Il était ressorti de la pièce, se sentant de trop dans la petite famille. Il aimait Julian, beaucoup, et il savait parfaitement la situation dans laquelle il devait être, à voir un autre s'occuper de son fils comme s'il était le sien. Evidemment, Bruce n'avait aucune attention de s'approprier l'amour de Colin, mais il ne pouvait s'empêcher de penser que, si les situations avaient été inversées, il serait mort de douleur, de haine envers l'étranger.

Voyant qu'ils n'avaient pas besoin de lui pour le moment, il fit le tour de l'autre pièce, écoutant William d'une oreille. Ils avaient gagné. L'information avait du mal à s'imprégner dans sa tête. Ils avaient gagné, le ministère était tombé. La dictature des mangemorts était terminée. Il ne pouvait pas se réjouir, pas encore. Lisa était blessée, elle ne pouvait pas rentrer chez elle, plus maintenant qu'on l'avait vu trahir les mangemorts. Il ne savait pas ce qu'ils allaient devenir. Et il ne savait pas vraiment s'il devait penser à eux ensembles ou pas. Bien sûr c'était la douleur et la peur qui avaient parlé quand elle l'avait rembarré. Mais il ne pouvait s'empêcher de mourir de trouille. Si elle ne voulait plus de lui? Si elle avait perdu toute sa vie pour… rien?

Et quelque chose d'autre l'inquiétait, à cet instant précis. Il n'avait toujours pas vu Zahid, et ça commençait à lui faire sérieusement peur. Un nouveau tour de la pièce et quelques questions lui apprirent qu'on l'avait vu un peu plus tôt, et Eire finit par lui dire qu'il était dans sa chambre. Les yeux de la jeune irlandaise en avaient dit beaucoup plus que ses mots, et Bruce accéléra le pas jusqu'à courir pour arriver à la porte. Les sanglots lui parvinrent et il poussa doucement la porte.

Son Bouchon était là, prostré, la main serrée sur celle d'un homme qu'il n'avait vu qu'une fois ou deux. Un homme… un enfant, aux traits doux et tendres, aux boucles folles qui s'étalaient sur l'oreiller. Il aurait pu paraitre endormi si ce n'avait été pour ses lèvres trop blanches, son teint trop pâle, sa poitrine qui ne se soulevait plus. Une boule était venue en travers de sa gorge. Bien sûr il savait que leur cause méritait qu'on meure pour elle, il savait que c'était le prix à payer pour la liberté, et il était prêt à mourir. Lui oui, mais ces gosses… ces simples gosses, qui voulaient juste vivre, aimer, s'amuser. Ils ne le méritaient pas.

Le blond referma doucement la porte derrière lui et s'agenouilla derrière son ami, une main sur son épaule. Il l'avait senti se tendre à son toucher, mais pleurait toujours, agrippé à la main de son ami.

"Eh…bouchon, c'est moi…"

Il ne sembla pas plus réagir, si ce n'était un sanglot plus fort que les autres quand le gallois l'entoura de ses bras, mais il se débattit quand Bruce tenta de lui retirer la main de celle de l'autre.

"Shh… ça va aller…"

Il serra le poignet du jeune homme jusqu'à ce qu'il se calme. Il lutta un instant pour retourner auprès de son ami, mais sembla vite à bout de force et s'écroula dans les bras de Bruce qui posa une main sur sa joue, le tournant légèrement vers lui, pour l'éloigner du corps sur le lit. Il semblait si faible, si frêle dans ses bras alors qu'il s'accrochait fermement à son cou. Le blond finit par fermer les yeux, tentant d'oublier la présence de l'autre homme dans la pièce, nouvelle victime de cette guerre insensée. Il caressait le dos de son ami, longuement, et essayait de retenir ses propres larmes. C'était lui le héros, il devait être fort, pour tout le monde. Mais ce soir, juste ce soir, avec lui…

Il se mit à pleurer contre son cou.

Zahid était dévasté. Bien sûr, qui ne le serait pas? Bruce ne connaissait pas ce gosse, mais qu'importait, c'était un enfant, il n'avait rien vécu, rien fait qui puisse lui valoir d'être enlevé à la vie si jeune. Rien que vouloir la vivre. Rien que vouloir cette liberté qu'on lui interdisait depuis tant de temps. Les larmes coulaient sur les joues du blond sans qu'il sache vraiment les retenir. Il n'aurait pas dû se laisser aller comme ça, pas devant lui, pas maintenant qu'il était dans cet état.

Il aurait dû être fort, lui sourire comme il savait si bien faire, lui dire que tout allait bien aller, qu'il était là, comme toujours, qu'ils étaient ensemble et que c'était ça qui comptait. Il aurait dû le faire rire, l'emmener hors de cette pièce et rester tout près de lui, rester fort pour deux, comme un roc, comme le super-héros auquel certains le comparaient. Un nounours c'est rassurant, c'est doux et chaud, ça vous écoute et ça ne pleure pas. Mais ce soir c'en était trop. Il n'en était pas à sa première mort, pas dans cette guerre, il en avait eu son lot, même ce soir il avait vu des camarades tomber sous le feu des Mangemorts. Mais ce soir tout était sans doute trop, trop vite.

Il aurait voulu être insensible, pouvoir mener à bien leur combat sans s'inquiéter des autres, de ceux qu'on pourrait attaquer pour le blesser lui. Même ceux qu'il savait parfaitement capable de se défendre il avait terriblement peur pour eux. Il ne pouvait pas répondre aux questions que le jeune homme dans ses bras lui posait. Pourquoi? Pourquoi lui? Pourquoi tant de morts innocents, pourquoi cette guerre? Il n'en savait rien. Pourquoi les sorciers se dressaient contre les sorciers, pourquoi vivaient-ils dans une époque comme celle-ci?

Soudainement, il sentit le regard de Zahid sur lui. Il s'était tut, il le voyait juste pleurer. Lui, son roc de confiance et de force. Bruce s'essuya rapidement les joues et tenta de ravaler ses sanglots, au plus vite. Pas par gêne non, il pouvait bien pleurer devant lui, il avait confiance. Mais c'était égoïste, il n'avait perdu personne de proche ce soir. Il avait même gagné quelqu'un. Ou deux quelqu'uns. Lisa s'était mise en danger de mort pour lui, elle avait perdu sa vie, son métier, sa famille, tout ça pour un blondinet terroriste. Qui était-il pour pleurer ce soir? Ils avaient gagné. Il n'avait pas le droit.

Ses yeux étaient rouges et gonflés, il avait encore les joues humides, mais il ne pleurait plus, et son sourire rassurant, compatissant, affectueux, était revenu. Je suis là, Bouchon, disaient ses yeux, je suis là et je t'aime, je serais toujours là pour toi.

"Je sais pas…"

Sa voix était rauque et un rien éraillée. Il posa un baiser sur le front humide de sueur de son ami et le reprit contre sa poitrine, prêt à rester là toute la nuit s'il le fallait.