« Je n’arrive toujours pas à croire que tu vas être papa mon biquet. C’est merveilleux. Hein Anton que c’est merveilleux ? »
« C’est merveilleux » confirma-t-il.
« C’est merveilleux » reprit Brooke en hochant la tête vers son frère.
« Je suis bien d’accord » répondit Thomas qui essayait de n’pas rire.
« Tu es heureux ? »
« Bien sûr que j’le suis »
« Non mais, j’veux dire, dans ta vie. Tu es heureux ? »
« Oui »
« Tu me le jure ? »
« Promis juré »
« C’est bien. Tu sais que je t’aime n’est pas ? »
« Parfaitement » continua d’opiné Thomas, la main de sa sœur dans la sienne pour qu’elle garde l’équilibre sur ses talons hauts.
Un peu en retrait se trouvait son mari Anton, qui portait docilement son sac à main en plumes de paon et sa cape noire pailletée et richement brodée de fils d’argent.
« Je ne le dis pas souvent mais je le montre tout de même, tu es d’accord ? »
« Bien sûr » continua de sourire Thomas d’un ton confiant.
« C’est pareil pour Père tu sais ? Il ne le montre pas mais il est tellement content que tu sois enceinte »
Ca partait d’une bonne intention mais c’était plus fort que lui et il dut se mordre la lèvre pour réprimer un fou rire.
« Ah bon ? »
« Oh oui ! Oops … ! » glapit-elle en se prenant les pieds dans l’un des épais tapis sombre qui ornaient le sol.
Tom la rattrapa sans mal d’une main sur les hanches et elle le remercia d’une longue caresse maladroite au milieu du visage. Ils arrivaient enfin devant l’imposant foyer de la cheminée, sculptée en bas relief de multiples fasciés grimaçants d’elfes de Maison. Comme l’été battait son plein, il fallu qu’Anton agite sa baguette d’un sort pour y faire les quelques flammes qui consumeraient la poudre de cheminette et leur permettrait de rentrer chez eux.

Il y a peu, Tom était venu annoncer la grossesse de Nora (et non la sienne…) à ses parents et comme toujours, sa mère avait décréter qu’il faudrait faire un repas de famille pour fêter ça. Depuis le temps qu’ils attendaient leur petit-fils avec la bave aux lèvres, Tom n’avait pas pu refuser. Et comme les Lannister ne faisaient jamais rien à moitié lorsqu’il s’agissait du faste, elle avait bien entendu invité une bonne portion de la famille proche.

Lisa était retournée chez elle un peu avant 22 heures, lorsque Colin était tombé endormit dans l’une des causeuses en velours rouge, puis ses parents avaient profités du départ et s’étaient éclipsés également, puis les siens avaient fait de même et étaient partis se coucher. Et une fois Rogan partis, ils avaient sortis les bouteilles de whisky pur feu, d’hydromel et de rhum pour trinquer au futur héritier Macnair à naître, et pouvoir le faire comme ils l’entendaient. Un peu avant minuit, tous les plus âgés étaient partis, et un peu plus tard encore, Maddox, Maelen, Nolhan et Alexianne s’étaient retirés à l’étage pour continuer entre jeunes. Tom avait bien vu Maelen subtiliser une bouteille de cidre mais ne lui avait fait aucune remarque. C’était l’été après tout, mieux valait qu’ils s’amusent, et un Macnair ne s’amusait jamais autant qu’avec 1 gramme dans le sang. Brooke n’allait pas dire le contraire…

Au final, la seule à n’pas avoir mit les pieds à ce dîner, c’était la femme enceinte elle-même. Ils avaient prétextés qu’elle ne se sentait pas très bien, mais tout l’monde savait qu’elle boycottait les repas de famille Macnairien depuis belle lurette. En même temps, ils l’avaient cherchés… Tom aurait aimé qu’elle soit là pourtant, mais d’un autre côté il n’était pas mécontent de pouvoir se retrouver enfin seul avec Astra. Car c’était la dernière encore debout mis à part lui après toute une journée de réunion de famille et une soirée arrosée. Hors avec leur famille, cela pouvait s’avérer éprouvant.

Quoi qu’il en soit, il attendait le tête-à-tête depuis un moment. Les occasions étaient rares. Ils se voyaient de temps en temps pour ce genre de sauterie, mais se retrouvaient presque systématiquement accompagnés d’autres Macnair et le sujet qu’il avait à aborder avec elle nécessitait qu’ils soient seuls.

Une fois devant l’âtre crépitant, il plaça lui-même un peu de poudre entre les doigts parfaitement manucuré de sa sœur qui se tourna une dernière fois vers lui pour lui réclamer un baiser. Elle déposa rapidement ses lèvres écarlates contre les siennes avant de lui adresser un sourire béat puis d’agité le bras en direction du divan où se trouvait Astra.

« Bisous bisous Astra chérie ! » ceci dit avant de balancer la poudre dans le feu et de s’y placer en claudiquant pour articuler leur adresse.

Tom fut presque soulagé de la voir disparaitre dans la cheminée et après une poignée de main avec Anton, celui-ci disparu à son tour. Cela fait, Tom éteignit le feu avec un sort et se tourna d’un bloc vers sa jeune cousine, les yeux ronds avant de les lever au ciel.

« L’hydromel à toujours un effet bizarre sur elle, ça la rend presque charmante. Je crois que je la préfère encore le reste du temps ! » soupira-t-il de soulagement en essuyant une trace de rouge à lèvre qu’elle avait fait lors d’un précédent baiser goulu sur la joue.

Astra avait eut droit au sien aussi.
Thomas retraversa d’ailleurs l’immense salon en sens inverse pour la rejoindre près de l’imposante fenêtre qui donnait sur la plage en bas de la falaise, la mer qui s’étendait au-delà, et l’horizon drapé de nuit. Comme le ciel ici se teintait toujours d’une averse ou d’un orage, on n’y distinguait jamais les étoiles, et c’était les vagues et les éclairs qui se chargeaient de scintiller en perçant la pénombre nocturne.

Récupérant son verre de rhum, Tom alla s’adosser au mur de pierre, tout au bord de la fenêtre, juste à côté d’une tête de triton empaillée. Il lui lança d’ailleurs une œillade un peu circonspecte, que le triton lui rendit, l’œil torve, avant de changer d’avis et d’aller s’installer à côté de sa cousine, dans le large canapé à pied de lion en or massif qui faisait face à la fenêtre.

« Bon ! Alors comme ça tu te mélange la baguette magique avec un basique ? » s’enquit Thomas en imitant la voix de Brooke et en esquissant un petit air so chocking.

Autant trancher dans le vif du sujet sans attendre, non ?

Thomas ne fut pas du tout vexé qu’Astra l’envoie sur les roses. Lui-même avait envie de s’envoyer sur les roses en s’écoutant parler, et à l’âge qu’avait sa cousine, si quelqu’un était venu lui casser les pieds avec ce genre de discours il aurait explosé d’un caprice et aurait été fricoter avec une sang-de-bourbe, juste par provocation. Du moins il y aurait vivement pensé ! Heureusement pour lui, Astra était un tout petit peu plus pondérée que ça et se contentait de le remettre sommairement à sa place et de lui jeter un regard en biais qu’il trouva presque attendrissant. Elle lui confirma ensuite qu’il s’agissait bien de Brights et son léger sourire s’éclipsa. C’était dommage qu’il s’agisse effectivement de lui. Thomas aurait largement préféré se tromper et arrivait encore à se dire que peut-être, éventuellement, il pouvait s’agir d’un autre Elie Brights médicomage d’une 20ène d’année… Unlikely.

La question qui s’en suivit était prévisible, et pour dire vrai, Tom n’avait pas vraiment prévu de mensonge tout fait à fournir et s’apercevait seulement maintenant qu’il allait pourtant devoir en pondre un, et rapidement si possible.

Il se donna donc le temps de quelques gorgées d’alcool et d’un petit coup d’œil vers la mer avant de répondre :

« Non. Pas vraiment. De nom seulement. L’ami d’un ami d’un ami qui travail à Sainte Mangouste, tu sais comment ça va » résuma-t-il succinctement.

Il n’allait tout de même pas lui répondre ‘Eh bien oui figure-toi chère cousin, le soir où j’ai aidé l’Ordre du Phénix à faire exploser le Manoir de Kark, il était là lui aussi !’. Car s’il entendait dévoiler les petits secrets de ce garçon, il convenait de garder les siens intactes, du moins, aussi longtemps que possible. Si jamais elle en parlait à son Elie, celui-ci vendrait assurément la mèche à son propos aussi, du moins s’il l’avait reconnu. Une délation pour une autre après tout.

Cela dit, si jamais Astra était un réel argument pour lui, si jamais les deux étaient vraiment proches, liés, alors il avait un argument de poids tout fait. Simplement, si jamais il avait dans l’idée de le dénoncer en tant que Phénix, il menacerait de révéler à Rogan à quelle faction il appartenait vraiment, ce qui aurait des retombées désastreuses sur la petite vie tranquille de sa cousine. Ne restait plus qu’à espérer qu’ils soient réellement très proches et que l’argument suffirait, car en vérité il ne comptait pas vraiment mettre sa cousine dans l’embarra vis-à-vis de son père et de ses propres parents… du moins il priait pour ne pas avoir à en arriver là, mais ils n’y étaient pas encore et en attendant, elle devait savoir avec qui elle fricotait. Il préférait prendre le risque plutôt que de savoir qu’elle-même en prenait sans en être consciente.

« Je sais que tu ne t’intéresse pas plus que cela à la politique mais … les troubles actuels touchent tout le monde et, ton ami, Brights ? Eh bien d’après ce que j’ai compris lui, il s’y intéresse de tout près »

Assez pour lancer un endoloris à Ethan…
Enfin bref, inutile de tourner mille ans autour du pot. D’un raclement de gorge, il reprit :

« Est-ce que tu sais à quelle faction il appartient ? Parce que moi je le sais »

Oh ça oui qu’il était sûr de ce qu’il disait, son Elie Brights était pour l’Ombre, il en aurait mit sa main dans la gueule d’un dragon. Il se repassait en boucle les évènements survenus dans le Manoir de Kark et ses souvenirs ne laissaient pas de place possible au doute. Pourtant Tom trouvait tout de même le moyen d’en éprouver car, à la manière dont en parlait sa cousine, c’était un garçon intègre qu’elle connaissait. Plus que dans ses mots, c’était dans le ton qu’elle prenait, les intonations qu’elle donnait à sa voix et ses expressions, sa manière de l’observer. Elle était surprise tout d’abord, incrédule aussi, peut-être sur la défensive également, car le garçon qu’elle connaissait n’était pas celui qu’il décrivait.

C’était l’effet que ça lui faisait aussi, comme s’ils parlaient de deux personnes différentes. Alors qu’il n’en n’était rien et qu’il le savait pertinemment car il en connaissait un rayon sur la double vie que pouvait mener les gens parfois. Lui-même était un vrai spécialiste en la matière. Il y avait Thomas Macnair, l’héritier de la famille Macnair, le sang-pur oisif et original qui ne se souciait que de ses bestioles et guère de politique, et il y avait Tom, Phénix et révolutionnaire dans l’âme et jusqu’au bout de la baguette. Elie devait être fait de cette même dualité. Les temps actuels ne laissaient guère le choix de toute façon.

« Et toi, est-ce que tu es sûre de c’que tu dis ? Après tout je ne t’ai pas explicitement précisé que je parlais des Ombres. Je t’ai simplement laissé entendre qu’il appartenait à une autre faction que la nôtre »

Et par ‘la nôtre’, il parlait bien entendu des Héritiers, car pour elle, pour toute sa famille, mises à part quelques exceptions, c’était une évidence même. Les Macnairs ne pouvaient être autre chose que des Héritiers et les seuls traitres connus étaient Preston, le frère cadet de Rogan, sa femme et son fils Duncan, qui avaient rejoints l’Ombre à la mort du Lord.

« Pourtant tu en as directement déduit que je parlais des Ombres, et en cela tu as raison. Mais ça veut dire qu’au fond peut-être… tu devais avoir ne serait-ce que quelques doutes sur son allégeance… tu n’es pas d’accord ? »

Pour quelle autre raison aurait-il été plus logique d’associer un sang basique à l’Ombre plutôt qu’à l’Ordre ? Ce qui était totalement illogique d’ailleurs. Qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez ce garçon ? En tant que sang prétendument inférieur, pourquoi ne pas mettre sa hargne et son envie d’en découdre au service des Phénix qui prônaient l’égalité pour tous ? Il avait beau essayé de se mettre à sa place, il n’arrivait pas à comprendre. Il avait de toute façon toujours eu du mal à se mettre à la place des basiques. Il avait passé sa vie à essayer pourtant, par pure contradiction avec son père. Sauf qu’il était un sang-pur, ça, c’était encré, ni plus ni moins. Et depuis un moment maintenant, il avait arrêté d’essayé de le renier. C’était idiot d’essayer d’être ce qu’on n’était pas. Il voulait l’égalité pour tous et il le voulait en tant que sang-pur, point.

« Désolé mais je suis certain de ce que j'avance Astra. Assez même que pour t'affirmer qu'entre deux enfants nés-moldus à soigner il balance des Endoloris sur des Phénix... »

L’espace de quelques instants, une petite moue interloquée vint se grimer sur le visage expressif de Thomas. Comment ça, un caprice ?... Il ne fallait pas qu’il ait l’air de le prendre pour lui, même si évidemment, c’était tout à fait le cas. Comment ça un ‘caprice’ ?! D’un petit haussement d’épaule détendu, il vint allonger un bras sur le dossier du divan où il était installé avec sa cousine, l’air de dire « Oh ? Ah bon, tu trouve ? Peut-être… ». En réalité, il venait quand même de le prendre dans les gencives. Le fait que sa toute jeune et gentille cousine Astra elle-même pense que faire partie de l’Ordre du Phénix lorsqu’on était un Macnair tenait plutôt du caprice, c’était un peu… vexant ? Pas vraiment, plutôt dérangeant, presque un peu gênant. Réducteur en tout cas. Mais ce n’était gênant que parce qu’en fait, c’était un peu vrai. Du moins au début !! Il avait fait ‘partie de l’Ordre’ avant même que celui-ci ne soit réellement remit sur pied par William, mais plutôt d’un point de vue philosophique, qui n’avait été motivé que par pure contradiction paternelle. Avec le recule et les années il avait réussit à se l’avouer, alors se l’entendre sortir d’un ton aussi plat par quelqu’un d’aussi jeune, il n’y avait pas d’autres mots : c’était réducteur.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, le caprice était bien loin, et son allégeance aux Phénix plus sincère que jamais. C’était juste l’éternel adolescent bourgeois un rien machiste et vaniteux qui vivait en lui qui voyait son égo se prendre un soufflet dans la face. Mais il survivrait ! Et de toute façon la question n’était pas là. Il délaissa ce genre de pensée au profit de la conversation qui reprenait.

Thomas ignorait si elle le prenait enfin au sérieux ou si elle continuait de se voiler la face, mais vraisemblablement l’idée que son très cher Elie appartienne à l’Ombre faisait doucement son chemin sous ses cheveux auburn. Il notait tout de même qu’après s’être défendu de la moindre relation amoureuse avec ce garçon, elle parlait de le faire changer de camp par amour, ce qui en soit, était une vraie contradiction du plus pure style Macnairien. Les Macnair n’étaient jamais les plus doué à ce petit jeu. Trop fiers, et trop désenchantés peut-être ? Trop guindés, ça c’était certains.

« Le faire changer de camp ? Par Morgane surtout pas, évite d’ailleurs de lui parler de politique si tu y arrive » répliqua Tom, l’œil un peu rond « Vous êtes amis d’accord, mais on n’sait jamais comment peut réagir quelqu’un qui a des choses à cacher »

Et si jamais Astra confrontait Brights et que celui-ci n’avait d’autre réponse que la violence ? Thomas s’en serait voulu à mort de déclencher ce genre d’éclat.

« Je ne te parle pas de tout ça en espérant que tu le ramène dans le droit chemin. Il n’y a pas de droit chemin de toute façon, seulement des avis et des méthodes qui divergent. Non, je te parle de ça pour que tu te protège, uniquement. Pour que tu sache où tu mets les pieds avec ce garçon et pour que tu reste vigilante et prudente. J’ai du dire au revoir à pas mal d’ami depuis que la guerre civile à commencée, on doit tous passer par là. Je sais que c’est difficile mais, … tu devrais arrêter de le voir. Prendre tes distances, tout du moins » conseilla Tom avec sérieux.

Il se fichait bien du camp choisi par ce gamin insignifiant. Juste un petit basique amer et très jeune qui s’était égaré en court de route. C’était un peu triste et en même temps, on n’pouvait pas sauver tout l’monde et la famille passait d’abord, quoi qu’il en soit. Il ne connaissait pas ses motivations, se fichait qu’elles soient bonnes ou pas, tout ce qui lui importait c’était qu’il n’entraine pas sa cousine dans sa petite révolte et qu’il ne lui attire aucun ennuis au sein des Macnairs. Pour ça, le mieux était qu’elle prenne ses distances avec lui. Encore fallait-il qu’elle s’y fasse…