmosphère pieuse et sereine qui planait sur le château quand la grande majorité de ses habitants dormait à poings fermés. C’était si calme. Dans cette tranquillité, il lui semblait qu’il parvenait mieux à apaiser son esprit qu’en restant dans son lit à se tourner sans cesse sur lui-même en espérant vainement trouver le sommeil. Depuis son retour des États-Unis, c’est bien simple, Cicéron ne dormait plus. La mission qu’il y avait effectuée lui avait mis les nerfs en vrac. Il se réveillait toutes les nuits en sursaut, dans des draps trempés de sueur, le cœur tambourinant furieusement contre les côtes, avec la désagréable impression que la milice américaine allait défoncer la porte de sa chambre à tout instant pour le jeter au fond d’une cellule. Quatre mois avaient beau s’être écoulés depuis cette histoire, le traumatisme n’était pas moins présent. Comment aurait-il pu ? Avec tous ces drames qui n’en finissaient pas de s’abattre sur la communauté sorcière, c’était à devenir fou ! Le pauvre professeur laissa échapper un soupir qui semblait porter le poids du monde sur ses épaules. Il ne devait pas penser à cela. Ce n’était pas bon pour lui qui était de nature anxieuse. Tandis qu’il finissait de grimper l’escalier menant au quatrième étage, il se força à tourner ses pensées vers des horizons plus agréables. Comme cette bouteille de Pur-Feu vieilli en fût de chêne qu’un ancien élève lui avait offert pour son anniversaire. Peut-être pourrait-il aller la partager avec Primrose, sa vieille amie, et en profiter pour lui demander si elle n’avait pas un remède ou quoi que ce soit de ce genre pour faire disparaître ses angoisses nocturnes. Tant qu’elle ne lui disait pas de se trimballer avec un rat mort autour du cou une semaine entière cela pouvait valoir le coup d’essayer… Tout à ses planifications, Cicéron ne remarqua pas tout de suite les légers bruits qui venaient perturber le silence du couloir. C’est seulement quand il passa devant la porte de la bibliothèque qu’un raclement attira son attention. Le professeur se figea et tendit alors l’oreille. Dans un château aussi vieux que Poudlard les grincements et les craquements anodins n’étaient pas rares, mais cela devint vite évident qu’une autre personne était présente dans les parages. Peeves ? Prudemment, Cicéron se glissa par l’entrebâillement et se faufila entre les étagères jusqu’à ce qu’il aperçoive une silhouette humaine en train de traficoter quelque-chose devant la porte de la réserve. Allons bon, sûrement un élève qui avait décidé d’ignorer l’interdiction de sa balader la nuit hors des dortoirs pensa-t-il. Les jeunes se lançaient assez fréquemment ce genre de défi idiot, et celui-ci avait de la chance d’être tombé sur lui plutôt que sur la vieille Grognard. Pointant sa baguette dans le dos du téméraire, Cicéron formula distinctement la formule d’un Lumos. _ Ne bougez pas, je vous prie, et retournez-vous lentement. Personne n’est censé ignorer le règlement. J’ai bien peur que cela ne vous vaille une retenue, jeune homme.Il avait parlé d’une voix ferme et néanmoins blasée. La silhouette s’était figée à l’instant où il avait révélé sa présence mais elle ne pivota sur ses talons que quand il eut fini de parler, lui dévoilant un visage qu’il ne s’était pas du tout attendu à voir ici. _ Alarb… Anazarel ?! se reprit-il de justesse, son visage affichant clairement sa stupéfaction. Par la barbe de Merlin, mais qu’est-ce que tu fabriques ici ! Vu l’heure à laquelle tu viens fouiner dans le coin je suppose qu’Elena Kark n’est pas au courant de ta petite virée nocturne… Est-ce que tu tiens tant à nous attirer des problèmes ? ajouta-il précipitamment, dans un murmure, comme s’il craignait que quelqu’un d’autre surprenne cet étrange conciliabule. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Mar 17 Sep 2013 - 13:25 La bibliothèque de Serdaigle... Anazarel avait suffisamment lu au cours de son existence pour être certain qu'elle n'avait rien d'un mythe, mais ce n'était pas elle qui l'avait attiré ce soir dans l'enceinte de Poudlard. Franchir cette dernière avait été une simple formalité, une fois le mage noir en possession d'une pleine fiole de Polynectar et c'était réaliser cette dernière et se procurer un fragment d'un habitant de Poudlard qui avaient en réalité été fastidieux et lui avaient fait perdre de précieuses semaines. Trouver de la peau de serpent d'arbre de qualité, cuire des chrysopes pendant 21 jours, attendre une pleine lune pour cueillir des sisymbres suffisamment mûrs, récupérer un cheveu d'un élève en sortie au village... L'Héritier était tant habitué au confort de Londres, au Chemin de Traverse et à l'Allée des Embrumes dont les nombreuses boutiques proposaient tous les ingrédients pré cuits, potions toutes faites, composants travaillés, mélanges pré fabriqués dont un sorcier pouvait avoir besoin ! Il n'y avait qu'à 'Mélanger le contenu des deux fioles' ou 'Verser le contenu du sachet dans le flacon' ou 'Faire mijoter à feu doux pendant cinq minutes' ou 'Ajouter de la pierre de lune' et l'on gagnait un temps fou ! Alors que parvenir à se procurer, dans ce village coupé du monde sorcier, l'ensemble des ingrédients nécessaires avait déjà été un exploit en soit ! Ces nombreuses difficultés avaient tout de même trouvé leur justification quand l'ensorceleur s'était trouvé en possession de deux demi fioles de Polynectar, dont la qualité artisanale dépassait de loin ce qu'aurait donné l'assemblage de composants du commerce. Trouver le cheveu qui, plongé dans la potion, le transformerait en l'un ces horribles adolescents couvert d'acné à la voix nasillarde avait aussi été une gageure à taper la tête de quelqu'un contre un mur, Anazarel ne pouvant réellement baguenauder dans le village au vu et au su de tous pour éplucher les capuches, bonnets et chapeaux de tous les godelureaux qu'il croiserait. Mais, le plus dur était fait, après une humiliante première tentative qui avait gâché l'une de ses demi fioles et l'avait contraint à rester chez lui, bloqué dans la peau d'une inconnue aux longs cheveux auburns et aux innombrables cicatrices qui, du haut de son apparente trentaine d'années, pouvait difficilement passer pour une élève de Poudlard, à moins d'avoir eu une scolarité passablement difficile. Enfin devenu la frêle adolescente blonde d'une indubitable innocence qu'il révait d'être, Anazarel n'avait ensuite eu aucun mal à entrer dans l'école par la grande porte puis à se tapir dans un recoin, juste à temps avant que sa potion ne fasse plus effet. De là, il n'avait eu qu'à attendre la nuit et le couvre-feu, à se faufiler comme un rat dans ces couloirs qu'il ne connaissait que trop bien et à charmer la serrure de la bilbiothèque. Le cordon qui séparait la réserve du reste de la salle avait nourri nombre de ses rêves d'étudiant, même si l'Alarbus qu'il était alors n'avait jamais osé risquer la confrontation avec Rusard ou Pince pour le dénouer. Anazarel s'affairait à rattraper le temps perdu lorsqu'un Lumos distinctement prononcé avait figé tous ses gestes. La voix ne lui était pas totalement étrangère mais l'identité de son propriétaire ne lui revint que lorsqu'elle se tut. Le mage noir se retourna alors, une grimace sardonique révélant toutes ses dents dans une tentative de sourire des moins plaisantes, et il esquissa le geste de tendre les mains vers son cousin pour le saluer. "Cicéron Cornelius !" stridula-t-il d'une voix aigue et désagréable feignant la surprise tout en faisant un pas de côté pour s'écarter de la porte. "Quelle délicieuse surprise !"De tous les habitants de Poudlard qui eussent pu le découvrir, Cicéron était certainement celui qui attirerait à Anazarel le moins d'ennuis, ce qu'il considéra comme un relent de chance. Toutefois, sa main gauche écarta l'un des pans de sa chemise ponceau et défit sa baguette du crochet qui la maintenait à sa ceinture. Après un geste de prestidigitateur propre à éblouir des petits moldus, il la garda en main. "Ce que je fais ici, mon bon cousin chéri, n'a pas du échapper à ta sagacité." reprit-il prestement d'une voix plus basse mais toujours nasillarde. Il flatta le mur de la réserve d'une main caressante et ricana. "Je n'ai certes pas voulu déranger cette chère Kark – j'espère qu'elle va bien, tu lui transmettras mes amitiés – avec quelque chose d'aussi piêtre importance et d'aussi naturel qu'un accès à la réserve de la bibliothèque... J'ai malheureusement..."Un sec claquement de doigts illustra sa frustration. "... oublié comment se dénouait cette satanée corde magique. Et comme je déduis de ta présence que tu es bien toujours professeur ici, cousinet... ?"Anazarel marqua un temps d'arrêt, un large sourire hypocrite étirant ses lêvres minces, attendant avec une fatuité certaine que Cicéron comprenne ce qu'il lui demandait à demi-mots. "Pourrais-tu avoir l'amabilité... ?"Il fit un geste engageant et pencha la tête vers la porte de la réserve. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Mar 17 Sep 2013 - 15:19 Cicéron avait à peine finit de parler qu’il jetait autour d’eux des regards anxieux, comme s’il s’attendait à ce que la directrice en personne surgisse de derrière une étagère et abatte sur lui son courroux. Depuis que la résistance mangemort avait été établie et avait contraint le château à servir de refuge à quelques membres de l’Ombre de la Rose Noire il n’était plus si rare de croiser des adultes étrangers au corps enseignant dans les couloirs, mais pour une raison évidente il doutait fort que la présence d’Anazarel soit appréciée. La réputation du mage noir n’était plus à faire, sans parler de sa roublardise. Merlin seul savait quels desseins avaient guidé ses pas ici et, d’ailleurs, Cicéron sentit un désagréable frisson lui hérisser le poil quand celui qu’il avait un jour considéré comme son cousin le salua d’une voix exagérément nasillarde. Son attitude fantaisiste avait le don de le mettre mal à l’aise. Elle jurait tellement avec son physique disgracieux qu’il ne savait jamais sur quel pied danser avec lui. Quand il le vit glisser sa main sous son veston pour dégager sa baguette, il raffermit pourtant sa propre prise et s’intima de rester aux aguets. Sous ses airs de prestidigitateur, Anazarel était loin d’être un inoffensif amuseur public. Son regard suivit la caresse avec laquelle le mage noir cajola le mur de la réserve. En y réfléchissant, ça n’avait pas grand-chose d’étonnant qu’il soit intéressé par les grimoires d’exception que recélait cette pièce. Pendant une courte seconde, Cicéron alla même jusqu’à penser que c’était peut-être Wilhelmina Salamander qui lui avait demandé de s’introduire ici pour voler un ouvrage, mais cela n’avait aucun sens. Il aurait été beaucoup plus sensé qu’elle confie cette tâche à quelqu’un de la faction qui avait déjà un libre accès au château, comme lui ou Warburton, ou encore Sir McKay. Non, Anazarel était là pour son propre compte et cela ne devait pas être pris à la légère. Derrière son visage qui avait retrouvé son habituel air tragique, le cerveau de Cicéron fonctionnait à plein régime. Il n’arrivait pas à se décider sur la marche à suivre. Devait-il protester et menacer son interlocuteur d’aller prévenir quelqu’un s’il refusait de quitter les lieux ? Ou était-il plus prudent de céder à son caprice et de tout mettre en œuvre ensuite pour que personne d’autre que lui ne découvre ce qui s’était tramé ici cette nuit ? _ Tu déduis bien, répondit simplement le professeur, pour gagner du temps. Il avait dit cela en se rapprochant de la porte, marchant en demi-cercle par rapport à Anazarel pour ne pas avoir à lui tourner le dos une seconde de trop. Sa baguette était toujours pointée dans sa direction mais le mage noir devait avoir deviné qu’il n’oserait probablement jamais s’attaquer à lui de front. À cette seule idée, Cicéron crut que ses genoux venaient de flancher très légèrement, et la certitude de sa lâcheté l’aida pour beaucoup à prendre une décision. _ Tu peux ranger ta baguette. Je ne vais pas faire un esclandre. Pas pour une simple… "visite" dans la réserve, tenta-t-il de se rassurer bien que ses mots manquaient cruellement de conviction. Qu’est-ce qui t’intéresse là-dedans ? Je suppose qu’il n’y a pas de mal à te laisser jeter un coup d’œil si tu veux simplement feuilleter quelques ouvrages…C’était pathétique. Il n’y croyait pas une seconde. Mais que pouvait-il bien faire d’autre ? La conversation, peut-être, en espérant qu’un autre collègue faisant également des rondes soit attiré par le bruit. _ Je ne savais pas que tu étais aussi à Pré-au-Lard. Tu as réussi à trouver un endroit où te loger ? Tout ce monde forcé de quitter sa maison et son travail à cause de l’invasion de ces américains, c’est quand même bien triste… |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Mar 17 Sep 2013 - 19:26 Anazarel écouta son cousin avec une attention soutenue, un sourcil en l'air et l'autre froncé, puis pointa vers le plafond l'index de sa main droite, qui esquissa un geste de négation de plus en plus frénétique jusqu'à ce que sa main s'envole et atterrisse disgracieusement sur sa hanche. Un rictus inexpressif lui tordit alors la bouche avec un petit chuintement. "Navré Cicéronron, non pas que je doute de tes amicales intentions à mon égard mais ces derniers temps, la frontière entre vivre et mourir s'est un peu trop souvent réduite à la différence entre avoir sa baguette dans sa main et l'avoir dans sa poche, je suis certain que toi-même tu t'en es rendu compte. Je comprendrais d'ailleurs que tu gardes la tienne." caqueta-t-il, avant d'ajouter d'un ton gluant de menaces trop outrées pour pouvoir être prises au sérieux : "Qui sait ce qui se tapit dans les ténèbres ?"Le sorcier sombre soupira faiblement, comme terrorisé lui-même alors qu'il était probablement la chose la plus effrayante et la plus répugnante que Poudlard contint à cet instant précis, tout en réfléchissant que le professeur lui semblait avoir peu de marges de manœuvre. Il pouvait appeler à l'aide, les faire découvrir et ensuite essayer de se dépêtrer des soupçons de complicité qu'Anazarel ferait de son mieux pour susciter. Dur de croire à son innocence s'il était découvert seul avec son propre cousin au milieu de la nuit dans un endroit à accès restreint et qu'Anazarel lui-même clamait sa complicité. Il pouvait tenter de l'empêcher par force de... non, peu crédible, si ses souvenirs étaient bons, Cicéron était aussi expérimenté en duel que lui, c'est-à-dire que face à eux deux réunis, une poule armée d'une fourchette aurait eu toutes ses chances. Il pouvait coopérer en priant Morgane que tout se passe rapidement et discrètement. Il pouvait aussi se prendre un bon vieil Imperium pour abréger leur émouvante scène de retrouvailles familiales. Il pouvait s'enfuir et, soit qu'il parte chercher de l'aide, soit qu'il veuille juste être ailleurs et pouvoir jouer les innocents, l'autre Héritier aurait alors lui-même l'opportunité de s'esquiver. Il pouvait... S'étant lui-même déplacé selon un trajet semi circulaire symétrique à celui de Cicéron, Anazarel se trouvait maintenant plus éloigné de la porte que son cousin. Un frémissement d'excitation inexplicable le parcourut tandis qu'il émettait un petit bruit de babines humide, tel un gourmet devant un dessert signé Honeydukes. Si les imprévus de cette nuit se limitaient à l'irruption de Cicéron, tout se serait passé mieux que prévu. "Il s'avère tout bonnement que j'ai soif de connaissances, faim de savoir et que par la plus invraisemblable malchance – tu ne me croiras jamais, mon cher – tous mes ouvrages sont hors de ma portée, de l'autre côté du blocus, quelque part, loin. Et moi je suis ici." stridula-t-il d'une voix montant et descendant selon un air que lui seul entendait, désignant d'un geste vague de la main un endroit quelconque à l'extérieur de Poudlard. "Donc, rien à faire, rien à lire. A part les lignes de ma main, mais je crois maintenant les connaître par cœur." conclut-il d'une voix plate. Accompagnée par un froufroutement soyeux, sa main fit un geste doctoral tandis que sa voix, lourde de frustration, reprenait. "Et tu sais bien que l'inactivité et l'ennui ne me valent rien, ça se finit rarement bien et souvent mal quand je perds mon temps."Y avait-il un sous-entendu ? Anazarel admirait maintenant ses ongles – jaunes, fendus et crasseux. Son monologue décousu et inconsistant semblait l'enchanter et prouvait un isolement certain tant il s'écoutait parler avec ravissement. "Il me faut donc de nouveaux livres de chevet et aussi de quoi caler une armoire. Pour répondre à ta question, je suis parvenu à trouver un nouveau logis et ce dernier est... déshonorant, tu ne peux t'imaginer. C'est qu'on est affreusement mal loti, dans ce patelin au nom champêtre et graisseux, n'es-tu pas de cet avis ? Le sort de tous réfugiés, j'imagine. Il faut dire qu'avec ces arrivages de par..."Anazarel s'arrêta au milieu de sa phrase, regarda en l'air comme s'il cherchait ses mots puis abaissa ses yeux vitreux sur Cicéron, un sourire mauvais aux lèvres. "La porte." rappela-t-il d'un ton polaire et grinçant en la désignant du doigt. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Mer 18 Sep 2013 - 15:19 Le sorcier ne put que se raidir quand son interlocuteur fit mention des choses qui pouvaient se dissimuler dans le noir. Maintenant qu’il le faisait remarquer, il n’avait pas encore aperçu l’ombre d’Anazarel. Cette dernière s’éloignait pourtant rarement de son propriétaire – de ce qu’il en savait – et son absence lui semblait soudain un je-ne-sais-quoi alarmant. Il s’obligea néanmoins à ne pas faire état de son inquiétude en scrutant à nouveau les environs. Il ne voulait pas donner cette satisfaction au mage noir. Cicéron avait beau être de ces natures complaisantes s’accommodant assez aisément de leur médiocrité, cela ne signifiait pas qu’il était complètement dénué d’orgueil, et certaines personnes, rares il est vrai, avaient le don d’attiser sa combattivité. Comme quelqu’un soufflant sur les braises d’un feu mourant. Anazarel faisait partie de ces gens-là. Peut-être parce que, au fond, Cicéron nourrissait une rancœur cachée envers cet être monstrueux qui avait balayé tout espoir de réconciliation entre lui et son cousin. Même les souvenirs qu’ils avaient en commun semblaient aujourd’hui pervertis par ce qu’Alarbus était devenu. Une bête sans âme ni morale. Cicéron avait au moins vu juste sur une chose. Anazarel aimait toujours autant se gargariser de ses discours et se saouler au son de sa propre voix. Mine de rien il avait appris à le connaître lors de la traque qu’ils avaient mené il y a quelques années de ça pour retrouver la trace des trolls qui avaient massacré sa famille en 1981. Lui qui s’était empressé de ranger le souvenir éprouvant de cette vendetta dans un coin de sa tête, il n’avait jamais pensé que cela puisse lui resservir un jour. Et pourtant. Prenant l’air de s’intéresser à ce que lui racontait le démon, Cicéron tendait en vérité l’oreille aux bruits provenant du couloir, espérant que ces quelques secondes grappillées suffiraient à faire arriver un collègue. Il savait pourtant qu’il y avait peu de chances que cela se produise puisqu’ils patrouillaient chacun dans un secteur bien défini, mais la situation ne lui permettait pas d’envisager de meilleur plan. Et, malheureusement, tenter de noyer le poisson ne pouvait durer qu’un temps, même dans une eau aussi saumâtre que celle dans laquelle pataugeait Anazarel. _ Je… Oui ! La p-porte ! Où, où, où avais-je la tête ? bégaya-t-il en laissant échapper un rire nerveux. Cette corde est ensorcelée avec un enchantement assez c-complexe, sinon les élèves les plus doués n’auraient pas b-beaucoup de mal à s’en d-débarrasser. Ce n’est pas étonnant qu’elle ait pu te poser quelques p-problèmes.L’injonction du mage noir n’avait été qu’un murmure mais elle avait suffi à lui faire l’effet d’un coup de fouet. Cicéron s’empressa de se retourner vers la réserve et marmonna bientôt une série d’incantations en pointant la cordelette argentée de sa baguette magique. Le nœud se défit alors avec une étonnante facilité. On pouvait reprocher bien des choses au professeur Livingstone, mais s’il y avait un domaine dans lequel il excellait c’était celui des sortilèges et des enchantements. La dextérité et la souplesse de son poignet étaient exceptionnelles pour un œil averti. Peu conscient de la rareté de son don, Cicéron actionna la poignée et poussa la porte qui émit un grincement plaintif en tournant sur ses gonds, puis il fit un pas de côté pour libérer la voie. Il se dandinait maintenant d’un pied sur l’autre, terriblement gêné. La rapidité avec laquelle il avait cédé au caprice du mage noir le désolait. Il parvenait encore à raisonner ses craintes en se disant qu’Anazarel ne jetterait sûrement qu’un coup d’œil à ce qui l’intéressait et qu’au pire il pourrait étudier ici quelques heures jusqu’à ce que le soleil se lève, mais ces illusions ne tiendraient pas. En attendant de passer définitivement pour le nubbin de la farce, il lui emboîta alors aussitôt le pas quand il entra dans la réserve, comme si rester coller à son ombre inexistante pouvait l’inciter à se comporter de manière convenable. _ Fais attention. Certains ouvrages sont très capricieux et si on les ouvre sans leur demander leur avis ils se mettent à hurler comme des harpies.Et ni l’un ni l’autre n’avait très envie d’ameuter tout le château… |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Jeu 19 Sep 2013 - 16:12 "Nyâhaha !" gloussa Anazarel sans aucune raison apparente mais peut-être dans le but d'intimider plus encore son cousin, comme si la situation n'était pas suffisamment inconfortable pour celui-ci. A l'évidence ravi de l'attention que Cicéron semblait porter à ses babillages, le prêteur sur gage sourit laidement à plusieurs reprises, triturant les médaillons de bronze cousus sur son gilet de cuir. Il en manquait certains, remarqua-t-il en fronçant tout le visage alors que l'une des pièces, défaite, lui restait entre les doigts. La mettant à hauteur de son visage, il la scruta de ses petits yeux plissés, puis, avec un nouveau ricanement de mouette, la fit disparaître dans une volute de fumée glauque qui glissa au sol et se dissipa. "Sur tes épaules, Cicé chéri." brocarda-t-il d'un ton suraiguë satisfait de lui-même. "Du moins pour l'instant."La nervosité que trahit Cicéron malgré son rire fit à nouveau frémir Anazarel d'un plaisir malsain. Il fronça le nez, partagé entre l'envie de finir ses petites affaires au plus vite et la délicieuse tentation de profiter de la présence d'un public docile et effrayable. "Moui, j'aurais pu m'en occuper si j'avais eu plus de temps, mais quitte à avoir un cousinet docteur ès sortilèges sous la main, autant te faire participer."Son regard opaque glissa, séduit, sur la corde que Cicéron venait de défaire sans difficulté apparente et sa dextérité lui arracha un geignement appréciateur. Son mouvement du poignet avait été parfait, pour autant que pouvait en juger Anazarel, un modèle du genre qui prouvait assez que Cicéron n'était pas devenu professeur par hasard. Le grincement de la porte lui fit relever brusquement la tête, soudain aux aguets, mais le silence qui avait suivi était total. Anazarel avança de deux pas vers la porte puis, dans le même mouvement, avant de reposer le pied au sol, fit un tour sur lui-même avec un petit sifflement contrarié. Faisant de nouveau face à Cicéron, il pointa du pouce l'obscurité de la réserve. "Après toi, Cicé Corné." feula-t-il avec une mimique chafouine. "J'ai tellement peur du noir."Dans le même temps, il sortit d'on ne pouvait deviner où un fin tuyau de papier beige de quelques centimètres de larges, qui se déroula sur une trentaine de centimètres. "Ma liste de voeux." grinça Anazarel avec un petit mouvement de tête nerveux. Comme son cousin n'avait pas bougé d'un poil, le sorcier-à-tout-faire, avec un soupir, entra le premier, en levant exagérément les yeux au ciel en s'assurant que Cicéron le voie faire. Doué, voire surdoué, le professeur, mais pas téméraire. Dans l'obscurité de la réserve, encore plus mal éclairée que le reste de la bibliothèque, Anazarel jeta à son tour un petit Lumos dédaigneux puis, sa liste dans une main, sa baguette dans l'autre, jeta de furtifs coups d'oeil entre les quelques rangées d'étagères pour s'assurer qu'ils étaient seuls, ce qui était le cas. Il se retourna et sembla fort surpris de trouver Cicéron collé à ses basques. "Ferme donc la porte, Cicéronron, on pourrait nous surprendre." couina-t-il avec un léger rire de hyène, un sourire salace lui déformant le visage, avant de se retourner vers les hautes étagères et les rangées d'ouvrages. "Alors... Potions de Grands Pouvoirs..." marmonna-t-il pour lui-même en essayant de se retrouver dans l'organisation de la réserve. "Cette vieille Magie noire nommée Amour... L'A, B, C, Démons..."Il tourna plusieurs fois sur lui-même, prenant à chaque tour un air plus dépité, jusqu'à ressembler à un bambin faisant un caprice, la bouche tordue et le regard noirci. Anazarel avait tout de même veillé, ce faisant, à toujours avoir Cicéron dans son champis visuel, ne serait-ce que du coin de l’œil. "Apprends-moi donc, Cicé chéri, les livres, comment sont-ils classés, ici ? Par thème ? Date ? Auteur ? Titre ? Couleur de la couverture ? Nombre de pages ?" gloussa-t-il en effleurant le dos d'un livre, qui le brûla et lui arracha un miaulement de surprise. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Jeu 26 Sep 2013 - 14:42 Ses conseils prodigués, le professeur se mit légèrement en retrait pour laisser la place à Anazarel de batifoler d’une étagère à une autre. Il le regardait faire du coin de l’œil. La délectation sur son visage avait quelque-chose d’indécent que son regard gourmand rendait carrément obscène et, bientôt, Cicéron dut détourner les yeux tant cette mascarade l’écœurait. À la place il se mit en faction près de la porte, l’oreille tendue. Les environs semblaient toujours aussi calmes, mais par précaution il préféra créer une bulle de silence. Maintenant qu’il avait en grande partie contribué à l’effraction de la réserve, il était fermement décidé à ce que tout se déroule pour le mieux. Pour son propre bien. Il n’était pas certain de savoir ce qu’il risquait si quelqu’un les découvrait, lui et Anazarel, en train de fouiller dans la bibliothèque à une heure pareille, mais il n’avait aucune envie de le découvrir. Pas rassuré pour autant malgré les précautions qu’il venait de prendre, il sursauta quand le mage noir l’apostropha et papillonna bêtement des yeux une seconde. Comment les livres étaient-ils classés ? _ Euh, oui, par auteur, très certainement. Mais certains élèves ont tendance à remettre les livres n’importe comment et je ne suis pas certain que Mr Hansen passe son temps à vérifier derrière eux. C’est le nouveau bibliothécaire. Mr Hansen, Darrin, précisa-t-il comme si cela avait une quelconque importance. Tout cela commençait à lui peser sur les nerfs. Plus tôt Anazarel aurait trouvé ce qu’il cherchait, plus tôt il mettrait les voiles hors d’ici, et plus tôt Cicéron pourrait effacer cette rencontre de sa mémoire et prétendre qu’elle n’avait jamais existé. Encouragé par cette perspective, le professeur fit l’effort de revenir près de son cousin et d’attraper la liste qu’il avait préparé avant de venir. Il la parcouru rapidement avant de s’arrêter sur un titre qui ne lui était pas inconnu. _ L’herbier malin du sorcier perfide. Je l’ai emprunté il y a quelques semaines pour une lecture personnelle, je me souviens qu’il était rangé dans les étagères du fond, sur la droite, par là.Joignant les gestes à la parole, Cicéron se faufila dans le renfoncement de la pièce en faisant signe à son compagnon de le suivre. Du bout des doigts, il pianota sur la tranche des vieux grimoires jusqu’à laisser échapper une petite exclamation triomphante. Aha, trouvé ! Il tira un coup sec sur l’ouvrage pour le dégager des autres, son geste entraînant également un petit carnet noir qui tomba de l’étagère et s’ouvrit sur le sol avec un bruit mat. Cicéron baissa les yeux et se raidit en découvrant sa maladresse, persuadé qu’aussi mince soit-il le livre n’allait pas tarder à rugir comme un dragon. Mais rien ne vint. Le professeur échangea un regard avec l’homme se tenant près de lui, puis il se pencha pour ramasser le carnet après avoir haussé les épaules. Il avait à peine posé la main dessus que le livre se mit soudain à luire d’une vive lumière blanche qui devait se voir à des kilomètres à la ronde depuis les fenêtres. Cicéron glapit comme un chien blessé et bondit de surprise. La main qui ne tenait pas sa baguette se plaqua sur son visage pour essayer de se protéger les yeux. Il n’y voyait plus rien. Tout était devenu d’un blanc intense autour d’eux. Ses pupilles lui donnaient l’impression de brûler ! Puis la lumière s’atténua lentement… Quelques secondes s’écoulèrent avant que le pauvre Poufsouffle n’ose rouvrir prudemment une paupière, mais ce qu’il découvrit finit de l’estomaquer. _ Par les cornes de la Gorgone, mais… qu’est… qu’est-ce que ?!Il fut incapable de terminer sa phrase. La réserve avait tout bonnement disparue. Étagères, parquet, pénombre, il ne restait rien de tout cela. Cicéron et Anazarel se tenaient au milieu d’une estampe japonaise (à droite), au milieu d’une grande plaine verte à travers laquelle serpentait une rivière d’encre bleue, l’ombre d’une montagne se découpant sur l’horizon. _ C’est… C’est l’illustration à laquelle le c-c-carnet était ou-ouvert ! s’exclama-t-il en tournant des yeux ronds comme des gallions vers Anazarel. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Dim 6 Oct 2013 - 12:07 "Nyeh !"Anazarel fit tournoyer sa baguette autour de son index puis la prit fermement en main tout en faisant un tour sur lui-même, aux aguets. Son visage couturé ne trahissait aucune surprise excessive mais ses yeux virevoltant d'un endroit à l'autre pour étudier la situation indiquaient une méfiance démesurée. Du pouce de sa main libre, il s'essuya les babines avec un chuintement et regarda Cicéron sans chaleur mais avec un respect teinté d'ironie. "Qu'espères-tu gagner en me faisant ainsi perdre mon temps, Cicé adoré ?" siffla-t-il en rejetant en arrière une mèche de ses cheveux graisseux qui lui tombait dans les yeux avant de se retourner brusquement comme s'il pensait être attaqué par surprise. Rien dans son dos ne le menaçant, il se tourna à nouveau vers son cousin, l'air naturel et dégagé. Sa main libre agitée de tics nerveux s'ouvrit et se referma comme une serre à plusieurs reprises et Anazarel claqua des doigts comme s'il venait de se rappeler quelque chose. "Ma liste... est restée là-bas ?" glapit-il d'une voix mécontente en menaçant le professeur de sortilèges du bout de l'index. Visiblement, l'idée que Cicéron aie fait exprès de faire tomber le livre ouvert et de les emmener ici faisait son chemin dans son esprit. Sans réellement le quitter du regard, Anazarel leva une main et palpa dans le vide, sur sa droite, à l'endroit où aurait dû se trouver une étagère de la réserve, mais ses doigts ne rencontrèrent aucune résistance. Avec un rictus, il fit un pas, un autre, progressa ainsi de quelques mètres, une main tendue devant lui, espérant palper une chose invisible, sans résultat. Le mage noir soulagea sa frustration en tapant du pied avant de se ré intéresser à Cicéron. "Joli tour, Cicéronron, je ne t'ai vu bouger ni lèvres ni baguette. Un travail d’orfèvre." marmonna-t-il. "Est-ce une illusion ? Était-ce une téléportation ?"Grimaçant, il palpa l'écorce d'un arbre avec des gestes vifs et précautionneux. "Admirable, si c'est une illusion, nyeh. Et ça n'a pas l'air d'être un endroit réel." continua-t-il en regardant la rivière bleue d'encre et, au-dessus de lui, les feuilles mouchetées de coups de pinceaux. "Finite." conclut-il en agitant sa baguette, sans aucun effet. Anazarel grimaça. "Finite incantatem." reprit-il avec attention, les sourcils froncés. Anazarel regarda autour de lui le paysage intact, puis sa baguette puis Cicéron avant de jeter à ce dernier un regard méchant. "Avis !" tenta-t-il. Une volée d'oiseaux esquissés apparut à l’extrémité de sa baguette. Le premier se posa au sol puis prit son envol vers l'arbre, suivit par les autres. "Nyâhaha, hé bien, au moins la magie fonctionne !" gloussa-t-il. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Sam 12 Oct 2013 - 16:58 C’était incroyable. Incroyable et tout bonnement impressionnant. Malgré le caractère inattendu de ce qui venait de se produire, Cicéron était bien forcé d’éprouver une pointe de curiosité pour son nouvel environnement. Il n’avait jamais rien vu de semblable. La façon dont ils avaient été aspirés entre les pages du carnet lui rappelait vaguement l’enchantement grâce auquel fonctionnait une pensine, et en même temps cela n’avait rien à voir. Il ne s’agissait pas de souvenirs. Le professeur s’en persuada quand un bruit de succion attira son regard vers ses chaussures et qu’il remarqua qu’il était en train de patauger dans l’encre verte ayant servie à dessiner la plaine. S’il avait été projeté dans la mémoire du peintre ou de qui que ce soit d’autre, cela n’aurait pas été possible. Son corps aurait été immatériel. Tout ce qu’il aurait essayé de toucher n’aurait subi aucune altération. Alors quoi ? Il lui semblait entendre les rouages de son cerveau fonctionner à plein régime à l’intérieur de son crâne mais il n’arrivait pas à réfléchir clairement à la question. Il était encore sous le choc de ce qui s’était passé, et les accusations qu’Anazarel ne tarda pas à formuler n’arrangeaient rien. Cicéron frissonna quand il posa ses yeux aussi noirs que l’onyx sur lui. Il n’aimait pas du tout ce regard, ni la façon dont sa main s’ouvrait et se refermait sur l’air comme s’il rêvait de faire subir le même sort à son cou. _ Tu… Tu ne peux pas croire que j’ai qu-qu-quoi que ce soit à voir avec ça ?! Parce-que si j-j’étais capable de f-faire une chose pareille, je ne me serais jamais enfermé avec toi !Ça avait le mérite d’être honnête. N’importe qui d’autre aurait trouvé ces paroles insultantes, mais pour Anazarel cela devait ressembler à un compliment. Car, vraiment, Cicéron aurait préféré être n’importe où plutôt qu’ici, pris au piège avec le mage noir. Il se détendit à peine d’ailleurs quand ce dernier se désintéressa de lui pour aller caresser le tronc d’un arbre. Une illusion ? Il en doutait. Il trouvait plus probable la théorie de la téléportation. _ C’est comme si l’on avait plongé dans une pensine, sauf que l’on peut interagir avec notre environnement. Mais si ce n’est pas un souvenir alors comment sort-on de là ? geignit-il avant de jeter des regards paniqués à la ronde. Pendant une fraction de seconde il avait espéré apercevoir un panneau clignotant indiquant la sortie mais cela aurait été trop beau. Forcément. Quand il se retourna et se retrouva nez-à-nez avec la baguette d’Anazarel pointé sur lui, Cicéron laissa échapper un glapissement sonore. La seule chose qu’il eut le temps de faire fut de lever brusquement les bras devant lui pour tenter de se protéger, mais tout ce qui s’échappa de la baguette du mage noir furent d’inoffensifs oiseaux pépiant gaiement avant de prendre leur envol. Stressé le Livingstone ? À peine ! _ Ne… Ne refait p-p-p-plus jamais ça !Mais Anazarel ne semblait déjà plus prêter attention à lui. Son regard était devenu deux fentes suspicieuses qui scrutaient un point par-dessus son épaule. Cicéron fit alors volte-face pour découvrir ce qui avait attiré son attention. Une silhouette approchait dans leur direction. Il s’agissait d’un vieillard aux traits particulièrement creusés. Le sorcier aurait eu du mal à lui donner un âge mais s’il avait véritablement dû deviner il n’aurait pas hésité à donner un nombre supérieur à cent. Il était vêtu d’un vieux kimono noir rapiécé et portait des sandales de paille. Cicéron lança un regard à Anazarel mais il n’y répondit pas. Il remarqua pourtant qu'il tenait fermement sa baguette le long de son corps et il décida de l’imiter. Quant au vieillard, il continua d’avancer jusqu’à leur hauteur puis s’arrêta, les dévisageant d’un œil anormalement vide. _ Hum, euh… Bonjour, tenta Cicéron, mais son intervention ne déclencha pas de réaction particulière chez l’étranger. Vous êtes du coin ? Excusez-moi mais mon ami et moi nous sommes égarés. Nous avons feuilleté ce carnet par mégarde et nous avons atterri ici. Est-ce que vous savez comment faire pour… retourner dans le monde réel ?Le vieil homme tourna enfin son œil torve vers lui. Voyant ça comme un progrès, Cicéron esquissa un sourire pour l’encourager. Il n’avait aucune idée de ce qu’il faisait, mais tant pis. C’était toujours mieux que rien. L’inconnu ne répondit pas à son élan de sympathie toutefois, mais il finit par ouvrir la bouche. Ce qui s’en échappa ressemblait à un mélange de borborygmes gutturaux et de mots étrangers. Du japonais, se dit le professeur, même si cela ne l’aidait pas le moins du monde. _ Je suis désolé, je ne comprends pas.L’homme fit claquer sa langue comme s’il était irrité et pointa la montagne derrière lui avec un doigt crochu. Puis il fit demi-tour et commença à s’éloigner. _ Je crois qu’il veut qu’on le suive… |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Dim 20 Oct 2013 - 17:59 Se tournant avec raideur, Anazarel regarda Cicéron avec dégoût, comme blessé à mort. "'Ami' ? Oh, Cicéronron..."Le coeur brisé, le mage noir prit une posture dramatique, le regard dans le vide, un soupir d'agonie aux lèvres. Dire que sa propre chair, le sang de son sang le reniait ! Il ne parviendrait jamais à surmonter ce traumatisme, c'était au-dessus de ses forces. Son visage prit une expression outrageusement tragique, empreint d'une noble douleur, puis, sa grotesque petite comédie achevée, Anazarel s'inclina à demi, une main étalée en étoile sur sa poitrine, désignant le vieillard d'un joli mouvement de sa baguette. "Le suivre ? Ainsi soit-il. Je t'en prie, après toi." susurra-t-il, la bouche en coeur. "Ma noble mère m'a toujours recommandé de ne jamais suivre des inconnus dans la rue. Mais nous ne sommes pas dans une rue, nyâh ! Donc je suppose que c'est 'ok', comme disent tes élèves. Et ce n'est pas comme si nous avions d'autres options que suivre ce vieillard décrépi." réfléchit-il à haute voix pour faire profiter Cicéron de ses réflexions. "Je me demande si ce bonhomme sait qu'il est dans une illustration, dans un livre, dans une réserve, dans une bibliothèque, dans une école, en Angleterre." continua Anazarel en se grattant la pointe du nez de son ongle griffu. Son doigt descendit ensuite pensivement dans le sillon crevassé que ses rictus et mimiques avait imprimé au coin de sa bouche. S'apercevant soudain qu'il était à la traîne, le sorcier rattrapa son cousin en trois bonds. "Une pensine, disais-tu ? Excellente analogie. J'aime beaucoup. Je vote pour qu'on soit dans une pensine. Pensieve for Minister ! Mais cela impliquerait que nos sveltes corps d'athlètes sont restés, nyeh, en dehors du livre, sur le parquet de la réserve. Pas très discret. Et très ennuyeux."L'ex Poufsouffle tout en marchant, fit un tour sur lui-même puis regarda à leurs pieds, l'air mi contrarié mi surpris. "Anazarel n'est pas là." glapit-il. "Il a du rester dehors." constata-t-il en voyant son cousin et leur guide dotés d'ombres tout à fait classiques alors que lui-même en était dépourvu. Il regarda à nouveau vivement sur sa droite, sur sa gauche puis écarta les bras d'un geste accablé. Le vieillard, sans même s'assurer que les deux compagnons d'infortune le suivaient, avait poursuivi sa route et lentement, sous leurs pieds, une longue bande d'herbe s'était raréfiée et racornie, finissant par former un embryon de chemin terreux et visqueux. L'inconnu s'engagea alors sur une bifurcation qui s'éloignait de la rivière et serpentait entre deux rangées de troncs coupés sèchement à hauteur de la tête d'un homme. Anazarel, la bouche pincée, se retourna pour étudier le ruban bleuté de la rivière, se demandant visiblement si s'éloigner de leur point d'arrivée était une si bonne idée, et vit qu'une partie de la volée d'oiseaux issue de sa baguette les suivait. |
| | | Re: Un pas dans le noir [pv] ce message a été posté Mar 5 Nov 2013 - 20:38 Le regard que Cicéron posa sur son cousin quand celui-ci se remit à jouer la comédie était indéfinissable. C’était un mélange d’agacement et de résignation forcée, le tout saupoudré de son éternelle dignité tragique. Bien sûr que non ils n’étaient pas amis ! Il avait dit cela pour simplifier les choses, pour ne pas se perdre en digressions inutiles à tenter d’expliquer les ramifications qui les reliaient l’un à l’autre. Tout simplement ! Alors pourquoi diable se sentait-il obligé de rebondir là-dessus précisément ?! Le pauvre professeur inspira et expira à fond, puisant au fond de lui le détachement nécessaire pour ignorer les simagrées du mage noir. Ce dernier avait le chic pour venir à bout de sa patience mais vu le pétrin dans lequel ils se trouvaient, mieux valait ne pas relever. Sans accorder une seconde de plus à Anazarel, Cicéron pivota alors sur ses talons et se mit en marche dans le sillage du vieux japonais. À choisir, il préférait encore la compagnie d’un vieillard sénile dont les borborygmes n’avaient aucun sens à celle d’un névrosé psychotique à tendance schizophrène faisant semblant de se prendre pour un guignol. La suite de leur étrange périple se déroula dans le silence. Cicéron n’avait pas essayé de relancer la conversation avec leur guide, conscient que cela ne les mènerait probablement nulle part, et s’était contenté de suivre le rythme de la marche. Au bout d’une bonne heure, le paysage verdoyant de la plaine laissa la place à un environnement plus aride. Ils avaient fini par atteindre le pied de la montagne et s’engagèrent sur un chemin sinueux grimpant doucement vers les hauteurs. Cicéron ne pouvait s’empêcher de se demander où est-ce que cela les mènerait mais il ne voyait pas de quelles autres alternatives ils disposaient pour sortir de là. De plus, si comme Anazarel le supposait et que leurs corps étaient bel et bien restés inanimés dans la réserve de la bibliothèque, ils avaient tout intérêt à en retrouver l’usage avant que quelqu’un ne les découvre. Merlin seul savait si le temps passait à la même vitesse ici que là-bas ! _ Excusez-moi, est-ce que nous sommes encore loin ? Nous ne voudrions pas vous offenser mais nous sommes… relativement pressés de retourner d’où nous venons, tenta Cicéron entre deux ahanements. Le sport n’avait jamais vraiment été son truc et cette petite grimpette improvisée commençait à lui tirer dans les mollets. Ce n’était pas le cas de leur guide en revanche. Le vieil homme avait pris un peu d’avance mais en entendant qu’on l’apostrophait il daigna se retourner et pointa simplement du doigt une corniche située à encore une trentaine de mètres au-dessus d’eux. Soit. Ils touchaient donc au but. Revigoré par cette idée, le professeur de sortilèges remit du cœur à l’ouvrage et trente minutes plus tard c’est avec un soupir de soulagement qu’il posa le pied sur la saillie pierreuse tant convoitée. La vue sur la plaine était imprenable de là-haut. Cicéron prit quelques secondes pour profiter du spectacle mais son attention fut vite attirée par la grotte qui perçait le flanc de la falaise et devant laquelle leur guide s’était arrêté. _ Le passage se trouve là ? Hmm, cela fait sens. Quand je travaillais pour Gringotts comme briseur de sorts j’ai eu l’occasion de visiter des pyramides dotées du même système. On ne pouvait pas en sortir à moins de trouver le portail magique qui permettait de retourner à l’air libre.Bien sûr l’inverse était également possible. Certaines pièces étaient destinées à piéger les pilleurs de tombe en les condamnant à une mort atroce, mais Cicéron ne pouvait se résoudre à croire que le vieil homme se soit donné la peine de les aider jusque-là si c’était pour les rouler ensuite. Malgré sa physionomie peu avenante, il avait l’air assez inoffensif. Avec un regard pour Anazarel, il s’avança alors le premier. Il fit quelques pas dans la grotte avant de devoir formuler un lumos du bout des lèvres tant il y faisait sombre. À première vue tout semblait normal. Il ne voyait rien de particulier. Du moins jusqu’à ce que son pied butte contre quelque-chose qui alla rouler un peu plus loin et attira son attention vers le sol. Il s’agissait d’un crâne. Un crâne humain gisant au milieu d’une centaine d’autres ossements qu’il n’était pas difficile d’identifier. Le sorcier resta comme paralysé devant cette vision. Il était incapable de bouger, incapable d’avoir la moindre pensée cohérente. Il ne parvint à s’arracher de ce spectacle macabre que lorsque des gargouillements et d’affreux crachotements s’élevèrent dans son dos. Le vieillard semblait être pris d’une attaque. Ses deux mains étaient cramponnées à son cou tandis qu’il ne cessait de se courber vers l’avant puis vers l’arrière, tordant sa colonne vertébrale en des angles improbables. Frappé d’horreur, Cicéron le regarda se débattre de la sorte jusqu’à ce qu’une créature repoussante ne s’extirpe de sa bouche en laissant sa vulgaire enveloppe retomber mollement derrière elle. Malgré sa tenue bipède, la bête n’avait rien d’humain. Elle avait des côtes saillantes, des muscles noueux qui donnaient à sa peau sombre l’aspect rugueux de l’écorce d’un vieux chêne, ainsi qu’une mâchoire proéminente remplie de dents pointues et trois yeux globuleux dénués de paupières. Quant au grondement qui semblait s’échapper du fond même de ses entrailles… Disons qu’il ne laissait rien présager de bon. _ Merlin tout puissant… |
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