Re: The new new life (réservé à Aoden)

ce message a été posté Mar 21 Mai 2013 - 11:55

Ah, ma bécane. Elle est belle, elle est différente, elle est forte et fragile à la fois. Elle peut m’emmener à des vitesses folles tout en me faisant frôler les passants, vibrer les arbres et caresser les sols. Elle sait me faire peur, faire chavirer mon corps – à défaut de mon cœur – me balancer délicieusement de droite à gauche selon les courbes de l’horizon, m’enivrer à ne plus penser à rien jusqu’à découvrir que je suis loin. Loin de tout. L’espace d’une seconde environ, je ne suis plus là. Je ne suis plus rien. Et je suis paradoxalement tout, et plus fort.
Puis la réalité revient, les vitesses rétrogradent, le paysage ralenti pour au final se figer. Le voyage est intense, un parfait duo ou le véhicule habite l’homme, l’homme guide l’engin dans sa danse emballée.
Il y a tellement de moments ou je souhaite n’être qu’avec elle. La plus discrète et la plus tendre, la plus complice et la plus présente ;
La femme idéale si on veut. Mais c’est un tas de ferrailles. Ma bécane.

Mon regard – comme à chaque fois – se pose sur elle avec gentillesse. Reconnaissance. Pourtant nous n’avons même pas démarré. Mais je sais déjà que ça va être plaisant.
J’attrape mon casque, délicatement, précieusement, défais le lien afin de le passer par la tête et l’attache. Méticuleusement. Chacun de ces gestes est importants. Et je ne parle pas de prudence, de sécurité. C’est tout un rituel, comme de mauvais réflexes rassurants. Des mouvements répétés, appris, absorbés, qui me permettent d’être ce journaliste motard, libre et beau.
Bah ; j’abuse un peu. Mais je prends une légère confiance quand je suis près de ma monture. C’est elle qui fait tout, c’est son charme, son caractère et sa voix : mais c’est moi qui donne l’impression de la dominer. La conduire.
Si vous saviez comme c’est agréable d’être, durant un bref instant, un autre qu’Aoden.

« …Que je repasse ? »

N’ai-je pas provoqué assez de grabuge ? C’est carrément les restes d’une boutique après une tornade passée que je laisse derrière moi. j’ai été monstrueux et je n’arrange pas mon cas en étant parfaitement ignare de ce que j’ai pu réellement provoquer. Un monstre malgré moi, une horreur qui ne se perçoit même pas.
Fichtre, c’est flippant. Je maintiens pourtant mon sourire et mon air doucement enjoué.
Ce que Lauren vient de dire, c’est rassurant. C’est comme si la jeune femme, dans son infinie bonté – ou sa trop grande curiosité ? – voulait pardonner la bête, lui donner une seconde chance. Je n’ai rien d’une créature maléfique qu’on se rassure, mais je n’ai jamais nié avoir un quelque chose de maudit.
La poisse tout ça. Diable, je suis lassant.

« Eh bien je repasserais, Lauren. Comptez sur moi. Je viendrais chercher mon bouquin je crois que ce sera le prétexte idéal pour vous revoir. Avec plaisir. »

Et maintenant, j’ai l’air super con. Parce que j’ai mon casque, que même si je souris et que mon visage se devine – se voit, le casque est ouvert et pas des plus récents modèles – je reste enserré dans ce truc lourd et ridicule. Boh. Si je le retire je souligne cet air stupide, mais si je le garde je ne nous permets pas de galants adieux.
Mais est-ce bien placé d’y penser ? Une bise serait-elle bien prise ? Peu de chance. A être trop décalé je vais vraiment me faire des ennemis parmi ceux qui sont, en fait, mes alliés.
Finalement je trouve que le casque est une bonne excuse pour ne pas faire une maladresse de plus et, sans même lui tendre la main – ce serait trop bourru – j’articule avec sympathie.
Mes yeux bleus ne la lâchent pas, et mon sourire, pour elle, continue de briller.

« Ce fut une insolite… » J’enjambe ma belle à moi avant de reprendre, tandis que le moteur ronfle. « …mais plaisante rencontre. A la prochaine fois, bonne fin de journée. »

J’en dis toujours trop, alors je m’efforce au silence après ceci, m’assure des derniers réglages avec une expérience non dissimulée pour ainsi conserver son regard. Puis, il faut partir.
Déjà les mètres défilent sous les pneus épais de l’engin et le ronronnement plus percutant éteint toute trace de nos voix. Bon, j’ai été on ne peut plus médiocre cette fois mais bizarrement, ce n’est pas la pire conclusion qui me vient à l’esprit.
Tenante de livres, fille d’un fan de motos, fragile et mystérieuse. Qui veut me revoir.
Non vraiment, pas si catastrophique comme rencontre. Lauren.