Dylan errait dans les couloirs du château sans même se rappeler ce qu'il cherchait à la base. Ah oui, il était préfet, il faisait une mini-ronde imposée par Grognard. Mais vraiment mini la ronde, il sentait bien qu'être préfet ne suffisait pas pour faire partie des élèves de confiance. A partir du moment où un élève n'avait pas présenté son allégeance à Wilhelmina Salamander, il restait un ennemi potentiel. Même lui, du haut de ses quinze mais surtout de sa naïveté sans borne, il l'avait compris. Il voyait bien la différence entre les préfets "soutenus" par l'administration et les autres. Mais il n'en faisait pas tout un plat, il n'avait même pas voulu être préfet dans un premier temps alors bon. Et puis protester alors qu'il avait officiellement rejoint les Phénix pour reprendre le boulot accompli par ses parents avant lui... Non, il valait mieux qu'il se taise, qu'il fasse son petit boulot de surveillant de pacotille et tout irait bien. Même si c'était compliqué quand les élèves ne le prenaient pas au sérieux. Qui pensait sérieusement que Dylan était capable de rapporter une bêtise faites par un élève ? Qui pensait réellement que le pauvre petit Smith, pas très doué de ses mains, pouvait mettre une retenue à un de ses pairs ? Même les otages Ombres ne le craignaient pas alors...

Son attention fut d'un coup reportée sur une silhouette qu'il connaissait mais sans plus. Il leva les yeux sur Solaan Sethlyn, le serdaigle otage. Celui qu'il avait vu main dans la main avec Pandore une fois, la dévorant des yeux, lui susurrant des mots qu'il n'avait pu entendre à l'oreille, cherchant son cou de ses lèvres. Rien qu'à cette image, Dylan se mit à rougir. Pauvre petite chose pas encore doué pour les petites douceurs de la vie. Le jeune Smith n'avait rien dit quand il avait découvert ce qu'il se tramait entre Pandore et l'otage. Il aimait bien Pandore et il la voyait mal être partisane de Kark. Et puis elle était gentille avec lui. Elle ne cherchait pas à affronter l'autorité que son petit badge de préfet était censé lui conférer. Elle ne cherchait pas à lui faire croire qu'elle se foutait bien de son statut. Non, elle était juste gentille. Elle semblait ne pas se soucier des barrières imposées par les lois, les rangs, le tout. Dylan était sang-pur mais elle ne le méprisait pas pour ça, alors que certains élèves si, ceux qui n'étaient pas purs. Le jeune poufsouffle se souvenait du regard qu'Ailanda avait posé sur lui les premières fois, celui qui lui avait dit qu'il le détestait pour être un sang-pur. Pandore n'était pas comme ça. Dylan ne la connaissait pas vraiment mais il savait. Il était peut-être un brin trop naïf mais il sentait ce genre de choses. Il sentait qu'on pouvait lui faire confiance. Et il ne faisait pas confiance à Sethlyn pour le coup.

« Salut. » dit-il simplement quand il vit le regard de l'otage se poser sur lui avec insistance. Il se sentait mal à l'aise, il avait juste envie de poursuivre son chemin et d'aller retrouver sa petite salle commune toute confortable. Il n'avait pas envie de rester là à jouer à celui qui baisserait les yeux en premier parce que bah... Il avait déjà baissé les yeux vers ses chaussures. Les confrontations ça n'était pas son truc. Et Solaan savait que Dylan savait. Et ça compliquait encore plus les choses. Un trou de souris quelque part ? Un passage secret réservé pour lui ? Non ? Tant pis. Il allait devoir trouver un moyen de passer son chemin en douceur.

Un peu de Leah aurait été utile pour mettre les pieds dans le plat et se tirer vite fait bien fait après une phrase bien cinglante. A la place, Dylan se contenta d'attendre que Solaan veuille bien arrêter de le fixer.

De nombreuses semaines s’étaient écoulées depuis la rentrée. Malheureusement pour moi je semblais avoir perdu toute notion du temps. Cela faisait longtemps que je n’y prêtais plus attention. J’avais cessé de compter le nombre de jours que j’avais passé à Poudlard, sans pouvoir y sortir. L’humeur maussade qui s’éprenait de moi se faisait bien plus présente chaque jour. Ce sourire qui ne quittait que très rarement mon visage d’habitude ne faisait guère son apparition, surtout en cette période de l’année. Depuis quelques jours, et malgré tous les évènements de ces derniers mois, une once d’euphorie pouvait être perceptible dans les couloirs du château. Cette joie perceptible chez mes camarades, cette neige qui tombait en abondance à l’extérieur du château… Tout indiquait que les vacances de fin d’année approchaient et cela ne m’enchantait pas. Savoir que la plupart des élèves allaient rentrer chez eux, voir leur famille, passer de bons moments. Alors que moi, une fois de plus, j’allais devoir rester ici avec les autres otages. Cette condition je ne la supportais plus. Seule Pandore pouvait à présent me rendre heureux. Mais elle ne serait pas présente pendant les vacances et c’était ce qui me chagrinait le plus. Ne pas pouvoir la voir, la contempler, lui parler, lui sourire, la prendre dans mes bras, l’embrasser… Cela allait être difficile, rien que d’y penser elle me manquait déjà. Elle était l’unique personne avec qui je me sentais revivre depuis que j’étais enfermé ici. J’étais tellement attachée à elle, je l’aimais. Mais devoir se cacher devenait si difficile. Avec Grognard à l’affût de tout et ces saletés d’héritiers qui se feraient un plaisir de nous dénoncer… Le moindre de nos gestes pouvaient nous être fatal, surtout pour Pandore.

Adossé à un mur dans un des innombrables couloirs du sixième étage, je scrutais le moindre mouvement. Il était convenu que Pandore me rejoigne mais vu le nombre d’élève à déambuler par ici, il ne serait pas simple de trouver un coin tranquille. Prenant mon mal en patience, je sortais un livre et commençait à le feuilleter. Malgré les restrictions qui me concernaient, j’avais pu me procurer un livre de Métamorphose à la bibliothèque. Mais après avoir parcouru quelques pages, je dus me rendre à l’évidence que les mêmes les bouquins que nous pouvions emprunter ne me servaient pas à grand-chose… Soupirant bruyamment, je relevai les yeux afin de voir si Pandore avait pu se débrouiller pour me rejoindre. J’aperçus alors le jeune préfet Smith, il avait l’air aussi pommé que d’habitude. Je me demandais toujours pourquoi il s’était retrouvé avec cet insigne de préfet. Le pauvre n’était pas franchement crédible dans ce rôle qui exigeait tellement de fermeté et de répondant. Chose que Dylan Smith ne semblait ne pas maîtriser de toute évidement. Cela me fit sourire intérieurement alors que mon regard continuait de le lorgner. Le jeune garçon s’approcha alors de moi et m’adressa un « Salut. » timide avant de baisser les yeux. N’y prenant pas attention je fis mine de me reconcentrer sur mon livre, qui soit dit en passant était aussi futile et insignifiant que ce pauvre Poufsouffle.

Après plusieurs secondes, je jetai un coup d’œil vers Smith qui n’avait toujours pas bougé. Je fermai mon livre puis je m’approchai de lui, le surplombant d’environ une tête. J’arquai un sourcil et le fixait à nouveau, l’air inquisiteur. Mais nom d’un troll, que me voulait-il ? Je finis par lui demander « Bon Smith au lieu de rester planter là à regarder tes pieds, tu peux me dire ce que tu me veux ? Je n’ai pas le temps de rester jouer avec toi… » Le pauvre, je n’étais franchement pas agréable mais le voir aussi amorphe me donnait envie de le secouer. « Allez un peu de nerfs Smith ! » Je ne voulais pas être méchant… Ce n’était pas le moment de me créer des problèmes, s’en prendre à un préfet n’était pas une bonne idée. Mais je comptais bien savoir ses intentions et ce qu’il avait à me dire.

Voilà ! Dylan aurait tellement dû poursuivre sa route et éviter cette confrontation des plus gênantes... Pourquoi n'avait-il pas fait le nécessaire pour continuer à avancer ? Pourquoi n'avait-il pas simplement poursuivi son entreprise de mettre un pied devant l'autre, comme tout sorcier normalement constitué ? Pauvre petite chose dont la bêtise recouvrait le bon sens. Maintenant, il avait l'air malin, les yeux toujours rivés sur ses pieds, les paroles de Solaan résonnant atrocement dans son crâne. Oui du nerf, oui il fallait qu'il se secoue. Mais c'était tellement simple de le dire et tellement hors de sa portée de l'accomplir ! Il ne voulait rien, rien du tout en dehors de prendre ses jambes à son cou afin d'aller se réfugier dans la salle commune pour ruminer sa honte et son incapacité à être un bon préfet.

Siobhan, elle, avait l'étoffe d'une guerrière, d'une meneuse de troupe. Ou presque. Lui, il avait été conçu pour être un suiveur, un bon petit poufsouffle dont l'avenir se résumerait à la soumission et à l'acceptation. Il maudissait Lewis pour son choix. Le directrice n'avait donc pas saisi à quel point il était incapable d'avoir la moindre autorité sur ses camarades ? Ou peut-être l'avait-elle justement choisi pour ça, parce qu'il n'allait pas faire de vagues et qu'il ne s'opposerait jamais à ses camarades "privilégiés". Si cela avait été le but de sa nomination, alors elle avait vu juste. Jamais il n'oserait quoi que ce soit contre les autres préfets. Il osait à peine dire aux élèves de circuler quand il y avait un attroupement douteux alors... Au moins, il ne s'en sortait pas trop mal dans le soutien réservé aux premières années. Il avait su les accueillir, être tout mignon-mignon avec eux. Voilà la seule chose qu'il était capable de bien faire en définitive.

Dylan osa alors relever les yeux en prenant toutefois le soin de ne pas regarder l'otage directement en face. La fuite, c'était ce qu'il faisait le mieux. Non, c'était faux. Le regard fuyant était sa spécialité, pas la fuite. Il était incapable de fuir, c'était sa nature de petit jaune fidèle. Il avait accompli sa mission jusqu'au bout cet été. Même si au final l'Ordre ne lui avait plus rien confié depuis. Il n'avait même pas cherché à savoir pourquoi : incapable ou protégé par oncle Zach, c'était du pareil au même. « Je huuum... Tu ne devrais pas rester là... avec un... livre. » C'était un conseil. Il savait que les Ombres du château étaient sans cesse épiés. Il savait que Solaan étudiant au milieu de couloir ça n'était pas une bonne chose aux yeux de la directrice. Et un coup d'oeil à la couverture du bouquin indiqua à Dylan qu'il avait raison. « Ils voient tout. Et euhh... » Oui mais non. Le jeune Smith avait tenté de se reprendre pour que son conseil ne passe pas comme un ordre transcendant donné par un préfet de pacotille. Mais c'était peine perdue.

Oui Poudlard voyait tout. Les tableaux, les préfets, les professeurs, les fantômes... Dylan se demandait d'ailleurs comment Pandore pouvait encore être saine et sauve après avoir laissé sa langue être aspirée par la bouche d'un otage. Dylan grimaça à cet idée, oubliant totalement que Solaan ne savait absolument pas ce qu'il avait dans la tête. il ne voulait pas que Pandore ait des problèmes, elle était torp douce pour ça. Elle ne le méritait pas. Solaan, il s'en foutait un peu : c'était un Ombre après tout. Mais tout de même, si Solaan venait à être torturé, est-ce qu'il n'allait pas cracher le morceau ?

Que pouvait-il bien se passer dans la tête du Poufsouffle ? Pourquoi cette soudaine volonté de venir jusqu’à moi ? Je ne parvenais pas à expliquer cela. Je ne lui avais jamais adressé un seul mot avant ce jour, je le connaissais à peine. Sans sa nomination au titre de préfet, je n’aurais jamais pu mettre un nom sur son visage si je l’avais croisé par hasard dans les couloirs du château. De nature plutôt solitaire, je m’intéressais peu aux autres, surtout depuis que j’étais enfermé ici. En plus de cela, je n’avais aucunement le sens de la physionomie. Le jeune Smith aurait donc été d’une insignifiance totale à mes yeux s’il n’avait pas obtenu ce poste, d’autant plus qu’il étudiait dans un niveau inférieur. J’avais d’ailleurs toujours été stupéfait de le savoir occuper un statut demandant un fort tempérament, une répartie à toute épreuve ainsi qu’une assurance inébranlable. Choses que, sans nul doute, il ne possédait pas. Au regard de ses difficultés à aligner des phrases à la syntaxe irréprochable ; fallait-il encore qu’il prononce plusieurs mots pour pouvoir parler de phrases ; et cette insupportable manie de détourner le regard dès qu’on posait les yeux sur lui… Il n’avait rien à faire là ce pauvre petit…

A présent à sa hauteur, je tentais désespérément de suivre ce regard qui m’échappait dès que je réussissais à le capter. Les secondes filaient, interminables, et mon air inquisiteur ne faisait que s’amplifiait plus le silence perdurait. L’envie de le pousser à me répondre plus vite me parcourait l’esprit mais une autre remarque ne ferait que retarder la raison de sa présence face à moi. Je me forçais alors à attendre gentiment, prenant soin de reculer de quelques pas, histoire de l’intimider un peu moins. Bonne idée ? Apparemment oui puisqu’il décrocha enfin quelques mots… «Je huuum... Tu ne devrais pas rester là... avec un... livre. » Les propos du jeune Smith étaient décousus et encore hésitants mais il était en progrès. Alors c’était pour cela qu’il venait me voir ? A cause d’un simple livre que j’étais en train de feuilleter. C’était certes un ouvrage que je n’aurais pas dû avoir en ma possession mais Smith venait seulement de s’en rendre compte. Comment aurait-il pu connaître son contenu ? Après tout cela aurait pu être un bouquin des plus banals, que j’aurais eu droit de lire dans ce couloir à la vue de tous. C’était troublant… Surtout qu’en temps normal, livre de Métamorphose ou non, il n’aurait pas pris la peine de venir à ma rencontre. « Ils voient tout. Et euhh... » Que voulait-il au juste ? M’aider ? Sa remarque avait étrangement une tonalité que j’interprétais dans ce sens. C’était si gentil de sa part de s’inquiéter de ce qu’il pourrait m’arriver si jamais l’on me surprenait ce livre dans les mains. Qui en plus… Ne m’apportait rien de plus de ce que je connaissais déjà. Néanmoins, il y avait quelque chose, j’étais persuadé qu’il avait une bonne excuse pour m’avoir interpelé ainsi. Il fallait que je devine ce qu’il avait derrière la tête. Cependant… Je devais avouer que l’envie de le tourmenter un peu trottait dans mon esprit, l’idée était si attrayante… Il n’y avait rien de méchant dans mes intentions, simplement la volonté de le faire parler.

« Depuis quand les préfets sont censés être de bon conseil ? N’oublie pas que je suis enfermé ici en tant qu’ombre… Que dirait la directrice si elle venait à apprendre que son cher préfet des Poufsouffle n’a pas été capable de sanctionner une transgression à son règlement, transgression de la part d’un élève otage qui plus est ! » Je me baissais, pliant légèrement les genoux, pour être à sa hauteur. Mon regard toujours aussi interrogateur et appuyé. « Regarde-moi Smith… Il n’y a rien de plus agaçant que de parler dans le vide. » Ma voix c’était faite plus ferme cette fois, en prenant soin de ne pas trop élever la voix. Je savais que mon comportement pouvait à tout moment se retourner contre moi. Le Smith l’avait bien précisé d’ailleurs, ils voyaient tout. Sur ce point-là, je n’avais rien à redire au préfet. Je jetais un coup d’œil furtif autour de nous, simple précaution. « Alors ? Suis-je en train de rêver ou tu sembles vouloir m’empêcher d’être surpris par quelqu’un qui aurait l’audace de réagir comme il conviendrait face à mes manquements au règlement ? Tu sais, me réprimander ou me balancer à Grognard ou à un professeur qui sauraient me sanctionner ou user de punitions qui sont de convenances depuis un moment pour des types comme moi. Qu’est-ce que t’en a à faire de moi après tout ? Me remettre à l’ordre ou me dénoncer t’apporterais bien moins d’ennuis. Cela serait d’ailleurs un très bon point pour toi… » Je n’avais pas étais agréable, très froid même. Je jouais avec le feu… Avait-il vraiment la possibilité de se défendre, de me répondre ? J’en doutais… Je voulais simplement qu’il finisse par me dire ce qu’il fichait là. J’allais finir par devenir aussi impatient qu’un Eruptif s’il n’en venait pas très rapidement aux faits. Je pouvais aisément continuer à lancer de telles piques jusqu’à ce qu’il craque ou qu’il parte en courant…

5.

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Aux premices de la rencontre, l'aveuglement est de mise.

Pourquoi Dylan avait choisi d'engager cette conversation ? Pourquoi n'avait-il tout simplement pas continuer son petit bout de chemin sans même adresser un regard à l'otage Ombre ? Il était désormais coincé. Il se retrouvait dans une situation gênante, une situation dans laquelle il valait mieux qu'il parle. Mais de quoi ? Avouer à Solaan qu'il s'inquiétait pour Pandore parce qu'ils les avaient vus ? Tous les deux ? Echangeant des baisers humides ? Le jeune poufsouffle savait que c'était tout sauf une bonne idée.

Et les attaques fusèrent, laissant le petit Smith tout confus, écrasé, ratatiné, blessé même. Oui il n'était pas digne d'être préfet. Oui il ne comprenait pas pourquoi il avait reçu cet insigne. Mais l'entendre de la bouche d'un Ombre, un mangemort, un otage, ça faisait mal. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il ne trouvait rien à redire. Solaan avait raison et Dylan ne pouvait que la fermer et subir. Il releva les yeux vers le serdaigle quand il le lui demanda, au terme d'un effort immense. C'était dur pour lui de faire face, de se laisser écraser tout en gardant la tête haute. Il n'y arrivait pas et pourtant, il essayait, vraiment. Il se laissa acculer sans rechigner, cherchant un moyen de se sortir de là. Rien ne venait. Que ferait Siobhan à sa place ? Elle l'ouvrirait, elle, et pas pour lui faire plaisir. Elle lui dirait sûrement ses quatre vérités. Seulement, Dylan n'en connaissait qu'une, de vérité. Et est-ce qu'il était prêt à la dire ? Non, il n'en avait pas la force. alors il encaissa, tremblant presque, luttant pour ne pas fuir le regard qui le transperçait de toutes parts.

Et puis un regain de courage, courage qu'il ne se souvenait même pas d'avoir un jour eu. Il soutint le regard de Solaan avec plus de conviction. Il pensait à ses parents, il pensait à Leah. Il ne pouvait pas fuir. On lui avait offert des responsabilités dérangeantes avec cet insigne de préfet mais il fallait qu'il l'assume. Et surtout, il ne voulait pas que Pandore ait des problèmes. Elle était gentille avec lui, elle n'avait jamais rien fait pour le dénigrer ou lui rappeler qu'il n'était pas très doué pour... Pour tout en fait. Et si Solaan lui inspirait plus d'antipathie qu'autre chose, il n'avait aucune envie de condamner la jolie poufsouffle qui faisait partie de ceux à qui il pouvait parler sans se sentir trop bête. Il s'approcha de Solaan d'une démarche hésitante et, armé du peu de courage qu'il possédait, s'engagea sur la pente qui était bien trop glissante pour lui. « Ton cas m'importe peu. Mais j'apprécie Pandore et je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose. » murmura-t-il. Voix chevrotante, coeur battant la chamade, paumes moites... La totale. Et pourtant, Dylan savait qu'il devait le faire. Il devait faire comprendre à Solaan pourquoi il faisait ça. « Je vous ai vus. Et d'autres ne tarderont pas à vous voir si ... si tu ne fais pas attention. » Se balader avec un livre interdit à la vue de tous n'était pas discret. Le serdaigle devait faire profil bas, il devait tout faire pour ne pas qu'on remarque sa présence. Se fondre dans la masse, faire oublier son existence. Un art que Dylan savait pratiquer sans même le vouloir d'ailleurs.

« Je ne te... te menace pas. Je veux juste que Pandore n'ait pas à subir à cause de toi. » Il ne voulait pas que son amie se retrouver enfermée à cause d'un égoïste. Parce que c'était ce qu'il était, non ? Être otage et ne pas arrêter de bécoter Pandore c'était prendre des risques pour elle. C'était tout sauf altruiste.

Je gardais cet air froid et austère. Mes mots étaient dénués de la moindre gentillesse, je le savais. Ce n’était pas dans ma nature de réagir de la sorte, cependant ces mois d’enfermement m’avaient appris à ne plus faire preuve de compassion ou d’amabilité. Dylan fit preuve d’une grande témérité en daignant relever les yeux comme je lui avais demandé. Insuffisant à mon goût… Je savais qu’il me cachait quelque chose, cela ne faisait aucun doute. Mais de quoi pouvait-il bien s’agir ? Je sentais une once d’agacement bouillir en moi, j’avais suffisamment usé de patience… Il fallait qu’il craque. Le ton de ma voix c’était fait bien plus désagréable… Les mots fusaient et le pauvre Poufsouffle ne savait plus où se mettre… Puis, dans un murmure, les paroles tant attendues brisèrent cette attente interminable. « Ton cas m'importe peu. Mais j'apprécie Pandore et je ne veux pas qu'il lui arrive quelque chose. » Mon regard se figea subitement. Comment ? Comment pouvait-il être au courant pour Pandore et moi ? Je pensais avoir fait preuve d’une grande discrétion. Nous avions toujours fait attention. Mais visiblement pas assez… « Je vous ai vus. Et d'autres ne tarderont pas à vous voir si ... si tu ne fais pas attention. » Je fis quelques pas en arrière, m’adossant au mur où j’étais en train de feuilleter mon livre, avant que le jeune Smith ne vienne interrompre une insipide lecture… Quand nous avait-il surpris ? Avait-il confié cela à d’autres élèves ? Cette révélation m’avait complétement bouleversé… Des sueurs froides s’étaient éprises de mon corps, mon cœur martelait dans ma poitrine… Dylan venait de prendre l’avantage, c’était à mon tour de me sentir affreusement mal. « Je te préviens Smith… Un seul mot à qui que ce soit et… » Soufflais-je à mi-voix… Avant qu’il ne me coupe la parole… « Je ne te... te menace pas. Je veux juste que Pandore n'ait pas à subir à cause de toi. » Un léger rire nerveux s’échappa d’entre mes lèvres. C’était donc cela ? Il se préoccupait de Pandore ? C’était tellement aimable de sa part…

Pandore était tout pour moi… Elle était celle qui avait pu me redonner un tant soit peu d’espoir durant ces moments tellement difficiles pour moi. Ma condition d’otage était un calvaire et les courts moments passés avec elle m’avait redonné la force de me battre… De ne rien lâcher… Un jour ou l’autre la roue finirait par tourner, j’en étais persuadé. Sans elle… J’aurais baissé les bras… Depuis bien longtemps ! Jamais je ne pourrais lui faire de mal… « C’est donc ça ? C’est ma relation avec Pandore qui te chagrine autant ? Merci de t’en soucier Smith… Mais tu n’as pas à t’y faire, je sais ce que je fais. » Silence… Je n’en revenais toujours pas… Notre secret avait été découvert. Dylan Smith ne devait pas parler. Mais il semblait apprécier Pandore, et je doutais qu’il puisse nous dénoncer. Néanmoins… Je devais m’en assurer. « Et Pandore aussi ! Si ça peut te rassurer je ne l’ai pas forcé… Alors si tu tiens à la protéger, tu as intérêt de garder ça pour toi. Si jamais cela s’ébruite je peux t’assurer que je saurais à qui m’en prendre… J’aime Pandore et je n’ai aucune envie qu’elle ait à supporter ce que je vis… C’est bien compris Smith ? » Je m’étais fait bien plus menaçant, tout en scrutant les alentours… Si jamais l’on me surprenait à prendre un préfet en grippe, je risquais de passer par la case cachot une fois encore…

Oui, Dylan avait encore manqué une occasion de se taire. Et dire qu'il n'osait pas beaucoup l'ouvrir à la base, il fallait que, lorsqu'il se décidait à faire entendre sa voix, il se ramasse comme le bleu qu'il était. Il regrettait d'avoir parlé à Solaan, il aurait mieux fait de parler directement à Pandore mais en même temps, il était à peine capable de lui dire bonjour sans rougir et bégayer alors lui dire qu'il savait pour elle et ce mangemort, qu'il les avait surpris et tout ce qui allait avec... Pauvre petit poufsouffle à qui l'on rappelait sans cesse qu'il n'était qu'une pauvre tâche inutile.

Les pieds rentrés, le regard fuyant, Dylan se demandait si, en y pensant très fort, il était capable de disparaître pour de bon, de changer d'endroit, d'atterrir directement dans son lit, sous sa couette. Mais évidemment, les choses seraient trop simples si ça pouvait être le cas, pas vrai ? Alors à la place, il était face à Solaan qui sous ses airs d'ange paumé s'avérait plutôt doué dans l'art de l'intimidation. Sur Dylan en tout cas, Dylan qui espérait ne pas se faire dessus et être capable de rester digne jusqu'à la fin de cette conversation... Encore fallait-il qu'il connaisse le mot dignité. Non Dylan était la victime parfaite, le petit bonhomme trop gentil avec tout le monde, incapable de parler trop fort, trop méchamment. Leah et Siobhan étaient là pour ça. Elles étaient là pour jouer le rôle qu'il était incapable de tenir. Lui préférait être le grand nigaud gentil et souriant. Celui sur lequel on osait pas frapper de peur qu'il ne dise merci à la fin.

Ah mais au lieu de faire demi-tour, Dylan sentit monter en lui une terrible envie de tenter la menace, d'essayer de faire quelque chose. Non mais quelle idée ! Pourquoi ne se contentait-il pas d'être égal à lui-même, de tourner les talons et de fuir ? « Si tu l'aimais vraiment, tu ne la mettrais pas en danger égoïstement comme tu le fais. » dit-il doucement. Lui qui ne connaissait rien à l'amour mais tout au danger. Lui qui avait perdu ses parents dans une guerre stupide. Lui qui n'avait plus que sa soeur. Et Siobhan. Et son oncle aussi, comme une petite partie de sa famille. C'était sûrement suffisant mais ça n'empêchait pas à ses parents de lui manquer. Et tenter de faire quelque chose pour aider une amie - oui bon Pandore n'était pas vraiment son amie mais quand même - était sûrement le genre de chose qui aurait rendu ses parents fiers.

« J'espère vraiment que tu sais ce que tu fais en fait, parce que sinon, tu vas faire de sa vie un enfer. Déjà que ce n'est pas brillant pour nous ici, si en plus elle finit comme toi, otage, elle n'aura plus rien à quoi se raccrocher et... Elle ne mérite pas ça. Elle est trop gentille pour subir ça. J'espère que tu as une bonne raison pour lui faire courir ce risque. » Comme mourir si sa bouche ne se collait pas à la sienne régulièrement ? Très peu crédible. « En tout cas, son malheur ne viendra pas de moi. » Parce qu'il ne les dénoncerait pas. Il fermerait les yeux, se débrouillerait pour envoyer les autres préfets ailleurs s'il le pouvait. Il essaierait de préserver la si jolie Pandore.

Comme si ce moustique allait me faire changer d’avis… La seule chose qu’il me reprochait c’était d’être membre des Ombres de la Rose Noire. Le simple fait de faire partie des otages lui posait problème… Certes sans ce contexte tout aurait été différent, mais je n’y pouvais rien. Mes sentiments pour la Poufsouffle étaient là depuis bien plus longtemps. S’il pensait que ce n’était qu’un petit jeu de ma part, il se trompait. Je serais incapable de faire du mal à Pandore et il était hors de question que d’autres puissent lui en faire… Mais ça le Smith ne semblait pas comprendre… « Si tu l'aimais vraiment, tu ne la mettrais pas en danger égoïstement comme tu le fais. » Qu’il pouvait m’agacer à me faire de tels sermons ! Apprécier Pandore était une chose et je ne pouvais lui en vouloir. Mais ses pseudos recommandations commençaient réellement à m’exaspérer. Si ses mots n’avaient été que mensonges je n’en aurais pas pris note. Mais Dylan n’avait pas tort… Moi-même je m’étais souvent trouvé égoïste d’avoir imposé cela à Pandore. Et je ne supportais pas qu’on puisse me le faire entendre. Je savais bien que cette situation était risquée, pour nous deux, mais maintenant que j’avais fait le premier pas… Revenir en arrière était tout bonnement inconcevable pour moi. Et ça, Dylan allait devoir l’accepter et oublier tout ce qu’il avait pu voir… Tout comme cette discussion…

« J'espère vraiment que tu sais ce que tu fais en fait, parce que sinon, tu vas faire de sa vie un enfer. Déjà que ce n'est pas brillant pour nous ici, si en plus elle finit comme toi, otage, elle n'aura plus rien à quoi se raccrocher et... Elle ne mérite pas ça. Elle est trop gentille pour subir ça. J'espère que tu as une bonne raison pour lui faire courir ce risque. » Que c’était honorable de sa part… Me dire ce que je devais faire… Mais qu’il arrête ! Je savais très bien ce que j’avais à faire ! Et oui ! J’avais une bonne raison… Je l’aimais !! C’était suffisant non ?! Mais ça le Smith ne devait pas le comprendre. Il ne devait pas savoir ce que c’était d’aimer quelqu’un. Pas la peine d’être un génie pour affirmer que les amourettes n’étaient pas dans l’habitude du Poufsouffle. Vu ses difficultés à aligner deux mots au début de notre conversation… J’imaginais qu’avec les filles cela devait être pareil… Enfin… Ce n’était pas la question et je m’en fichais pas mal de Smith. Apparemment il ne représentait pas une véritable menace. « En tout cas, son malheur ne viendra pas de moi. »  Bien… C’était tout ce que je voulais entendre. J’avais la réponse que j’attendais. Il n’irait pas divulguer ce secret à tout le monde. Mais cela ne voulait pas dire qu’il ne ferait pas de bourde. Savoir qu’il était au courant serait toujours une angoisse et j’étais prêt à faire bien plus attention à présent.

« Crois ce que tu veux mais il ne viendra pas de moi non plus… » Voir Pandore malheureuse… Je ne pouvais le concevoir. Et Dylan avait également raison sur le fait qu’elle était trop gentille pour mériter qu’on lui fasse du mal. Il semblait vraiment porter ma petite amie dans son estime. « Smith, cela doit être difficile à comprendre… Surtout venant d’un type comme moi… Mais je t’assure que tu te trompes, je ne veux que le bonheur de Pandore… » J’en avais assez de devoir me justifier. Notre discussion commençait à tourner en rond, je savais très bien que j’étais bien trop néfaste à ses yeux pour lui faire entendre quoi que ce soit. Je lui faisais tout de même confiance et le considérais comme assez intelligent pour garder cela pour lui. Dans le cas contraire il le regretterait. « Bref… Tu sais ce qu’il te reste à faire… Pas un mot de tout ça. Tu oublies toute cette conversation, et… Tout ira bien, pour tout le monde. Bonne journée Smith ! » Je lui jetais un dernier coup d’œil avant de lui fausser compagnie. Nous avions tout de même eu beaucoup de chance, Pandore et moi. Une autre personne que Smith n’aurait pas hésiter à tout dévoiler… Il fallait être prudent… Bien plus que nous l’étions…